(écouter, culte en entier, imprimer)
Le dimanche 4 août 2019
Au temple de Champel - Genève
prédication du pasteur Marc Pernot
Quand Jésus, montant à Jérusalem pour se manifester comme Messie (Christ), il ne s’est pas dirigé vers le palais de l’envahisseur romain : il s’est avancé vers le Temple pour nous appeler à purifier notre relation à Dieu. C’est ainsi qu’il entend « accomplir les Écritures », et cela propose une façon de lire ou de relire la Bible.
La Bible hébraïque est pleine de batailles : soit qu’Israël soit attaqué par divers peuples, soit qu’Israël lui-même attaque pour les envahir. Le sens littéral de ces combats est souvent très choquant. La façon d’être de Jésus propose de lire ces combats bibliques non au sens guerrier mais au sens spirituel. Ce n’est pas nouveau, d’ailleurs, cela correspond à mon avis à l’intention même de ces écritures. La Bible n’évoque le passé que pour parler du présent de la vie de son lecteur. Un passé souvent romancé, d’ailleurs, afin de porter le message spirituel désiré par le témoin ayant pris pour nous la plume, le calame, le stylet ou le pinceau.
De toute façon, il est clair que la lecture au sens matériel ne convient pas à ces textes, elle est même trompeuse, donnant de faux espoirs : face à des hommes méchants, bien armés, entraînés et déterminés, la prière fervente n’est pas d’une grande efficacité. La vie de Jésus le montre d’ailleurs tragiquement, malgré sa prière à Gethsémanée il a été arrêté par les soldats, jugé contre toute justice, torturé et exécuté sur le champ.
Le salut apporté par le Christ n’est pourtant pas sans rapport avec la paix, avec la droiture et la justice. Dieu a tout à voir avec cela : il travaille en amont de cela, à la racine de la paix et de la justice à l’intérieur de la personne humaine et de l’humanité. Jésus explique : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme; craignez plutôt ce qui peut faire mourir l’âme et le corps dans la géhenne. » (Matthieu 10:28)
C’est sur ce plan qu’agit le Christ : celui de l’âme, ou plutôt de l’élan vital, il agit sur la connexion profonde de notre humanité à la source de la vie.
C’est ce que propose cette page du premier livre de Samuel. Samuel est présenté comme prophète, il gouverne, et la paix va régner avec l’aide de Dieu qui agit avec puissance. C’est pour nous qu’est écrit ce texte. C’est un témoignage, une prédication vieille de près de 3000 ans.
Le texte commence en disant que l’arche d’alliance a été installée au cœur d’Israël pendant longtemps, bien longtemps, 20 années... avant qu’enfin « toute la maison d'Israël pousse des gémissements vers l'Éternel ». Ce n’est pas trop tôt. L’arche d’alliance contenait des souvenirs d’anciennes actions de Dieu pour sauver son peuple de sa détresse et le faire cheminer vers la vie. Des souvenirs peuvent-ils changer une vie ? C’est bien possible, c’est ce qui arrive ici, finalement, quand au lieu de se laisser battre et abattre, les hébreux se mettent à « gémir vers l’Éternel ». Ils ont fait le rapprochement entre les souvenirs anciens de l’action de Dieu pour sauver les humains et leur propre situation de détresse. C’est ce qui arrive quand on passe de la conservation de la Bible dans sa bibliothèque (comme ces hébreux pendant 20 ans), à l’appropriation de ces textes anciens en une espérance pour notre situation présente, pour un soupir tourné vers l’Éternel, une ouverture à la source de l’être que désigne ce mot YHWH « je suis » traduit ici par « l’Éternel ».
Suite de leur appropriation des témoignages des anciens, redécouverts sous une couche de vingt années de poussière, le premier exaucement qui leur vient est d’entendre ce que dit le prophète Samuel.
En Christ, l’Esprit n’est plus réservé à quelque prophète, sorte de champion de l’Esprit donné par Dieu pour éclairer les humains coupés de Dieu. En Christ, comme attendu depuis les origines, tous et toutes, petits et grands, reçoivent l’Esprit qui fait d’eux un prophète ou une prophétesse. Vous et moi. Le nom même de Samuel nous parle : il signifie « Dieu a écouté ». Cette phrase « Samuel dit à toute la maison d'Israël » se traduit donc par : « Dieu a écouté et il nous parle, il parle à notre être tout entier, à notre vie dans toute ses dimensions ». Le premier exaucement d’une lecture de la Bible pleine d’espérance en Dieu est de découvrir que Dieu entend nos gémissements, notre prière inarticulée, le murmure de notre être en manque, de notre cœur, de notre âme, de notre intelligence, de notre vie tout entière qui a soif de Dieu, du Dieu vivant.
Déjà, les effets se font sentir : un rassemblement de leur être (v.5) qui était comme éparpillé, émietté. Une unification de leurs priorités, de leur espérance. Une simplification de leur vie, non pour la réduire, non pour l’étriquer, mais comme on aère une vigne, une plantation, une forêt, afin de l’assainir, afin que la lumière y pénètre, et qu’elle puisse respirer, s’étendre, porter du fruit.
Les philistins sont une figure de ce qui nous agresse et nous tire vers le bas, ce qui pille nos récoltes, ce qui nous affame, nous viole et nous tue. Déjà, nos philistins s’épouvantent et nous pouvons les terrasser. Il est bon que la Bible parle ainsi au figuré, car chacun a ses propres philistins. Et par l’écoute et de soi et de Dieu, dans le secret de notre prière ce souffle de salut nous rejoint.
L’histoire ne s’arrête pas sur l’annonce de la victoire sur les philistins et la paix. Le prophète Samuel continue à agir, et cela montre que ce processus partant de notre souffrance à notre paix est comme un programme sans cesse à travailler et à entretenir. Il nous est dit que chaque année, Samuel faisait comme un pèlerinage à travers des hauts lieux de mémoire. Comme pour recharger ses batteries théologiques et spirituelles. Comme pour travailler dans le mode propre à chacun de ces lieux. Excellent conseil, tout simple et sage. Bien concret.
Samuel allait ainsi chaque année faire le tour de Béthel, de Guilgal et de Mitspa, il gouvernait Israël dans tous ces lieux. Puis il revenait à Rama où était sa maison; et là, il gouvernait Israël, et il bâtit un autel à l'Éternel.
Les étapes de ce voyage font référence à des événements fondateurs de l'histoire du peuple hébreu. Chacun de ces lieux a reçu son nom pour en rappeler le sens aux générations futures.
Il s’agit pour le prophète qui est en nous de recharger ses batteries à l’écoute de cette espérance pour aujourd’hui, espérance en Dieu, foi pour aujourd’hui.
La 1ère étape est Béthel : littéralement « la maison de Dieu », ce lieu a été nommé ainsi par Jacob après cette célèbre vision des anges qui montent et descendent vers lui (Genèse 28:16-19). Jacob dit: « Certainement, l'Éternel est en ce lieu, et moi, je ne le savais pas ! C'est ici la maison de Dieu, c'est ici la porte des cieux ! ». Puis il dresse une pierre afin de rendre un culte à Dieu et d’en témoigner.
Samuel connaissait par cœur l'histoire de Jacob à Béthel. La 1e étape de son cheminement consiste à approfondir personnellement cette expérience de Jacob, celle d'une relation intime avec Dieu. Et comme ce n’est pas toujours facile, il est bon de passer par les pierres dressées par ceux qui nous ont précédé dans la foi. Le Christ a ouvert cette porte des cieux pour chacune et chacun de nous. C’est la possibilité de faire monter à Dieu notre gémissement, qu’il nous entende et que sa présence nous parle.
Et pourtant, comme Jacob, nous doutions que Dieu puisse être vraiment là pour nous.
La 2e étape est Guilgal. Cet endroit est connu dans la Bible comme le lieu où les hébreux entrent enfin dans la Terre Promise, traversant miraculeusement le Jourdain à pied sec. Puis Josué construit un lieu de culte pour l'Éternel qu'il appelle Guilgal (« la roue »), faite de douze pierres prises par les douze tribus d’Israël au milieu du Jourdain. (Josué 4:21ss)
Qu’est-ce que ça ajoute de passer par Guilgal après être passé par Béthel ?
Ø C’est que Béthel évoque la présence de Dieu, la mystique, la tendresse de Dieu qui nous accompagne, la possibilité d’être vis à vis de lui comme avec un ami que l’on va voir en privé et qui nous comprend à demi mot, et promet de nous accompagner, de nous consoler.
Ø Guilgal évoque la force de Dieu, les prodiges qu’il fait pour nous permettre d’avancer, de franchir l’infranchissable, de rouler par dessus les cailloux de notre route, les fleuves et les déserts
Dieu n’est pas qu’une porte, il est une roue. Il n’est pas seulement une consolation, il est une énergie, un mouvement. Il m’incorpore dans un peuple, c’est ensemble que nous avançons dans la vie, et j’ai ma pierre à y ajouter.
Il est bon, à Guilgal de nous souvenir des passages déjà franchis et des liens tissés. Il est bon de remercier Dieu pour cela et de prendre courage pour le pas suivant.
Mitspa est la 3e expérience que nous propose le voyage de Samuel. Le plus important car c’est là qu’il réunit tout Israël au début de cette histoire.
Ce 3e lieu important de l'histoire d'Israël évoque l'alliance que fait Jacob avec son beau-père. Ils dressent un gros tas de pierre sur la frontière entre leurs territoires. La Genèse nous raconte que l'on appelle cet endroit Mitspa, parce que Laban dit à Jacob: «Que l'Éternel veille sur toi et sur moi ». (Genèse 31:49)
Mistspa, c’est la tour de garde, et Dieu est la vigie qui veille sur chacun de nous. Il voit de loin ce qui peut arriver, il nous aide à voir clair sur l’ennemi insidieux peut-être déjà infiltré en nous. La prière n’est pas seulement un appel à Dieu, ce n’est pas seulement la force de Dieu, c’est ce qu’il nous apprend, ce qu’il nous révèle vu de haut, la vraie valeur dans le temps.
Samuel allait ainsi chaque année faire le tour de Béthel, de Guilgal et de Mitspa, il gouvernait Israël dans tous ces lieux. Puis il revenait à Rama où était sa maison; et là, il gouvernait Israël, et il bâtit un autel à l'Éternel.
Rama ne correspond à aucun grand lieu de l'histoire d'Israël. Après les trois premiers lieux, c'est un peu surprenant, c’est pourquoi le texte explique se sent appelé à nous expliquer pourquoi Samuel passe par cet endroit qui n'évoque rien à personne. La simple et bonne raison qui fait que Samuel retourne à Rama pour y vivre : c'est que c'est là qu’il habite. C’est là qu’est sa vie.
L’itinéraire de Samuel nous propose de quitter un instant notre monde pour recharger nos batteries théologiques et spirituelles, raviver notre foi. Puis il nous propose de revenir à nos affaires. Tout simplement. Et que notre foi s’y incarne et produise ses fruits, grâce à l’aide de Dieu.
Il n'y avait pas de lieu de culte à Rama. Quand Samuel revient de son voyage par Béthel, Guilgal et Mistpa, il va y bâtir un autel. Maintenant les choses ont changé pour lui, et il a envie de célébrer l'Éternel au cœur de sa vie quotidienne. Sa prière devient moins religieuse et plus intime, plus personnelle.
On peut remarquer aussi que tout au long de cet itinéraire spirituel, Samuel prend le temps de « gouverner Israël ». Chacun de ces lieux apporte ses fruits propres dans notre être et autour de nous :
Ø Porter des fruits comme si l’on était à Béthel, c’est être à notre mesure comme cette pierre dressée par Jacob, le signe d’une présence de Dieu pour un autre, il peut nous arriver ainsi d’être pour quelqu’un l’ange qui lui révèle que Dieu est avec lui.
Ø Porter des fruits comme si l’on était à Guilgal, c’est vivre cette promesse du Christ « là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu de vous », se rassembler à quelques uns dans confiance que Dieu ouvrira des passages inconnus.
Ø Porter des fruits comme si l’on était à Mitspa c’est compter sur Dieu pour nous faire voir autrement la vie et le temps qui passe, du haut de la grâce de Dieu veillant sur nous tous.
Ø Porter des fruits à Rama évoque un service plus prosaïque, qui s’incarne dans notre vie quotidienne pour consoler, soigner, nourrir, enseigner, et faire place à Dieu dans notre louange...
Que l'Éternel nous bénisse ainsi, et qu’il bénisse par vous ceux qu’il vous confie.
Amen.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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2 Il s'était passé bien des jours depuis le jour où l'arche avait été installée à Qiryath-Yearim : vingt années. Alors toute la maison d'Israël poussa des gémissements vers l'Éternel.
3 Samuel dit à toute la maison d'Israël : Si c'est de tout votre cœur que vous revenez à l'Éternel, ôtez du milieu de vous les dieux étrangers et les Astartés, décidez-vous pour l'Éternel et servez-le lui seul ; alors il vous délivrera de la main des Philistins. 4Et les Israélites ôtèrent du milieu d'eux les Baals et les Astartés, et ils servirent l'Éternel seul.
5 Samuel dit : Rassemblez tout Israël à Mitspa, et je prierai l'Éternel pour vous. 6Ils se rassemblèrent à Mitspa, puisèrent de l'eau et la répandirent devant l'Éternel. Ils jeûnèrent en ce jour. C'est là qu'ils dirent : Nous avons péché contre l'Éternel ! Samuel gouverna les Israélites à Mitspa.
7 Les Philistins apprirent que les Israélites s'étaient rassemblés à Mitspa, et les ducs des Philistins montèrent contre Israël. Les Israélites l'apprirent et eurent de la crainte devant les Philistins. 8Les Israélites dirent à Samuel : Ne garde pas le silence, mais crie pour nous à l'Éternel, notre Dieu, afin qu'il nous sauve de la main des Philistins. 9Samuel prit un agneau de lait et l'offrit tout entier en holocauste à l'Éternel. Il cria à l'Éternel pour Israël, et l'Éternel lui répondit. 10Pendant que Samuel offrait l'holocauste, les Philistins s'approchèrent pour attaquer Israël. En ce jour l'Éternel fit retentir le tonnerre à grand bruit contre les Philistins et les mit en déroute. Ils furent battus devant Israël. 11Les hommes d'Israël sortirent de Mitspa, poursuivirent les Philistins et les battirent jusqu'au-dessous de Beth-Kar. 12Samuel prit une pierre qu'il plaça entre Mitspa et Chén, et il l'appela du nom de Ében-Ézer, en disant : Jusqu'ici l'Éternel nous a secourus. 13Ainsi les Philistins furent humiliés et ne vinrent plus sur le territoire d'Israël. La main de l'Éternel fut contre les Philistins pendant tout la vie de Samuel. 14Les villes que les Philistins avaient prises sur Israël revinrent à Israël, depuis Ékron jusqu'à Gath, avec leur territoire ; Israël les arracha de la main des Philistins. Et il y eut la paix entre Israël et les Amoréens.
15 Samuel fut juge en Israël pendant toute sa vie. 16Il allait chaque année faire un circuit par Béthel, Guilgal et Mitspa, et il gouvernait Israël dans tous ces endroits. 17Puis il retournait à Rama où était sa maison ; c'est là qu'il gouvernait Israël et qu'il avait bâti un autel à l'Éternel.
(Cf. traduction Colombe)