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Le dimanche 30 avril 2023
culte eu temple de Cologny
prédication du pasteur Marc Pernot
Dans ce texte, l’apôtre Paul nous dit que Dieu nous demande un service, oh une toute petite chose : juste de poursuivre le travail du Christ à sa place. De sauver le monde, et pour cela, Dieu nous nomme son ambassadeur ou ambassadrice chargé du « ministère de la réconciliation ». Telle est notre mission particulière, en tant que chrétien dans le monde.
Il y a une méprise fréquente quand à la réconciliation dont il est question ici. Cela est dû au fait que des prédicateurs ont usé et abusé de ce passage pour nous faire la morale, nous invitant, au nom de Dieu lui-même, à nous réconcilier avec les autres. Ce texte est utilisé de la sorte en toute occasion : en interne dans l’église, en ce qui concerne la politique ou le social, pour nous exhorter à l’œcuménisme, à l’écologie, à de meilleures relations homme-femme ou avec des personnes de diverses origines ou orientations...
Ce n’est absolument pas ce dont il est question dans ce texte de Paul. Il le dit et il le répète : il est question ici et seulement question de « réconciliation avec Dieu ». Paul le précise : Dieu ne tient pas compte de nos fautes : la question ici n’est pas une question de morale. Pourtant Paul est bien plus moralisant que Jésus, c’est donc d’autant plus remarquable de le voir ici mettre au cœur de notre mission de chrétien de promouvoir la réconciliation du monde avec Dieu comme étant notre unique priorité pour le salut du monde. Cela se situe à un autre niveau que la morale. C’est le cœur du cœur de notre évolution et de notre avenir et de celui du monde. Comme le dit Jésus un bon arbre bien en forme portera ensuite de bons fruits.
Bien sûr qu’il est bon et utile de nous réconcilier entre humains, de nous réconcilier avec le cosmos, de nous réconcilier avec nous-même. Nous savons depuis notre enfance qu’il est bon d’être gentil, de penser aux autres et d’avoir de bonnes relations avec chacun. Nous essayons : nous prenons de bonnes résolutions, nous essayons sincèrement, nous y arrivons un peu, nous échouons aussi. C’est vrai. Comment nous domestiquer ? Comment domestiquer, rendre meilleure l’humanité ? Paul le dit et le répète : la question est la réconciliation du monde avec Dieu. Le reste suivra. C’est la clef, c’est la source, c’est la fondation sur laquelle nous pourrons ensuite construire librement, de la plus belle des façons possible, selon notre propre inspiration car ce sera alors une belle et solide construction (nous dit aussi Jésus dans sa parabole de la maison sur le roc Matthieu 7:24-25). L’essentiel, nous dit encore Jésus c’est de « Chercher le règne de Dieu : de chercher son action qui nous rend juste »(Matthieu 6:33), tout le reste nous sera donné en plus. « Réconcilier le monde avec Dieu ». Peut-être qu’aujourd’hui cette tâche est plus urgente, plus essentielle que jamais. Le salut de ce monde que Dieu aime et de ses habitants que Dieu chérit, ce salut passe par un soin de l’arbre et de ses racines. Ensuite arriveront de bons fruits.
La « réconciliation du monde avec Dieu » est un chantier immense. C’est un projet en cours, comme l’indique le temps des verbes au verset 19 : Dieu a commencé à y travailler et il y travaille encore « en Christ ». Il compte sur nous qui avons déjà été un petit peu touché par ce que Christ a vécu, a apporté. Cela fait que nous avons été nous-même, aussi peu que ce soit, « réconciliés avec Dieu ». En tout cas, c’est en cours.
Là aussi, il y a eu un malentendu, une distorsion qui a fait un mal immense : il a parfois été prêché que Christ avait réconcilié Dieu avec nous, en payant de sa vie pour que Dieu puisse nous pardonner. C’est l’inverse qui est écrit ici : Dieu n’a jamais eu besoin de se réconcilier avec nous, au contraire, dès les origines, Dieu est à l’initiative d’aller vers nous pour nous appeler à nous réconcilier, nous, avec lui. C’est là que ça coince. Le problème n’a jamais été Dieu.
Cette théorie que le Christ nous sauve d’un Dieu qui aurait pu nous rejeter tient plus du mythe grec de Prométhée, vous savez : cette histoire de titan bienveillant pour les humains au temps où l’on pensait que les dieux étaient méchants. Prométhée vole aux dieux cette bénédiction qu’est le feu afin d’aider les humains à vivre, ce qui vaut à Prométhée d’être puni d’un supplice éternel par Zeus, qui voulait réserver le privilège du feu aux immortels. Dans cette histoire, nous avons un héros gentil et des dieux méchants. Christ, au contraire, révèle que Dieu est bon et a toujours été bon. C’est ce que Paul rappelle ici en quelques mots : Dieu créant le monde, Dieu radicalement bienveillant pour les humains : ne s’arrêtant pas à la faiblesse de leur chair, ne tenant pas compte de leurs fautes. En Christ, nous dit Paul, c’est l’amour de ce Dieu bon qui nous touche, qui nous presse (2 Cor. 5:14). Et c’est par amour que Dieu a soif que les humains soient réconciliés avec lui. Ce qui n’est pas une mince affaire.
C’est pour cette tâche délicate que Dieu a besoin de nous. C’est notre mission de chrétien, c’est notre mission en tant qu’église : ce n’est pas de faire la morale aux gens, ce n’est pas de les endoctriner, ce n’est pas de les juger, ce n’est pas de créer un club, c’est d’encourager qui nous pourrons d’être réconcilié avec Dieu. Pas facile ? C’est vrai, mais on ne nous demande pas de réussir à réconcilier qui que ce soit avec Dieu, seulement de dire cette espérance, cet appel. Le reste ne nous appartient pas. C’est Dieu qui est le sujet de tous les verbes « réconcilier » de ce texte. Notre rôle n’est pas dans la puissance, nous ne sommes pas nommé général d’une armée, nous sommes nommés ambassadeur de Dieu « comme si Dieu encourageait par nous, priant à la place du Christ : Soyez réconciliés avec Dieu ! » Bien sûr, ce sera à notre mesure et à notre façon. À nous de sentir l’occasion et la juste façon de faire.
Notre premier rôle c’est d’encourager les gens, nous dit Paul. C’est plutôt sympa comme mission. Participer à leur épanouissement, leur moral, et pourquoi pas leur santé, comme le faisait Jésus. Le second volet de notre ambassade est plus délicat. Comment les encourager « à la place du Christ à être réconciliés avec Dieu » ?
Merci à Dieu pour sa confiance. Mais en sommes nous capables ? Certainement. Quand un gouvernement nomme une personne ambassadeur c’est qu’il pense qu’elle en a les capacités et il lui donne la formation adéquate. C’est ce que Paul développe, en partant de notre genèse : il dit d’abord que nous sommes un être de chair. C’est vrai et c’est une bénédiction multiple, de vie, de puissance d’agir, de joie, de sensations, de mouvement, de pensée et de relations : nous sommes un animal sensible, pensant et social. Nous sommes une chair pétrie de souffle divin nous donnant la capacité d’aimer et de créer, d’inventer. Tout cela fait partie de nos compétences données par Dieu.
Ce n’est pas tout. En Christ, Dieu nous a donné deux choses, selon Paul :
1. « Dieu nous a réconciliés avec lui-même par le Christ. » C’est notre formation, et dans la mesure où nous l’avons reçue :
2. « Dieu nous a donné le ministère de la réconciliation. » Il fait de nous ses ambassadeurs.
Paul s’adresse à des personnes ni plus ni moins chrétiennes que nous, bien sûr.
Si nous nous intéressons un tant soit peu au Christ (ce qui est la définition d’être chrétien) cela veut dire que dans une certaine mesure nous avons déjà entendu cet appel de Dieu dont il est question ci-dessus, cet appel qui nous dit « Soyez réconciliés avec Dieu ! ». C’est la porte d’entrée, ensuite Dieu peut travailler dans l’espace que nous lui laissons. C’est lui qui nous réconcilie, ce travail est encore en cours, comme pour le monde. Certes. Seulement, notre début d’expérience fait déjà de nous une personne qualifiée, connaissant quelque chose de ce geste, intime, personnel qui consiste à être ouvert à Dieu, à le chercher, à lui faire confiance pour ce travail de réconciliation de nous-même avec lui.
Ensuite, puisque nous nous intéressons au Christ nous sommes à bonne école, avec ses paroles qui nous font nous interroger, avec ses gestes inspirants. Nous le voyons par exemple parler de Dieu cherchant l’humain comme un berger cherche, par amour, même la plus perdue de ses brebis perdues. Et Jésus vit en cohérence avec cette théologie. Cela nous aide, cela fait tomber des barrières et des peurs qui contrariaient la force de réconciliation avec Dieu. Au delà de son message, la façon d’être du Christ nous forme, nous inspire.
Ensuite, oui, nous ne sommes pas le Christ. D’accord. Mais assez pour être à notre manière, ministre de « la réconciliation avec Dieu ».
Mais quoi, Dieu aurait-il besoin de nous pour transmettre cet appel ? Oui et non. Dieu appelle de multiples façons toute personne. Certaines personnes y sont plus ou moins sensibles naturellement, cela existe dans toutes les cultures depuis que l’homme n’est plus seulement une sorte de singe. Bien plus de personnes qu’on ne le pensent sont touchées, comme le dit Jean « quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu » (1 Jean 4:7), c’est donc que cette personne a été touchée par Dieu dans sa conscience et son cœur.
Dieu cherche à toucher chacun de l’intérieur, seulement, cette réconciliation que Dieu espère est tissée de multiples connexions, car Dieu est une réalité complexe. Pour cela, chacun a besoin de toute façon des encouragements d’autres personnes, vivant dans cette chair qu’est la nôtre, pour nous transmettre cet appel de Dieu, cette prière que Dieu nous adresse personnellement « Sois réconcilié avec Dieu ! ».
La tâche est immense, elle est au profit de chaque personne, et aussi pour notre monde, ce monde que Dieu aime, et ses habitants que Dieu chérit. Ah que se lèvent des ambassadeurs, des ambassadrices. (cf. Luc 10:2)
Amen.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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L'apôtre Paul nous écrit :
Ainsi, dès maintenant, nous ne connaissons personne selon la chair ; et si nous avons connu Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de cette manière.
17 Si quelqu'un est dans le Christ, c'est une création nouvelle. Ce qui est ancien est passé : voici, c’est devenu nouveau.
18 Et tout l'univers vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui-même par le Christ, et qui nous a donné le ministère de la réconciliation.
19 Comme Dieu était dans le Christ, réconciliant le monde avec lui-même sans tenir compte aux humains de leurs fautes, et mettant en nous la parole de la réconciliation.
20 Nous sommes donc ambassadeurs à la place du Christ ; comme si Dieu encourageait nous, priant à la place du Christ : « Soyez réconciliés avec Dieu ! »