(écouter, écouter le culte, imprimer la feuille)
8 décembre 2024 au temple de Cologny
Célébration interreligieuse avec les communautés
juives, chrétiennes catholique et protestante, musulmanes,bahaïe
prédication du pasteur Marc Pernot
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »
Ce célèbre verset de la Bible est cité par Jésus quand on lui demande quel est l’essentiel pour lui dans la vie.
Jésus connaît sa Bible, c’est elle qu’il cite ici : la Bible hébraïque. Il y trouve une source de libre interprétation, et cela l’aide pour établir ses priorités. C’est un bon usage de la Bible : non pas pour se soumettre à chaque verset, mais l’utiliser comme un outil pour s’interroger sur nos priorités et bâtir ce qui nous semble digne de donner sens à notre vie. C’est ainsi que, parmi les 23’145 versets, Jésus en choisit deux, deux versets seulement de la Bible et ces deux versets parlent d’aimer : « aimer Dieu » et « aimer son prochain comme soi-même ». Il en fait sa priorité, le cœur de sa théologie, sa clef d’interprétation du monde et de sa vie. Et il relit l’entier de la Bible avec ces versets comme clef d’interprétation.
Il y aurait donc trois personnes à aimer : Dieu, notre prochain, et nous-mêmes. Les trois.
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même » est donc un des deux versets que Jésus place à la pointe de ses priorités. Mais, qui est mon prochain pour que je l’aime ?
Ce mot « prochain » fait penser (en français comme en grec) à une personne qui me serait proche ou dont je m’approcherais. Seulement, cette phrase a été dite en hébreu où le « prochain » est tout autre chose. Ce n’est pas moi le centre du monde : mon prochain (réah) c’est par définition une personne qui a le même berger (roèh) que moi. Dès lors que nous pensons qu’il y a un seul Dieu : tous les humains, et même toutes les créatures, ont le même berger plein d’attention pour chacune.
Avec ce « Tu aimeras ton prochain », nous voilà donc avec des milliards de prochains à aimer ! D’un côté, personne ne peut nous en vouloir de ne pas y arriver, c’est tout sauf culpabilisant. Nous ferons comme nous pourrons. D’un autre côté, cela nous interroge, en tant qu’humains, sur notre vocation personnelle : parmi toutes ces créatures, n’y en a-t-il une, par hasard, que je pourrais aimer un peu aujourd’hui ? Un « prochain » dont je pourrais me soucier ? Comment discerner notre propre vocation ? Jésus nous encourage ici à la chercher personnellement, au singulier, au jour le jour.
Oui, mais comment faire ? Jésus place « tu aimeras ton prochain comme toi-même » juste après « t u aimeras Dieu ». Qui d’autre que lui, Dieu, pour nous donner des oreilles qui entendent et des yeux pour voir le besoin de tel ou tel prochain, me donnera un cœur pour que je m’en soucie ? C’est ainsi que pour arriver à cette parole « Tu aimeras ton prochain », il est sage d’abord de s’aimer soi-même en vérité : se laisser grandir par Dieu comme capable de discerner notre propre vocation.
En réalité, nous avons tous du mal à nous domestiquer nous-mêmes pour devenir la personne aussi bienfaisante que nous aimerions être, que nous pourrions être, et que Dieu ne cesse jamais d’espérer.
Il n’y a qu’à voir les difficultés qui agitent le monde, nos sociétés jusque dans nos familles.
Comment soigner cette faiblesse humaine ? C’est d’abord une question spirituelle, répond ici en quelque sorte Jésus : nous avons besoin de cet élan vital, de ce souffle du Créateur pour nous élever au-dessus de nous-mêmes, et être rendus capables d’aimer un peu.
Jésus reprend ici les paroles essentielles du « Shema Israël » : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force . » Cette ligne est excellente pour nous inspirer chaque jour. C’est une hygiène de vie, un exercice de musculation pour notre être tout entier : notre cœur, notre âme, nos forces. Écouter Dieu, personnellement, à nouveaux frais, sans s’arrêter à ce que nous pensons qu’il devrait dire, ni à ce que l’on nous a appris que Dieu devrait dire…
À notre cœur, notre âme, nos forces, Jésus ose ajouter à ces paroles millénaires une quatrième bonne dimension de notre être pour aimer Dieu : notre intelligence, la « dianoia » : la capacité à discerner, à peser le pour et le contre, la capacité à nuancer et à choisir. Le texte poursuit en parlant de la « synèsis », l’esprit de synthèse ; et enfin, il est question, avec « nounechos », d’avoir du bon sens. Ces formes d’intelligence aident effectivement à écouter Dieu et à aimer notre prochain, même s’il a une foi différente ou pas de foi du tout.
Écouter Dieu, aimer Dieu avec notre propre intelligence : cela aide à ne pas rester captif de nos dogmes et de nos préjugés, à ne pas laisser ni les autorités ni nos pulsions penser à notre place. Jésus ne réserve pas cette faculté de réfléchir à une élite de professionnels, il en fait un travail quotidien pour chaque personne.
Personnellement, j’y verrais une clef pour l’avenir du monde : revenir à ces fondamentaux que sont 1) l’écoute personnelle, intime, quotidienne de Dieu, dans la prière. Et 2) le faire avec intelligence, finesse et bon sens.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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Un théologien interroge Jésus : Quel est le premier de tous les commandements ? 29Jésus répondit : Le premier, c'est : « Écoute, Israël ! Le Seigneur, notre Dieu, le Seigneur est un, 30tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ton intelligence et de toute ta force. » 31Et le second commandement, c'est : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Il n'y a pas d'autre commandement plus grand que ceux-là.
32Le théologien lui répondit : « C'est bien, maître ; tu as dit avec vérité qu’Il est un et qu’il n'y en a pas d'autre que Lui, 33 et que l'aimer de tout son cœur, de toute son intelligence et de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, c'est plus que tous les actes religieux. » 34Jésus, voyant qu'il avait répondu avec intelligence, lui dit : « Tu n'es pas loin du royaume de Dieu. »