( Zacharie 2 :5-9 ; Exode 14:10-25 )
(écouter l'enregistrement) (voir la vidéo ci-dessous)
Culte du dimanche 6 novembre 2011
prédication du pasteur Marc Pernot
Pour ce culte du souvenir, j’ai choisi de lire une des visions du prophète Zacharie. Il parle dans une époque de retour au calme après de graves troubles, la dévastation du temple et des murailles de Jérusalem, la déportation d’une partie de la population. Zacharie nous donne ici des pistes sur la façon de se construire après une période difficile. Cela peut nous aider à nous mêmes nous reconstruire après une période de deuil mais plus largement après toute période troublée de notre vie.
Ce texte de Zacharie fait allusion par bien des notions au livre de l’Exode, avec ce Dieu de feu qui s’appelle « Je Suis » comme au buisson ardent, avec cette puissance créatrice appelée « la gloire de Dieu » qui les guide dans leur cheminement, avec aussi cette Parole de Dieu qui vient à notre secours pour nous aider à nous en sortir et à avancer… Oui, c’est bien d’une libération comme celle des hébreux hors d’Égypte qu’il nous faut vivre quand nous avons à sortir du fond du trou.
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Zacharie a la vision d’un homme qui arpente Jérusalem. Il ne s’agit pas d’arpenter la Jérusalem physique, car le texte prend soin de nous dire que Zacharie doit lever les yeux pour voir cette ville, ce dont parle ce texte, c’est donc explicitement d’une réalité spirituelle. Jérusalem, littéralement, c’est « les fondations de la Paix », les principes mêmes de la Paix.
À l’époque de Zacharie, le pays est meurtri, mais les catastrophes sont passées. Il semble régner un temps de calme dans ces textes, mais un peu angoissé. Comment construire la paix, comment établir une vraie vie en paix ?
Après un moment difficile, il est bon d’être un peu comme cet homme qui arpente Jérusalem, à la recherche de ce qui peut fonder maintenant enfin notre paix. Il est bon de prendre de commencer à faire cela, c’est comme un travail de mémoire et de prospective. Personne ne peut arpenter cette Jérusalem à notre place, car ce qui fonde notre paix est quelque chose d’infiniment intime et qui nous est propre. Chacun à son rythme, sa façon d’être, ses forces. Certaines choses qui nous rendent mal à l’aise et d’autres qui nous épanouissent. Il en est ainsi des personnes comme des pays, chacun doit chercher par soi-même le fondement de sa paix intérieure et celui d’une paix possible avec les autres.
Cette première étape est importante, lever les yeux et être arpenteur de paix.
Ce que nous conseille d’abord Zacharie, c’est de lever les yeux et d’arpenter le fondement de la paix, de notre paix. Avant même de la construire, de nous construire après des difficultés, se donner ainsi les chances de poser de bonnes bases pour fonder notre paix, l’épanouissement de notre vie, et la paix avec ceux qui nous entourent.
Zacharie nous propose ensuite de dire à cet arpenteur : « où vas-tu ? » Car c’est souvent là le gros problème, même si nous avons une certaine idée de ce qui pourrait fonder notre paix. Par où partir ? Le texte ne nous dit pas ce que répond l’arpenteur et quand un texte biblique laisse ainsi un dialogue incomplet ou une histoire non terminée c’est pour laisser le lecteur répondre pour lui-même à la question du texte. Après avoir levé les yeux, après avoir arpenté ce que nous pensons être le fondement de la paix et de notre paix, est-ce que nous nous sommes mis en route pour aller quelque part ? Et où allons-nous ? Où courrons-nous croyant bâtir cette paix ? Bien des tentations existent qui ne mènent à pas grand-chose de bon :
Pourtant, nous dit ce texte. Cette Jérusalem existe, elle n’est pas virtuelle comme une idée abstraite ou un rêve impossible. C’est vrai. Nous avons déjà une expérience d’une certaine trace de paix vécue, même si c’est un instant au milieu des épreuves les plus terribles. C’est ce dont témoigne par exemple Imre Kertész dans un livre qui lui a valu le prix Nobel de littérature il y a quelques années « Être sans destin », cela nous a choqué, en fait, de le voir témoigner de temps de bonheur et de paix alors qu’il était adolescent déporté à Auschwitz et à bout de force, à bout d’espérance. Il a ressenti pourtant, par éclair, des temps de paix le soir après sa terrible journée, au cœur même de cette vie épouvantable. La moindre trace de paix nous montre que la paix existe. Aujourd’hui même, nous pouvons peut-être déjà ressentir une certaine paix, relative et fragile mais réelle. Nous pouvons aussi interroger des anciens qui ont plus vécu que nous, et qui ont même souvent vécu plus de choses vraiment difficiles que nous : la paix existe. Certes, une paix relative, mais la paix existe. La paix dont on parle ici, la paix que Dieu veut pour nous n’est pas une abstraction mais elle est faite pour que nous la vivions, pour que nous entreprenions de la construire nous-mêmes. Quand le Christ nous dit « je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix » (Jean 14 :27) il ne nous la donne pas clef en main, mais il nous aide de principes vitaux qui nous permettrons de bâtir ensuite ce qui sera notre paix ici et maintenant.
Prenant les mesures, enfin, de cette paix qui existe en nous et de cette paix possible, notre réflexe est souvent de tenter la technique du hérisson. C’est peut-être ce que projette cet arpenteur, le texte ne le dit pas mais il le laisse supposer. Le projet c’est de construire de nouveaux remparts plus -hauts et plus solides pour protéger cette petite lueur de paix et d’espérance que nous avons. C’est assez de deuils, assez d’amours dévastées, d’espérances et de confiances déçues, trahies. Assez de souffrance. Le monde est si complexe qu’il y a plein de paramètres que nous ne maîtrisons pas, il y a tant d’incertitudes face à l’avenir, aux troubles politiques, économiques, sécuritaires, sanitaires… Allez hop, aux abris.
C’est un réflexe logique et sain. Mais, nous dit l’ange, Jérusalem doit être une ville ouverte. Ce n’est pas une obligation morale, comme si Dieu voulait nous obliger à être utiles. Nous ne sommes pas pour lui des instruments faits pour servir, mais nous sommes ses enfants qu’il essaye d’aider pour qu’ils soient en forme. C’est pour cela que Dieu envoie ici un ange pour nous appeler à un peu d’ouverture, parce que la vie, la vie belle et bonne et la paix se nourrissent d’une dimension d’ouverture.
Mais l’ange ne donne pas non plus complètement tort à ce réflexe de protection qui nous fait désirer avoir des murailles autour de notre champ secret. L’ouverture à laquelle nous sommes appelés ici est limitée. Ce n’est pas le zéro murailles mais une autre sorte de murailles, plus active et dynamique, et c’est un élément supplémentaire venant compléter ce dispositif, comme une dynamique qui s’inscrit au cœur même de notre être :
Jérusalem sera une ville ouverte…
je serai pour elle, dit l’Eternel,
une muraille de feu tout autour,
et je serai sa gloire au milieu d’elle.
Une paix comme une ville ouverte aux bonnes idées, au bon moral, aux vraies bonnes relations, une ville ouverte aussi aux bons souvenirs qui font vivre, ville ouverte aux beaux projets nouveaux.
Et même, si l’on regarde le texte hébreu de près, littéralement, il n’y a pas marqué simplement que Jérusalem sera une ville ouverte, mais que « Jérusalem sera habitée de villes ouvertes, à cause du grand nombre d’humains et d’animaux au milieu d’elle ». Oui, la vie, notre vie est incroyablement riche de multiples relations, à commencer en nous-mêmes entre les différentes facettes de notre être, des relations aussi avec l’animal que nous sommes aussi, et de multiples relations aussi avec les autres humains. Notre Paix ne peut exister qu’étant habitée par cette dimension organique de l’humain.
Être comme une ville ouverte, mais sans angélisme. L’ouverture est bonne, mais il n’est pas bon de tout intégrer, de tout accepter. D’abord parce que nous ne sommes pas Dieu, nos forces sont limités et il faut pouvoir dire stop. Mais aussi parce que tout n’est pas bon dans ce monde. Tant s’en faut. Nous avons besoin d’une muraille intelligente qui puisse agir comme un filtre purificateur, une muraille de feu qui laisse passer ce qui est bon de la réalité complexe, et seulement ce qui est bon pour nous aujourd’hui, dans la juste quantité. Nous avons besoin d’une muraille qui soit mobile aussi, car si nous nous barricadons dans des remparts de pierre nous sommes condamnés à ne plus pouvoir cheminer loin de ce refuge. Or la vie est en mouvement, en évolution. Et la paix aussi, la paix véritable est une paix vivante, qui est en marche.
On le voit bien dans le rôle protecteur de la colonne de feu qui libère les hébreux de leur enfermement en Égypte. Cette colonne de feu est tantôt en avant, les appelant à se mettre en route, tantôt en arrière pour les libérer de ce qui veut les tuer, ce qui les aliène, ce qui les transforme en esclaves qui ne vivent pas leur propre vie et qui n’ont même plus le rêve de vivre leur propre vie comme nous le voyons dans le texte de l’Exode.
L’Éternel, ce Dieu qui s’appelle « Je Suis & Je Serai pour toi », ce Dieu nous aide à nous en sortir. Il ne nous juge pas durement, nous et notre désir de nous barricader dans notre détresse et notre peur. Il nous appelle ici « enfant » et nous le sommes. Il nous promet : je serai une muraille de feu pour toi, pour ta vie, pour le fondement même de ta paix. Ce Dieu qui s’appelle ici « Je suis », c’est le Dieu d’amour, de libération et de pardon qui se révèle à Moïse dans le buisson de feu, c’est le Dieu de résurrection, de cheminement et de vie qui se révèle en Christ. C’est ce Dieu qui nous dit en Christ : « que votre cœur ne se trouble pas, ne s’alarme plus, il y a de multiples maisons, de multiples villes dans la demeure de mon Père et je vous prépare une place pour vous » (Jean 14). Pour que maintenant vous puissiez vous construire une vraie paix vivante et rayonnante, une paix riche d’ouverture et de tranquille sécurité.
Il s'agit d'une ouverture aux autres grâce à cette ouverture à Dieu, dans la confiance à sa muraille de feu qui nous permet de baisser nos murailles humaines. Une ouverture à cette muraille d'amour à la place de nos murailles de pierre.C'est une des grandes œuvre du Christ en nous, selonla promesse, de nosu donner un cœur de chair à la place de notre cœur de pierre (Eze 11:19; 36:26).
Ce n’est pas que de la théologie abstraite, mais une intelligence de vie. C’est une expérience à vivre dans la prière. Combien de personnes ai-je rencontrées qui témoignent de cette force qu’est Dieu dans leur vie pour purifier notre relation à nous-mêmes et aux autres ! Il donne une force pour accepter l’autre sans tout accepter. Il donne une force pour s’accepter soi-même sans complaisance vis-à-vis de soi-même. Nous ne sommes pas que la maladie qui nous fait souffrir, nous ne sommes pas que le deuil qui nous fait trembler, nous ne sommes pas que le travers qui nous fait être source de souffrance pour les autres. Nous sommes aussi un être de paix. Nous sommes un être doué pour être en paix et pour être bâtisseur de paix. Grâce à la muraille de feu de l’Éternel qui nous garde.
Mais Dieu n’est pas que muraille, il est aussi, nous dit cette vision de Zacharie, une gloire qui habite au milieu de nous, en nous, au cœur du principe même de notre paix. Il nous appelle « enfant ». On protège un enfant et Dieu le fait de cette muraille de feu qui nous guide et qui nous aide à faire le tri et à dire stop quand c’est assez. Mais on aide aussi un enfant à grandir, et c’est le rôle de ce que la Bible appelle la « gloire de Dieu » et qu’ailleurs elle appelle Esprit Saint, c’est une source d’évolution et de croissance, une source d’intelligence et de créativité personnelles, une source de liberté. « Cours vers cet enfant » nous dit Dieu, cours maintenant et dis lui que la paix est possible sur ce fondement de feu autour et de feu dedans.
Nous sommes très libre alors de construire comme nous le voulons, sur de telles bases, brique après brique, à notre rythme. Tout est possible et tout tiendra bon, nous dit Jésus-Christ dans sa fameuse parabole de la maison construite sur le roc (Matthieu 7:25). Il ne s’agit pas de reconstruire ces Jérusalem anciennes que nous pleurons. Le passé ne revient jamais et la paix n’est pas dans ce type de perspectives. Cette Jérusalem de feu est vivante et mobile pour que nous puissions construire aujourd’hui ce que nous deviendrons, dans la fidélité au passé, et dans la fidélité à l’essence même de la vie.
Avec la grâce de Dieu.
Amen.
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Je levai les yeux et je regardai, et voici, il y avait un homme tenant dans la main un cordeau pour mesurer.
6 Je dis: Où vas-tu? Et il me dit: Je vais mesurer Jérusalem, pour voir quelle st sa largeur et de quelle est sa longueur.
7 Et voici, l’ange qui me parlait s’avança, et un autre ange vint à sa rencontre.
8 Il lui dit: Cours, parle à ce jeune homme, et dis: Jérusalem sera une ville ouverte, à cause de la multitude d’hommes et de bêtes qui seront au milieu d’elle;
9 Je serai pour elle, dit l’Eternel, une muraille de feu tout autour, et je serai sa gloire au milieu d’elle.
Pharaon approchait. Les enfants d’Israël levèrent les yeux, et voici, les Egyptiens étaient en marche derrière eux. Et les enfants d’Israël eurent une grande frayeur, et crièrent à l’Eternel.
11 Ils dirent à Moïse: N’y avait-il pas des sépulcres en Egypte, sans qu’il soit besoin de nous mener mourir au désert? Que nous as-tu fait en nous faisant sortir d’Egypte? 12 N’est-ce pas là ce que nous te disions en Egypte: Laisse-nous servir les Egyptiens, car nous aimons mieux servir les Egyptiens que de mourir au désert?
13 Moïse répondit au peuple: Ne craignez rien, restez en place, et regardez la délivrance que l’Eternel va vous accorder en ce jour; car les Egyptiens que vous voyez aujourd’hui, vous ne les verrez plus jamais. 14 L’Eternel combattra pour vous; et vous, gardez le silence.
15 L’Eternel dit à Moïse: Pourquoi ces cris? Parle aux enfants d’Israël, et qu’ils marchent. 16 Toi, lève ton bâton, étends ta main sur la mer, et fends-la; et les enfants d’Israël entreront au milieu de la mer à sec. 17 Et moi, je vais faire que les Egyptiens s’entêtent, pour qu’ils y entrent après eux; et Pharaon et toute son armée, ses chars et ses cavaliers, feront éclater ma gloire. 18 Et les Egyptiens sauront que je suis l’Eternel, quand Pharaon, ses chars et ses cavaliers, auront fait éclater ma gloire.
19 L’ange de Dieu, qui allait devant le camp d’Israël, partit et alla derrière eux; et la colonne de nuée qui les précédait, partit et se tint derrière eux. 20 Elle se plaça entre le camp des Egyptiens et le camp d’Israël. Cette nuée était ténébreuse d’un côté, et de l’autre elle éclairait la nuit. Et les deux camps n’approchèrent point l’un de l’autre pendant toute la nuit.
21 Moïse étendit sa main sur la mer. Et l’Eternel refoula la mer par un vent d’orient, qui souffla avec impétuosité toute la nuit; il mit la mer à sec, et les eaux se fendirent. 22 Les enfants d’Israël entrèrent au milieu de la mer à sec, et les eaux formaient comme une muraille à leur droite et à leur gauche. 23 Les Egyptiens les poursuivirent; et tous les chevaux de Pharaon, ses chars et ses cavaliers, entrèrent après eux au milieu de la mer.
24 A la veille du matin, l’Eternel, de la colonne de feu et de nuée, regarda le camp des Egyptiens, et mit en désordre le camp des Egyptiens. 25 Il ôta les roues de leurs chars et en rendit la marche difficile. Les Egyptiens dirent alors: Fuyons devant Israël, car l’Eternel combat pour lui contre les Egyptiens.