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Matin de Noël, 25 décembre 2022
au temple de Vandœuvres
prédication du pasteur Marc Pernot
Nous avons la chance d’avoir quatre témoignages datant du milieu du I er siècle sur ce Jésus de Nazareth qui nous rassemble ce matin partout autour du monde. Quatre évangélistes avec chacun son point de vue et sa façon de l’exprimer, résumant en quelques dizaines de pages comment le Christ a changé la face du monde. La diversité de ces quatre témoignages est une grande chance pour nous : cela nous invite au respect des autres points de vue sur le Christ, et cela nous donne la liberté d’avoir notre propre rapport à Jésus.
Pour ce jour de Noël, je vous propose de chercher à réconcilier les évangélistes Luc et Jean. Apparemment, il n’y a rien de plus différent que leurs façons d’exprimer l’Évangile du Christ, et pourtant ; quand on regarde le sens profond au delà de la forme, ce qui fait vraiment vivre est bien là, comme un socle commun aux deux.
Luc est un médecin de culture grecque. Jean travaillait avec son frère et son père dans l’entreprise familiale de pêche. Manifestement, Jean est féru à la fois de théologie biblique et de philosophie grecque, faisant dialoguer les deux.
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Dans le récit fantastique que Luc donne dans son premier chapitre, avec des apparitions d’anges et des miracles de fécondité, le point clef de l’origine de Jésus Christ me semble être quand Marie dit à l’ange : « Je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi comme tu me l’as dit ! » (Luc 1: 38) Cela semble tout simple, mais c’est manifestement une reprise du récit du chapitre 3 de la Genèse. Adam et Ève y remettent en cause la Parole de Dieu en écoutant le serpent de leur tentation disant « Dieu a-t-il réellement dit cette Parole ? » (Genèse 3:1) C’est l’attitude si humaine qui consiste à tout oublier afin de mieux adorer notre propre désir de l’instant. Mine de rien, Luc fait ici de la Marie la nouvelle Ève, mère d’une humanité qui marche enfin la main dans la main en ce monde avec Dieu.
Jean ouvre, lui, son Évangile avec un poème spirituel et théologique qui a marqué la littérature mondiale par son souffle et son élévation. Cela a valu à Jean d’être représenté par un aigle dans les arts, tellement il a un point de vue élevé. Jean écrit ce poème comme une reprise, lui aussi, de la Genèse avec ces premiers mots qui ouvrent la Bible, Jean commence son Évangile ainsi : « Au commencement était la Parole, la Parole était auprès de Dieu et la Parole était Dieu... à tous ceux qui l'ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui mettent leur foi en son nom. » (Jean 1:1,12)
Jean fait ainsi de la venue du Christ la seconde étape de la création de l’univers, avec ce projet d’un humain véritablement enfant de Dieu, porteur de cette créativité bonne du créateur. En Christ ce projet se réalise, nous dit Jean, il est « la Parole de Dieu faite chair », et cela nous donne, à nous aussi, le pouvoir de devenir, progressivement, enfant de Dieu : fils ou fille de Dieu.
C’est exactement ce que nous dit Luc avec son récit de l’ange, porteur de la Parole de Dieu, donnant à Marie le pouvoir de concevoir en elle-même l’enfant de Dieu.
Luc et Jean ont deux façons d’exprimer cette même idée d’une nouvelle création en Christ, faisant naître enfin l’humain espéré par Dieu, par le moyen de notre foi. Luc le dit avec un récit, c’est vivant et imagé, cela nous invite à ce que cette nouvelle s’incarne effectivement dans la vie, dans la nôtre, et pas seulement dans de la haute théologie. Jean dit cette même idée dans son poème spirituel, avec virtuosité il écrit ce texte sublime et inspirant, en tissant des références bibliques et du langage emprunté à la philosophie stoïcienne. Jean réconcilie ces deux inspirations, il réconcilie les chrétiens juifs et les chrétiens grecs. Quel est le plus clair, le plus fécond ? Luc ou Jean ? Cela dépend des personnes.
Dans les deux cas il s’agit de nous laisser féconder par la Parole de Dieu (ou par l’Esprit de Dieu, ce qui revient au même). C’est ce que nous comprenons avec Marie. C’est ce que Jean dit dans les premiers mots de son Évangile et c’est ce qu’il reprend un peu plus loin dans son livre quand Jésus discute avec un homme venant à lui de nuit, Nicodème (Jean 3). Jésus dit alors que tout humain doit naître de nouveau, naître une seconde fois et naître d’en haut (de Dieu), naître de son amour et de son souffle.
Ensuite, Jean expliquera dans une de ses lettres que le fait d’être enfant de Dieu se reconnaît ainsi : «quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu, car Dieu est amour » ( 1 Jean 4:7, 16). C’est une vision très ouverte des personnes qui sont « enfants de Dieu » et qui « connaissent Dieu ». Ce n’est pas seulement par la tête ou la religion, c’est par le cœur, les tripes, les actes. C’est très ouvert et c’est en même temps responsabilisant. Face à ce critère, nous reconnaissons que cette naissance du Christ en nous est une évolution progressive. Nulle personne n’aime à 100% et nulle ne pourrait vivre sans aimer au moins à 1%. C’est pourquoi nous ne cessons de fêter Noël chaque dimanche : afin qu’à l’image de Marie nous nous laissions chaque fois un peu plus féconder par la Parole de Dieu, et son souffle créateur.
Au deuxième chapitre de son évangile, Luc rapporte ensuite la naissance de Jésus. Il est le seul à préciser que Jésus naît à Bethléhem et qu’il est déposé dans une mangeoire. Que ces détails soient historiques ou non importe peu. Qu’est-ce que cela pourrait nous faire que Jésus soit né à Bethléhem plutôt qu’à Nazareth, et qu’il soit déposé dans une mangeoire plutôt que dans un berceau ? En réalité ces détails sont passionnants en ce qui concerne notre vie. Car le nom de « Bethléhem », en hébreu, signifie « boulangerie », c’est là que Jésus est déposé dans une mangeoire : le récit de Luc nous dit littéralement que Jésus est comme un pain offert au monde pour que nous le mangions.
Cela peut sembler curieux, mais ce que Luc dit avec ce très court récit, nous le retrouvons dans un enseignement de Jésus que Jean trouve si important qu’il le rapporte sur un long chapitre de son évangile. Jésus tente d’y expliquer qu’il est « le pain de vie »(6 :35, 48) et qu’il nous offre sa chair à manger et son sang à boire (6:53). Devant ses auditeurs interloqués, à juste titre, Jésus explique qu’il faut bien sûr prendre ces paroles au sens figuré, au sens spirituel (6:63). Il n’est pas question de manger Jésus tout cru. Manger sa chair c’est assimiler son Évangile (en hébreu, le même mot -bsr- désigne la chair -bessar- et l’Évangile -bessorah-). Boire son sang c’est assimiler sa façon d’être, sa façon d’aimer ce Dieu qui nous aime, sa façon de se soucier de son prochain et de l’aider comme il le peut.
Ce que Jean développe dans ce chapitre, Luc le dit avec ce très court récit de l’enfant Jésus déposé dans une mangeoire de ce village appelé « Boulangerie ». Sous l’une ou l’autre forme, c’est assez essentiel pour nous, car cette curieuse image de « manger le Christ » nous donne en quelque sorte le mode d’emploi du salut qu’il nous offre : ce ne sont pas tant des rites à suivre (ce ne sont que des exercices), ce ne sont pas des dogmes (la théologie sert à nous aider à penser), ce ne sont pas des ordres auquel nous devrions nous soumettre : Christ est un cheminement (Jean 14:6), c’est une façon d’être à assimiler pour la vivre ensuite à notre façon toute personnelle, selon notre propre vocation.
Le chapitre trois de l’Évangile selon Luc nous raconte que le ciel s’ouvre et que l’Esprit de Dieu descend sur Jésus, la voix de Dieu se faisant entendre disant qu’il l’engendre à ce moment là. Aussitôt Jésus se lève et se entreprend sa mission de Christ pour le salut du monde. C’est également pour nous que cela est écrit, comme une promesse, comme une vocation.
Le don de l’Esprit est un thème très important dans l’Évangile selon Jean, particulièrement dans ses derniers chapitres où Jésus nous transmet ce qu’il a reçu de Dieu : « La paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Après ces paroles, il souffla sur (nous), et dit : Recevez le Saint-Esprit. » (20:21).
À nous de prendre la suite du Christ : pour vivre et agir maintenant en fils ou fille de Dieu, en frère ou sœur de Jésus-Christ, en faisant avancer la paix autour de nous, annonçant partout l’amour dont Dieu nous aime.
Amen.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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L’ange entra auprès de Marie et lui dit : « Sois joyeuse, toi qui as la faveur de Dieu, le Seigneur est avec toi. »
29 A ces mots, elle fut très troublée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.
30 L’ange lui dit : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. 31Voici que tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus. 32Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; 33il régnera pour toujours sur la famille de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »
34 Marie dit à l’ange : « Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais pas d’homme ? »
35 L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu. 36Et voici que Elisabeth, ta parente, est elle aussi enceinte d’un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, elle qu’on appelait la stérile, 37car avec Dieu, aucune parole n’est impossible. »
38 Marie dit alors : « Je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi comme tu me l’as dit ! » Et l’ange s’éloigna.
Le jour où Marie devait accoucher arriva ; 7elle accoucha de son fils premier-né, l’emmaillota et le déposa dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle d’hôtes.
8 Il y avait dans le même pays des bergers qui vivaient aux champs et montaient la garde pendant la nuit auprès de leur troupeau.
9 Un ange du Seigneur se présenta devant eux, la gloire du Seigneur les enveloppa de lumière et ils furent saisis d’une grande crainte. 10L’ange leur dit : « Soyez sans crainte, car voici, je viens vous annoncer une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : 11Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur, 12et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »
13 Tout à coup il y eut avec l’ange l’armée céleste en masse qui chantait les louanges de Dieu et disait : 14« Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bien-aimés. »
Comme tout le peuple était baptisé, Jésus, baptisé lui aussi, priait ; alors le ciel s’ouvrit, 22l’Esprit Saint descendit sur Jésus sous une apparence corporelle, comme une colombe, et une voix vint du ciel : « Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. »