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Veillée de Noël, 24 décembre 2021
Culte au temple de Vandœuvres
prédication du pasteur Marc Pernot
Dans les premiers mots de son récit, Matthieu nous dit que Joseph était « un homme juste ». Cela ne semble pas grand chose, mais dans la Bible cette mention sonne comme un coup de trompette dans le calme d’une bibliothèque. Jésus lui-même est choqué quand une personne le qualifie seulement de « bon », Jésus remarque qu’« il n’y a de bon que Dieu seul. » (Marc 10:17; Luc 18:18). Nous savons tous que, comme le dit la Bible en de multiple passages « il n’y a pas sur la terre une seule personne juste qui ne fait que le bien et qui ne fait jamais la moindre faute. » (par exemple Ecclésiaste 7:20 ; Psaume 143:2 ; Romains 3:23).
Matthieu sait que qu’il va faire sursauter son lecteur en disant que Joseph est un « homme juste ». S’il le dit c’est pour nous avertir qu’il va condenser dans le personnage de Joseph une description de la personne humaine idéale selon l’Évangile du Christ. Ce procédé est habituel dans la Bible hébraïque, on le retrouve par exemple pour Noé, pour Abraham ou pour Jacob. Dans son Évangile, Luc met, lui, en avant Marie comme figure de l’humain idéal.
Ces textes ne sont pas des reportages, ce sont des prédications qui nous sont adressées, elles passionnent l’humanité depuis près de deux mil ans. Derrière ces personnages de Joseph et de Marie, il y a des personnes bien réelles avec leurs défauts et leurs qualités comme vous et moi. Cette grossesse hors mariage est très vraisemblablement historique aussi, les opposants à Jésus vont s’en servir contre lui. Dès le IIe siècle nous trouvons sous la plume du philosophe anti-chrétien Celse que Jésus serait le fils adultère de Marie et d’un soldat romain qui s’appelait Pandera ou Panthera. Ce n’est pas invraisemblable, car hélas dans bien des lieux de conflit armé, le viol des femmes par les soldats d’occupation est un crime fréquent, encore aujourd’hui. Il est possible que c’est ce que Marie a subi. La pauvre. D’autant plus quand l’opprobre, le mariage forcé, et parfois la peine de mort sont infligées, en plus, à la victime.
L’Évangile selon Matthieu situe l’histoire de Jésus dans notre monde où le mal et le bien s’entremêlent aussi bien dans la société que dans notre personne humaine, dans ce que nous faisons et dans ce qui nous arrive. C’est dans ce contexte que l’Évangile nous propose un élan de bien pour nous inspirer, montrant que l’avenir est devant nous, pour le meilleur. Grâce à Dieu et avec Dieu.
Cela commence par une vision de l’humain, tel que Dieu l’espère.
Joseph est donc fiancé à Marie. Marie est enceinte et Joseph sait qu’il n’y est pour rien. C’est un choc terrible.
Comment Joseph va-t-il se comporter ?
Dans le contexte, deux impératifs s’imposaient à lui :
- Sa déception le poussait à la colère ou au désespoir.
- La coutume, la loi religieuse, trouvaient juste de lapider une fille dans la situation de Marie.
Matthieu nous propose une tout autre démarche pour déterminer le meilleur chemin possible dans une situation délicate. Pour enquêter sur ce qu’il propose, nous pouvons suivre les verbes d’action dans cette histoire de Joseph.
Il y a là deux choses importantes et nouvelles par rapport à la loi de l’instinct et à celle de la coutume.
D’abord la volonté personnelle. Ces mots « Joseph voulait » indiquent qu’il n’est pas soumis ni à sa propre colère ni aux coutumes civiles ou religieuses. Joseph est sujet d’une volonté propre. Cela n’a rien d’une évidence. Par principe même, la colère nous emporte et elle fait que nous ne sommes plus sujet de notre propre volonté. Les codes de notre propre culture forment un filtre qui transforment le sens commun en évidence. Comment se libérer de ces chaînes ? Elles sont d’autant plus tyranniques qu’elles nous déterminent de l’intérieur de nous-même. L’Évangile du Christ nous aide immensément par rapport à cela, nous disant que nous sommes digne, personnellement, de forger notre propre opinion, car nous sommes chacune et chacun un prophète ou une prophétesse. Non seulement il nous autorise à le faire, l’Évangile du Christ nous en donne l’envie, la vocation, et il nous en rend capable.
Être juste, c’est se forger une volonté personnelle.
La seconde chose essentielle que nous avons dans ces premiers mots sur Joseph c’est qu’il ne veut pas diffamer Marie. C’est à dire que pour forger son opinion, il ne considère pas seulement sa situation, mais il mesure l’avenir de Marie, il la considère comme une personne, il se soucie d’elle. L’amour du prochain que Jésus placera au cœur de son ministère, c’est d’abord cela : reconnaître l’autre comme une personne et se soucier de ce qui lui arrive.
Être juste, c’est se soucier de l’autre.
De là, Joseph forme un projet, une voie moyenne entre la justice qui considère comme inacceptable ce qui arrive, et le respect de la personne de Marie.
Être juste c’est former un projet dans la réflexion, poursuit le texte, pas seulement dans l’impulsion première. Le texte parle d’une première résolution prise par Joseph et dit pourtant qu’il y réfléchissait encore. C’est essentiel dans l’Évangile du Christ. La juste opinion n’est pas figée comme un cristal. En Christ, la vérité est un cheminement (Jn 14:6), elle est une fidélité c’est-à-dire une relation vivante avec Dieu, avec nous-même et avec ceux qui nous entourent, avec le monde.
Joseph va évoluer dans sa résolution. Comme il a élargi sa conscience en prenant en compte Marie, il va encore élargir sa recherche en s’ouvrant à Dieu, à la source de l’être.
Être juste c’est donc se convertir, au sens de se tourner vers l’autre avec qui nous sommes en relation. Être juste c’est s’ajuster soi-même à ces autres qui nous entourent. C’est donc une volonté dans la charité (dans l’amour au sens de se soucier des autres).
C’est l’effet « tous prophètes, toutes prophétesses » dont je vous parlais. Joseph n’est pas grand prêtre du temple de Jérusalem, il n’est même pas rabbin, il est artisan charpentier ayant pour spécialité, d’après un historien du IIe siècle, la fabrication d’outils agricoles. Et il reçoit directement la Parole de Dieu, comme un prophète. C’est la définition de ce que réalise le Messie : que chacun garçon et fille, homme et femme de tout âge et de toute condition seront éclairés directement par Dieu. (Joël 2:28 ; Jérémie 31:33).
L’Esprit n’a rien d’une télécommande que Dieu aurait pour prendre le contrôle sur notre conscience. Dieu ne le voudrait pas (ce n’est pas un tyran) et il ne le pourrait pas (on ne peut forcer personne à aimer, ni à être libre). Mais on peut l’aider, l’encourager, augmenter sa lucidité : c’est ce que Dieu fait par son souffle en nous. Dans cette histoire, qu’apporte Dieu à Joseph ? Il lui apporte d’abord le fait de ne pas avoir peur, nous dit le texte (1:20). De ne pas avoir peur d’envisager une solution nouvelle, disruptive, un comportement personnel novateur et créatif. L’Esprit lui donne de ne pas avoir peur de faire un pas de plus dans la direction que déjà son cœur lui avait indiqué.
La fin de la peur de Dieu est un élément essentiel de ce qu’apporte le Christ, une conséquence directe de l’amour de Dieu pour chaque personne.
Être juste c’est entendre et répondre à l’appel de Dieu (ou de notre nature), appel à être créateur, entrepreneur, inventeur, explorateur de notre lendemain. C’est notre vocation.
Le texte précise : « alors que Joseph était en pleine réflexion, un ange lui apparut », l’éclairage de Dieu ne remplace pas la réflexion personnelle de Joseph, au contraire Dieu peut l’éclairer parce qu’il réfléchit, se pose des questions, suspend son jugement instinctif et qu’il cherche.
Le juste associe réflexion personnelle, confiance en Dieu, et prière. C’est ce qu’évoque la visite d’un ange : la prière, que la personne ait choisi de prier ou que la prière lui vienne comme spontanément.
C’est là que l’on voit ce qu’apporte dans notre vie l’impulsion divine qui est appelée ici « un ange ». C’est non seulement de nous rendre capable de prendre une décision personnelle éclairée. C’est même d’arriver un petit peu à faire ce que nous avons décidé. C’est là que nous avons encore besoin de plus que les forces humaines : de ce souffle de transcendance qui peut ressembler au frôlement d’une aile sur notre joue. « Dieu avec nous ». Dieu en nous, au plus profond de nous comme le jaillissement d’une source de vie.
Amen.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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Voici quelle fut l’origine de Jésus Christ. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph, avant qu’ils aient habité ensemble elle se trouva enceinte par l’Esprit Saint.
19 Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la diffamer, résolut de la répudier secrètement.
20 Alors qu'il réfléchissait à cela, voici qu’un ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint. 21Elle enfantera un fils que tu appelleras du nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de leurs péchés. »
22 Tout cela arriva pour que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète : 23Voici que la vierge concevra et enfantera un fils qu'ils appelleront du nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : « Dieu avec nous ».
24 À son réveil, Joseph fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit avec lui son épouse, et 25il ne la connut pas jusqu’à ce qu’elle eût enfanté un fils, qu'il nomma du nom de Jésus.