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Qu’est-ce qui anime Paul, Lydie ou la Pythonisse ?

(Actes 16:5-19)

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Le dimanche 29 janvier 2023
culte eu temple de Cologny
prédication du pasteur Marc Pernot

Par trois fois, Paul et son équipe ont un projet précis de développement de nouvelles implantations et ils sont conduits à faire évoluer leur projet. Manifestement, cela porte ses fruits, en terme de rayonnement mais aussi dans l’approfondissement de la foi des personnes.

Ce récit prend la peine de développer les orientations et les réorientations de Paul. Qu’est-ce que cela nous propose pour cheminer dans notre existence ?

Faire des projets en équipe, avec souplesse

D’abord : faire des projets. Paul est rejoint par des collaborateurs avec qui il négocie parfois âprement l’orientation des projets qu’ils forment. Ce passage du livre des « Actes des apôtres » est d’ailleurs touchant car l’auteur de ce livre se met à parler à la première personne du pluriel dans ce récit : « Nous avons alors immédiatement cherché à partir pour la Madédoine » (16:10) dit Luc, qui a donc rejoint l’équipe et qui a participé à faire évoluer le projet.

Au souffle de l’Esprit

En même temps Paul reste prêt à changer ses plans au souffle de l’inspiration divine. Ce n’est pas évident quand on a formé un joli projet, qu’on l’a élaboré en équipe. Paul a peut-être déjà annoncé sa venu et il change d’avis pour une raison non explicable : l’Esprit Saint l’aurait envoyé ailleurs ?!

Cela nous montre comment Paul chemine dans son existence : il forme des projets en équipe avec intelligence, et il présente ensuite ces projets dans la prière, encore et encore, restant souple, restant disponible pour les faire évoluer ou pour les changer complètement, au souffle de l’Esprit. Paul est ainsi un entrepreneur et un manager, il est aussi un prophète. Il est réfléchit et il prie.

C’est ainsi qu’en songe ou en prière, il lui vient l’idée qu’un homme l’appelle au secours des macédoniens. (16:9) L’équipe formée par Paul, Silas et Luc ne perd pas une seconde, « immédiatement, ils cherchent » à réaliser ce nouveau projet. Après s’être effacé devant le prophète, l’entrepreneur qui est en Paul reprend alors la main pour l’organisation pratique du projet remanié. C’est une collaboration main dans la main entre la réflexion et la foi : une intelligence pour faire des projets, l’inspiration venue de Dieu pour les faire évoluer, et l’intelligence pratique, l’organisation pour les mettre en œuvre.

Avec un discernement spirituel modeste et souple

Mais était-ce vraiment Dieu qui lui a parlé dans ce songe ? Le récit de Luc est nuancé. Il dit : « nous en avons déduit que Dieu nous avait appelé à annoncer la Bonne Nouvelle aux Macédoniens. »(16:10). Ils présentent cela comme une déduction, ce qui montre à la fois une écoute de ce que Dieu pourrait vouloir leur souffler comme piste, et une humilité respectueuse de Dieu. Il leur semble que cela vient de Dieu mais ils n’ont pas reçu de Dieu une table en pierre gravée de son doigt et signée de son nom. Là encore il y a l’intelligence et la foi qui travaillent la main dans la main : après y avoir réfléchi, ils pensent que cette idée leur vient de Dieu tout en sachant que c’est une déduction de leur part d’attribuer à Dieu cette réorientation de leur projet. C’est exactement cela. Ils ont l’intelligence modeste et prête à changer ses plans, ils ont aussi l’inspiration prophétique modeste, ne prenant pas la première idée qui leur semble venir de Dieu comme étant certainement une pure révélation de Dieu lui-même.

C’est sage, et c’est un vrai respect pour Dieu. Bien des voix s’expriment au fond de notre être. Il y a l’Esprit de Dieu qui souffle en toute personne (même si elle ne l’appelle pas comme ça). Il y a aussi nos émotions, parfois géniales (pas toujours) : peut-être est-ce la compassion qui a fait frémir les entrailles de Paul pour aller en Macédoine, c’est comme cela que l’on pourrait aussi interpréter sa vision. Et puis : bien d’autres voix s’expriment au fond de notre être : le désir, la peur, la soif d’être vivant et reconnu, nos blessures anciennes plus ou moins graves, et des traces de notre bonheur, l’envie de faire du bien. Tout cela bruisse au fond de notre conscience.

Être ouvert au souffle prophétique est essentiel, mais avec aussi un discernement spirituel qui n’affirme pas détenir la pure révélation de Dieu, comme le font souvent les faux-prophètes. C’est nous qui discernons que Dieu nous appellerait en Macédoine, dit Luc. D’un côté, cela va s’avérer exact puisqu’en allant là-bas ils vont effectivement fonder une belle église dans la ville de Philippe (la qualité des fruits révèle la qualité de l’arbre, comme dit Jésus Mt 7:18). D’un autre côté, heureusement qu’ils gardent une modestie dans leur discernement spirituel puisque la vision leur avait suggéré explicitement l’appel d’un homme mâle, et qu’arrivé à destination ce sont des femmes et uniquement des femmes qui ouvriront les portes de la Macédoine à l’Évangile. En particulier Lydie, qui avait un commerce dans le secteur du luxe ultime (la somptueuse pourpre).

L’observation, le recueil d’informations, l’ouverture

Dans ce cheminement de Paul : l’intelligence et le discernement spirituel on déjà été sources de bons projets et de souplesse. À ces deux forces vient s’ajouter ici une troisième composante essentielle. C’est l’observation, c’est le recueil d’informations. Paul, Silas et Luc découvrent cette ville qu’ils ne connaissent pas, ils prennent plusieurs jours pour se renseigner et ils apprennent qu’il y aurait peut-être un lieu de prière juive au bord de telle rivière.

Fondamentalement, l’Évangile du Christ est une incarnation de la Parole de Dieu nous dit l’Évangile selon Jean. Le projet de Dieu, son espérance viennent insuffler la vie dans la pâte de ce monde, dans nos vies, dans notre société. Cette incarnation de la Parole de Dieu n’est possible qu’en tenant compte de ce monde tel qu’il est. En aimant ce monde. L’intelligence et le souffle prophétique sont des moteurs, ils forment une dynamique pour ce monde. Encore faut-il connaître ce monde. C’est pourquoi nous ne pouvons pas bouder ce monde où nous sommes. C’est pourquoi nous sommes appelés comme Luc et Paul ici à suivre les informations venant de ce monde, avec un large spectre, avec ouverture, sans préjugés, sans dégoût, sans mépris, avec bienveillance et souplesse.

Cela a été sans doute une surprise pour l’apôtre Paul : il s’attendait à une synagogue de juifs mâles, avec leurs barbes et leur kippas, ils trouvent une réunion de prières de femmes appartenant à la catégorie des « craignant Dieu », c’est à dire de personnes s’intéressant à la théologie et à la spiritualité biblique sans pour autant suivre les règles religieuses juives. Contrairement à ce que l’on pense parfois, Paul n’avait pas de problème pour collaborer avec des femmes et même à ce qu’elles aient une place prééminente comme ici où Lydie devient la principale de l’église, Paul se laisse même imposer par Lydie de venir s’installer dans sa maison avec son équipe.

L’intérêt pour ce monde, l’observation, l’information est la troisième source permettant à Paul d’avancer avec souplesse. Lydie fait également preuve des ces qualités mises ici en valeur. Elle s’ouvre à cette nouveauté qu’apportent cette étrange équipe : Paul à la fois théologien juif et philosophe grec, Silas le romain, et Luc ce médecin grec. Lydie aussi avance avec intelligence, elle aussi prie et s’intéresse à Dieu, il va ouvrir son cœur et elle pourra recevoir l’information nouvelle qui lui vient par Paul. Elle forme alors des projets, et elle sera vite une bénédiction pour ceux de sa maisonnée, puis pour la fondation d’une église bien vivante.

À ces trois forces faut-il ajouter la théologie ?

C’est possible, car Dieu va aider Lydie à avancer par l’écoute des paroles de Paul, que nous savons très théologiques et philosophiques. Dans le sens inverse, l’autre femme forte de ce récit, la servante pythonisse, a une bonne théologie mais néanmoins cela va conduire à la catastrophe. Pourtant ce qu’elle dit est bien : « Voici des hommes, des serviteurs du Dieu Très-Haut, ils vous annoncent la voie du salut. »

Quel est le problème avec cette Pythonisse par rapport à Lydie ou Paul ? Elle est, comme eux, ouverte à la nouveauté qu’elle sait reconnaître en Paul. Elle aussi fait preuve d’intelligence et de détermination. Elle monte un projet et enseigne de belles choses comme Paul. Elle donne des directives aux gens comme Lydie qui oblige Paul et son équipe à déménager. Elle sait aussi être au service d’autres (c’est son métier). Elle produit des richesses comme Lydie avec son commerce de luxe. Objectivement, il n’y a pas de différences flagrantes entre ce que fait la servante pythonisse et Lydie, ou Paul.

La différence se voit dans ce que leurs actions produisent. Celles de Lydie ou de Paul font que la foi grandit et se renforce autour d’eux (16:5 et 15), alors que le discours de la Pythonisse ne développe rien de bon. Là encore, on reconnaît la qualité de l’arbre à ses fruits, comme le dit Jésus. Ce n’est pas que la jeune servante soit mauvaise, ni son comportement, ni sa théologie. Paul ne la chasse pas, c’est son « esprit de python » qu’il chasse. Cet esprit est comme le serpent-python de la Genèse qui pousse Adam et Ève à se prendre pour dieu à la place de Dieu. Ce serpent de la Genèse parle bien, lui aussi, seulement : ses paroles ne produisent pas de la vie mais de la mort. Ce n’est pas rare, hélas. Bien de belles paroles dogmatiques, moralistes, idéologiques, paroles brutales produisent de la détresse et de la mort. Alors que ce qui est inspiré par l’Esprit de Dieu ou par l’amour manifesté en Christ, cela produit de la vie, de la paix, fait grandir la foi, lui donne du souffle.

Si je n'ai pas l'amour, je ne suis rien

C’est ainsi qu’à l’intelligence, la foi, l’adaptabilité de Paul, sa bonne théologie, il convient d’ajouter l’indispensable : cette qualité d’amour qu’est Dieu et que le Christ nous a fait connaître (1 Corinthiens 13).

Amen.

Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.

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Texte Biblique

Actes des apôtres 16:5-19

5 Les Eglises devenaient plus fortes dans la foi et croissaient en nombre chaque jour.

6 Paul et Silas traversèrent la Phrygie et la région de Galacie car le Saint Esprit les avait empêchés d’annoncer la Parole en Asie. 7 Arrivés aux limites de la Mysie, ils tentèrent de gagner la Bithynie, mais l’Esprit de Jésus ne le leur permit pas. 8Après leur traversée de la Mysie ils descendirent à Troas. 9 Une nuit, Paul eut une vision : un Macédonien lui apparut, debout en prière et lui disant : « Passe en Macédoine à notre secours ! » 10 À la suite de cette vision de Paul, nous avons immédiatement cherché à partir pour la Macédoine, en déduisant que Dieu nous avait appelé à leur annoncer la Bonne Nouvelle. 11 Prenant la mer à Troas, nous avons mis le cap directement sur Samothrace, et le lendemain sur Néapolis, 12 et de là à Philippes, ville principale du district de Macédoine et colonie romaine.

Nous étions depuis quelques jours dans cette ville. 13 Le jour du sabbat, nous en sommes sorti par la porte, pour aller au bord d’une rivière où pensions qu’il y avait un lieu de prière. Nous nous sommes assis et nous avons parlé aux femmes qui étaient assemblées. 14 Une des femmes, du nom de Lydie, était une marchande de pourpre originaire de la ville de Thyatire qui (sans être juive) s’intéressait à Dieu. Elle écoutait car le Seigneur avait ouvert son cœur pour s’attacher à ce que Paul disait. 15 Quand elle fut baptisée, elle et sa maisonnée, elle fit cette demande : Si vous estimez que j’ai foi au Seigneur, entrez et demeurez dans ma maison. Et elle nous y a forcés.

16 Un jour que nous nous rendions au lieu de la prière, une jeune servante qui avait un esprit de Python vint à notre rencontre – elle procurait de gros gains à ses maîtres avec ses oracles. 17 Elle nous suivait, Paul et nous, en criant : Ces hommes sont les serviteurs du Dieu Très-Haut ; ils vous annoncent la voie du salut. 18 Elle fit comme cela pendant de nombreux jours. Excédé, Paul se retourna et dit à l’esprit : Au nom de Jésus Christ, je t’ordonne de sortir d’elle ! » Et, à l’instant même, l’esprit sortit. 19 Ses maîtres, qui voyaient s’enfuir l’espoir de leurs gains, mirent la main sur Paul et Silas, et les traînèrent jusqu’à la place publique devant les magistrats. (cf. Traduction TOB)