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Le Vendredi Saint, 7 avril 2023
culte eu temple de Cologny
prédication du pasteur Marc Pernot
« Éli, Éli, léma sabachthani ? » : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
C’est un passage des plus poignants. Un passage des plus étonnants aussi, par rapport à l’idée que l’on a pu avoir d’un Jésus très très divin, un super héros connaissant la fin de l’histoire par avance. Alors qu’ici, à cet instant : Jésus doute de la fidélité de Dieu, il ne le sent plus comme un Dieu qui l’aimerait et qui l’accompagnerait, Jésus est déçu. Sa confiance en Dieu est ébranlée, cette confiance qui était toute sa vie. Cela nous donne une première et essentielle bonne nouvelle : le Christ, figure de l’humain idéal, peut douter, peut parfois ne plus comprendre, ne plus sentir l’amour de Dieu. C’est donc normal. Et cela ne remet pas une seconde en cause la bénédiction de Dieu sur nous.
La seconde bonne nouvelle à recevoir ici, c’est comment Jésus réagit dans cette situation où sa foi est ébranlée.
Alors qu’il est déçu de Dieu, Jésus prie Dieu pour lui dire sa déception, pour lui en faire le reproche avec sincérité, honnêteté. C’est donc cela, avoir la foi. C’est aussi une bonne nouvelle : devant Dieu nous pouvons y aller franchement. C’est ce que font Abraham, Moïse, le prophète Élie, Job et c’est ce que fait Jésus. Nous sommes mécontent de Dieu, déçu, en colère ? Nous avons perdu la foi ? Nous sommes sans élan spirituel ? Nous sommes dans le flou ? Si cela nous arrive : vite, prions. Mais comment faire si nous ne croyons plus en Dieu ? Prions Dieu quand même.
C’est ce que l’on fait avec un ami quand il nous a déçu : on le lui dit. Quand il est absent au moment où l’on en avait besoin ? On l’appelle, on lui laisse une chance de répondre. On garde le lien. Bouder n’est pas constructif.
Jésus prie donc Dieu en l’appelant « Eli », c’est à dire « Mon Dieu », cela aussi sonne comme un reproche : tu es mon Dieu, tu es mon créateur : tu dois amour et soin à ta créature, tu me dois amour, fidélité, soutien indéfectible. C’est ton travail, ton engagement. C’est vrai. Jésus redouble son appel « Eli, Eli ». Dans la Bible le redoublement du nom est toujours pour dire à l’autre sa vocation. C’est comme cela que Jésus interpelle Dieu. Ensuite, il l’interroge.
Interpeller et interroger : c’est déjà sortir de soi-même pour faire place à l’autre. C’est ne pas l’enfermer dans l’idée que je me fais de lui, de ce qu’il attend de moi et de ce que je pense qu’il peut faire, ou non...
S’interroger et interroger l’autre, lui laisser le temps de répondre, me laisser le temps de saisir. C’est intelligent et sage. C’est faire place au respect de l’autre, à la bienveillance, à la compréhension, à l’espoir. C’est déjà aimer l’autre.
Jésus interroge Dieu, il lui laisse une chance. C’est l’essence même de la foi. Peut-être qu’il y a une chose que j’aurais mal vu ? Peut-être qu’il y a quelque chose à revoir dans ma théologie ? S’interroger, interroger Dieu, c’est déboulonner nos propres idoles, c’est salutaire.
Jésus interroge Dieu. Même si Dieu ne répondait pas, interroger Dieu c’est déjà s’interroger soi-même. C’est une excellente démarche. Une démarche philosophique, cherchant à avancer. C’est même une démarche spirituelle dès lors que ce n’est plus seulement un jeu intellectuel, mais que nous nous impliquons personnellement dans ce questionnement intérieur, ce qui ne manque d’arriver quand on place cette interrogation devant Dieu, au fond de soi-même, avec sincérité.
Jésus se sent abandonné par Dieu. Il ressent un vide, un manque, une soif. Cette soif de Dieu est aussi naturelle que d’avoir envie de respirer. L’exprimer.
Jésus demande et se demande « léma » « Pourquoi ? ». Excellente question, s’il en est. Quel que soit ce que nous ressentons, la joie comme la peine, l’amour ou la déception, la foi comme l’oubli de Dieu : il est bon d’aller plus profond que notre ressenti et d’aller creuser un petit peu ce qui nous arrive.
Dans ces deux mots « Eli, léma ? », »Mon Dieu, pourquoi ? » nous avons deux excellents services que rendent la prière et la religion.
-La religion c’est ce qui nous relie à Dieu (du latin religare).
-La religion c’est aussi ce qui nous permet de relire notre existence (du latin relegere).
Les deux vont si bien ensemble. Relire ce que nous vivons et ce que nous espérions, et le relire en relation avec Dieu. Le relire par la pensée, mais aussi dans cette disposition particulière qu’est la prière, en attente de quelque chose d’autre, de plus profond, qui nous serait inaccessible sans Dieu.
C’est ainsi que dans la joie il est excellent de relire avec Dieu ce qui nous arrive : cela participe à nous construire comme plus apte à la joie, et peut-être aussi à mieux en donner aux autres.
Il nous arrive aussi d'être dans la plainte ou dans l'indignation, comme Jésus ici : pourquoi est-ce qu'une telle chose ignoble arrive ? C'est utile de présenter ce questionnement à Dieu dans la prière, alors même que Dieu n’est jamais derrière la moindre catastrophe. Absolument jamais car il n’y a en lui que lumière(1 Jean 1). Par exemple dans ce qui arrive à Jésus : Dieu ne l’a pas abandonné, puisque Dieu n’abandonne jamais personne. Pourtant, la prière indignée de Jésus est juste, bonne et utile : cette prière nous aide reprendre le dessus sur notre malheur, à ne pas seulement le subir, et en même temps le prendre au sérieux en en faisant un objet d’étude avec l’aide de Dieu.
Ensuite, il n’y a pas toujours de pourquoi. Je me souviens qu’un enfant de 11 ans avait été foudroyé alors qu’il marchait par plein beau temps dans la ville de Chambéry. S’interroger sur le pourquoi est alors très utile pour innocenter les innocents : Dieu n’y est pour rien, ni les parents, c’était du pur hasard, aveugle.
Dans le cas de Jésus sur la croix, Dieu n’est pas responsable, Dieu a tout fait pour que son fils soit respecté, mais Dieu n’a pas de télécommande ni de foudre pour empêcher le méchant de faire du mal. Dieu n’a que son souffle au fond de nos consciences, il n’a que la persuasion et son exemple pour nous inspirer.
Bien sûr, il arrive que dans notre travail de « pourquoi ? » nous relevions notre part de faute. Notre relecture accompagnée par Dieu peut nous en donner la lucidité et le courage. Le pardon de Dieu peut alors nous aider à nous pardonner à nous-même, et à travailler avec lui sur ce qui ne va pas. C’est très salutaire pour nous et pour les autres autour de nous.
Il y a une seconde façon de comprendre ce « pourquoi ? » car en hébreu « léma ? » peut signifier deux choses différentes : c’est à la fois une interrogation sur la cause de ce qui arrive, et c’est aussi une interrogation sur ce que l'on peut faire maintenant que c’est arrivé. Matthieu et Marc donnent chacun une des deux traductions possibles de l’hébreu « léma ? » : Matthieu27:46 traduit le cri de Jésus par « Mon Dieu, mon Dieu, « à cause de quoi » (inati)m’as-tu abandonné ? » Marc15:34 donne «Mon Dieu, mon Dieu, « en vue de quoi » (eiv ti) m’as-tu abandonné ? » Matthieu et Marc ont été obligés de choisir dans leur traduction, la phrase en hébreu qui est dans le texte combine les deux sens à la fois.
En toute circonstance, la première recherche à faire, la première prière me semble être cette relecture du « à cause de quoi ? », comme je viens de l’évoquer rapidement, et il est ensuite utile de passer au « pour en faire quoi ? ». Dieu nous libère toujours pour avancer. S’il nous est arrivé une bonne chose : il nous aide à avancer grâce à cela, et si du mal est arrivé : il nous aide à en faire malgré tout un bien (comme il est dit en conclusion de l’histoire des fils de Jacob «Vous aviez médité de me faire du mal : Dieu l’a changé en bien. » Genèse 50:20).
L'amour regarde avec bienveillance ce qui a été et ce qui est. L'espérance aime autrement, elle cherche à avancer au mieux, à aller dans le sens de la vie, à prendre ce qui existe comme une matière première dont nous partons pour faire quelque chose.
Dieu, « mon Dieu à moi » comme le dit Jésus dans sa prière, nous accompagne dans nos pourquois avec son pardon, avec sa bienveillance, avec sa puissance de création. Il peut accomplir ce miracle de transformer notre « pourquoi ? » parfois si tourmenté, si pathétique, en des « pour en faire quoi » plein d’espérance, plein de vie, plein de sens.
Le meilleur de ce qui nous est arrivé peut servir à ensemencer le futur, permettant d’espérer de vraies bonnes récoltes. Quand aux malheurs, tant qu'à faire que ce soit arrivé, est-ce que cette mauvaise réalité qui nous fait souffrir ne pourrait pas être utilisée comme du fumier que l’on répand au pied des rosiers, préparant ainsi un meilleur lendemain ? Un lendemain où le malheur appartiendra au passé. Je sais la force qu’il faut pour cela, et combien c’est difficile quand cela ne va pas bien, c’est pourquoi Jésus choisit de prier ce « Éli, Éli léma ». Car Dieu est spécialiste de ce genre de retournements, de ces résurrections dans le quotidien de nos jours.
Amen.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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Arrivés au lieu-dit Golgotha, ce qui veut dire lieu du Crâne, 34ils lui donnèrent à boire du vin mêlé de fiel. L’ayant goûté, il ne voulut pas boire. 35Quand ils l’eurent crucifié, ils partagèrent ses vêtements en tirant au sort. 36Et ils étaient là, assis, à le garder.
37 Au-dessus de sa tête, ils avaient placé le motif de sa condamnation, ainsi libellé : « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs. » 38Deux bandits sont alors crucifiés avec lui, l’un à droite, l’autre à gauche. 39Les passants l’insultaient, hochant la tête 40et disant : « Toi qui détruis le sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es le Fils de Dieu, et descends de la croix ! » 41De même, avec les scribes et les anciens, les grands prêtres se moquaient : 42« Il en a sauvé d’autres et il ne peut pas se sauver lui-même ! Il est Roi d’Israël, qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui ! 43Il a mis en Dieu sa confiance, que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime, car il a dit : “Je suis Fils de Dieu !” » 44Même les bandits crucifiés avec lui l’injuriaient de la même manière.
45 A partir de midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusqu’à trois heures. 46Vers trois heures, Jésus s’écria d’une voix forte : « Eli, Eli, lema sabaqthani », c’est-à-dire « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » 47Certains de ceux qui étaient là disaient, en l’entendant : « Le voilà qui appelle Elie ! » 48 Aussitôt l’un d’eux courut prendre une éponge qu’il imbiba de vinaigre ; et, la fixant au bout d’un roseau, il lui présenta à boire. 49 Les autres dirent : « Attends ! Voyons si Elie va venir le sauver. » 50Mais Jésus, criant de nouveau d’une voix forte, rendit l’esprit.