signature marcpernot.net

« Pitié pour moi, mon Dieu... »

(Psaume 51)

(écouter la prédication, culte entier, imprimer la feuille)

13 juin 2021
À Genève - Malagnou
prédication du pasteur Marc Pernot

P eut-être est-ce dû à l’air du temps ? Peut-être est-ce dû à une mauvaise théologie prenant Dieu pour un terrible juge ? En tout cas je reçois en ce moment bien des messages de personnes confessant un profond sentiment de culpabilité, au point de trouver normal qu’il leur arrive des malheurs, maintenant ou plus tard. Quelle pitié !

Le Psaume 51 « Pitié pour moi, mon Dieu » nous donne les mots pour faire face à cette situation de détresse. C’est fort précieux d’avoir des mots comme ceux d’un Psaume, pour nous aider à dire ce que nous avons sur le cœur, et nous ouvrir ainsi à l’aide de Dieu. Ce Psaume 51 est un des plus connus tant il a apporté de bons services, il est cité tous les jours par les moines chrétiens et les juifs pieux. Il a inspiré d’innombrables musiques (des « miserere » aux « kyrie eleison »).

Il n’y a rien de plus difficile que de se pardonner à soi-même quand on est une personne qui a une conscience. Voici le Psaume pour demander pardon, pour appeler Dieu à l’aide quand on se sent nul. Un psaume pour qu’il nous sorte du gouffre de notre propre honte et misère.

Le cheminement de guérison commence avant cet appel à l’aide : encore faut-il avoir conscience de notre faute, et ce n’est pas si évident. C’est la première étape, esquissée ici dans l’introduction « Psaume de David lorsque Nathan, le prophète, vint à lui. » Cet épisode est raconté dans un magnifique texte (2 Samuel 12) où le prophète aide David à prendre conscience du problème.

C’est essentiel, car ignorer notre faiblesse est comme refuser de connaître le diagnostique d’un cancer, cela n’aide pas à le soigner.

La faute pose un problème en elle-même car elle cause de la souffrance, elle est une source de chaos dans le monde et en son auteur. Il ne suffit donc pas de la « pardonner » : il y a un monde à soigner alentour, avec souvent des personnes blessées. La connaissance de la faute permet aussi de chercher la source du problème dans l’auteur de la faute. C’est pourquoi le travail du prophète Nathan est essentiel. Pour soigner les victimes autant que possible. Et pour soigner l’auteur de la faute. C’est l’objet de ce Psaume d’appeler Dieu à notre aide quand nous sommes coupable.

Qui sera notre prophète Nathan ? Comme son nom l’indique « Nathan » : « a été donné » (par Dieu). Nous avons déjà reçu notre Nathan : c’est l’Esprit qui souffle en nous-même, c’est Dieu qui agit en nous-même, éclairant notre conscience, faisant de nous un prophète ou une prophétesse en puissance. Encore faut-il écouter ce souffle de Dieu en nous. Cela demande parfois de sortir de notre grotte comme Élie à l’écoute de ce souffle léger. Cela demande parfois de se retirer dans le désert ou dans la montagne, seul, comme Jésus. Ou de nous réunir à quelques uns comme les disciples du Christ, dans une barque ou dans un salle haute, et sentir ce souffle comme un vent puissant...

Le rôle de l’église n’est pas d’être prophète à la place de la personne mais de dire à chaque personne qu’un petit peu d’Esprit prophétique lui a été déjà donné par Dieu, et qu’il est de bon conseil pour avancer.

Mais avant de nous parler du prophète Nathan, et sans doute pour nous préparer à le reconnaître comme ayant une Parole de Dieu pour nous, la première chose que ce Psaume nous révèle sur nous-même c’est que nous sommes « Bien aimé » de Dieu, puisque c’est ce que signifie le nom de « David ». Quand on s’est entendu appeler « Bien aimé » de Dieu, cela aide énormément à ouvrir notre cœur à la voix du petit prophète en nous, à l’entendre, à ouvrir les yeux.

D’où l’importance de faire sentir aux personnes que nous aimons que nous les aimons. C’est tellement important pour elles. C’est essentiel de se savoir ainsi un petit peu aimé pour être ensuite capable d’un peu de lucidité sur nous-même. En évitant à la fois l’endurcissement et le désespoir. Les personnes les plus inquiétantes que j’ai rencontrées comme aumônier des prisons étaient celles qui ne semblaient avoir aucune conscience de leur faute. Quant au désespoir devant ses propres fautes et insuffisances, je le vois torturer tant de personnes dont je reçois les appels.

D’où l’importance de dire aux gens de quel amour Dieu les aime. Libérer ainsi leur confiance en Dieu, il est le secours du juste comme du pécheur.

C’est ce que le Psaume 51 nous invite à découvrir dans les premiers versets, dans ce premier souffle de prière.

En une phrase, ce Psaume nous invite à un cheminement d’Évangile.

C’est un cheminement théologique suscité par le fait de se savoir aimé de Dieu, cheminement de l’intelligence rendu possible par le souffle qu’il nous a déjà donné : Dieu est par nature un roi, infiniment au dessus de nous, et pourtant il se révèle à nous comme un ami serviable, et même comme une tendre maman. C’est un cheminement théologique que le monde a encore à vivre. Le dieu auquel les athées ne croient pas c’est souvent ce dieu terrible. Bien des croyants et même des chrétiens ont encore à découvrir que Dieu est en réalité pour nous un ami, et même une tendre maman.

Ce Psaume nous invite aussi à un cheminement de prière, en se sachant le bien aimé de Dieu, cela aide à se lancer dans la prière comme un petit enfant se blottit contre sa mère, pouvant parler et se taire, écouter et répondre en confiance.

Ce cheminement théologique et spirituel rendent possible une saine repentance. Non culpabilisante, mais lucide et féconde.

Ce serait nocif de se sentir humilié par Dieu. Ce n’est pas ce que propose ce Psaume, pas du tout. Un roi, un tyran pourrait vouloir écraser un rebelle. Un ami supportera la mauvaise humeur de son ami. Une maman ne cessera de vouloir que son enfant devienne la personne géniale qu’elle voit par avance en lui.

La prière de repentance est une lucidité sur nos points de faiblesse, non pour nous abaisser devant Dieu, c’est au contraire pour laisser Dieu nous soulever, nous élever. Le repentance s’ouvre à sa parole royale qui nous dit que nous sommes son enfant bien aimé, elle s’ouvre au coup de main de l’ami, au soin de la maman qu’est Dieu.

Calvin nous appelle à le lire ce Psaume 51 « le plus souvent possible », comme un exercice spirituel utile pour nous.

Ce Psaume est aussi le récit de Dieu qui prend l’initiative. La question n’est pas de convaincre Dieu de nous pardonner grâce à notre sincère repentance, grâce à des sacrifices ou des louanges vibrantes. Au contraire. Son amour a précédé même notre existence, et c’est avant même notre prière que déjà il nous avait donné de son souffle, de son Esprit. C’est ce Dieu qui est à méditer d’abord, par la pensée, consciemment. C’est ensuite retrouver notre petit Nathan interne, et commencer à prier, se mettre à son écoute, mettre des mots sur notre lamentation, notre repentance, notre espérance, et notre louange. Puis, comme dans une recette de bon pain : laisser reposer la pâte le temps que le levain que Dieu aura incorporé la lève tout entière (Mt 13:33).

Cheminer du Dieu-Roi, au Dieu-Ami, jusqu’au Dieu-Maman. Dans notre théologie et dans notre prière.

Cependant, comme souvent dans la pensée biblique : de nouvelles portes sont ouvertes sans pour autant refermer les premières. Le texte biblique est comme la tunique de Jacob : multicolore, chatoyante, moirée (Genèse 37:3). Comme la vie elle-même, et Dieu encore plus. Il me semble qu’il faut garder les trois visages de Dieu qui sont ici convoqués. Dieu n’est pas seulement tendresse, amour et compassion. Il est aussi un roi puissant, sans cesse en train de créer le ciel et la terre (Psaume 121), inspirant notre capacité à être libre et l’évolution de l’univers à des échelles cosmiques. C’est cette tension, ce grand écart extrême qui est à méditer et à vivre par la foi, je pense. Dieu est aussi l’ami avec qui nous cheminons dans notre existence et avec qui nous travaillons en équipe afin de faire que ce monde soit un plus juste et plus heureux.

D’ailleurs, le fait que David ouvre son psaume avec ces trois figures, trois exactement, dans la culture de l’époque cela nous dit que Dieu est l’ensemble des trois. Sa grâce, sa bonté et sa miséricorde résident dans ce triangle-là.

David prend conscience de sa faute, et elle est écrasante pour lui. Les circonstances de cette faute ne sont pas rappelées dans le corps du Psaume, au contraire, sa prière a été rendue tout à fait neutre quand à la faute de celui qui prie afin que nous puissions vivre ce psaume en venant l’habiter de ce qui nous préoccupe, nous.

La question n’est pas ici de payer pour nos fautes, contrairement aux marchandages trop souvent évoqués à travers les horribles notions d’expiation et de rançon versée pour la faute. Rien de tel dans la grâce d’un roi, imméritée par définition, ni dans l’amitié d’un ami, ni dans la tendresse d’une mère. Encore moins dans la façon d’être de Dieu. Ce Psaume écarte explicitement l’idée de sacrifices pour acheter son pardon. Ce Psaume dit même que si nous arrivons à dire une louange c’est que Dieu nous aura d’abord ouvert la bouche, et que si nous offrons à Dieu quoi que ce soit, ce sera parce que Dieu nous aura été inspirant.

De toute façon, la question n’est pas d’obtenir le pardon de Dieu. L’amour est déjà au delà du pardon. La question est que nous soyons soigné, que notre être soit purifié comme on opère un corps d’un cancer. Et pour cela, cela aide Dieu de pouvoir travailler à cœur ouvert, nous dit David (18-19).

Ce que nous espérons de Dieu c’est un acte de création :

12 Crée en moi un cœur pur, ô Dieu,
et renouvelle un esprit affermi en moi.

Telle est la justice de Dieu. Elle n’est pas une pesée des âmes comme pour le jugement des morts dans la pensée de l’ancienne Égypte, ni un système de sanctions divines contre le pécheur. La justice de Dieu est une œuvre de création afin de nous rendre plus juste. Elle est un acte de création royal, elle est le coup de main d’un ami fidèle, elle est un amour et un utérus nous donnant un cœur qui bat et un souffle de vie.

David regrette d’avoir été source de chaos par sa faute. Le chaos survient alors en dehors de la volonté de Dieu. Lui, Dieu n’est source que de bien. Tant de personnes souffrent de cette idée plus ou moins consciente de sanction divine suite à leurs fautes. Je pense que c’est profondément toxique comme conception de la justice. À tout point de vue :

Heureusement que le Christ nous montre que Dieu aime et fait du bien même à ses ennemis (Mt 5:45).

Comme le dit David dans ce Psaume, oui, nous sommes pécheurs : des pécheurs néanmoins aimés de Dieu. David le reconnaît, avant même sa grande faute il était déjà pécheur, et même né dans le péché. Ce n’est pas dû à sa mère, c’est dû à une particularité de l’être humain : celle d’être toute sa vie en évolution, un être inachevé, appelé à progresser, et dont le développement spirituel n’a pas de limites. C’est ainsi chaque jour de la vie et pas seulement quand nous avons fait un faux pas que nous avons besoin du salut de Dieu dont parle ce Psaume. Ce « Pitié pour moi, mon Dieu » est un appel à l’aide dans notre petitesse, il est un acte de lucidité et la juste ambition de grandir avec l’aide de Dieu, aujourd’hui encore.

Amen.

 

Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.

Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot

Textes

Psaume 51 « Miserere »

1 Du chef de chœur (ou : pour l’accomplissement).

Psaume de David 2Lorsque Nathan, le prophète, vint à lui, après que David fut allé avec Bethsabée.

3 Ô Dieu, fais-moi grâce,
selon ta fidélité ;
selon ta grande compassion,
efface mes révoltes !

4 Lave-moi abondement de ma faute,
et purifie-moi de mon péché !

5 Car je connais mes révoltes,
et mon péché est constamment devant moi.

6 Envers toi, toi seul, j'ai péché ;
et le mal à tes yeux, j'ai l’ai fait,
de sorte que tu seras juste quand tu parles,
et irréprochable dans ton jugement.

7 Voici : je suis né dans la faute,
ma mère m'a conçu dans le péché.

8 Voici : tu prends plaisir à la fidélité
au fond de la conscience ;
et au plus secret de moi,
tu me fais connaître la sagesse !

9 Tu ôtes mon péché avec l'hysope et je suis pur ;
tu me laves et je suis blanc plus que la neige.

10 Tu me fais entendre l’allégresse et la joie,
et ils exultent les os que tu avais écrasés.

11 Détourne ton visage loin de mes péchés,
efface toutes mes fautes.

12 Crée en moi un cœur pur, ô Dieu,
et renouvelle un esprit affermi en moi.

13 Ne me rejette pas loin de ta face,
ne me prends pas ton esprit de sainteté.

14 Fais revenir pour moi la joie de ton salut,
et que tu me soutienne d'un esprit généreux.

15 J'apprendrai tes voies à ceux qui se révoltent,
et les pécheurs reviendront à toi.

16 Ô Dieu, Dieu de mon salut,
délivre-moi des sangs (versés),
et ma langue criera ta justice.

17 Seigneur, tu ouvres mes lèvres,
et ma bouche dit ta louange.

18 Car tu ne prends pas plaisir au sacrifice
je donne des holocaustes que tu n'agrées pas.

19 Les sacrifices de Dieu, c'est un esprit brisé :
un cœur brisé, écrasé, ô Dieu,
tu ne le méprises pas.

20 Dans ta faveur, fais du bien à Sion,
tu bâtis les murs de Jérusalem !

21 Alors tu prends plaisir aux sacrifices de justice
— holocaustes et offrandes totales
Alors des taureaux monteront sur tes autels.

(Cf. traduction NBS)