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Le dimanche 22 septembre 2019
Au temple de Malgnou - Genève
prédication du pasteur Marc Pernot
L'apôtre Paul est un garçon de bonne volonté. Il cherche à nous aider à vivre, que nous soyons en forme, rayonnant de plein de bonnes choses.
C’est une bonne intention de la part de Paul. Seulement, si l’on prend les pages de ses lettres comme des leçons de morale elles peuvent faire de grands dégâts. Il me semble possible d’y trouver autre chose.
La religion n’est alors plus comprise comme un ensemble de « règles » selon une étymologie possible du mot « religion », mais elle nous « relie » à Dieu, aux personnes qui nous entourent et à nous-même. Pour être relié à la vie. La vie belle et bonne. Notre vie.
Ce texte de Paul bien connu que je viens de vous lire élimine d’emblée (en théorie) toute tentation de développer des prédications du genre : « si vous n’êtes pas sage le Seigneur sera hyper en colère et vous jettera aux enfers pour les siècles des siècles ». Car avant même de nous proposer de chercher à progresser, Paul nous dit, tout tranquillement : « vous êtes ressuscités avec le Christ... qui est assis carrément à la droite de Dieu. »(v.1) De quoi aurions-nous peur ? Si nous faisions ensuite quelques progrès, ce serait du bonus. Si nous essayons d’avancer serait pour le bonheur d’avancer. Et si nous arrivons à avoir une parole ou un geste ce serait pour le bonheur d’arriver de temps en temps à faire quelque chose de bien. Ces bonheurs sont parmi les plus beaux et les plus puissants qui existent, cela a donc du sens. Cela les gâche de les placer comme étant une obligation.
Nous sommes donc ressuscités avec Christ, nous sommes déjà une vraie personne vivante, éveillée et déjà debout. Ou plutôt, puisque le verbe « ressusciter avec » est à l’aoriste et non au parfait : Paul nous dit que Dieu est en train de nous ressusciter, qu’il y a travaille. Comme il s’y connaît en belle ouvrage et en patience, cela ne fait pas de doute que la vie s’éveille en nous.
Si Paul commence comme cela c’est peut-être parce qu’il sait que tout conseil qui touche le sujet de notre comportement peut être crucifiant pour les personnes qu’il veut aider.
Au milieu de son développement, Paul se paye même le luxe d’une piqûre de rappel de ce message fondamental en disant qu’il s’adresse à nous en tant que nous sommes déjà et pour toujours, sans condition « choisis par Dieu, saints et bien-aimés. » (v.12)
Ayant reçu ce viatique en dotation nous pouvons affronter les conseils de Paul, c’en est le mode d’emploi. Cela veut dire que nous aurons le droit de « faire au mieux », de faire ce que nous pensons qui nous correspondra puisque nous sommes chacune et chacun « saint » : unique aux yeux de Dieu. Et bien aimé de lui, de toute façon.
A ce point extrêmement positif, Paul engage un premier conseil, à nous donc qui sommes déjà vivant, c’est « cherchez les choses d'en haut... préoccupez-vous des choses d’en haut » (v.1-2) Paul part du positif et nous invite à la pensée positive, ce qui est très contemporain, très à la mode d’aujourd’hui. La psychologie semble réinventer cette invitation à la pensée positive.
Premier conseil, fondamental : « chercher, se préoccuper des choses d’en haut ». C’est par la pensée, par l’intelligence, en se concentrant sur ce qui est élevé, ce qui est de l’ordre de l’idéal.
Paul amorce ensuite, étrangement, un catalogue de gestes nocifs qui nous viennent si naturellement, et que nous ne parvenons souvent pas à maîtriser : la colère, l’animosité, la médisance. Pourquoi regarder à cela alors qu’il vient de nous inviter à regarder vers le haut ? C’est qu’il est si tentant parfois de les baptiser : juste indignation, expression de soi, ou combat pour la justice. Et que, pensant regarder vers le haut nous nous laisserions glisser sans y penser vers le bas. Oui, nous dit Paul, précisément, il y a un travail est à faire afin de « chercher les choses d'en haut... de s’en préoccuper ». « Chercher », c’est délibéré, c’est volontaire, c’est un effort de réflexion. C’est un exercice, une culture comme on cultive son intelligence, sa forme physique.
Ce n’est pas en faisant le vide en soi, ce n’est pas en espérant arracher nos mauvaises humeurs et nos mauvaises attitudes, ce n’est pas en espérant se calmer. En surmontant le mal par le bien, comme le dit Paul ailleurs (Romains 12). Par le positif qui nous est donné et le positif que nous cherchons, que nous ajoutons comme du levain dans la pâte.
Cette recherche et cette préoccupation pour les choses d’en haut est un travail de l’intelligence. Un peu chaque jour. Chercher à ne pas tout mélanger, à appeler un chat un chat. Et chercher ce sur quoi je me concentrerai comme chose d’en haut.
Ensuite, nous ferons ce que nous pourrons.
À notre rythme.
Au rythme de celui qui est en train de nous ressusciter, de nous mettre debout si nous étions avant à terre. Au rythme où l’humain véritable peu à peu se manifeste dans notre être et produit des fruits. (v.4)
Ce « cherchez... préoccupez-vous des choses d’en haut » est développé par Paul comme un cheminement d’élévation et d’approfondissement, il comporte schématiquement quatre points.
1) C’est débord se « revêtir » de bons comportements, de quelques premiers gestes « d’en haut ». Être « revêtu » semble être un vernis extérieur sans que l’homme intérieur soit changé. Comment changerions nous des pulsions qui par définition nous dominent ? En cherchant les choses d’en haut et nous concentrant dessus. Au début c’est superficiel comme une pommade que l’on met sur la peau et que l’on masse jusqu’à ce qu’elle pénètre à l’intérieur. C’est choisir de se revêtir de bons gestes à défaut d’avoir encore de la vraie bienveillance.
Nous sommes créés à l’image de ce que nous cherchons, à l’image de ce qui nous préoccupe, nous sommes éduqués par les gestes que nous choisissons de faire, alors autant que ce soient des choses d’en haut.
2) La deuxième étape n’est pas à l’impératif, elle est un vœu : « qu’il y ait l’amour », cet amour « agapè » cher à l’apôtre Paul et qui est une véritable attention à l’autre. C’est la chose d’en haut à chercher, à attendre. Car nous sommes bien incapables de créer cela en nous.
3) Troisième étape, elle n’est pas non plus à l’impératif : « que la paix du Christ règne dans votre cœur ». Chose d’en haut à attendre aussi, et à recevoir. Cette qualité de paix est, elle aussi, hors de portée de nos petits exercices. Si Paul parle de cela, c’est qu’elle aussi se recherche et s’attend.
4) Dans cette montée pas à pas depuis la recherche personnelle, puis l’amour et la paix du Christ quelle pourrait être la 4e étape, ultime ?
La gratitude : comme un sommet, encore au dessus ! Car c’est alors que nous touchons à la grâce, que nous participons à l’être même de Dieu.
La gratitude comme le sommet de tout.
En même temps, Paul parle ici de cette gratitude à l’impératif : « devenez reconnaissants ! » Elle est le résultat de la montée précédente, est-ce qu’elle en serait la clef ?
Elle est les deux puisqu’il y a un impératif à la première étape « r evêtez vous de tendresse, de bonté, de douceur... » et un impératif à la fin : « devenez reconnaissants ». C’est plus qu’un geste, c’est une façon d’être dont il est question ici.
Puisque c’est à l’impératif, qu’est ce que je pourrais faire pour « devenir reconnaissant » ? Et bien c’est encore une recherche de « choses d’en haut » et de premiers gestes de gratitude à revêtir : en discernant les traces de belles choses dans mon existence et en moi-même, puis en « me préoccupant » de ces points relevés pour en éprouver de la gratitude pour « la chose d’en haut » qui en a été la source ou qui a été vécue, ou qui est simplement là. En particulier les premières traces d’amour et de paix du Christ, et leurs premiers fruits comme gestes de vrai tendresse, pas simplement de politesse.
La fin du processus renvoie ainsi au début, c’est ce que l’on appelle en mathématique ou en informatique un processus récursif, qui s’appelle lui-même afin qu’à chaque passage un progrès se fasse sentir. Comme une spirale montante. Il y a dans la Bible un autre cas très fameux de récursivité, c’est dans le « décalogue » de Moïse : la 1ère parole de ces tables de la Torah est «Je suis l’Éternel ton Dieu, qui t’a libéré de l’esclavage »(Exode 20:2), la 10e et dernière parole est «Tu ne convoiteras rien de ce qui appartient à ton prochain. » (Exode 20:17) Cette dernière parole est hors de notre portée, car si je peux essayer de ne pas voler, je ne suis pas libre de m’empêcher de convoiter, cette dernière parole renvoie à la 1ère en comptant sur l’Éternel pour me libérer.
Le sujet de Paul est le même, comment arriver à progresser un petit peu ? Comment nous ouvrir ensemble à une transformation concrète de notre vie à l’image de ce que le Christ a manifesté ? Commencerons-nous par la réflexion délibérée, cherchant à penser et à vivre se préoccupant des choses d’en haut ? Ou commencerons-nous par rechercher à vivre une certaine gratitude ? Les deux. Et en chemin nous passerons par l’exercice de la bonté, nous verrons l’agapè se faire plus prégnant, la paix du Christ se diffuser en nous, et une grandissante propension à la gratitude.
Mais encore, nous pouvons travailler, exercer notre gratitude. Car cette capacité à être reconnaissant s’exerce aussi comme un muscle. C’est ce que souligne l’apôtre Paul avec son impératif.
Ces deux exercices qu’il nous propose ici sont redécouverts aujourd’hui par les chercheurs en psychologie : Rebecca Shankland, professeure et chercheuse au laboratoire de psychologie à l’université de Grenoble a publié en 2016 les résultats d’une étude scientifique probante sur « Les pouvoirs de la gratitude ». Elle montre que les émotions positives réduisent le taux d’hormone de stress de 23%, améliore la récupération cardiaque après un effort, rend plus résistant notre système immunitaire (information utile en vue des premiers frimas à venir). Le plus efficace s’avère de cultiver la gratitude dans un exercice quotidien que l’on choisit de pratiquer (comme on s’astreint à se brosser les dents). Pour cette étude, différents groupes de personnes ont été étudiés séparément. Un groupe de personnes neutres, les autres groupes tenant un journal de gratitude : un groupe doit chercher cinq raisons qu’il a eu d’éprouver de la gratitude dans sa journée. Un autre groupe doit relever un seul de ces événements et le décrire en cinq phrases. C’est ce dernier groupe qui a montré les plus grands bénéfices sur bien des points de vue psychiques et physiques. Et encore. Il n’y avait pas dans cette analyse un groupe de personnes devant relever les occasions de se plaindre ou de critiquer, cela aurait été cruel d’infliger cela à un groupe de personnes.
L’apôtre Paul nous propose ici de conjuguer deux exercices : celui de l’intelligence de la pensée et du geste pour « chercher les choses d’en haut », et celui de la gratitude. L’un et l’autre sont simples, concrets, tirés d’une sagesse ancestrale de pensée positive.
Seulement l’humain, depuis les origines, est relié à Dieu d’une manière si profonde qu’on la dirait viscérale. Et l’humain vit et grandit tout au long de sa vie par son souffle, pas seulement par ses propres exercices (mais aussi). Les deux exercices proposés par Paul ne sont pas seulement mentaux. Dans notre vision de l’humain, ces deux exercices s’exercent aussi par la foi. Rechercher les choses d’en haut c’est aussi la recherche de Dieu, penser à lui, s’en préoccuper, l’appeler, l’écouter, le chercher...
S’exercer à la gratitude est une ascèse quotidienne, c’est aussi une louange à Dieu de nous avoir ressuscité : donné la vie, mis sur pied, d’avoir éveillé notre conscience, de nous avoir donné une capacité à aimer, de faire grandir en nous une paix que le monde ne peut donner (Jean 14:27). La recherche de Dieu et sa louange sont aussi expérimentées par l’humanité de toute génération et sous tous les cieux.
Ce travail est nourri de ce que nous avons reçu de Dieu en Christ. Il est nourri de ce qu’on apporté les générations précédentes. Il est vivant de ce qu’ensemble, par exemple ici, nous nous donnons mutuellement en faisant de la théologie ensemble et aussi, comme le dit Paul, en chantant des cantiques ensemble.
Notre gratitude finira par déborder dans des paroles et des actes, qui seront comme une louange à Dieu, le Père de Jésus-Christ et notre Père.
Amen.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot
1 Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, cherchez les choses d'en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu. 2Préoccupez-vous des choses d’en haut, et non des choses de la terre. 3Car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. 4Dans la mesure où le Christ est manifesté (subjonctif) alors vous et votre vie serez manifestés en gloire.
5Faites donc mourir ces dimensions sur terre : débauche, impureté, passions, mauvais désirs et cupidité (c’est une idolâtrie). 6C'est pour cela que la colère de Dieu vient sur les rebelles. 7C'est à cela que vous vous adonniez autrefois, lorsque vous viviez ainsi. 8Mais maintenant, vous aussi, rejetez tout cela : colère, animosité, malfaisance, calomnie, paroles choquantes sortant de votre bouche. 9Ne vous mentez pas les uns aux autres : vous vous êtes dépouillés de l'homme ancien, avec ses agissements, 10et vous avez revêtu le nouveau, qui se renouvelle en vue de la connaissance, selon l'image de celui qui l'a créé. 11Il n'y a là ni Grec ni Juif, ni circoncis ni incirconcis, ni barbare ni Scythe, ni esclave ni homme libre ; mais le Christ est tout et en tous.
12 Ainsi donc, vous qui êtes choisis par Dieu, saints et bien-aimés :
16 Que la parole du Christ habite en vous avec toute sa richesse ; instruisez-vous et avertissez-vous en toute sagesse, par des cantiques, des hymnes, des chants spirituels ; dans la grâce, chantez à Dieu de tout votre cœur.
17 Quoi que vous fassiez, en parole ou en œuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, en rendant grâce par lui à Dieu, le Père.