( Jean 1:1-42 )
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Culte du dimanche 7 avril 2013
prédication du pasteur Marc Pernot
Pour ce premier dimanche après Pâques, je vous propose de suivre le début de l’Évangile selon Jean. Car il s’ouvre sur l’histoire de deux hommes à qui l’on annonce que le Christ est présent et qui arrivent au bout d’un court cheminement à « demeurer avec lui », expression qui est lourde de sens sous la plume de Jean, « demeurer avec lui, par lui, en lui » étant ici synonyme d’être dans la vie éternelle, et donc ressuscités avec lui.
Ce texte est sympa avec nous, il sait que ce n’est pas facile de reconnaître le Christ parce qu’il ne correspond pas à ce que l’on attend. Jean nous aide donc à le reconnaître, et il en donne par la même occasion son mode d’emploi.
Les hébreux attendaient le Christ, le Messie, un personnage formidable qui changerait le cours de l’histoire, sa venue étant donc un événement aussi décisif que la création de l’univers matériel, nous dit Jean dans les premiers mots de son livre (1:1, 1:14).
Pour une mission aussi extraordinaire, il est naturel d’attendre quelqu’un d’exceptionnel. C’est pourquoi les autorités juives enquêtent sur Jean-Baptiste au début de ce texte, parce que Jean-Baptiste, lui, était spectaculaire : un ermite sorti du désert, au mode de vie héroïque, à la parole tonitruante appelant à un changement radical de vie, et appelant à ce baptême qui peut passer pour une sorte de déluge à vivre intérieurement.
Au contraire, le Christ n’a rien de spectaculaire, nous dit ce texte. Il est « au milieu de vous comme quelqu’un que vous ne connaissez pas », rien dans son apparence de le distingue des autres.
J’aimerais que cette toute première chose que dit Jean sur le Christ nous aide à reconnaître cette source de vie que Dieu nous donne en Christ dans la simplicité de notre vie et de ce monde, à l’image de ce Jésus encore inconnu, n’ayant fait aucun miracle encore, un homme au milieu de nous, un homme comme nous, et qui pourtant est le vivant, le sauveur.
Jean-Baptiste a la clairvoyance de le reconnaître alors que ce n’est pas évident. Il sait voir « l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et s’arrêter sur lui ». Or, cet Esprit nous est promis à chacun de nous par le Christ, cet Esprit continue à descendre et à demeurer sur nous, en nous, en chacun, même s’il ne le sait pas et le cache au plus profond.
Saurons-nous voir cette colombe, descendre et se poser ? Saurons nous y attacher plus d’importance qu’aux pigeons de Paris que nous ne voyons même plus ? Saurons nous reconnaître le Christ dans la personne avec qui nous avons affaire, et voir sous son apparence ordinaire, l’être sur qui est réellement descendu l’Esprit de Dieu ? Saurons nous discerner en nous-mêmes cette tête que Dieu bénit, ce frémissement d’espérance qui déjà peut nous permettre de redresser la tête et de vivre ?
Les gens se demandent si Jean-Baptiste ne serait pas Élie ou « le prophète » (Moïse ?). Le Christ, dans ce début d’Évangile selon Jean, ne dit quasiment rien. Ses premiers mots, sa première prédication est dans cet évangile ces trois ou quatre mots qui invitent à se demander ce que l’on cherche vraiment « Que cherchez-vous ? », puis « Venez et voyez. »
Pourtant, le Christ n’est pas sans rapport avec les prophètes et avec Moïse, il accomplit ce qu’ils annoncent, il nous aide à faire une lecture vivifiante de l’Ancien Testament. C’est pourquoi les autres évangiles nous parlent de cette vision de Jésus transfiguré sur la montagne, discutant avec Élie et Moïse.
Mais avec ce récit, Jean dit que l’Évangile, d’abord, n’est pas une chose que l’on entend et que l’on peut répéter, mais quelque chose que l’on voit, et que l’on peut expérimenter. Pourtant oui, l’Évangile selon Jean est très théologique, mais, nous dit-il dans cette introduction, cette théologie a pour simple fonction de nous préparer, comme quand le Baptiste dit que ce Jésus qui est là, parmi les gens, est « Celui qui vient après moi m’a précédé, car il était avant moi ». C’est de la très faute théologie. Mais l’essentiel n’est pas là, ce n’est qu’une voix qui prépare le chemin devant nous pour notre futur trajet dans le désert.
J’aimerais que cette toute première chose que nous dit Jean nous aide à avoir cet appétit, que nous ayons cette attente de quelque chose de neuf dans notre vie. Que nous le recherchions dans un mouvement profond et vrai en regardant le Christ qui passe. Une recherche, un mouvement approfondi dans la prière et dans la rencontre de l’autre pour s’entendre dire du Christ « Que cherchez-vous ? ». Et que, oui, nous osions nous lancer, même si c’est juste « pour voir ».
Le texte nous dit que « Jean se tenait là » (v. 35), tandis que « Jésus est en train de marcher », marchant encore et même « se retournant ».
Jean-baptiste, lui, est comme un panneau indicateur solidement enfoncé dans le roc de sa mission. Il incarne la connaissance sur Jésus, qui sera prolongée par le texte des évangiles.
Jésus, lui, est vivant, mobile. Il passe et repasse comme la grâce de Dieu qui jamais ne se lasse de venir nous offrir sa présence. Chaque fois que Jean-Baptiste le voit marcher devant lui, c’est alors qu’il peut dire à ceux qui l’entourent « Voici l’Agneau de Dieu », désignant ainsi Jésus marchant comme étant le Christ. Dans les autres Évangiles, c’est à son baptême que Jésus est reconnu comme Fils de Dieu. Mais ici, il semble que ce soit dans son mouvement que Jean-Baptiste reconnaisse le Christ. Comme s’il voyait alors l’Esprit de Dieu descendre et demeurer sur lui.
Et c’est dans ce mouvement que sont entraînés les deux disciples de Jean-Baptiste, et, cherchant où Jésus demeure, c’est en allant à sa suite qu’ils voient… que le Christ demeure toujours en mouvement. Et c’est bien normal, puisque l’Esprit de Dieu « demeure » sur lui et que l’Esprit est le principe même de la dynamique d’évolution dont Dieu est la source.
J’aimerais qu’avec cette toute première chose que Jean dit sur le Christ, nous sentions déjà frémir ce mouvement que Dieu souffle dans le monde et en nous-mêmes, un sain tressaillement dans nos tripes, notre cœur, nos pensées, des étincelles de prise de conscience dans l’humanité. Et savoir reconnaître, comme le Baptiste, quand un mouvement est un bon mouvement qui vient de l’Esprit de Dieu. Et que cela nous donne envie de vivre de cette mobilité, de s’accrocher derrière cette locomotive qu’est le Christ, même si c’est juste « pour voir ». Et être avec lui un peu plus vivant.
Aucune église, aucun dogme, aucun Évangile même, ne peut mettre en équation ce mouvement qu’est le Christ. Son mouvement est, comme le dit Jean un peu plus loin dans son livre, celui de l’Esprit, et « l’Esprit, comme le vent, souffle où il veut, et tu en entends le bruit; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit. » (Jean 3:8). J’aimerais que chacun se sente autorisé, par l’Esprit, d’être libre de faire le bien qu’il a à cœur de faire. Parce que Dieu lui-même nous encourage à chercher par nous-mêmes ce que nous pouvons faire de bon dans ce monde pour lui et avec lui.
Quand Jean-Baptiste reconnaît dans ce mouvement de Jésus qu’il est « l’Agneau de Dieu », cela se comprend car l’Agneau de Dieu a tout à voir avec l’idée de mouvement et de libération par Dieu. L’agneau de Dieu évoque l’agneau de Pâques que les hébreux mangèrent pour prendre des forces avant de s’élancer dans le désert hors des griffes du pharaon.
Jean espère visiblement que chacun pourra trouver dans la première page de son évangile une même libération de tout ce qui nous retient. Que par tout ce que Jésus a manifesté nous soyons affranchis de toute crainte de Dieu, de tout déterminisme, de tout sentiment ce n’est même pas la peine d’essayer de se bouger. Jean espère qu’en lisant son témoignage sur Jésus, nous serons entraînés à sa suite, avec une énergie nouvelle, avec des yeux neufs, un cœur qui aime et qui espère, qui fait des projets.
En effet, les mots « Jésus se retourna » signifient littéralement que Jésus se convertit. Et c’est là encore une surprise. Il se convertit d’abord pour se tourner vers nous, et ainsi nous ne voyons pas seulement son dos, ses actes passés, son sillage. Mais que nous sentions qu’en lui, Dieu s’adresse à nous et nous demande notre avis, nous encourage, qu’il est avec nous.
Mais il n’est pas écrit que Jésus se retourna vers les deux hommes qui le suivaient. Mais que « Jésus se retourna » et qu’il ne les vit qu’après. Jésus se convertit tout court. Et cela nous encourage à évoluer dans l’idée que nous nous faisons du Christ, cela nous encourage à regarder autour de nous et à évoluer dans notre trajectoire en tenant compte des circonstances et des autres autour de nous.
J’aimerais que nous nous sentions assez libres, en Christ, pour avoir cette souplesse d’esprit dans notre existence. Parce qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, parce que nous ne sommes pas Dieu pour avoir parfaitement raison, et que même si nous étions à l’image de Dieu, nous évoluerions d’autant plus, car il est le vivant.
Jean nous dit en voyant le Christ marcher « Voici l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde. » Le salut qu’apporte le Christ s’opère donc dans ce monde que Dieu aime. Christ vient pour que ce monde soit libéré, purifié, soigné, guéri, ressuscité, réconcilié, pacifié… Ce salut de Dieu n’est pas une question de ticket d’entrée pour le paradis. Son but, c’est de nous élever comme des parents élèvent un enfant, pour qu’il soit épanoui. Voilà le projet de Dieu. Jésus affirme par ailleurs que la vie continue après la mort (Jn 11). Mais la vraie question, aujourd’hui et maintenant, nous dit ici Jean, c’est que nous puissions bénéficier de cette joie de vivre qu’a le Christ, de cet amour pour ce monde et pour les gens qui y vivent, vivre de cette émotion qu’il a en voyant une personne qui peine à avancer. J’aimerais que nous sentions cette main que Dieu nous tend en Christ, ce souffle neuf qu’il met dans nos poumons.
Et ce texte nous donne en plus un court mode d’emploi pour se saisir de cette résurrection qui nous est donnée en Christ, ce qui n’est pas inutile.
L’agneau de Dieu, l’agneau de la Pâques n’est pas offert à Dieu, selon le livre de l’Exode. L’agneau est partagé entre les hébreux pour qu’ils le mangent et prennent des forces ensemble. Tel est le premier point du mode d’emploi. Christ n’a pas à être imité, ni adoré, ni prié, ni mis en dogmes qu’il faudrait absolument croire. Non. Christ est fait pour être mangé. Nous pouvons prendre et mâcher le Christ par l’étude, la méditation et la prière. Nous pouvons nous saisir de sa façon d’être et la digérer, l’assimiler. Que cela nourrisse notre façon de vivre avec les autres. Que notre relation à Dieu soit nourrie de la confiance en Dieu qu’avait Jésus, son Père qui, nous dit-il va jusqu’à aimer ses ennemis, bénir ceux qui le maudissent et faire du bien à ceux qui le persécutent.
Et en ce premier dimanche après Pâques, malgré les difficultés de circulation, malgré les premières chaleurs du printemps enfin arrivant, avec les arbres en fleurs et tout cela… Nous sommes venus pour nous nourrir de l’Agneau de Dieu.
En effet, quand Jean-Baptiste nous dit que Christ est « un homme qui vient et qui l’a précédé » le mot grec pour dire « homme » n’est pas anthropos mais aner qui a parfois le sens de l’homme que l’on pourrait épouser (comme en Jean 4 :18). Ce texte nous propose de faire alliance avec Christ par choix personnel, que nous nous lions à lui par amour. Non pour devenir un austère ermite du désert comme Jean-Baptiste, mais pour avancer et faire avancer. Jésus est un joyeux compagnon qui aime la convivialité. Il fait bon vivre avec lui, que ce soit dans la pauvreté en mettant en commun le peu que l’on a, comme dans l’abondance des repas, des pique-niques et des grillades au bord du lac.
Le Christ emmène ici les disciples dans son mouvement, il ne leur fait pas un cours magistral sanctionné par un examen. Il leur propose seulement de mettre en mouvement leur réflexion. Il les aide à se demander ce qu’ils cherchent et à expérimenter la réponse avec lui, grâce à lui. Ne cherchons donc pas trop dans la Bible des réponses à nos questions, mais plutôt des questions à nos réponses toutes faites, à nos immobilismes, à nos peurs.
Jean nous invite à garder le Christ vivant plutôt que de le momifier dans un cercueil de verre. mais à encore et encore le chercher au milieu de nous, pour l’y trouver par surprise. Le chercher en nous et l’y reconnaître par l’Esprit. Et même le trouver sans le chercher dans le geste d’un inconnu qui nous a surpris par sa qualité d’humanité.
Et ce temps, c’est celui de passer à l’action que nous inspirera le Christ vivant (selon Saint Augustin, le chiffre 10 évoquant le décalogue, et donc l’action juste, qui est ici donnée directement dans le cœur de l’homme).
Amen
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Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. 2 Elle était au commencement avec Dieu. 3 Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. 4 En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. 5 La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue.
6 Il y eut un homme envoyé de Dieu: son nom était Jean. 7 Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui. 8 Il n’était pas la lumière, mais il parut pour rendre témoignage à la lumière.
9 Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme. 10 Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a point connue. 11 Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont point reçue. 12 Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés, 13 non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. 14 Et la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père.
15 Jean lui a rendu témoignage, et s’est écrié: C’est celui dont j’ai dit: Celui qui vient après moi m’a précédé, car il était avant moi.
16 Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce; 17 car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ. 18 Personne n’a jamais vu Dieu. Dieu, le Fils unique,qui est dans le sein du Père, est celui qui l’a fait connaître.
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Voici le témoignage de Jean, lorsque les Juifs envoyèrent de Jérusalem des sacrificateurs et des Lévites, pour lui demander: Toi, qui es-tu? 20 Il déclara, et sans restriction, il affirma qu’il n’était pas le Christ. 21 Et ils lui demandèrent: Quoi donc? es-tu Elie? Et il dit: Je ne le suis pas. Es-tu le prophète? Et il répondit: Non. 22 Ils lui dirent alors: Qui est-tu? afin que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu de toi-même? 23 Moi, dit-il, je suis la voix de celui qui crie dans le désert: Aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit Ésaïe, le prophète.
24 Ceux qui avaient été envoyés étaient des pharisiens. 25 Ils lui posèrent encore cette question: Pourquoi donc baptises-tu, si tu n’es pas le Christ, ni Elie, ni le prophète? 26 Jean leur répondit: Moi, je baptise d’eau, mais au milieu de vous il y a quelqu’un que vous ne connaissez pas, qui vient après moi; 27 je ne suis pas digne de délier la courroie de ses souliers. 28 Ces choses se passèrent à Béthanie, au-delà du Jourdain, où Jean baptisait.
29 Le lendemain, il vit Jésus venant à lui, et il dit: Voici l’Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. 30 C’est celui dont j’ai dit: Après moi vient un homme qui m’a précédé, car il était avant moi. 31 Je ne le connaissais pas, mais c’est afin qu’il soit manifesté à Israël que je suis venu baptiser d’eau. - 32 Jean rendit ce témoignage: J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et s’arrêter sur lui. - 33 Je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser d’eau, m’a dit: Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et s’arrêter, c’est celui qui baptise du Saint-Esprit. 34 Et j’ai vu, et j’ai rendu témoignage qu’il est le Fils de Dieu.
35 Le lendemain de nouveau, Jean se tenait là, avec deux de ses disciples; 36 et, ayant regardé Jésus marchant, il dit: Voilà l’Agneau de Dieu. 37 Les deux disciples l’entendirent prononcer ces paroles, et ils suivirent Jésus.
38 Jésus se retourna, et voyant qu’ils le suivaient, il leur dit: Que cherchez-vous? Ils lui répondirent: Rabbi (ce qui signifie Maître), où demeures-tu? 39 Venez, leur dit-il, et voyez. Ils allèrent, et ils virent où il demeurait; et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. C’était environ la dixième heure.