(écouter, culte entier, imprimer la feuille)
Dimanche 2 janvier 2022
Culte au temple de Vandœuvres
prédication du pasteur Marc Pernot
L'Évangile selon Matthieu nous présente les tout premiers disciples de Jésus comme des mages en chemin vers le Christ. Ce récit est comme une prédication qui nous invite à nous mettre en route à notre façon. Dans l’Évangile selon Jean également, le mouvement est essentiel, la première parole de Jésus est aussi pour mettre en route ses deux premiers disciples d’un « Venez et vous verrez »(Jean 1:39) qui les met en route, et dans la dernière partie de son Évangile, Jean témoignera du Christ en disant qu’il est cheminement, fidélité et vie, que c’est par lui que nous allons vers le Père. (Jean 14:6).
En chemin, donc, avec ces mages.
Et d’abord, afin de mieux comprendre, qui sont-ils ?
Le terme de « mage » que Matthieu emploie ici permet de savoir qui sont ces personnages : le mot mage est du persan : mōgh qui désigne un prêtre du zoroastrisme ou mazdéisme, la religion officielle en Perse voisine à cette époque, religion bien connue puisqu’elle est une des plus anciennes religions du monde existant encore à ce jour. Leur culte est tourné vers Ahura Mazda, dieu de la lumière.
Matthieu fait preuve d’une extrême ouverture en nous présentant comme modèle ces mages dans son commencement d’Évangile. Ils sont loin d’être des juifs modèles, et cela est un bel encouragement pour tous. Cela nous invite au respect des autres spiritualités, recherches et religions, il existe bien des façons de se mettre en mouvement vers l’ultime qui nous est donné par Dieu. Ce récit nous dit que nous avons le droit de ne pas être tout à fait dans les clous de la bonne théologie officielle, l’essentiel est, à la base, de chercher, de scruter les signes d’un salut comme ces mages, d’y faire attention et de l’honorer en se mettant en route.
Qu’est-ce qui met en route ces mages, en Orient ?
Une étoile. La plus minuscule des sources de lumière possible, un point, visible seulement dans les ténèbres.
S’ils observent les étoiles c’est qu’ils ont une attente, une recherche qui les fait lever les yeux pour scruter dans la nuit. Malheur au désespéré qui ne cherche plus, ou à celui qui est tellement certain de sa propre vérité qu’il ne cherche pas non plus.
Ces mages, ces prêtres mazdéens adorent le dieu de la lumière, leurs temples sont centrés sur un feu sacré qui est entretenu cérémoniellement en continu, encore aujourd’hui, depuis au moins quatre mille ans. Qu’est-ce que l’éclat d’une étoile quand on a un joli feu sacré dans son temple ? C’est une bonne idée de ne pas s’arrêter aux signes offerts par notre religion comme s’ils étaient un aboutissement, alors qu’ils sont là comme une pédagogie pour nous aider à reconnaître précisément ce qui est d’un autre ordre, transcendant, divin, source de vie (Avec le risque que quand on montre la lune, le fou regarde le doigt). Ces mages passent par leur religion et la dépassent, ils y ont trouvé non pas l’arrêt de leur quête mais une envie de chercher et une capacité à reconnaître par eux-mêmes un petit signe de salut, quelque chose qui sort de la fatalité, qui met en mouvement au lieu de figer la situation dans l’immobilité de la mort. C’est ce que figure ici cette étoile à la course aberrante. Une étoile qui se respecte ne peut pas se déplacer puis s’arrêter le temps d’une étape à Jérusalem puis se remettre en mouvement avant de se fixer encore. Cela n’existe pas : ni les étoiles lointaines, ni les planètes, ni une comète de passage, ni une météore ne peuvent faire cela.
Par conséquent, il ne s’agit pas d’une étoile physique classique, mais d’une étoile vivante. Tant mieux car elles sont plus faciles à repérer, et en réalité moins rare qu’on le pense parfois.
Pour voir une étoile, c’est déjà bien de regarder vers le haut : de belles valeurs, des pensées élevées sont comme ces étoiles qui sont dans le ciel et qui peuvent servir de repère pour nous orienter et faire le point sur notre position. C’est utile.
Mais avec ces mages, Matthieu nous appelle à percevoir ce quelque chose qui est de l’ordre du ciel et qui est vivant, qui nous met en route d’une belle façon. Que peut être pour nous cette étoile ? tout minuscule éclair de début de foi, ou d’espérance, ou d’amour, par exemple, nous dirait Paul. Ça peut être aussi la foi de sa grand-mère, ou une inspiration, un questionnement scientifique ou philosophique...
Il est question de nous mettre en route ? S’agirait-il de rompre avec notre vie, notre monde, voire ceux que nous aimons, notre métier, notre chez nous ? Ce n’est pas ce que nous propose l’itinéraire des mages. Ils suivent leur étoile jusqu’au Christ, ils l’expérimentent, puis ils rentrent alors chez eux, dans leur pays, leur vie, nous dit le texte. De même, Jésus n’appelle pas ses disciples à sortir du monde mais à vivre autrement notre monde. Ce n’est pas tant un changement de vie qu’un changement dans la façon de vivre sa vie, c’est un changement de logiciel, d’attitude, d’inspiration. En effet, près leur expérience du Christ, ces mages retournent dans leur vie, seulement, ils sont doués d’une capacité toute nouvelle : celle de se diriger par leurs propres moyens avec l’aide directe et personnelle de Dieu. Ce n’est pas que Dieu leur révèle leur chemin tout tracé, non : ils sont éclairés sur les véritables enjeux, et sont alors libres de tracer leur propre chemin, tout neuf, authentique. Comme ces mages, en Christ nous sommes faits prophète ou prophétesse.
Ce qui leur sert d’étoile vivante met en route les mages, chacun la sienne. Ensuite, nous voyons que les mages cherchent le Christ en combinant leur propre étoile avec le dialogue avec des théologiens et même avec le pouvoir politique d’Hérode (en faisant la part des choses, évidemment). Un point clé est peut-être là : de combiner les approches. Ça rattrape bien des choses. C’est ça qui permet aux mages d’aboutir, ils ne sont pas restés des intégristes de leur étoile, ils ont confronté leurs approches avec d’autres.
Nous avons ainsi un parcours spirituel, un cheminement.
C’est manifestement fondamental pour Matthieu que ces premières personnes à aller vers Jésus-Christ soient des mages. En effet, c’est assez osé de la part de Matthieu de parler de mages et non de rois venant offrir de l’or et de l’encens comme dans la prophétie d’Ésaïe que vous avez entendue et qui était particulièrement célèbre à l’époque de Matthieu, attendant la restauration de Jérusalem. Des mages plutôt que des rois, cela change tout, effectivement, Jésus va décevoir bien de ses contemporains en n’agissant pas sur le plan politique et militaire pour remettre à leur place Hérode, les romains ou le sanhédrin, mais il a agit au niveau de l’individu pour qu’il soit pleinement vivant, le mettant en relation confiante avec Dieu.
Matthieu apporte un second changement très visible à sa citation d’Esaïe, dans la liste des cadeaux : Ésaïe parlait d’or et d’encens. Matthieu parle d’or, d’encens et de myrrhe. Le premier changement nous invitait à nous mettre en mouvement avec notre étoile vivante pour chercher le Christ. Le second changement attire notre attention sur ce que nous pouvons apporter au Christ.
Que signifie le fait de donner au Christ ? Nous faudrait-il nous dépouiller afin que le Christ nous apporte ses bons services ? Ce serait plus le style du vulgaire Hérode de demander des pots de vins pour accorder ses faveurs. Christ est déjà né, il nous est déjà offert dès le début de l’histoire, il est par définition le salut de Dieu, c’est sa fonction de nous offrir ses services. Mais nous sauver de quoi ? il vient soigner ce que nous lui apportons, comme un médecin se penche sur la plaie qui saigne que nous découvrons devant lui, ou sur notre ventre qui fait mal, ou nos yeux qui ne voient pas.
Jésus dit souvent à une personne qui se présente : « Que veux-tu que je te fasse ? » (Marc 10:51) Nous pouvons ainsi tout confier au Christ, tout mettre entre ses mains pour que Dieu le vivifie. C’est ce que signifie le geste des mages d’ouvrir leurs propre trésor, de s’ouvrir devant le Christ pour lui confier ce qui compte pour eux.
Matthieu ajoute la myrrhe à la liste que nous lui apportons. La myrrhe servait à embaumer les morts, la Bible Hébraïque choisit de faire l’impasse sur la question de la vie future, alors que le Christ nous garantit que ce qui est vraiment vivant en nous aujourd’hui ne mourra pas (Jean 11:25-26). La myrrhe évoque ainsi notre finitude et notre fragilité, nos blessures, nos peurs. Nous pouvons les confier au Christ. Et que nous allions mieux, que nous soyons bientôt tellement vivant que notre vie déborde un petit peu autour de nous, en ce monde et au-delà.
L’or évoque notre richesse, notre éclat, notre rayonnement. Nous ne sommes pas toujours persuadés de valoir quelque chose en nous-même, pour nous-même. L’Éternel nous dit «tu as du prix à mes yeux, tu es honoré et je t’aime, toi. » (Esaïe 43:4). En Christ, Dieu se penche vers nous et nous le dit, il le manifeste.
L’encens évoque notre prière, notre capacité à entrer en relation à Dieu comme avec un ami, avoir son oreille. En Christ, nous découvrons que Dieu est là dans le secret de notre chambre, et que nous pouvons le prier sans chichis et en confiance. (Matthieu 6:6)
Ayant déposé ainsi devant le Christ ce qui compte le plus pour nous, nous pouvons retourner en confiance dans notre propre vie. Dieu fera ce qu’il a à faire, cela viendra comme une graine qui germe, ou comme un cheminement tout autre que ce que nous avions pensé. Chaque acte de création est par définition inouï.
Amen.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot
Jésus ayant été enfanté à Bethléem de Judée, aux jours du roi Hérode, des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem 2et dirent : Où est le roi des Judéens qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus nous prosterner devant lui.
3 Entendant cela, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. 4Il rassembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple pour leur demander où devait naître le Christ. 5Ils lui dirent : A Bethléem de Judée, car voici ce qui a été écrit par l'entremise du prophète : 6Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n'es certainement pas la moins importante parmi les supérieurs de Juda ; car de toi sortira un supérieur qui fera paître Israël, mon peuple.
7 Alors Hérode fit appeler en secret les mages et se fit préciser par eux l'époque de l'apparition de l'étoile. 8Puis il les envoya à Bethléem en disant : Allez prendre des informations précises sur l'enfant ; quand vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que moi aussi je vienne me prosterner devant lui.
9 Après avoir entendu le roi, ils partirent. Or l'étoile qu'ils avaient vue en Orient les précédait ; arrivée au-dessus du lieu où était l'enfant, elle s'arrêta. 10A la vue de l'étoile, ils se réjouirent fortement d'une grande joie. 11Ils entrèrent dans la maison, virent l'enfant avec Marie, sa mère, et tombèrent à ses pieds pour se prosterner devant lui ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors et lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe. 12Puis, divinement avertis en rêve de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Lève-toi, brille, car ta lumière paraît, Et la gloire de l'Éternel se lève
sur toi.
2 Car voici que les ténèbres couvrent la terre Et l'obscurité les peuples ;
Mais sur toi l'Éternel se lève, Sur toi sa gloire apparaît.
3 Des nations marcheront à ta lumière Et des rois à la clarté de ton aurore.
4 Porte tes yeux alentour et regarde : Tous ils se rassemblent, Ils viennent
vers toi...
6 Ils porteront de l'or et de l'encens Et annonceront les louanges de
l'Éternel.