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17 novembre 2024 au temple de Cologny
prédication du pasteur Marc Pernot
La personne de Marie est un personnage historique : Jésus a bien eu une mère et Marie était un nom courant (en mémoire de la prophétesse Myriam, sœur de Moïse). Notre Marie a donné naissance à Jésus et l’a élevé, plutôt pas mal, à vrai dire. Comme souvent une pomme ne tombe pas loin du pommier, Marie devait être une personne vraiment intéressante à rencontrer. Ce n’est pas possible pour nous 2'000 ans après, il y a quelque chose qui nous concerne bien plus c’est que les évangiles de Luc et de Jean font de Marie un personnage qui est le type même du croyant fidèle à travers. Et c’est très inspirant.
Ce personnage de Marie nous est ainsi donné pour que nous nous identifions à elle et cela nous apporte une nouvelle très spéciale : comme Marie est enceinte de Jésus, nous sommes enceintes ou enceints d’un salut qui nous dépasse, un salut transcendant. Pourtant, vous et moi nous sentons humains, très humains. Comment pourrions-nous porter quelque chose de l’espérance de Dieu pour le monde ? C’est la surprise que Marie relève dans son magnificat. Elle se sait petite et cela n’a pas empêché Dieu de la faire participer, elle, à la réalisation de la promesse des promesses donnée en Abraham : nous sommes bénis par Dieu et nous sommes rendus capables d’être une bénédiction pour le monde entier (Genèse 12 :2). Comme Marie.
Nous sommes élevés par Dieu au-delà de notre condition simplement humaine. La transcendance (diraient les philosophes) nous crée à son image
C’est ce dont témoigne Marie : elle a vécu une expérience qui la pousse à dire que Dieu n’est pas seulement une belle idée : il a agi dans son être et dans sa vie à elle. Pour Marie ce n’est plus de l’ordre d’une promesse ou d’une espérance : elle en parle au passé puisque cela lui est déjà arrivé : « Le Puissant a fait pour moi de grandes choses ». C’est cela qu’elle chante : elle se sent incroyablement magnifiée par le fait d’avoir été appelée et rendue capable de participer à sa mesure à embellir l’avenir du monde. C’est immense. Puisque Marie nous est donnée dans ce récit pour que nous nous identifiions à elle, c’est de nous que cela est dit.
Selon les mots du philosophe Leibnitz (début XVIIIe) : la transcendance est par rapport à nous ce que l’inventeur est à sa machine : d’une toute autre dimension. La nouvelle qui nous est donnée ici par Marie, c’est que de simple créature nous devenons, en plus, créateurs, nous passons du côté de l’inventeur ou de l’inventrice. Et donc de la transcendance.
Le plus : c’est que c’est un bonheur, nous dit Marie avec enthousiasme, c’est un bonheur de notre âme et de notre esprit. Un bonheur que nous connaissons, à vrai dire : n’avez-vous jamais ressenti cela quand vous vous rendez compte que vous avez pu rendre service à quelqu’un, et avoir fait la différence pour cette personne ?
La transcendance est source de bonnes surprises et de bons retournements, nous dit Marie : une gamine peut changer le cours de l’histoire. Nous pouvons changer le cours de l’histoire.
Marie parle de ce qu’elle découvre de l’action de Dieu déjà réalisée : il a dispersé l’orgueil de la pensée, dit-elle, il a fait descendre les puissants de leur trône, nourri les affamés et renvoyé les riches à vide. Marie parle de ces retournements au passé : comment le comprendre alors que c’est loin d’être vrai au sens matériel : les intégristes de tout temps pensent encore détenir l’unique vérité, les Césars d’alors et les tyrans d’aujourd’hui trônent encore joyeusement, les affamés se comptent toujours en centaines de millions. De quoi donc est-ce que parle Marie de la sorte ? Dans la Bible, quand un énoncé n’est pas vraisemblable au sens matériel cela nous invite à le lire au sens spirituel. Marie parle de bonnes surprises et de retournements qu’elle a eu le bonheur de commencer à vivre dans son âme, dans sa conscience, dans son moral. Ce sont des fruits de l’Esprit de Dieu en elle (et en nous) :
Ce qu’apporte l’Éternel dans notre vie, ce sont ce genre de bonnes surprises et de retournements.
Quelle est la force qui nous aide à vivre cela ? Ce chant de Marie l’exprime en ces mots : Dieu vient en aide à ses serviteurs « dans un souvenir de bonté ».
« Un souvenir de bonté » : c’est d’abord pour nous un appel à nous souvenir de ce qui a été bon dans notre vie, dans les événements et dans les personnes qui ont été importants pour nous. C’est déjà un exercice utile, que de faire travailler notre mémoire affectueuse, bienveillante et fidèle.
Ensuite, ici, c’est Dieu lui-même qui a ce « souvenir de bonté » et qui en fait une impulsion qui élève Marie d’une façon extraordinaire, au dimension d’une transcendance. C’est l’expérience de bien des personnes dans leur prière : cela commence comme une méditation personnelle de souvenir où l’on recueille de ce qui a été bon dans notre vie et dans les personnes qui nous sont chères. Souvenirs de bonté que nous confions à Dieu : il les tisse dans notre être dans une capacité à embellir le monde autour de nous et à connaître cette joie.
L’action de « se souvenir » est un geste central dans la Bible hébraïque pour Dieu et pour nous. C’est pourquoi le mari d’Élisabeth que Marie visite s’appelait Zacharie, ce qui signifie « L’Éternel se souvient ».
« Se souvenir » est un des deux éléments essentiels dans la conception même de l’humain que nous propose la Bible dans le livre de la Genèse : « Dieu créa l'humain à son image, à l'image de Dieu il le créa ; masculin et féminin, il les créa. » (Genèse 1 :27)
Quel rapport avec le souvenir ? C’est que « masculin » en hébreu se dit zakar (זָכָר) et signifie aussi « se souvenir ». Quant à « féminin », en hébreu cela se dit nikva (נְקֵבָה) et signifie aussi « s’ouvrir vers l’avenir ». L’humain a besoin des deux : le souvenir et l’ouverture sur l’avenir. C’est quand on s’ouvre sur l’avenir que le souvenir est bon, sinon cela devient un ressassement dans lequel nous sommes prisonnier. Et pour ce qui est de l’ouverture sur l’avenir : c’est quand elle est nourrie des bonnes choses du passé qu’elle sera bonne, qu’elle ne nous fera pas stagner, mais nous permettra de monter sur les épaules de belles choses passées. C’est comme cela que l’humain a évolué et évoluera dans les tous les domaines : celui de la science, de la culture, des arts… La question, dans le Magnificat, c’est tout particulièrement qu’il en soit de même dans le domaine spirituel, philosophique et éthique.
C’est à cette charnière que Marie se place : entre la mémoire et l’ouverture sur l’avenir. Un avenir vivant et porteur de salut pour le monde. Nous sommes enceintes et enceints de cela. Grâce à Dieu et le souvenir de bonté.
Nous voyons que la louange de Marie est un véritable patchwork de passages bibliques. Elle les a entendus au culte à la synagogue ou les a appris au cours de son catéchisme. Cela met à sa disposition un trésor de sens qui l’aide à travailler sur ce qu’elle a vécu, sur son « souvenir de bonté » et saisir ce qu’elle peut attendre de cette aide transcendante qu’est Dieu.
C’est à cela que Marie fait référence quand elle témoigne que « L’Éternel est intervenu de toute la force de son bras » et que cela a été prodigieusement salutaire pour elle. Cette référence au « bras de l’Éternel » rappelle l’épisode de la Bible (Ésaïe 51:9-10) où Dieu libère les Hébreux hors de l’esclavage et de la souffrance en Égypte et leur permet de se mettre en route, pas à pas, vers la vie. À travers les mers et les déserts, les chaos, les aridités et les sources de notre vie.
Cette libération est un programme pour toutes les Marie que nous sommes, avec nos difficultés à avancer et notre souffrance, avec nos trésors et nos talents, aussi. Dieu donne une force extraordinaire à notre « souvenir de bonté » en ajoutant une « ouverture vers l’avenir ». Ce sont les deux jambes de l’humain en marche, de l’humain enceint d’une bonté nouvelle dont le monde a tellement besoin, et être sauvé. Rien de moins.
Grâce à la puissance de bénédiction de l’Éternel, et aussi un petit peu grâce à chaque personne de bonne volonté.
Amen.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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Élisabeth fut remplie du Saint Esprit. 42Elle poussa un grand cri et dit : » Tu es bénie, toi, parmi les femmes, et béni aussi est le fruit de ton sein ! 43Comment m'est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? 44Car lorsque ta salutation a retenti à mes oreilles, voici que l'enfant a bondi d'allégresse en mon sein. 45 Bienheureuse celle qui a cru que ce qui lui a été dit de la part du Seigneur s'accomplira ! »
46Alors Marie dit : » Mon âme exalte le Seigneur, 47et mon esprit a exulté à cause de Dieu, mon Sauveur, 48parce qu'il a porté son regard sur la petitesse de sa servante. Voici que désormais, toutes les générations me diront bienheureuse, 49parce que le Puissant a fait pour moi de grandes choses : saint est son nom, 50 sa bonté s'étend de génération en génération sur ceux qui l’honorent.
51Il est intervenu de toute la force de son bras ; il a dispersé les orgueilleux de la pensée de leur cœur ; 52il fait descendre les puissants des trônes et il élève les petits ; 53les affamés : il les a comblés de biens et les riches : il les a renvoyés vides. 54 Il est venu en aide à Israël son serviteur, dans un souvenir de bonté, 55comme il l'a dit à nos pères, en faveur d'Abraham et de sa descendance pour l’éternité. »
Dieu créa l'humain à son image, à l'image de Dieu il le créa ; masculin et féminin il les créa.
Réveille-toi, réveille-toi ! Revêts-toi de force, bras de l'Éternel ! Réveille-toi, comme aux jours d'autrefois, au temps des générations passées ! N'est-ce pas toi qui abattis l'Égypte, Qui transperças le monstre ? 10 N'est-ce pas toi qui mis la mer à sec, les eaux du grand abîme, qui frayas dans les profondeurs de la mer un chemin pour le passage des rachetés ?