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Un mode d’emploi de la foi en Christ

(Jean 1:29-41)

(écouter, écouter le culte, imprimer la feuille)

Le dimanche 12 mars 2023
culte eu temple de Vandœuvres
prédication du pasteur Marc Pernot

« C’est à voir » dit-on parfois. C’est une façon de ne pas rejeter tout de suite une proposition tout en ayant des réserves quant à la justesse de ce que l’on nous propose, une volonté de chercher à expérimenter par soi-même ce que cela vaut. C’est sur ce mode que Jean l’Évangéliste commence son témoignage. Dans un premier temps, à travers ses 18 premiers versets, il nous offre une vision tellement élevée qu’elle vaut à Jean d’être comparé à un aigle. Puis il commence son récit avec ce questionnement, cette réserve de tout le monde quant à Jésus : tous sont dans un « c’est à voir » : les Pharisiens, Jean le Baptiste et ses disciples.

Jean-Baptiste répète qu’il ne connaissait pas le Christ. Mais que ce qui l’a décidé c’est ce qu’« il voit » nous dit et répète le texte : il voit l’Esprit descendre sur lui, il voit Jésus venir à lui, il voit Jésus passer. Ensuite ses deux disciples sont appelés, à leur tour à « aller voir » par eux-mêmes, ce qui sera décisif pour eux. Les Pharisiens, par contrent ne voient pas de quoi il retourne.

Ce « c’est à voir » rythme donc ce premier récit, et c’est sympa de la part de cet Évangile : il se met au pas des hommes et des femmes que nous sommes et qui avançons à tâtons. Dans sa confiance que l’Évangile fait vivre, il en appelle à notre propre expérience. C’est ce qui fait la différence avec une pure idéologie, une pure utopie, un idéalisme. L’Évangile propose une vision élevée comme celle de l’aigle, certes, et ensuite il nous propose d’essayer par nous-même, « pour voir » ce que cela donne en pratique dans notre vie.

C’est ce qui fait aussi la différence avec des méthodes comme la méditation, le jeûne, ou la pensée positive, par exemple. C’est vrai que l’Évangile est concret, il est à vivre, il fait du bien mais ce n’est pas seulement une méthode : c’est une façon d’être qui est une libre incarnation d’une vision dans notre être et dans notre vie, et plus qu’une vision, un souffle.

Il y a un sain et solide pragmatisme dans ce commencement d’Évangile. Il nous proposé d’abord d’entendre, puis de voir par nous-même. Effectivement : entendre cette vision immense et en voir les traces dans notre monde et en nous, la reconnaître quand elle s’incarne, et en vivre.

 

A) Reconnaître le Christ

Le premier point est de reconnaître le Christ, ou plutôt pour nous aujourd’hui : reconnaître ce qui est de l’ordre du Christ dans notre monde. C’est ce que nous apprend d’abord Jean-Baptiste. Je lis dans ce texte un petit mode d’emploi en trois points pour faire cela :

1) Ne pas tenir le Christ pour connu

Et donc nous laisser surprendre, et pour cela sans cesse chercher, s’interroger, découvrir. Ce point d’attention nous permet de nous rendre compte quand nous sommes pris par une idéologie ou une simple méthode : c’est quand plus rien ne vient questionner notre grille de lecture. Au contraire, le Christ, ou ce qui est source de salut, est à l’image de Dieu : créateur et donc nous étonnant encore d’une hauteur et d’une profondeur qui nous étaient inconnues.

2) Regarder par l’Esprit

Donc, bienvenue à l’inattendu. Seulement, tout ce qui est nouveau n’est pas bon. Comment reconnaître le salut qui vient de Dieu dans ce qui se présente ? Jean nous dit que c’est à cela que nous reconnaissons le Christ : c’est quand nous voyons l’Esprit descendre sur lui très concrètement. J’y vois un appel à observer et à être à l’écoute d’une résonnance en nous-même, sentir quand ce que je vois est créateur de vie. C’est à cela qu’il est utile à la fois de faire de la théologie, comme Jean dans son introduction, puis d’être dans l’observation, pour reconnaître quand cela s’incarne, aussi peu que ce soit. Partout, cela est utile : dans une rencontre, ou en lisant un livre, en discutant, en écoutant les nouvelles, en regardant ses enfants...

Jean-Baptiste sait voir « l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et s’arrêter sur lui ». Or, cet Esprit est une part constitutive de chaque personne, nous dit la Genèse(2 :7). Saurons-nous reconnaître quelque chose du Christ dans la personne avec qui nous avons affaire ? Saurons nous discerner en nous-mêmes cet être que Dieu bénit, ce frémissement de source de salut qui déjà peut nous permettre de redresser la tête, de ressusciter, et d’aider parfois une personne à avancer ?

C’est ce qui arrive quand notre « c’est à voir » a vraiment vu et discerné, et en a été mis en mouvement.

3) Le Christ vient, il passe, il va

Par deux fois, Jean-Baptiste remarque que Jésus est en mouvement et il reconnaît à cela qu’il est le Christ. Jésus passe et repasse comme la grâce de Dieu qui jamais ne se lasse de venir nous rendre plus vivant encore.

Cela nous invite à voir, à sentir très concrètement, à reconnaître quand un mouvement est un bon mouvement qui vient de l’Esprit de Dieu, quand il porte un salut pour le monde (et pour nous-même). Cela nous invite à reconnaître le Christ en Jésus, mais aussi ce qui est de l’ordre du Christ dans telle ou telle personne que nous côtoyons concrètement.

 

B) Choisir le Christ, s’en nourrir

Voilà donc trois indices pour nous aider à reconnaître ce qui est de l’ordre du Christ en ce monde, vivant pour faire vivre. Dans la mesure où nous avons trouvé, qu’en faire ? Le second point est de choisir le Christ, et en bénéficier concrètement. Notre texte me semble proposer deux usages, deux rapports avec le Christ pour qu’il nous apporte quelque chose, concrètement.

Le premier n’est pas si évident à entendre dans nos traductions :

1) Christ est fait pour que nous l’épousions

Jean-Baptiste nous dit et répète que Christ est « un homme qui vient après lui et qui l’a précédé ». Cela semble paradoxal, mais nous pouvons le comprendre puisque le Christ incarne une espérance de Dieu qui date depuis les origines. Seulement, le mot grec pour dire « homme » dans cette phrase n’est pas anthropos (ἄνθρωπος l’humain au sens général) mais ce mot est aner (ἀνήρ) qui évoque l’homme au sens de l’époux. Cela nous propose de faire alliance avec le Christ par choix personnel, que nous nous lions à lui par amour pour vivre avec lui dans les actes de la vie quotidienne. Cela aussi est très concret, comme un idéal qui vient s’incarner dans notre existence. Marcher avec lui, ajuster nos pas. Jésus n’est pas un austère ermite du désert comme Jean-Baptiste, il fait bon vivre avec Christ, que ce soit dans la pauvreté en mettant en commun le peu que l’on a et qui se multiplie alors, ou que ce soit dans l’abondance des repas et des grillades au bord du lac qui jalonnent les Évangiles.

Ce qui nous amène à une seconde façon de vivre du Christ :

2) Le Christ est offert pour que nous le mangions.

L’agneau de Dieu, l’agneau de la Pâque est la nourriture que les hébreux prennent afin d’avoir la force de vivre la libération donnée par Dieu, à travers mers et déserts jusqu’à la vie.

Présenter le Christ comme « l’Agneau de Dieu » est un point important du mode d’emploi. Le Christ est donné pour que nous le prenions et que nous le mangions.

Choisir le Christ n’est pas entrer dans un système qui viendrait nous enfermer dans un nouvel esclavage, avec des dogmes à croire, des ordres auxquels nous devrions nous soumettre. Au contraire, l’Évangile est à usage interne : il est à prendre en bouche, il est à mâcher tranquillement, il est à digérer pour nous l’approprier à notre façon, pour qu’il devienne une force nous permettant d’être plus et mieux nous-même. Un nous-même vivant et même apportant de la vie autour de lui, avec Dieu (voir la prédication de la semaine dernière).

 

C) Des fruits très concrets

Choisir le Christ, manger le Christ c’est ce que nous pouvons faire par l’étude, la méditation et la prière.

Cela apporte des fruits très concrets en terme de qualité d’être et de comportement, qui font vivre. Des exemples à espérer concrètement dans notre vie sont proposés dans ce texte, il suffit de voir comment le Christ est décrit, de quels verbes il est le sujet, afin de nous en nourrir. C’est ce que font les disciples, dès lors qu’ils ont entendu qu’il était l’agneau de Dieu.

1. Jésus « se tient parmi nous » (26), comme membre d’un corps, pas au dessus. C’est à méditer.

2. Jésus « vient »(30) et il « vient » (29) vers Jean. Les premiers disciples se sentent invités eux aussi à venir et à voir(39) de leurs propres yeux. C’est une invitation à se soucier de l’autre et à découvrir que l’autre a, lui aussi, quelque chose du salut à nous apporter. Cela va nourrir les deux disciples qui vont tout de suite, sans que Jésus le leur demande, aller vers tel frère, tel ami.

3. Jésus « passe »(36) : il chemine, évolue, ce qui va nourrir le cheminement de ces deux hommes.

4. Jésus « se retourne et voit »(38) les deux hommes : littéralement, Jésus se convertit : occupé à faire son propre chemin, il sait néanmoins s’arrêter et se convertir au souci de son prochain.

5. Jésus « leur parle »(38), et que leur dit-il ? Il leur donne de se questionner puis de faire leur propre expérience. Comme Socrate, Jésus aide chacun à accoucher d’un meilleur soi-même. Jésus les aide à se demander ce qu’ils cherchent, il marche avec eux et leur donne de voir de leurs propres yeux. L’Évangile est excellent par les questions qu’il nous propose de nous poser, et il nous donne le courage d’aller voir par nous-même.

6. Enfin, Jésus « demeure » (38), et ce verbe évoque une vie si solide et vraie qu’elle dépasse les limites de notre vie humaine.

Alors, nous dit le texte, vient un moment qui est « comme une dixième heure » (39). Cette précision est tellement incongrue qu’elle est nécessairement lourde de sens. Le nombre 10 évoque l’action juste comme dans le Décalogue et les 10 doigts de la main. Mais ici ce n’est pas une obligation qui invite à agir, cela nous vient comme un fruit spontané, dès lors que nos yeux ont vu, aussi peu que ce soit, le salut, la vie qui en nous demeure, et qui demeure éternellement.

Amen.

Voir la prédication de dimanche dernier sur le même texte.

Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.

Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot

Texte Biblique

Évangile selon Jean 1:29-41

Jean voit Jésus venir à lui et dit : Voici l'agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. 30C'est à son sujet que, moi, j'ai dit : Derrière moi vient un homme qui est passé devant moi, car, avant moi, il était ; 31moi-même, je ne le connaissais pas ; mais si je suis venu baptiser dans l'eau, c'est pour qu'il se manifeste à Israël. 32Jean rendit ce témoignage : J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui ; 33moi-même, je ne le connaissais pas ; c'est celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau qui m'a dit : Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est lui qui baptise dans l'Esprit saint. 34Moi-même, j'ai vu et j'ai témoigné que c'est lui le Fils de Dieu.

35 Le lendemain, Jean était de nouveau là, avec deux de ses disciples ;36il regarda Jésus qui passait et dit : Voici l'agneau de Dieu. 37Les deux disciples entendirent ces paroles et suivirent Jésus.

38 Jésus se retourna, vit qu'ils le suivaient et leur dit : Que cherchez vous ? Ils lui dirent : Rabbi — ce qui se traduit : Maître — où demeures-tu ? 39Il leur dit : Venez et vous verrez. Ils vinrent et virent où il demeurait ; ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là. C'était environ la dixième heure. 40André, frère de Simon Pierre, était l'un des deux qui avaient entendu les paroles de Jean et qui avaient suivi Jésus. 41Il trouva d'abord son propre frère Simon et lui dit : Nous avons trouvé le Messie — ce qui se traduit : Christ, et 42il le conduisit vers Jésus...