(écouter, écouter le culte, imprimer la feuille)
Le dimanche 5 mars 2023
culte eu temple de Saint Gervais
prédication du pasteur Marc Pernot
Être chrétien, ce n’est rien d’autre que croire que cet homme, Jésus, est « le Christ », c’est-à-dire l’agent d’un salut que Dieu espère apporter aux humains.
Ensuite, il y a de multiples façons de comprendre comme Jésus nous sauverait. Il y a en particulier deux grandes écoles bien différentes :
-La 1ère théorie affirme que l’œuvre de Jésus consiste à aider les humains à évoluer de façon positive. Que le péché n’empêche pas Dieu de l’espérer, au contraire : le péché a toujours été pour Dieu un appel à agir pour sauver, comme la maladie appelle le médecin à soigner et comme la faim appelle les parents à nourrir leur enfant.
-La 2nde théorie pense que l’œuvre que Jésus accomplit sur la croix consiste à changer Dieu. L’idée est que Dieu ne pouvait pas pardonner nos péchés tant qu’une punition n’aurait pas été infligée. Jésus aurait payé la note à notre place par ses souffrances et par sa mort, dans un sacrifice expiatoire, libérant Dieu pour aimer.
A l’appui de la 2nde théorie, certains théologiens ont relu cette histoire de serviteur souffrant du texte d’Ésaïe, et ce récit où Jean-Baptiste présente Jésus comme « l’agneau de Dieu qui ôte le péché du monde ».
Cette 2nde théorie me semble être un contresens, un triste, très triste contresens. En effet, cette théorie suppose qu’il serait juste qu’un innocent paye pour les coupables ! Cette théorie réhabilite le concept de dieux ayant soif de sacrifice humain, de sang et de souffrance. Notion épouvantable contre laquelle la Bible lutte depuis toujours en s’opposant au culte du dieu Baal.
La 1ère théorie pour comprendre comment le Christ nous sauve me semble bien plus fidèle aux textes, et plus intéressante au point de vue théologique, spirituel et éthique : le Dieu que manifeste Jésus-Christ n’a aucun goût pour la souffrance de personne, au contraire, il a toujours agi pour soulager, pour soigner et pour faire vivre. Quelques versets plus haut dans cet Évangile selon Jean(1:17), il nous est dit que Jésus-Christ nous a fait connaître la grâce de Dieu : son salut étant gratuit, il n’a besoin d’aucun sacrifice ni de quoi que ce soit pour pardonner. Sa justice n’est pas une comptabilité des mérites et des fautes comme dans la religion égyptienne où Dieu pèse les âmes. La justice de Dieu manifestée en Christ est d’aller chercher encore et encore la brebis perdue, relever la femme adultère, prier pour les soldats romains qui le crucifient : d’aimer même ses ennemis.
Les valeurs que Jésus propose ne consistent pas à punir le coupable, encore moins à punir l’innocent à la place des coupables. Ses valeurs consistent à s’intéresser au pécheur pour l’aider à aller mieux, à progresser, et à vivre en faisant du bien autour de lui. C’est ce que Dieu fait, c’est ce que Jésus fait lui-même et nous invite à faire.
Comment donc lire cette page d’Ésaïe 53 que l’on a parfois présentée comme soutenant l’idée du sacrifice de Jésus obtenant le pardon de Dieu pour nous (dans la logique du culte de Baal où les bénédictions de dieu devraient être obtenues par des sacrifices humains) ?
Il faut replacer ce chapitre 53 dans son contexte : il est au cœur d’une magnifique partie de l’œuvre d’Ésaïe que l’on appelle « le livre de la consolation d’Israël » qui commence au chapitre 40 avec ce célèbre cri de l’Éternel « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. Parlez au cœur de Jérusalem et criez-lui que son combat est terminé, qu'elle est graciée de sa faute, qu'elle a reçu de la main de l'Éternel au double de tous ses péchés. Une voix crie dans le désert : Ouvrez le chemin de l'Éternel, nivelez dans la terre aride une route pour notre Dieu. »
Ce qu’annonce ce livre de la consolation d’Ésaïe, c'est donc, déjà, la grâce de Dieu. Dieu qui pardonne aux coupables, et même qui ajoute grâce sur grâce : un secours en plus du pardon des péchés, non pas à cause de sacrifices humains mais tout simplement parce que Dieu aime son peuple, ses enfants. Ce qui est en question dans ces chapitres d’Ésaïe c’est de « consoler », ce qui signifie en hébreu deux choses complémentaire : apaiser, comme en français, et en plus transformer. Ésaïe apporte la paix en disant au lecteur qu’il fait partie du peuple bien aimé, choisi par Dieu, qu’il nous connaît par notre nom, qu’il nous pardonne parce qu’il nous aime. Et 2ment : Dieu nous « console » en nous aidant à progresser, jusqu’à être nous-même source de consolation autour de nous, à l’image de Dieu.
Quel est donc le « serviteur de Dieu » dont parle Ésaïe dans ce livre de la consolation ? C’est dit comme un refrain dans ce long poème avec de cri de Dieu appelant avec affection son peuple « Toi, Israël, mon serviteur, toi Jacob, que j’ai choisi, enfant d’Abraham que j’ai aimé ! » (41:8, 44:1, 44:2, 44:21, 45:4, 48:20, 49:3). Le serviteur, dans ce livre de la consolation, c’est le peuple entier, c’est vous et c’est moi, c’est nous tous ensemble, avec cette vocation d’être une ouverture pour Dieu dans une humanité pécheresse, violente, injuste et cruelle. Le chapitre 53 assume le fait que ce n’est pas facile d’être ce serviteur : Dieu aide Israël à ne pas se décourager dans son service malgré la violence qui redouble contre le serviteur innocent. Hélas, ô combien le peuple juif a été injustement frappé à cause de sa foi, et hélas : les chrétiens sont aujourd’hui les plus persécutés dans le monde à cause de leur foi. Comment réagir ? En ne se laissant pas contaminer par la violence et l’injustice, nous dit Ésaïe dans ce chapitre. Tel est le serviteur de Dieu. Ce chapitre 53 exprime donc tout le contraire d’une théologie d’un Dieu qui se satisferait de la souffrance et de la mort d’un innocent amené à la boucherie. Le Dieu d’Ésaïe pleure sur toute souffrance, et encore plus sur la souffrance de l’innocent injustement frappé. Il ne s’en satisfait pas, bien sûr. Il nous aide à tenir bon, par sa consolation, son Esprit.
C’est bien en réponse à l’appel de ce Dieu de consolation que Jean baptiste crie dans le désert pour préparer cette extraordinaire étape qu’est la manifestation du Christ, apportant le salut de Dieu, apportant cette consolation qui est à la fois une paix qui nous est donnée, et une force qui nous anime.
À deux reprises Jean-Baptiste présente Jésus en disant « Voici l’agneau de Dieu »(1:29, 36) Qu’est-ce que cela peut vouloir dire ? Le plus évident dans la culture de l’époque, c’est une référence à l’agneau de la Pâque juive instituée par la bouche de Moïse (Exode 12) car c’était fêté chaque année dans toutes les familles et cette histoire était relue afin de rappeler que Dieu est encore aujourd’hui un Dieu qui nous sauve. Que son salut est comme une libération, une mise en route vers la vie. Ensuite, ce lien entre la Pâque juive et le salut apporté en Christ est majeur dans les évangiles, et particulièrement dans l’Évangile selon Jean, dès le début (1:17) au milieu quand il est question du pain de vie comparé à la manne de Moïse(6:48-49) et jusqu’à la mort de Jésus à Pâque (19:14,31,36, 42).
L’agneau pascal n’était pas offert en holocauste pour acheter le pardon de Dieu, bien sûr. Il vient au contraire symboliser ce que Dieu apporte pour libérer son peuple qui a grand besoin d’aide pour s’en sortir, c’est pourquoi il est juste de l’appeler « agneau de Dieu ». Le récit de l’Exode nous dit plusieurs choses sur cet agneau :
1) L’agneau est partagé en famille et avec les voisins démunis. Cela nous rappelle que c’est ensemble que nous nous en sortirons. Et effectivement la page de l’Évangile que nous lisons montre que les disciples ont spontanément le désir de passer la nouvelle à leurs proches et leurs amis qu’ils ont « trouvé le messie ».
2) Ensuite, le sang de l’agneau était mis sur les montants de la porte de la maison. C’était un signe de purification : l’Esprit, le souffle de Dieu venant pour éliminer tout ce qui nous opprime, tout ce qui nous empêche d’avancer, et protégeant avec grand soin notre personne, notre personnalité aimée par Dieu, notre vie. C’est infiniment plus que du pardon : c’est un soin afin d’éliminer la racine du péché en nous. C’est un discernement séparant en nous-même ce qui est vivant de ce qui nous empêche de vivre. Bien sûr que Dieu nous pardonne puisqu’il nous aime, mais le pardon ne suffit pas : c’est comme si le médecin accueillait le malade en lui disant : je te pardonne de ta fièvre, tu peux rentrer chez toi. Ça ne l’aiderait pas, ce dont il a besoin c’est d’un soin qui traite la racine du mal, une infection, par exemple, afin qu’il soit dans la meilleure forme possible. Cela nous ouvre une sacrée belle porte sur la vie et sur ce monde d’être ainsi soigné par Dieu. Et de se savoir aimé.
3) Enfin, et c’est la partie la plus joyeuse : l’agneau de Dieu était mangé au cours d’une fête, avec du pain sans levain. Jésus est donc l’agneau de Dieu et le pain de vie, nous dit Jean. Il est le sandwich tout entier qui nous est donné à tous afin que nous ayons la force de nous mettre en route sur le chemin de la vie. Cette image d’agneau et de pain nous donne le mode d’emploi de l’Évangile du Christ : il est à manger. Ce n’est pas un système qui vient nous enfermer dans un nouvel esclavage, avec des dogmes à croire, des ordres auxquels nous devrions nous soumettre. Au contraire, l’Évangile est à usage interne : il est à prendre en bouche, il est à mâcher tranquillement, il est à digérer pour nous l’approprier à notre façon, pour qu’il devienne une force nous permettant d’être plus et mieux nous-même. Un nous-même vivant et capable d’avancer d’une belle façon, avec Dieu.
Tel est ce baptême de l’Agneau de Dieu : il est l’Esprit de Dieu nous donnant un cœur pour aimer notre prochain, il est un souffle qui nous libère de ce qui ne va pas en nous, et il nourrit le meilleur de nous-même. L’agneau élimine notre péché comme source de maux, et notre péché comme manque de force.
Que Dieu nous donne ainsi la vie, la vie en abondance. Amen.
Voir la prédication du dimanche suivant sur le même texte.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot
1 Qui a cru ce qui nous était annoncé ? Le bras de l’Éternel, pour qui s'est-il dévoilé ?
2 Il s'est élevé devant lui comme un rejeton, comme une racine qui sort d'une terre assoiffée ; il n'avait ni apparence, ni éclat pour que nous le regardions, et son aspect n'avait rien pour nous attirer. 3 Méprisé et abandonné des hommes, homme de douleur et habitué à la souffrance, semblable à celui de qui on se détourne, il était méprisé, nous ne l'avons pas estimé. 4En fait, ce sont nos souffrances qu'il a portées, c'est de nos douleurs qu'il s'était chargé ; et nous, nous le pensions atteint d'un fléau, frappé par Dieu et affligé. 5Or il était transpercé à cause de nos transgressions, écrasé à cause de nos fautes ; la correction qui nous vaut la paix est tombée sur lui, et c'est par ses meurtrissures que nous avons été guéris. 6Nous étions tous errants comme du petit bétail, chacun suivait sa propre voie ; et l’Éternel a fait venir sur lui notre faute à tous. 7Maltraité, affligé, il n'a pas ouvert la bouche ; semblable au mouton qu'on mène à l'abattoir, à une brebis muette devant ceux qui la tondent, il n'a pas ouvert la bouche.
[Jean a baptisé Jésus] 29Le lendemain, il voit Jésus venir à lui et dit : Voici l'agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. 30C'est à son sujet que, moi, j'ai dit : Derrière moi vient un homme qui est passé devant moi, car, avant moi, il était ; 31 moi-même, je ne le connaissais pas ; mais si je suis venu baptiser dans l'eau, c'est pour qu'il se manifeste à Israël. 32Jean rendit ce témoignage : J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui ; 33moi-même, je ne le connaissais pas ; c'est celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau qui m'a dit : Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est lui qui baptise dans l'Esprit saint. 34Moi-même, j'ai vu et j'ai témoigné que c'est lui le Fils de Dieu. 35Le lendemain, Jean était de nouveau là, avec deux de ses disciples ; 36il regarda Jésus qui passait et dit : Voici l'agneau de Dieu. 37Les deux disciples entendirent ces paroles et suivirent Jésus. 38Jésus se retourna, vit qu'ils le suivaient et leur dit : Que cherchez vous ? Ils lui dirent : Rabbi — ce qui se traduit : Maître — où demeures-tu ? 39Il leur dit : Venez et vous verrez. Ils vinrent et virent où il demeurait ; ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là. C'était environ la 10e heure.