( Lettre de Jacques 1 :5-26, 2 :14-17 )
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Culte du 11 octobre 2009
prédication du pasteur Marc Pernot
L a lettre de Jacques a toujours dérangé. Depuis l’antiquité il y a eu des personnes pour dire qu’il ne fallait pas l’intégrer dans la Bible, jusqu’à Luther qui l’appelait avec mépris « l’épître de paille ». Le problème, c’est que Jaques insiste, dans cette lettre, avec une grande force sur l’importance des œuvres, allant même jusqu’à dire que ce sont les œuvres qui justifient l’homme (2:24), que la pure et vraie religion c’est de visiter les personnes qui souffrent (1:27), et que l’essentiel est la compassion (2:13). Ce point de vue de Jacques semble contraire au cœur de l’Évangile tel que Luther l’avait découvert avec joie dans les lettres de Paul : le salut par la seule grâce de Dieu, sans aucun mérite de notre part (Rom 3).
Luther a raison, il y a dans la Bible des textes qui se contredisent, et c’est tant mieux : la Bible n’est pas simpliste, elle offre le témoignages de points de vues différents, c’est un formidable stimulant pour notre réflexion, et cela nous montre que dans les premiers siècles du christianisme, le courant libéral prédominait. Il nous faut parfois choisir entre ces points de vue différents, et abandonner tel passage inacceptable (il y en a, dans la Bible). Mais souvent les points de vue se complètent et se nuancent mutuellement, comme cette lettre de Jacques, bien intéressante, ajoute une touche bien utile pour rendre compte de l’Évangile.
Replaçons-nous dans le contexte de l’époque de Jacques. Il avait une autorité importante du fait qu’il était un des frères de Jésus, on le voit même fixer les orientations des ministères de Pierre et de Paul (Actes 15)
Dans les premières années après la mort de Jésus, les chrétiens de Jérusalem restent tellement touchés par ce que leur a apporté Jésus-Christ qu’ils veulent vivre par la foi seule, et d’après ce que nous en dit Luc, il semble bien qu’ils passaient le plus clair de leurs journées en études bibliques, en cultes, en repas pris en commun, et en prière (Actes 2:42-47). Ce qu’ils offraient au monde était leur témoignage, comme ce jour où, croisant un homme handicapé qui mendiait, Pierre lui répond : « je n’ai ni or ni argent, mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus-Christ, lève-toi et marche ! » (Actes 3 :6). Miracle ! Par la puissance de cette seule parole l’homme est libéré. Les choses semblent moins simple concernant la détresse des pauvres qui meurent de faim. Comme le fait remarquer Jacques dans sa lettre, quand quelqu’un n’a ni nourriture ni vêtement cela ne l’aide pas tellement de lui donner simplement une belle parole, il faut passer aux actes pour qu’il puisse se nourrir et se réchauffer (2 :17). C’est pourquoi, rapidement, les apôtres nomment des hommes (Actes 6) et des femmes (1Tim 3:11) diacres pour être au service des autres tant sur le domaine matériel que spirituel.
Vous sentez ce glissement, cette prise de conscience, cette mise en perspective que ces premiers chrétiens ont dû vivre ? En Jésus Christ, ce qui a bouleversé incroyablement le monde c’est avant tout une foi et un amour, ce n’est pas le triomphe de la santé et de la force. Ce qui a tout mis en route, c’est la bonne nouvelle de l’amour gratuit de Dieu. C’est cela qu’il faut transmettre : cette annonce que quoi que l’on fasse ou ne fasse pas, Dieu nous aimera toujours fidèlement, tranquillement, patiemment. Et puis de toute façon, le corps n’est qu’une réalité temporaire (Jacques 1:10), son importance est donc relative, notre permanence repose dans cet amour dont nous sommes aimés et l’essentiel est d’en vivre par la foi, l’espérance et l’amour...
Ces vérités essentielles forment le cœur de l’Évangile, mais ces vérités sont à projeter dans le monde où nous vivons actuellement, un monde où l’homme n’est pas un pur esprit mais où nous sommes tous à la fois corps et esprit, indissociablement.
Il y a 15 jours nous nous sommes intéressé ici au premier récit de la création de l’homme dans la Bible. La Genèse nous dit qu’à la base nous sommes un animal, mais que nous sommes appelé à participer à notre propre création jusqu’à devenir à l’image et à la ressemblance de Dieu. Il serait donc absurde d’oublier que nous sommes aussi un animal, que nous sommes composé de simples atomes. Comme le dit Pascal « L'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête. »
Notre nature est d’être à la fois un corps et d’être une image de Dieu. C’est pourquoi notre nature et notre vocation, c’est de vivre dans ce corps en étant d’une certaine façon un petit peu créateur, et d’agir, comme Dieu le fait selon le livre de la Genèse, dans de multiples domaines :
Nous comprenons aisément cette première génération d’humain bouleversés par la puissance de l’Évangile du Christ. Nous sommes également profondément touchés par cette incroyable nouvelle que nous sommes pas face à Dieu comme à l’usine, devant gagner notre bénédiction et notre vie à la sueur de notre front par des bonnes œuvres, nous n’avons pas non plus à rendre à Dieu quoi que ce soit puisque c’est de bon cœur qu’il nous donne la vie. Oui, le Christ nous a définitivement libéré de cette logique. Et en le voyant vivre par la foi avec une telle générosité, il nous a fait prendre conscience de notre immense dignité aux yeux de Dieu. Il nous a fait sentir que nous sommes et serons de toute façon aimé, infiniment aimé par Dieu, même si nous restions comme des bûches.
Un moment de stupeur a frappé ces hommes et ces femmes de Jérusalem, le temps qu’ils digèrent, si je puis dire, cette nouvelle, qu’ils l’intègrent dans leur façon de comprendre la vie. À quoi bon alors agir dans le monde ? Là n’est pas l’essentiel, c’est fatiguant, et nous n’avons rien à y gagner.
Jacques, à ce moment crucial, prend la parole. Il commence en évoquant la grâce de Dieu, oui, puisque c’est la base fondamentale. Jacques insiste, Dieu n’est absolument l’auteur d’aucun mal, il n’y pense même pas une seconde mais au contraire, « toute grâce excellente et tout don parfait descendent d’en haut, du Père des lumières » (1:17) Il n’y a plus rien à craindre de Dieu, il continuera de toute façon à offrir ses dons. Ce n’est donc pas par crainte que nous ferions le bien… mais simplement parce que c’est bien, parce que telle est notre vocation et même notre nature profonde d’image de Dieu, de ce Dieu qui est créateur, de ce Dieu qui vit par la grâce, c’est à dire faisant le bien pour la simple et la pure joie de faire le bien (Luc 15:7).
Dans la mesure où nous sommes à l’image de Dieu, nous agirons comme lui dans ce monde, nous agirons par grâce, sans rien attendre en retour d’autre que la joie d’avoir créé du bon. Comme lui nous agirons dans toutes les dimensions de ce monde, cherchant à mettre en lumière, travaillant la matière, bénissant, contemplant, célébrant les bontés spirituelles et matérielles présentes en ce monde.
Mais pour commencer, nous dit Jacques, il est bon d’écouter la Parole, il est bon d’être « débarrassé de notre surplus de méchanceté » et de recevoir « en douceur », peu à peu, la Parole qui « sauve notre vitalité » (1:21). Ce que Jacques appelle ici « la Parole », comme dans le reste de la Bible, ce n’est pas une parole faite littéralement de mots, mais c’est la dynamique d’évolution proposée par Dieu, Jacques la compare ici à une greffe qui permet à une souche de produire de bons fruits. Dans la mesure où la greffe prend, une combinaison complexe se fait entre la nature de la souche et celle du greffon, et nous sommes ainsi créés à l’image de Dieu, dans un développement de notre personnalité propre.
Pour savoir où nous en sommes, Jacques nous dit que nous pouvons plonger notre regard « dans la loi parfaite, la loi de la liberté », ce n’est donc là non plus pas un code figé qui nous aiderait à faire le point mais en nous laissant interroger par la personnalité libre et créatrice du Christ, nous pouvons voir notre image comme dans un miroir, et voir ainsi que nous sommes en réalité un peu déjà à l’image et à la ressemblance de Dieu, mais aussi encore un peu une plante sauvage, pleine de chaos et d’un excès de méchanceté.
C’est là que la prière, l’étude de la Bible, et ce temps de culte que nous partageons maintenant sont utiles. Nous avons là une chance de mieux nous connaître et d’en tirer les conséquences, comme le propose Jacques.
Face à ce miroir de la Parole, voilà ce que nous pouvons voir :
Et donc ce regard de notre image dans le miroir de l’Évangile nous permet de faire un premier bilan. Est-ce qu’il y a bien une mise en pratique effective de la théorie de la création de l’humain qui est en train de se développer dans mon être ? Est-ce que, comme le propose la Genèse, Dieu et moi-même, dans une saine et respectueuse collaboration sommes en train de créer un humain véritable ?
Bien sûr, comme le dit Paul dans son fameux hymne à l’amour (1 Cor. 13:11), regardant dans le miroir de l’Évangile, nous voyons tous une image un peu trouble et confuse, car nous ne sommes pas encore tout à fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, il y a encore des taches, et nous avons encore à grandir beaucoup.
Pas de panique, nous dit Jacques, Dieu est amour. Il ne nous en veut pas une seconde de nos manques et de nos défauts. « Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu, qui donne à tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée. »(1:5) Nous pouvons ainsi ouvrir plus largement notre être à cette impulsion nouvelle de vie bonne, nous pouvons alimenter la croissance de ce greffon par de la sève en lui consacrant un peu de temps, un peu d’attention, un peu d’espérance, un peu d’amour. Mais peut-être qu’en réalité, nous dit Jacques, nous ne le demandons que du bout des lèvres tout restant dans le compromis ou la compromission, nous restons alors empêtré dans le chaos et même Dieu n’y peut pas grand chose.
Le premier bilan que nous pouvons faire dans le miroir de l’Évangile est ainsi de voir dans quelle mesure la Parole de Dieu est concrètement à l’œuvre en nous. Le second bilan est de reconnaître notre part divine et de voir si elle est effectivement à l’œuvre. Cette part divine, elle est par nature faite pour créer de bonnes choses, du sens, de la bénédiction, de la louange et du repos.
Notre vocation, nous dit Jacques, est de ne pas seulement être un récepteur pour la Parole (ce qui était la première étape), mais c’est d’être nous mêmes « créateur de parole » (1:22) et « créateur d’œuvres » bonnes (1:25). Et il y a, nous dit Jacques, un vrai bonheur dans cet accomplissement, au point que l’on peut appeler ce simple et vrai bonheur de la gratitude.
Dans quelle mesure sommes-nous un peu créateur en ce monde ? Nous ne sommes pas seulement des créateurs d’œuvre bonnes, mais selon Jacques, chacun de nous a aussi une vocation de créateur de Parole, porteur d’un témoignage qui renvoie à Dieu comme étant la source de cette auréole que l’on aperçoit quand on regarde en vérité un être humain, ce reflet de la grâce et de la créativité de Dieu.
Et c’est là que l’éthique chrétienne va plus loin que l’éthique simplement humaniste. L’athée peut aussi être créateur d’œuvres bonnes même s’il n’a pas saisi (ou s’il a refoulé) le fait que son bon cœur et sa créativité sont les fruits d’une grâce divine. Mais nous sommes appelés à être les deux, par la grâce de Dieu, des créateurs d’œuvres bonnes, mais aussi des créateurs de Parole. À l’image et à la ressemblance de Dieu.
Amen.
Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot.
Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu, qui donne à tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée. 6 Mais qu’il la demande avec foi, sans réticences, car celui qui doute est semblable au flot de la mer, agité par le vent et poussé de côté et d’autre. 7 Qu’un tel homme ne s’imagine pas qu’il recevra quelque chose du Seigneur: 8 c’est un homme irrésolu, inconstant dans toutes ses voies.
9 Que le frère de condition humble se glorifie de son élévation. 10 Que le riche, au contraire, se glorifie de son humiliation; car il passera comme la fleur de l’herbe. 11 Le soleil s’est levé avec sa chaleur ardente, il a desséché l’herbe, sa fleur est tombée, et la beauté de son aspect a disparu: ainsi le riche se flétrira dans ses entreprises. 12 Heureux l’homme qui supporte patiemment la tentation; car, après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que le Seigneur a promise à ceux qui l’aiment.
13 Que personne, lorsqu’il est tenté, ne dise: C’est Dieu qui me tente. Car Dieu ne peut être tenté par le mal, et il ne tente lui-même personne. 14 Mais chacun est tenté quand il est attiré et amorcé par sa propre convoitise. 15 Puis la convoitise, lorsqu’elle a conçu, enfante le péché; et le péché, étant consommé, produit la mort. 16 Ne vous y trompez pas, mes frères bien-aimés: 17 toute grâce excellente et tout don parfait descendent d’en haut, du Père des lumières, chez lequel il n’y a ni changement ni ombre de variation. 18 Il nous a engendrés selon sa volonté, par la parole de vérité, afin que nous soyons en quelque sorte les prémices de ses créatures. 19 Sachez-le, mes frères bien-aimés.
Ainsi, que tout homme soit prompt à écouter, lent à parler, lent à se mettre en colère; 20 car la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu. 21 C’est pourquoi, rejetant toute souillure et tout débordement de méchanceté, recevez avec douceur la parole qui a été plantée en vous, et qui peut sauver votre vitalité.
22 Soyez des créateurs de parole, et ne vous bornez pas à l’écoutez en vous trompant vous-mêmes par de faux raisonnements. 23 Car, si quelqu’un écoute la parole et ne la met pas en pratique, il est semblable à un homme qui regarde dans un miroir son visage naturel, 24 et qui, après s’être regardé, s’en va, et oublie aussitôt comment il était. 25 Mais celui qui aura plongé les regards dans la loi parfaite, la loi de la liberté, et qui aura persévéré, n’étant pas un auditeur oublieux, mais en étant créateur d’œuvre, celui-là sera heureux dans son activité.
26 Si quelqu’un croit être religieux, sans tenir sa langue en bride, mais en trompant son coeur, la religion de cet homme est vaine. 27 La religion pure et sans tache, devant Dieu notre Père, consiste à visiter les orphelins et les veuves dans leurs afflictions, et à se préserver des souillures du monde.
…
14 Mes frères, que sert-il à quelqu’un de dire qu’il a la foi, s’il n’a pas les œuvres? Cette foi peut-elle le sauver? 15 Si un frère ou une soeur sont nus et manquent de la nourriture de chaque jour, 16 et que l’un d’entre vous leur dise: Allez en paix, chauffez-vous et rassasiez-vous! et que vous ne leur donniez pas ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela sert-il?
17 Il en est ainsi de la foi: si elle n’a pas les oeuvres, elle est morte en elle-même.