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Dimanche 25 septembre 2022
Culte au temple de Vandœuvres
prédication du pasteur Marc Pernot
À la base de nos évangiles, il y a des recueils de paroles de Jésus et d’anecdotes sur sa vie. Il aurait été facile de ne sélectionner que ses paroles les plus agréables et douces. Elles sont si nombreuses et vivifiantes que l’ensemble du témoignage de Jésus a été appelé l’Évangile, la meilleure de toutes les bonnes nouvelles. C’est notre boussole pour interpréter non seulement ce qu’a dit Jésus mais encore l’ensemble de la Bible : nous pouvons interpréter ces textes de multiple façons comme bon nous semble (ils ont été écrits pour cela), à condition que notre interprétation soit une bonne nouvelle pour chaque personne, même pour les pécheurs, à l’image du Christ.
Mais voilà que dans cet Évangile sont enchâssées une douzaine de paroles de Jésus profondément choquantes, en particulier dans ce passage que je vous propose où chaque phrase de Jésus est une perle de provocation.
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Bien sûr que le Christ apporte la paix. C’est la définition même du service que doit accomplir le Christ. Il est « le prince de la Paix »(Ésaïe 9:6), il est même « notre paix » (Éphésiens 2:14). Jésus dit et répète ses « Va en paix » ou « La Paix soit avec vous ! » ( Luc 7:50, 8:48, 24:36, Jean 20:19,21,26) Et une de ses premières paroles annonce ce programme : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés enfants de Dieu ! »(Matthieu 5:9), or qui est plus « enfant de Dieu » que le Fils, le Christ lui-même ? Comment est-ce qu’il ne bâtirait pas la paix ?
C’est donc à juste titre que nous sommes troublés par le passage que nous méditons aujourd’hui. C’est délibéré de la part de Jésus. Pourquoi ? Je pense que c'est afin de nous donner d’être dans une réflexion sans cesse en recherche, au lieu de nous reposer sur des schémas trop simples. C’est salutaire, car pour vivre en ce monde complexe il est bon d’avoir une foi et une réflexion « tout terrain » ce qui n’est possible que si elles sont vivantes et capables de nuances.
Je vous propose de prendre chacune des cinq paroles provocantes de Jésus que nous avons ici, et de chercher à y entendre la force de vie de son Évangile :
Bien sûr que le Christ a pour fonction de nous apporter la paix. La question porte donc sur la manière dont il le fait. Il nous dit qu’il ne la « jette » pas comme le père Noël jetterait un cadeau par la cheminée. Christ travaille à bâtir la paix comme un artisan, avec habileté et passion, à la main, pièce après pièce. Et il nous embauche sur ce chantier comme un apprenti, nous donnant ici les bons outils, ou plutôt LE bon outil : un glaive, une épée.
Un glaive : une arme de combat ! Cela pourrait prêter à confusion, sauf que nous connaissons la vie de Jésus-Christ et sa façon d’être. Certains espéraient un Messie qui imposerait la paix par les armes comme un nouveau David. Ils seront déçus de voir que Jésus accomplit plutôt sa mission de Christ par des gestes de compassion et par l’annonce de l’Évangile de la bonté radicale de Dieu même pour ses ennemis.
Ce glaive que le Christ utilise et qu’il nous lance afin que nous nous nous en emparions n’est ni le glaive de David, ni le glaive de la justice qui frapperait les pécheurs, au contraire, c’est le « glaive de la Parole de Dieu » selon une expression bien connue dans la culture juive de l’époque (Psaume 149:6, Ésaïe 49:2), reprise par Paul (Éphésiens 6:17, Hébreux 4:12) et par Jean (Apocalypse 1:16) pour parler de la Parole créatrice de Dieu, ou de l’Esprit saint, ce qui est la même chose.
Jésus aurait pu dire qu’il ne « jetait pas la paix » toute faite sur la terre mais qu’il était venu pour bâtir la Paix en nous donnant la Parole de Dieu, cela aurait été plus clair, allez-vous me dire. Sauf que nous aurions pu penser qu’il apportait une doctrine ou une morale : un enseignement à recevoir et à vivre. Or, une leçon de morale n’a jamais rendu gentil une personne en colère. Ce que Jésus nous offre est bien plus qu’un enseignement : « la Parole de Dieu » est une puissance créatrice et c’est une puissance de séparation. Elle crée la lumière et la vie, puis elle sépare la lumière d’avec les ténèbres, elle sépare les eaux du chaos d’avec les eaux qui donnent la vie (Genèse 1).
C’est cet outil que le Christ nous apporte et nous donne pour bâtir avec lui la paix. Car la paix ne nous tombe pas dessus toute faite, elle est à bâtir par les personnes qui voudront bien se former à être « artisan de paix » à l’image de Dieu lui-même. À la suite du Christ nous travaillerons à la paix en apportant la Parole qui fait vivre et qui nous aide à ne pas tout confondre. Parole qui ouvre nos yeux aveugles, parole de grâce et de bénédiction, Parole qui prend soin de nous.
En regardant le Christ nous nous formons à bâtir la paix en maniant ce glaive de la Parole créatrice.
Au sens littéral, ce serait tout l’inverse de la paix, et cette parole nous fait donc sursauter au point de nous cogner la tête contre le plafond. Sauf que ces mot prennent un sens nouveau après l’allusion à la parole créatrice de Dieu « plus tranchante qu’une épée à deux tranchants, pénétrante jusqu’à partager âme et esprit, jointures et moelles. »(Hébreux 4:12)
« Séparer l’humain de son père » c’est d’abord de ne pas nous confondre, nous humain, avec Dieu le Père. C’est essentiel. Il n’y a pas pire fauteur de guerres, d’intolérance et de haine que celui qui se prend pour Dieu, confondant ses pensées avec celles de Dieu. Pour aimer Dieu il faut d’abord ne pas se prendre pour Dieu.
C’est le premier sens de cette parole, elle en a bien d’autres grâce à sa forme imagée, cet appel à nous séparer de ce qui nous a enfanté est riche de mil sens très utiles selon les circonstances de notre vie. Par exemple :
-Nous avons reçu de bonnes choses de ceux qui nous ont précédé et de notre culture, tant mieux : partons de là pour faire un pas de plus. Pour cela il faut couper le cordon et « aller vers nous-même » comme Dieu le dit à Abraham. (Gen. 12:1)
-Si nous avons une blessure dans notre propre histoire, cette Parole nous aide à avoir la force de nous séparer de cela et de la laisser en arrière.
-Nous sommes par certains cotés fils ou fille de la colère, de préjugés... la Parole travaille à nous libérer.
Tout cela est utile à l’apprenti « artisan de paix ».
C’est hélas vrai, en famille, dans l’humanité, et en nous-même. Et c’est débord là que nous avons à bâtir la paix. Une paix toujours à bâtir, brique par brique, pas à pas.
Un peu plus haut dans ce même évangile (Mt 5:44-48), Jésus nous dit comment Dieu traite ses ennemis : il les aime et les soigne, et il nous suggère de faire de même (décidément, Jésus ose tout). C’est en grande partie hors de nos forces, seulement, chaque fois que nous y arrivons un petit peu (et pour cela l’aide de Dieu n’est pas de trop) : c’est la paix qui se construit, très concrètement. La Paix commence en identifiant nos ennemis capables de tuer notre âme (Mt 10:28), cela demande de séparer entre ombres et lumière, de les nommer, de nous réjouir de ce qui est beau et de prendre soin de ce qui pose problème. En nous, en ceux qui nous sont confiés, et entre nous.
Encore une parole extrêmement choquante. Ou plutôt une parole choc qui ne nous permet de nous interroger sur la façon dont nous aimons nos proches.
Que peut vouloir dire Jésus en nous conseillant de l’aimer, lui le Christ, plus que nos proches ? Cela veut dire que notre affection pour eux soit augmentée, transcendée par une qualité d'amour plus grande et plus forte qui est l'amour que Christ a manifesté. Notre affection pour nos proches sera alors augmentée d'une espérance supérieure, comme celle que Christ a pour nous. Ce n'est plus seulement de l'affection venant des tripes que nous avons alors, c'est cette affection et bien plus encore, une puissance pour les faire vivre. Les aimer comme le Christ aime, cela veut dire que nous les voyons comme pouvant s'épanouir encore, et espérer pouvoir participer à cela, espérer les servir comme Christ s'est fait notre serviteur.
Bien sûr, nous n'en sommes que faiblement capable. Assurément, puisque nous ne sommes pas Dieu, ni même le Christ. Donc, oui, évidemment, comment serions nous « digne du Christ » ? Nous ne le sommes pas, et le Christ ne nous en veut pas pour autant, bien sûr, lui qui est venu pour les pécheurs, les indignes, dans l'espérance de nous élever un tant soit peu.
Cette très curieuse phrase de Jésus nous a fait sursauter, elle nous a ainsi éveillé, elle nous a donné le désir d’augmenter la qualité d'amour dont nous aimons nos proches, ne nous contentant pas d'un simple sentiment.
Ce n’est bien entendu pas un appel au martyr puisque le projet du Christ est que nous ayons la vie en abondance dès maintenant en ce monde ci. Seulement, il y a une certaine idée de la paix qui est l’immobilité. Encore une fois : ce n’est absolument pas la vision que le Christ nous propose car se cramponner à ce que nous sommes aujourd’hui c’est être déjà mort car la vie est mouvement, elle est cheminement, pas à pas. L’Esprit de Dieu nous donne de « rajeunir comme l’aigle »(Ps 103:5) Pour cela, il nous faut bien mourir à quelque chose de ce que nous étions hier pour être ressuscité à ce que nous serons demain, en « nouveauté de vie. » (Romains 6:4), en chemin de paix.
L’amour de Dieu manifesté en Christ nous donne confiance, et cela nous donne le courage d’oser prendre le risque d’être enfin vivant.
Amen.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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34 Jésus dit : Ne pensez pas que je suis venu jeter la paix sur la terre. Je ne suis pas venu jeter la paix, mais bien le glaive.
35 Oui, je suis venu séparer l’humain de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère. 36On aura pour ennemis les gens de sa maison.
37 Qui affectionne son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi.
Qui affectionne son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi.
38 Qui ne prend pas sa croix et vient à ma suite n’est pas digne de moi.
39 Qui trouve sa vie la perdra et qui perd sa vie à cause de moi la trouvera.