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Une théologie, une philosophie, une foi et une vocation

(dans les 3 versets du Psaume 131)

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11 février Culte au temple de Jussy
prédication du pasteur Marc Pernot

Ce psaume mérite d’être aussi connu que les plus connus des psaumes. Car en quelques phrases il nous offre tout ce qu’il faut pour avancer par la foi.

Tout cela en trois versets seulement qui disent l’Évangile. Un court psaume pour servir de base à un nouveau départ dans la foi et dans la vie. Un court psaume à emporter dans son cœur comme un viatique, comme ces abricots et cette gourde que l’on met dans son sac pour partir en montagne. Un psaume à méditer souvent, quand ça ne va pas et encore plus quand tout va assez bien dans notre vie. Un psaume auquel on peut revenir pour y trouver une clef d’interprétation des versets les plus improbables de l’Ancien et du Nouveau Testament, mais aussi pour se libérer de l’emprise de prophètes débitant des menaces...

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Une théologie

Dieu est ici un Dieu de pure grâce pour nous.

D’abord parce que, dès la première ligne, il est question de psaume de David, nom qui signifie « le bien aimé». Ce psaume nous est donné, ce psaume est donc notre psaume et nous sommes et nous serons toujours ce bien-aimé de Dieu dont il est question ici. Sans condition : comme David a reçu le nom de David, nous avons reçu d’être le bien-aimé de Dieu. Cela n’a rien de mystérieux, rien d’extravagant comme le montre l’image utilisée au deuxième verset : même une maman pigeon est ainsi pour son œuf ou son bébé pigeon, comment Dieu ne serait il pas plein d’amour et de prévenance pour nous ? Pas besoin pour cela d’inventer des conditions à l’amour de Dieu pour nous : la question n’est pas de mériter cela en ayant la bonne croyance, les bons rites, le bon parcours de vie, et Dieu n’a pas eu besoin pour nous aimer qu’un innocent paye sur la croix pour nos horribles péchés, ni que des personnes prient pour nous. Dieu nous aime comme une maman aime son bébé. Tout simplement.

Ensuite, il n’est pas seulement un Dieu qui nous aime. C’est un Dieu qui a de l’ambition pour nous et qui travaille à nous augmenter et à nous émanciper, nous dit ce psaume. Il le dit d’abord en appelant Dieu non pas « Élohim » (un Dieu dominant) mais YHWH, Yahouh, traduit par « l’Éternel » ou par « le Seigneur ». C’est Dieu comme source de l’être. Dieu qui cherche à nous augmenter comme une source coule : sans juger celui qui boit, c’est sa nature.

Ensuite, le deuxième verset nous dit que Dieu est comme une maman qui nous allaite tant qu’il faut et qui nous prépare pour le sevrage : il nous nourrit pour nous libérer, pour nous rendre autonome, afin que nous puissions nous-même vivre en dehors de lui avec nos propres choix, notre personnalité, choisissant quelles nourritures solides nous prendrons, devant les mâcher, les digérer, les assimiler plus ou moins à notre façon.

C’est ainsi que nous avons dans ces deux premiers versets une théologie fondamentale. Tout est dit. Si nous croisons ensuite un texte où Dieu semble massacrer des ennemis, ce ne sera bien sûr jamais pour massacrer quelque individu que ce soit, mais au contraire pour éliminer tout ce qui blesse, diminue ou aliène un de ses enfants : le désespoir, la peur, l’humiliation, la maladie, le découragement, la méchanceté, etc.

Ensuite l’église doit être le reflet de cette théologie, si tel prophète de malheur se mettait à nous menacer au nom de la justice de Dieu, nous pouvons nous souvenir de ce Psaume 131. Quelle est la « justice » dont fait preuve une maman pour son enfant ? sa justice ne sera jamais autre chose que de tout faire pour augmenter la vie à son enfant, maintenant et pour toujours. Bien sûr.

Une philosophie de l’humain

Ce Psaume nous montre ainsi Dieu créant l’humain. Et cela esquisse donc ici une philosophie.

Dès les premiers mots, il nous est dit que l’humain est un être dont le propre est de chanter et de s’élever. Il n’est pas une créature inerte. Chanter c’est se projeter vers l’extérieur d’une façon qui a du sens (à travers les paroles) et aussi de la beauté, de l’émotion (à travers la mélodie). L’humain est fait pour produire du sens et de la beauté dans la joie comme dans la peine. Il est comme une corde harmonique tendue entre terre et ciel. Et l’humain est fait pour s’élever, pour monter. Alors qu’une créature comme une pierre a tendance à descendre sous la puissance de la gravité.

L’humain, chaque humain est fait pour chanter et pour monter. C’est sa nature comme l’eau est mouillée et le feu brûlant. Il y a donc du malheur à se renfermer et du malheur à ne plus aspirer à monter, le fait que nous n’y arrivions pas toujours est une autre question. Au moins entendre cet appel, avoir cette visée. Les moyens qui nous sont donnés pour cela ne sont évoqué que plus tard dans ce psaume. L’introduction pose les bases : cette espérance de nous voir chanter et monter, et ce fait que nous sommes et serons toujours le bien-aimé de Dieu.

Ensuite, effectivement, Dieu nous équipe de fonctions essentielles pour faire de nous un humain dont la vie puisse chanter et s’élever : il nous donne un cœur, des yeux et des pieds. Un cœur c’est une personnalité, c’est une intelligence, une sensibilité, une capacité à avoir un avis, à décider. Des yeux pour voir par nous-même, avoir notre propre point de vue, des yeux pour regarder vers le haut vers la visée que nous élaborerons. Il nous donne aussi des pieds nous dit le psaume : ce qui évoque une capacité à évoluer dans la vie, et à nous élever ne serait-ce que d’un pas. Ces trois dons du cœur, des yeux et des pieds sont des qualités essentielles de l’humain, seulement elles ne « marchent » que si nous nous y exerçons. Ce que le psalmiste nous propose de faire avec l’aide de Dieu, dans une prière à l’Éternel, source de l’être.

Le Psaume nous donne aussi le mode d’emploi très utile de cette extraordinaire nature de l’être humain. Contrairement à ce que l’on entend parfois, le mode d’emploi que nous donne ce psaume n’est pas une injonction à l’humilité mais à savoir avec lucidité où nous en sommes. Oui nous sommes déjà extraordinaire, mais nous ne sommes pas au sommet, il reste de la marge. Et là où nous en sommes, mieux vaut avoir un regard tourné vers le haut qu’un regard hautain. C’est le premier point, et le second est qu’il est vrai qu’il est extraordinaire que nous ayons une personnalité et une autonomie, seulement nous sommes un parmi les autres et un devant Dieu et l’oublier serait arrogant (et fou).

Ce n’est donc pas à l’humilité que nous appelle ce psaume. Tout ce psaume dit l’ambition de Dieu, sa détermination à nous libérer et à nous élever. Comme pour le personnage de David : par amour pour nous Dieu veut faire du petit berger que nous sommes un roi ou une reine. Donc, chaque fois que nous entendons un prophète de malheur nous appeler à nous sentir comme un misérable vermisseau incapable d’aucun bien... nous pouvons nous rappeler ce psaume 131 qui dit que Dieu ne nous regarde pas ainsi, il fait de nous une merveille et fait tout pour que nous prenions notre pleine mesure. Il l’attend, il l’espère.

Une foi

Ce Psaume nous propose ainsi une conception de Dieu (une théologie), et une conception de l’humain (une philosophie), il nous propose aussi une foi : la réponse de l’humain à la grâce de Dieu.

Dans le premier verset, nous voyons le psalmiste prier Dieu pour qu’il nous aide à nous connaître nous-même et à nous ajuster avec les autres : avec lui, Dieu et avec ceux qui sont autour de nous. Cet appel à Dieu est finalement assez utilitaire. Et je dois dire que prier nous rend effectivement bien service en ce domaine.

Le deuxième verset nous compare, lui, à un bébé, calme et tranquille, ayant déjà assez grandi pour être sevré. Ce n’est donc pas pour téter que le bébé que nous sommes va vers sa mère et même se reposer sur sa mère, c’est par bonheur. C’est l’attitude du mystique de toujours. Et c’est là que notre prière devient comme un chant, une vibration intérieure qui est une jubilation pour nous-même et pour Dieu.

Une vocation

Vient enfin dans le psaume cette quatrième exploration qu’est celle de notre vocation au service des autres. Dans la mesure où il a un petit peu grandi, déjà, et a une certaine relation de confiance avec Dieu, l’humain a spontanément envie d’aider son prochain. Ce n’est pas un ordre assorti de menaces ou de récompenses. C’est un chant, un chant pour ceux qui nous sont confiés. Ensuite, ils feront ce qu’ils voudront, eux aussi sont déjà aimés.

Que Dieu nous aide à faire monter un beau chant, notre chant.

Amen.

pasteur Marc Pernot

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Textes Bibliques

Psaume 131

1Psaume des montées, de David.

Éternel !
Loin de moi d’avoir un cœur arrogant
Loin de moi d’avoir des yeux hautains
Loin de moi de cheminer dans des choses
Trop grandes et trop merveilleuses pour moi.

2Au contraire, calme et élevé (tranquille) en mon être,
je suis comme un bébé sevré sur sa mère,
Mon être est sur moi comme un bébé sevré.

3Israël, attends vers l'Éternel,
Dès maintenant et pour toujours !