signature marcpernot.net

Voyant Jésus passer, il dit : « voici l’agneau de Dieu ! »

(Jean 1:29-42)

(écouter, culte en entier, imprimer)

Genève - Jeudi Saint 2019
À la chapelle de Champel - Genève
prédication du pasteur Marc Pernot

À deux reprises Jean-Baptiste passe le relai à Jésus en disant «Voici l’agneau de Dieu »(1:36) et même «Voici l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (1:29). Cela suffit pour qu’André et une personne anonyme se mettent à suivre Jésus (quand il y a une personne anonyme dans les évangiles, c’est comme une place pour le lecteur et lui demander : et toi, que feras-tu ?)

« Voici l’agneau de Dieu » Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire dans la culture de l’époque ? Plusieurs choses, si l’on mène une enquête à la fois dans l’Évangile selon Jean et dans les citations qu’il fait de la Bible.

D’abord qu’évoque un agneau dans la culture juive de l’époque ? Cela évoque un délicieux repas en famille. En effet, l’agneau était un animal de boucherie. Pour les sacrifices religieux c’étaient des bœufs, des chèvres ou des pigeons qui étaient sacrifiés, jamais un mouton (Lévitique 4). Cela rend impossible cette interprétation aberrante selon laquelle Jésus aurait été offert en sacrifice pour satisfaire la justice de Dieu. Cette idée est de toute façon épouvantable et impossible au sens théologique et au sens éthique. Passons donc.

La 1ère façon d’entendre ce « voici l’agneau de Dieu » qualifiant Jésus est d’y voir une allusion à un passage du livre du prophète Ésaïe 53 qui annonce la venue d’un bien curieux Messie : non pas un puissant roi terrassant le mal sous toutes ses formes et dans le monde entier, mais Ésaïe présente le Messie comme un serviteur de Dieu plein de compassion pour ceux qui souffrent, les accompagnant et partageant leurs peines. Et du coup, ce serviteur de Dieu est traité comme un agneau à la boucherie à cause de nous, pour nous, avec nous. À l’appui de cette première façon de comprendre ces « voici l’agneau de Dieu » il y a le fait que les deux hommes que cela décide de suivre Jésus disent ensuite « nous avons trouvé le Messie » (Jean 1:42). Par ailleurs, un peu plus loin dans son évangile, Jean cite explicitement Ésaïe 53 pour expliquer le genre de salut que Dieu nous offre en Christ (Jean 12:38). Et c’est vrai que le type de salut que Jésus nous apporte est plus celui de la compassion et de l’accompagnement, au ras de la souffrance d’une personne individuelle qu’il croise par hasard, au plus proche de chacun de nous par l’Esprit. La vie entière de Jésus accomplit bien ce programme, en particulier sur la croix. Cette 1ère explication est donc assez probante

Il y a une 2nde façon d’entendre ce « voici l’agneau de Dieu » qualifiant Jésus, c’est d’y reconnaître l’agneau pascal qui est si important dans la principale fête juive et chrétienne de Pâque(s). Ce texte biblique était certainement encore plus connu de la population juive de l’époque que le texte du serviteur souffrant d’Ésaïe. Il y a aussi un solide argument à l’appui de cette 2 nde hypothèse de lecture : c’est qu’à la croix, Jean fait explicitement référence à Jésus comme agneau pascal quand il dit que pas un os de Jésus a été brisé et que cela accomplit les Écritures (Jn 19:36). Le texte que Jean cite alors est précisément ce texte du livre de l’Exode où il est question de manger l’agneau pascal (Exode 12:46). D’ailleurs Jean insiste pour dater la mort de Jésus « le jour de la préparation de la Pâque » (Jean 19:14,31,42) le jour où l’agneau pascal était abattu. Cette 2nde interprétation est donc non seulement possible mais manifeste.

Nous voilà donc avec deux bonnes façons de comprendre cette parole de Jean-Baptiste sur le Christ et sur ce qu’il est censé nous apporter. Comment choisir entre ces interprétations ? Faut-il choisir ? Je ne pense pas. En effet, quand deux lectures sont possibles dans la Bible c’est presque toujours afin de nous inviter à articuler les deux. C’est particulièrement le cas dans l’Évangile selon Jean.

La 1ère explication, avec le « serviteur souffrant » d’Ésaïe nous dit quel salut Dieu nous donne en Christ : un amour, une compassion, un accompagnement dans la détresse et l’angoisse, une paix que Dieu nous offre en lui. La 2nde explication, avec l’agneau mangé en famille pour la Pâque, nous donne le mode d’emploi de ce salut. Ce n’est pas quelque chose de magique qui s’impose à nous de l’extérieur. Il s’agit, comme dit dans le livre de l’Exode, de manger cet agneau en famille, qui à se cotiser pour que personne ne soit oublié. De puiser dans la manducation de l’Agneau une force afin d’être prêt à nous mettre en route le lendemain, et d’être libéré des griffes du pharaon. Manger le Christ, prendre ses paroles et la mémoire de ses gestes, les mâcher, les ruminer, les déconstruire pour mieux les assimiler et qu’elles nous donnent d’être vivant et libéré de l’esclavage du péché. Chaque jour est une Pâque, chaque dimanche est un banquet.

Les deux hommes entendent « voici l’agneau de Dieu » et se mettent en route. Déjà ils ont pris et assimilé quelque chose de cette façon d’être qu’a Jésus d’être en mouvement. Bientôt ils saisiront qu’il est le Christ, le salut de Dieu fait chair. Au delà de ce premier point essentiel qui consiste à vivre dans un cheminement, c’est tout une façon d’être, une théologie, ainsi que le sentiment d’une dignité radicale qui est à assimiler pour en vivre. Et c’est encore plus, car il n’est pas dit seulement que Jésus un agneau délicieux à manger, ou du bon pain, mais qu’il est « l’agneau de Dieu ». L’article définit évoque comme dans la 1ère interprétation le caractère absolument unique de Jésus pour notre salut à tous. Le complément « de Dieu », souligne que c’est quelque chose de Dieu lui-même, sa puissance de vie qui est à prendre en soi pour l’assimiler.

L’agneau pascal avait également un second usage : avec une branche d’hysope un peu de son sang était porté sur le linteau et les deux poteaux de la porte de la maison de sorte, nous dit l’Exode, que l’Éternel pourra frapper l’Égypte et protéger notre maison du destructeur (Exode 12:23).

Il y a ainsi un usage interne du Christ quand on le mange et l’assimile, et il y a l’action de Dieu pour nous soigner, éliminant ce qui nous démoli afin de ressusciter notre vie. Il y a le geste de gourmandise et de faim, ce geste de la foi qui consiste à prendre et à manger ce qui nous vient du Christ. Et il y a la tranquillité d’être dans la grâce de Dieu, en confiance dans le fait qu’il se charge de nous conserver et de nous libérer, de nous soigner.

Marquer les montants de sa porte du sang de l’agneau de Dieu : c’est tout simplement vivre avec cette confiance comme cadre, et pour cela ouvrir les yeux sur cette grâce en se levant, s’endormir en s’y reposant, garder cela comme linteau, comme ciel, pour oser franchir sa porte et vivre dans ce monde que Dieu a bien raison d’aimer.

Amen.

Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.

Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot

 

Lecture de la Bible

Jean 1:29-42

Jean-Baptiste vit Jésus venir à lui et dit : Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. 30 C'est celui dont j'ai dit : Après moi vient un homme qui m'a précédé, car il était avant moi ; 31 et moi, je ne le connaissais pas, mais, afin qu'il soit manifesté à Israël, je suis venu baptiser d'eau. 32 Jean rendit ce témoignage : J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui ; 33 et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser d'eau m'a dit : Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est lui qui baptise d'Esprit Saint. 34 Et moi, j'ai vu et j'ai rendu témoignage que c'est lui le Fils de Dieu.

Le lendemain, Jean était de nouveau là, avec deux de ses disciples ; 36il regarda Jésus qui marchait et dit : « Voici l'Agneau de Dieu. »

37 Les deux disciples l’entendirent parler et suivirent Jésus.

38 Jésus se retournant, vit qu'ils le suivaient et leur dit : « Que cherchez-vous ? »

Ils lui dirent : « Rabbi (c’est à dire Maître) où demeures-tu ? »

39 Il leur dit : « Venez et vous verrez. »

Il allèrent donc et virent où il demeurait. Ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là. L’heure était comme la dixième.

40 André, frère de Simon Pierre, était l'un des deux qui avaient entendu les paroles de Jean et qui avaient suivi Jésus. 41Il trouva d'abord son propre frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie (c’est à dire le Christ) » 42Il le conduisit vers Jésus.

(Cf. traduction NBS)