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Noël 1/2 : Réconcilier Luc et Matthieu
« Une fécondité inattendue »

(Luc 1:26-38 ; Matthieu 1:18-25)

(écouter, culte entier, imprimer la feuille)

Veillée de Noël, 24 décembre 2022
au temple de Cologny
prédication du pasteur Marc Pernot

Vous savez que nous avons la chance d’avoir quatre témoignages datant du milieu du Ier siècle sur cette personne, Jésus de Nazareth, qui nous rassemble ce soir partout dans le monde. Quatre évangélistes avec chacun son point de vue et sa façon de l’exprimer, résumant en quelques dizaines de pages comment le Christ a changé leur vie. La diversité de ces quatre témoignages est une grande chance pour nous : cela nous invite au respect des autres points de vue sur le Christ, et cela nous donne la liberté d’avoir notre propre rapport à Jésus.

Pour ce jour de Noël, je vous propose de chercher à réconcilier les évangélistes Luc et Matthieu. Luc est un médecin d’origine grecque qui s’est converti au Christ grâce à l’apôtre Paul, et qui va l’accompagner dans l’annonce de l’Évangile aux païens. Matthieu est un juif qui était collecteur d’impôts qui est devenu un des proches de Jésus. Luc et Matthieu sont ainsi de deux univers différents, grec et juif, rassemblés par l’unique Jésus.

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Le récit que Luc donne de l’origine divine de Jésus ressemble à bien d’autres conception miraculeuse du héros dans les mythologies égyptienne (Hatchepsout fille du Dieu Amon-Rê), grecque (Persée fils de Zeus et de l’humaine Danaé), indienne (Bouddha), mésopotamienne et bien d’autres encore. Luc est le seul des quatre évangélistes à présenter l’origine de Jésus ainsi, personne n’est donc obligé de penser qu’historiquement Jésus ait été conçu sans qu’un humain mâle y soit pour quelque chose. Mais on a le droit aussi de le penser.

Ce qui nous importe est se saisir ce que Luc veut nous apporter, à nous lecteur de son texte, comme impulsion décisive dans notre propre vie. Luc nous propose Marie comme modèle de la personne humaine bien dans sa vie, à la fois forte dans ses convictions et spirituelle, capable d’évoluer dans sa façon de vivre sa vie. Matthieu, quant à lui, nous propose Joseph comme modèle de la personne juste et croyante. Les premiers chrétiens ont choisi de nous proposer ces deux versions de l’origine de Jésus-Christ, deux points de vue de la même histoire pour que nous les lisions ensemble, dans ce qui converge et dans ce qui contraste.

Relevons d’abord leurs points communs qui peuvent s’appliquer facilement à nous :

1) Dans les deux cas le salut passe par un humain vivant sa vie bien ordinaire en ce monde, Marie ou Joseph qui nous sont proposés comme modèles. Cela dit au lecteur que le salut du monde passe à travers lui, à travers vous et moi. Le salut du monde n’est pas un spectacle auquel on assisterait, cela passe par nous, disent ainsi Luc et Matthieu. L’un met en avant une femme, l’autre un homme : ces deux récits sont complémentaires, que nous soyons homme ou femme nous pouvons nous sentir concerné.

2) Dans les deux récits, il est question d’un ange qui vient discuter avec Marie ou avec Joseph. Quand il est question d’un ange dans la Bible cela peut se traduire pour nous par de la prière, de la simple prière : vous savez, ces quelques minutes où nous pensons à Dieu dans le secret de notre être, où nous pensons à nous et au monde devant cette source qu’est Dieu sans trop savoir ce que nous attendons.

3) Autre point commun dans les deux cas, il y a une surprise inattendue et à vrai dire indésirée par Marie et indésirée par Joseph. Mais qu’ils pourraient refuser, qu’ils étaient sur le point de refuser avant d’en saisir la portée. Ce n’est pas facile pour Dieu de convaincre l’humain de son projet. Tout supplément de création bouleverse le cours ordinaire des choses telles qu’elles ont toujours été, alors que c’est pour le meilleur : c’est dérangeant, déstabilisant.

Déjà il y a ici une bonne nouvelle : Dieu ouvre une brèche dans ce qui nous semblait être une fatalité. Aucune situation n’est désespérée.

Dans ces textes, cette impulsion de vie est appelée « Parole de Dieu », c’est une image (car Dieu ne parle pas comme nous parlons) pour dire que Dieu nous apporte quelque chose mais que c’est comme une parole : elle peut être plus ou moins comprise, plus ou moins acceptée, discutée, comme le font Marie et Joseph. L’autre image courante pour parler de cette impulsion est « l’Esprit », un très léger courant d’air que Dieu soufflerait sur nous et que l’on peut inspirer ou non. Cette voix ou ce souffle se fait sentir en nous, dans notre conscience, au creux de notre prière nocturne.

4) les récits de Matthieu et de Luc nous disent que cette « parole » ou cet « Esprit » apportent un embryon de vie nouvelle dans notre vie. Ce nouveau est de l’ordre du Christ : là, cela se complique pour Marie et pour Joseph et donc pour nous, lecteurs des évangiles. Notre égocentrisme s’inquiète, car ce qui est annoncé est un salut pour le monde entier, et pas seulement un petit mieux être pour nous personnellement. Et ça : se sentir investi de porter le salut du monde, cela peut nous semble fatiguant et hors de notre portée. Et pourtant : bien sûr que Dieu nous en rend digne et capable : oui, du Christ doit naître et grandir dans notre vie.

Ce Christ est à la fois fils de Dieu et fils de l’humain, c’est encore ce que nous disent ces dialogues entre l’ange et Marie ou Joseph. Le Christ ne tombe pas du ciel comme une météorite sur terre. Le Christ ne naît pas non plus de la seule industrie humaine. Le Christ naît d’une combinaison de quelque chose qui vient de Dieu et de quelque chose qui vient de nous, les deux se combinant dans un débat où l’humain a le dernier mot pour dire, quand nous le voulons bien : un « oui » (comme le fait Marie), ou des actes (comme le fait Joseph).

5) C’est là que les deux histoire diffèrent.

En mettant le projecteur sur Marie, Luc insiste sur la liberté de l’humain. Si Marie n’avait pas dit « oui », le Christ n’aurait pas été conçu, en tout cas pas ce jour là.

Alors que Matthieu, en mettant le projecteur sur Joseph, commence son histoire avec un Christ déjà conçu, déjà en route. La question est, avec Joseph, de l’adopter ou non.

Luc insiste sur la liberté de la personne. Matthieu insiste sur la grâce de Dieu. Qui a raison, Luc ou Matthieu ? La liberté humaine ou la grâce de Dieu puissante pour nous faire vivre ? Les deux sont à garder et à combiner d’une certaine façon, bien sûr.

-Il nous faut en même temps découvrir que du Christ est déjà en gestation dans notre monde et en nous. Comme Joseph. Toute personne, qu’elle le sache ou non, a déjà une vie spirituelle, une capacité à aimer, une soif de justice et de paix. Joseph nous appelle à reconnaître cette meilleure part, à l’adopter et la chérir, à la protéger et la nourrir.

-Et il nous faut aussi nous ouvrir avec Marie à une nouvelle, toute nouvelle dimension de notre être. Nous ne sommes pas au bout de ce processus de divinisation de notre être. Nous avons encore tant à recevoir de Dieu, au jour le jour, comme vie.

L’une et l’autre de ces deux propositions sont un vrai travail, demandent un effort, une énergie, une découverte. C’est normal : tout processus de création est comme cela. Demandez à un peintre, un musicien, un auteur ce qui lui en coûte comme investissement personnel de créer une œuvre. Or, c’est ce que Dieu nous offre en Christ est de créer ensemble une humanité en pleine forme, d’adopter et élever ce qui existe déjà de vraie qualité et d’engendrer ce qui manque encore. Comme pour élever un enfant, c’est un travail d’amour et d’attention quotidienne.

Luc valorise la liberté mais il connaît aussi la grâce de Dieu, ce sont même les premiers mots de l’ange. C’est une grâce de recevoir une vocation : nous sommes aimés et nous sommes appelés à aimer. Dieu a besoin de nous pour cela. Ensuite, nul ne pourrait nous forcer à aimer, pas même Dieu. Matthieu valorise aussi la liberté de Joseph, seulement : selon Matthieu, la grâce de Dieu est si patiente, si inventive et si forte que la vie future, de toute façon est déjà là.

6) Nous sommes ces deux héros, Luc et Matthieu évoquent leurs qualités. Marie a le mérite d’être en prière, je l’ai dit, et ce face à face avec Dieu suscite, développe son intelligence et sa personnalité. Elle n’est pas juste une carpette devant Dieu et répondant oui, amen. Sa prière développe sa volonté de comprendre et c’est grâce à cela qu’elle choisit librement d’être « au service du Seigneur ». Joseph, nous dit Matthieu a, lui aussi, une intelligence à l’œuvre, une attention à l’autre pour prendre ses décisions en réaction à ce qui lui arrive. Sa prière vient en plus et ouvre pour lui une perspective supplémentaire, il n’agit plus seulement en réaction à ce qui lui arrive, il trouve une visée et du sens à ce qu’il veut faire, et ce sera la main dans la main avec Dieu.

Amen.

Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.

Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot

Texte Biblique

Évangile selon Luc 1:26-38

L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée du nom de Nazareth, 27à une jeune fille accordée en mariage à un homme nommé Joseph, de la famille de David ; cette jeune fille s’appelait Marie. 28L’ange entra auprès d’elle et lui dit : « Sois joyeuse, toi qui as la faveur de Dieu, le Seigneur est avec toi. » 29A ces mots, elle fut très troublée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. 30L’ange lui dit : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. 31Voici que tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus. 32Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; 33il régnera pour toujours sur la famille de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »

34 Marie dit à l’ange : « Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais pas d’homme ? »

35 L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu. 36Et voici que Elisabeth, ta parente, est elle aussi enceinte d’un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, elle qu’on appelait la stérile, 37car avec Dieu, aucune parole n’est impossible. » 38Marie dit alors : « Je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi comme tu me l’as dit ! » Et l’ange s’éloigna.

Évangile selon Matthieu 1:18-25

Voici quelle fut l’origine de Jésus Christ. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte par l’Esprit Saint.

19 Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la diffamer publiquement, résolut de la répudier secrètement. 20Il avait formé ce projet, et voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint, 21et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » 22Tout cela arriva pour que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète : 23Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : « Dieu avec nous ».

24 A son réveil, Joseph fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse, 25mais il ne la connut pas jusqu’à ce qu’elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus.