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Le dimanche 14 mai 2023
culte eu temple de Vandœuvres
prédication du pasteur Marc Pernot
S'il arrive que Jésus enseigne la foule, la plupart du temps nous le voyons faire comme avec cette femme Samaritaine : il fait la conversation, avec des phrases courtes, où chacun parle à son tour et rebondit sur ce que dit l’autre.
Pourquoi cette pratique de la conversation ?
Pour transmettre une connaissance utile il est efficace de parler à une foule entière. C’est ainsi que Jésus a donné son programme sur le bonheur, qu’il nous a dit que l’amour de Dieu va jusqu’à aimer ses ennemis, et qu’il enseigne comment prier(Matthieu 5-6). Cela nous dit quelque chose de l’espérance de Dieu pour l’humanité, dont nous faisons tous partie. L’Évangile du Christ comprend donc en partie de connaissances (souvent complexes et paradoxales, d’ailleurs, avec Jésus).
Le fait que Jésus « travaille » si souvent sous le mode de la conversation particulière montre que l’Évangile ne se résume pas à de la connaissance. Qu’il y a autre chose à attendre de Dieu comme salut, et qu’il y a aussi autre chose à transmettre à ceux que nous aimons.
Mais quoi ?
S’il n’y avait qu’un enseignement général cela créerait une sorte d’abstraction de l’humain, nivelant les individus. C’est un appauvrissement et c’est souvent source d’une grande souffrance car la personne humaine est complexe et n’entre pas dans des cases.
Quand Jésus tient ces conversations particulières cela montre l’intérêt de Dieu pour la personne individuelle et donc pour nous en particulier. Le fait même que Jésus dise « moi » et « je » à une personne à qui il s’adresse au singulier, « toi, tu » cela nous encourage à nous accepter nous-même puisque cela nous dit que Dieu nous a jugé digne de s’intéresser à nous, cela nous encourage à mieux nous connaître nous-même.
C’est un choc pour la femme samaritaine et sa première réponse c’est : comment, toi, peux-tu avoir quoi que ce soit à faire avec moi, qui est ce que je suis ? Elle se supposait refusée, indigne, négligeable. Elle découvre que non, et du coup elle va pouvoir discuter, et bénéficier de ce que le Christ veut lui apporter de la part de Dieu. C’est ainsi que la conversation entre ces deux avancera de réponse en réponse, avec un succès étonnant. Elle va devenir la première parmi les apôtres de Jésus (ceux que Jésus envoie), et elle amènera son village entier vers le Christ.
Le fait même que Jésus fasse si souvent la conversation nous encourage à avoir notre propre point de vue et à apporter nos propres réponses. Cela nous autorise à ne pas comprendre si nous ne comprenons pas, à répondre complètement à côté comme cela arrive souvent aux apôtres de Jésus. Mieux vaut que nous répondions « à côté de la plaque » que de ne pas répondre car Dieu pourra alors répondre à son tour, à sa façon : c’est comme cela que l’on avance.
En langage technique, dans la Bible, on dit que Dieu nous « sanctifie ». Dans la langue de la Bible, « être fait saint » n’est pas une sorte de prix Nobel de foi, cela signifie littéralement que Dieu nous voit comme un individu ayant un intérêt en lui-même, et non un simple numéro dans une foule. C’est ce que montre le fait que Jésus a si souvent une conversation directe avec chacun.
Mais en disant cela, je tire encore quelque chose qui est de l’ordre d’une connaissance :
Dieu vous sanctifie car vous êtes pour lui une personne qui l’intéresse. C’est bien de le savoir, cela ne suffit pas. La question est ensuite de le vivre.
C’est pourquoi Jésus entre en conversation personnelle avec un individu :
Cette difficulté à aller au-delà de la connaissance pour commencer à la vivre c’est ce qu’exprime très bien Paul dans sa lettre aux Romains avec son cri du cœur : « Le bien que je veux, je ne le fais pas ; et le mal que je ne veux pas, je le fais... dans mes membres, je découvre en moi une autre loi qui combat contre la loi de ma conscience ; elle fait de moi le prisonnier de la loi du péché qui est dans mes membres. Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera ? » (Romains 7:19-24) Et Paul rend ensuite grâce à Dieu qui le délivre par Jésus-Christ.
Notre conscience est éclairée par ce que Jésus nous a montré de Dieu, mais ça ne suffit pas pour arriver à vivre ce bien que nous aimerions alors faire, ni à éviter ce dont nous savons pertinemment être mal.
Pour cela, nous avons besoin de recevoir, nous dit Paul, une capacité essentielle : une plus grande liberté par rapport à nous-même, une liberté par rapport à la foule qui nous entoure, une liberté par rapport au jugement des autres. C’est ce qui arrive à la Samaritaine dans cette conversation : elle va pouvoir surmonter des tabous ethniques et sexistes qu’elle avait intériorisés. Jésus lui-même ne s’arrête pas à ce que penseront ses disciples.
Une autre capacité que transmet Jésus à cette femme c’est une soif nouvelle. Puis cette autre capacité essentielle : au fond d’elle-même peut jaillir une source de vie. Cela va se manifester par le fait qu’elle va aller vers les personnes de son village, elle va arriver à les mettre en chemin pour voir par eux-mêmes cet homme qu’elle a rencontré. Ce que Jésus lui a communiqué c’est une vie, un enthousiasme, c’est une attention aux autres, une envie de partager le meilleur sans le leur imposer. Cette capacité que Jésus lui a transmise c’est un talent de prophétesse et d’apôtre.
C’est même plus que cela. Ce que transmet le Christ, et qu’il ne peut faire passer qu’à travers une conversation personnelle, c’est le « pouvoir de devenir enfant de Dieu » nous dit Jean dans les premiers mots de son évangile.
C’est de l’ordre d’une naissance à une nouvelle dimension de nous-même, c’est un accouchement d’une version plus vivante de nous-même, nous rendant un petit peu « christique ». C’est ce que Jésus ne peut transmettre que par le biais d’une conversation de personne à personne (cela amène Kierkegaard à comparer Jésus et Socrate qui lui aussi cherchait à faire accoucher ses disciples de leur sagesse par la conversation maïeutique).
Cette pratique, Jésus, lui-même l’a apprise de Dieu, c’est ce que révèle ce récit où la voix de Dieu dit à Jésus « c’est toi mon fils : aujourd’hui, je t’ai engendré ! » (Luc 3:22)
Pour ce qui est de recevoir les connaissances communiquées par l’Évangile : nous savons comment faire. Mais comment recevoir ces capacités que Jésus transmet par la conversation personnelle ? Comment recevrons nous la liberté de faire le bien que nous aimerions faire ? Comment recevrons nous ce pouvoir de devenir enfant de Dieu ?
D’abord, on peut effectivement faire du Christ un ami qui nous accompagne : à force de fréquenter les évangiles, ces anecdotes qui nous le montrent vivre et converser, tel passage peut nous « revenir » à tel moment de notre vie quotidienne comme nous appelant, nous interpelant, nous questionnant ou nous apportant une piste nouvelle.
Ensuite, c’est précisément le rôle de la prière. Ce Jésus sans cesse en conversation nous invite à prier Dieu sur le mode de la conversation.
Nous n’entrons dans une véritable conversation qu’avec quelqu’un dont on sent qu’il nous respecte, qu’il s’intéresse vraiment à nous, une personne dont nous n’avons rien à craindre. Sinon, nous nous contentons d’en rester à un bavardage conventionnel, ce qui n’est pas la même chose qu’une conversation.
Ce que Jésus nous montre dans sa pratique de la conversation c’est vraiment une part importante de son Évangile pratique : l’annonce que l’on peut discuter avec Dieu de ce qui nous tient à cœur, quoi que ce soit. Jésus nous révèle ainsi que Dieu ne nous prend pas de haut, que nous pouvons avoir toute confiance en lui comme avec un ami avec qui il peut nous arriver de parler aussi bien de la fontaine qui coule sur la place, de la santé des enfants, de notre soucis de ne pas être assez attentionné dans notre couple, de nos projets de vacances, d’une dent qui nous fait mal ou de la moisson qui approche ? Nous avons dans ce ton de la conversation qu’a Jésus une révélation sur Dieu, ce Dieu que l’on appelle en hébreu l’Emmanuel (ce qui signifie « Dieu avec nous »), Dieu présent, Dieu qui fait équipe avec nous, Dieu qui est pour nous. Un Dieu que l’on prend plaisir à prier.
Mais là encore, en analysant cette attitude de Jésus, je transforme en connaissance sur Dieu, ce qui n’est que la première petite marche, ce dont Jésus cherche à nous rendre capable c’est d’en vivre, et c’est là que cela devient beaucoup plus intéressant.
De la même façon que Jésus apporte parfois des connaissances et parfois va à la rencontre d’une personne sur le mode de la conversation : c’est ainsi que la femme Samaritaine va vers ses proches et ses voisins.
C’est ainsi que bien souvent j’ai reçu l’appel d’une personne qui me dit que la foi de sa grand-mère lui donne maintenant envie d’avoir la foi. Cette semaine c’était un homme de 26 ans et c’est son grand-père qui l’avait inspiré. Et ces personnes demandent à l’église de leur apprendre à lire la Bible et à prier : c’est alors facile car une capacité essentielle leur a été déjà transmise : celle d’avoir soif de Dieu.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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Jésus arrive dans une ville de Samarie nommée Sychar, près du champ que Jacob avait donné à Joseph, son fils.
6Là se trouvait la source de Jacob. Jésus, fatigué du voyage, s'était assis tel quel au bord de la source. C'était environ la sixième heure. 7Une femme de Samarie vient puiser de l'eau. Jésus lui dit : Donne-moi à boire. 8— Ses disciples, en effet, étaient allés à la ville pour acheter des vivres. — 9La Samaritaine lui dit : Comment toi, qui es juif, peux-tu me demander à boire, à moi qui suis une Samaritaine ? — Les Juifs, en effet, ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains. —10Jésus lui répondit : Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit : « Donne-moi à boire », c'est toi qui le lui aurais demandé, et il t'aurait donné de l'eau vive. 11— Seigneur, lui dit la femme, tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond ; d'où aurais-tu donc cette eau vive ? 12Serais-tu, toi, plus grand que Jacob, notre père, qui nous a donné ce puits et qui en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses troupeaux ? 13Jésus lui répondit : Quiconque boit de cette eau aura encore soif ; 14celui qui boira de l'eau que, moi, je lui donnerai, celui-là n'aura jamais soif : l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira pour la vie éternelle. 15La femme lui dit : Seigneur, donne-moi cette eau-là, pour que je n'aie plus soif et que je n'aie plus à venir puiser ici. ...
28La femme laissa donc sa jarre, s'en alla dans la ville et dit aux gens : 29Venez voir ! Il y a là un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait ! Serait-ce le Christ ? 30Ils sortirent de la ville pour venir à lui.