(écouter l'enregistrement - voir la vidéo ci-dessous)
Culte du dimanche 15 juin 2014
prédication du pasteur Marc Pernot
Ce message d’Ulysse m’a fait penser à un passage où Jésus nous parle de notre espérance en ce monde. Et à mon avis, cette espérance est plus proche de ce qu’en a témoigné Ulysse ; plus que ce que certains théologiens chrétiens ont fait de l’espérance.
o0o
Une légende assure que Luther aurait dit : « Si l'on m'apprenait que la fin du monde est pour demain, je veux quand même planter aujourd’hui mon pommier. »
C’est autre chose que de l’espérance, c’est faire ce que l’on pense être juste, tranquillement, sereinement, sans se soucier du lendemain. Ou plutôt s’en soucier, car oui, planter un pommier est un projet d’avenir, c’est une visée pour demain. Mais cette visée n’est pas utilitariste, elle ne mesure pas seulement le rendement, mais la qualité de la démarche, le fait d’apporter quelque chose de nouveau et de bon à ce monde qui le mérite, et qui le méritera jusqu’au bout…
Alors bien sûr, le résultat compte, et l’on préfère voir mûrir les pommes du pommier que l’on a planté. Mais dans cette façon de voir l’existence, la vérité de la démarche suffit déjà à la justifier. Dans un sens c’est ce que Jésus lui-même sur la croix, comme un geste qui ne produit rien d’autre que de dire l’attachement qu’il a pour ce monde et ceux qui l’habitent. Et c’est aussi le geste de Luther, petit moine de province qui se lève et appelle l’église chrétienne du monde entier à se réformer. Lui non plus, n’avait aucune chance, mais il aura vu quelque fruits.
En réalité, personne n’a jamais retrouvé où Luther aurait dit cette phrase, dans quel livre, dans quelle prédication, quelle lettre, ou à table… Peut-être ne l’a t-il en réalité pas prononcée mais qu’elle a été déduite de sa pensée. Mais en tout cas, les circonstances où cette citation est sortie sont significatives. Elle est apparue en 1940 parmi les chrétiens allemands désespérés par la puissance et la folie d’Hitler. À quoi bon lutter face à une telle, comment dire, fureur ? Cette phrase sur le pommier est venue pour s’encourager mutuellement à oser ne serait-ce qu’un geste positif, tourné vers le bien, vers la vie. Même à la veille de la fin du monde, planter un pommier. Et chercher quel est ce pommier, quel est « mon pommier » que je veux planter aujourd’hui en ce monde, en réponse à mon unicité.
Cette parabole du pommier de Luther dit une espérance qui est de l’ordre de la beauté de l’intention et du geste. Cette parabole dit l’importance de la dimension spirituelle de l’espérance. Et cela, nous en avons besoin pour comprendre la vie.
Souvent, notre espérance en ce monde est d’abord, comme le dit Jésus, pour notre survie en ce monde, dans le « que mangerons-nous ? que boirons-nous ? de quoi serons-nous vêtus ? ». Jésus ne se moque pas de ces besoins, il les connaît et les reconnaît comme légitimes. Notre corps a besoin d’être nourri, abreuvé, protégé, comme celui de n’importe quel animal. Notre intelligence aussi a besoin d’être nourrie, abreuvée et habillée. Notre sensibilité, notre cœur, notre foi ont chacun besoin d’être nourris, abreuvés, revêtus. Dieu le sait. Et il espère que chacun de ses enfants aura ce minimum, nous dit Jésus.
Mais cela ne renferme pas la totalité de l’espérance, car cela n’explique pas pourquoi nous aurions envie de planter un pommier si la fin du monde était pour demain. Cela n’explique même pas pourquoi l’amitié est si importante pour nous, et encore moins l’amour, ni pourquoi il y a des choses pour lesquelles nous accepterions de donner notre vie. Cela n’explique pas non plus l’art qui n’apporte rien à ces besoins basiques du corps, au contraire.
Et si l’horizon de notre espérance était dans cette seule survie, comme le dit Ulysse, nous sommes alors fort démunis puisque de toute façon, ça se terminera mal de ce point de vue là, par notre mort. Et que nous sommes exposés à diverses catastrophes qui sont déjà assez pénibles à gérer sans qu’en plus nous ayons l’impression de perdre toute vie et toute espérance en perdant un peu de santé, en perdant notre travail ou notre maison.
Ces besoins de nourriture, de boisson et de vêtement sont réels, légitimes, Dieu même y travaille, et nous y travaillons tous ensemble. En gros, ce travail est actuellement assuré par le monde économique et par le cadre moral minimal que portent les droits de l’homme et du citoyen. Nous avons bien de la chance.
Mais, qu’il soit athée, agnostique ou croyant tout philosophe est convaincu, je pense, que cela ne suffit pas qu’il faut aussi une dimension spirituelle qui vienne donner du sens, au-delà de la simple question de la nourriture, de la boisson et de la protection minimales. Nous sommes beaucoup plus libres que nous ne l’avons jamais été dans le passé. Comme nous pouvons choisir d’acheter plein de choses aux 4 coins du monde, nous sommes libres de choisir ce qui donne sens à notre vie, choisir « mon » pommier dans le verger où je suis né ou un oranger venu d’ailleurs si je préfère.
Personnellement, j’aime cette liberté de choix, et cette sincérité qu’elle permet. Je trouve que l’Évangile du Christ, si je puis dire, est un bon produit, un vraiment bon produit qui n’a pas à rougir de la concurrence, au contraire. L’Évangile n’écrase pas notre droit à une véritable espérance, pas même dans les choses de ce monde, puisque Dieu aime ce monde et nous aime. Et puis quel souffle dans cet Évangile, quelle magnifique mise en valeur de la dignité de toute personne même pas très en forme ! et puis cette place centrale donnée à la libre responsabilité, à la bonne volonté gratuite, à la qualité des relations…
Oui, l’Évangile est un des excellents choix possibles pour dire ce que nous espérons.
Mais l’Évangile c’est plus que ça, aussi. Ce n’est pas seulement une réserve de sens. C’est aussi ce sur quoi nous comptons pour que notre espérance se réalise.
Cette question est en réalité bien plus importante, bien plus déterminante encore que tout le reste. C’est là-dessus que Jésus va attirer notre attention.
Certains espèrent s’en sortir par la sagesse, cela aide effectivement, ça éclaire, ça libère, cela peut nous aider à progresser dans le domaine moral et théologique, à mieux comprendre la réalité et son fonctionnement, les causes et les conséquences. Jésus n’est pas contre l’intelligence, au contraire, il encourage à réfléchir par soi-même, il discute, philosophe, enseigne, il n’est pas contre cette sagesse qui consiste à nous unir et nous soutenir, bien sûr. Mais il ne nous dit pas de placer notre espérance dans la sagesse, ni dans la morale. C’est juste un cadre de base.
Certains espèrent s’en sortir par la providence de Dieu, comme dans bien des Psaumes, comme les prophètes qui attendaient que le Messie vienne. Des disciples de Jésus ont espéré qu’il accomplirait cela, imposant la paix, supprimant toute maladie, toute famine, et rendrait les lions végétariens et même les moustiques… Après Jésus, bien des chrétiens ont espéré le retour de Jésus…
Tant de personnes fondent ainsi leur espérance dans l’idée que Dieu conduirait l’histoire, faisant pleuvoir quand il pleut, faisant naître et mourir, tomber malade ou guérir, donnant à manger. C’est en partie vrai, car Dieu agit pour le bien, mais c’est aussi en partie faux car il n'est pas un magicien, et cette façon d’espérer est source de bien des angoisses, des craintes, des culpabilités mal placées, et des pertes de foi en Dieu.
Mais Jésus ne nous dit pas d’espérer en Dieu, ils nous dit de lui faire confiance, il nous dit que Dieu est au courant de nos besoins et qu’il nous aime, il y travaille donc comme il peut, comme il veut, et il fait sans doute au mieux.
Mais alors, si Jésus en nous dit pas d’espérer en notre propre sagesse, ni d’espérer en Dieu, ni d’espérer en Christ… que nous propose Jésus ? Contrairement à ce que l’on pense parfois, Jésus ne nous dit pas une seule fois d’espérer. Ce n’est pas dans son approche. Pourtant la notion d’espérance était importante dans l’Ancien Testament, et elle le sera pour l’apôtre Paul, par exemple. Mais pour Jésus, non, ni le mot « espérance », ni le verbe « espérer » ne font partie du message de Jésus, selon les 4 évangiles pour une fois unanimes.
Il y a pourtant un contenu à notre espérance dans l’Évangile, il y a une conception de ce dont nous avons tous besoin pour vivre et pour vivre bien, en particulier de la nourriture pour nous donner de l’énergie, de la boisson pour calmer notre fièvre, des vêtements pour nous protéger. Il y a aussi ce quelque chose qui donne sens à notre vie, même quand elle toucherait à sa fin, un amour qui peut se manifester dans ce pommier, notre pommier, celui que nous voudrions encore planter si la fin du monde était pour aujourd’hui.
Notre espérance à donc un contenu, mais Jésus ne nous dit pas d’espérer. Jésus propose un autre rapport à notre présent, à notre avenir, et au futur... Jésus ne nous dit pas d’attendre patiemment un lendemain meilleur ni d’attendre le monde futur. Au contraire, Jésus nous dit de nous occuper d’aujourd’hui. Et la question d’aujourd’hui, selon Jésus, ce n’est ni d’espérer, ni d’attendre mais c’est de chercher. C’est bien plus actif, bien plus engageant aussi. Cest vivre, aujourd’hui :
Il y a deux sens au mot « chercher », en français comme en grec. On peut chercher comme on cherche des champignons dans les bois, et on peut chercher comme on cherche à faire plaisir à quelqu’un que l’on aime. Le Royaume de Dieu et sa justice sont à chercher dans ces deux sens.
Le royaume de Dieu, ce n’est pas un endroit à chercher, mais c’est l’action de Dieu, c’est cela que nous pouvons chercher.
Plutôt que d’espérer l’action de Dieu on peut déjà ouvrir les yeux et voir qu’il a déjà agi et qu’il agit dans le présent, qu’il agit dans notre monde, qu’il agit dans la personne à côté de moi et parfois par la personne à côté de moi.
Alors que dans le fait d’espérer, il y a en germe une sorte de dégoût de ce monde et du jour que nous vivons. Par contre, quand on cherche les traces de Dieu, on ouvre les yeux sur des réalités et sur des instants qui sont plus beaux que tout ce que l’on aurait pu rêver, comme le disait Ulysse tout à l’heure. Nous pouvons voir que le monde est bien moins mauvais qu’il n’en a l’air, nous pouvons voir que notre vie, que nous-mêmes, que notre voisin sommes déjà au bénéfice d’une sorte de processus de résurrection et de vie.
Et ce règne de Dieu, cette action de Dieu on peut la chercher comme on cherche à faire plaisir à quelqu’un, et c’est même précisément cela. C’est bien plus actif qu’une espérance, c’est une démarche délibérée, dans la prière, et en y consacrant une part de nous-mêmes.
Dans cette double recherche de l’action de Dieu, il y a le passé, le présent et le futur qui s’articulent, qui se construisent. Un passé, un présent et un avenir dont nous sommes au bénéfice et auquel nous participons.
Nous cherchons le Royaume de Dieu. Et nous cherchons sa justice
C’est bien plus engageant que d’espérer sa justice, ce qui est une bonne idée aussi puisque sa justice est encore de l’amour, bien entendu (comment en serait-il autrement). Sa justice garde le meilleur, sa justice irrigue en profondeur notre être et nos pommiers (Psaume 1er).
Mais chercher la justice de Dieu, c’est bien plus engagé encore que de chercher son action. Chercher sa justice c’est reconnaître sa puissance de transformation et c’est s’y associer par nos pensées, nos paroles et nos actes, par nos projets. Et par ce pommier, que chacune et chacun peuvent rêver de voir mis en terre. Parce que nous savons que nous en sommes dignes et que nous en sommes capables.
Mais de toute façon, toutes choses nous serons données par-dessus.
Amen.
Déclaration de baptême d'Ulysse (10ans)Pour commencer, j’aimerais remercier Dieu d’être là avec vous ce matin. Depuis que je suis né et que j’ai porté pour la première fois les yeux sur le monde, je porte ce remerciement comme une odeur qui me conduit chaque jour. L’événement de la naissance, quand un père et une mère voient pour la première fois leur enfant, on voudrait revivre ces félicitations, et lui donner un sens par tout ce que nous apportons de nouveau dans le monde. Dans la vie cependant il y a des jours de toutes sortes, ceux dont on ne voudrait jamais qu’ils aient eu lieux d’autres qui dépassent nos rêves les plus fous, d’autres encore qui ne sont ni l’un ni l’autre. Mais il ne faut jamais penser que tout va se terminer en enfer ni au paradis ! Il faut juste ne pas craindre l’avenir, ne pas se retourner non plus, et faire face à ce qui est devant nous. On pense que la mort est le pire de tous les malheurs réunis et qu’elle arrache les vivants à la vie. En partie oui, mais s’il n’y avait pas de mort, on aurait partout des australopithèques ! Il faut alors penser que c’est un élément de la vie et qu’il ne faut pas la fuir. Il y a des choses que nous ne pouvons pas faire, qu’il faut laisser à d’autres, et des choses que nous ne pouvons qu’espérer. Tout cela ce sont des choses que j’ai pensées en parlant avec mes amis à l’Oratoire, qui est pour moi une fête des amis. C’est à cette fête que je veux participer en demandant le baptême. Ulysse |
Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot.
Jésus dit : "Ne vous inquiétez donc pas, et ne dites pas : Que mangerons-nous ? que boirons-nous ? de quoi serons-nous vêtus ? 32 Car toutes ces choses, ce sont les païens qui les recherchent. Votre Père, celui qui est dans les cieux, sait que vous avez besoin de toutes ces choses.
33 Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par-dessus.
34 Ne vous inquiétez donc pas du lendemain, car le lendemain s’inquiètera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine."
Traduction NEG