(Matthieu 1:18-25)
Culte du jour de Noël 2016
prédication du pasteur Marc Pernot
Il est possible d’y apprendre à reconnaître les actes de Dieu dans l’histoire et dans notre propre histoire, pour nous ouvrir à ces miracles de résurrection dont Dieu est la source.
Il est possible de faire une lecture spirituelle de ce texte, nous aidant à découvrir combien le souffle de Dieu est fécond dans notre existence, faisant naître et grandir un enfant de Dieu dans notre être.
Mais pour ce Noël, je vous propose de faire une lecture éthique de ce commencement d’Évangile, en regardant comment Joseph réagit face à une situation totalement imprévue pour lui. Son amoureuse est enceinte et il sait qu’il n’y est pour rien. C’est évidemment très choquant. La vie n’est pas toujours simple. Joseph n’était pas du tout préparé à cela. Comment va-t-il se comporter ?
Une solution existe dans sa religion, sa culture : selon le livre du Deutéronome 22:23-24, Marie mérite d’être lapidée. Et puisque le texte nous dit que Joseph est quelqu’un de « juste », normalement cela devrait dire qu’il colle scrupuleusement à la volonté de Dieu. Pourtant il ne va pas suivre ce que dit la Bible sur ce cas. Cela veut dire que la notion même de ce qu’est « être juste » aux yeux de Dieu n’est pas l’obéissance aux commandements, mais une façon d’être qui va être développée dans la suite de ce récit. Ce commencement d’Évangile y va fort.
Deux mots décrivent la première étape du cheminement de Joseph, celui de volonté et de réflexion. C’est un juste mélange de dignité et d’humilité : honneur de celui qui se sent appelé à décider par lui-même, et humilité de celui qui prend le temps de tourner la question dans sa tête et dans son cœur afin de ne pas décider à la légère. Et c’est ainsi qu’au lieu de s’en remettre à l’intransigeance de sa culture et de sa religion, au lieu de se laisser guider par une tristesse et une colère bien compréhensibles, Joseph se met à prendre à penser à l’avenir de Marie. Il considère la femme, la personne, et non seulement les faits. Il respecte profondément la personne même si les faits sont choquants, et blessants pour lui.
Il est parfois dit que l’éthique chrétienne est une éthique de la responsabilité, oui, mais c’est même plus que cela, c’est une éthique du questionnement avant de choisir personnellement, c’est une éthique de la personne, privilégiant la personne humaine, et pas que sa seule petite personne mais aussi la personne de l’autre, quand bien même elle serait coupable.
Ce questionnement et cette ouverture aux autres se prolonge ensuite, comme naturellement, à une ouverture à Dieu, directement, figurée par la visite d’un ange. Le fait de chercher une solution nouvelle par lui-même le dispose à cette ouverture à la source ultime de nouveauté qu’est Dieu, qui est comme au-delà de notre conscience et pourtant qui va réveiller Joseph de son sommeil, littéralement le ressusciter, le rendre plus conscient. Cette ouverture à Dieu peut se manifester au moins par une méditation de notre idéal, au cœur de nos difficultés à trancher dans une situation difficile. Même s’il convient ensuite d’être pragmatique en cherchant la moins mauvaise des solutions, au moins garder ce regard vers cet idéal parfait qu’est Dieu pour nous réveiller.
Et c’est comme cela que nous sommes amenés à réviser la notion d’homme juste. C’est celui qui cherche à s’ajuster à la situation, s’ajuster à l’autre, s’ajuster au meilleur qu’est Dieu. Pour cela, Joseph prend sur lui, cela lui demande un effort de volonté et de bouillonnement intérieur d’arguments et de sentiments contradictoires dans une situation troublante car ne correspondant pas à l’idéal.
C’est ainsi que la question n’est pas de savoir si Joseph a un comportement juste, mais le texte nous dit que Joseph EST un homme juste. La question fondamentale est plus la transformation de la personne, dont les actes ne sont ensuite que des fruits. C’est sur l’être intérieur que Dieu veut travailler, et que nous pouvons travailler avec lui en y mettant notre volonté et notre bouillonnement intérieur. Cela demande d’avoir reçu l’assurance que nous sommes dignes de décider du juste chemin dans la vie... tout en gardant l’humilité de chercher un plus juste possible, et donc de suspendre notre jugement le temps de former notre projet. C’est toute la différence avec la façon d’être d’Adam et Ève qui mangent l’arbre de la connaissance du bien et du mal, se laissant gouverner par leur seul désir qui prend ainsi la place de Dieu. Ils ont pourtant la vocation de cultiver le jardin d’Éden, et donc de faire œuvre de créativité, donc d’esprit de décision, donc la vocation de faire leurs propres arbitrages.
Joseph, lui, sait qu’il doit décider par lui-même et il prend la peine de suspendre son jugement le temps de former cette décision sur autre chose que son seul petit lui-même et son seul désir. Il prend en compte la complexité de la situation, la vie des autres, et Dieu. C’est ainsi que Joseph évite l’aliénation qui consiste à être sous la coupe d’un dieu-tyran, ou pire sous la coupe d’une religion qui se prend pour la voix de ce Dieu. Et c’est ainsi que Joseph évite aussi l’orgueil, l’hubris de se prendre pour Dieu.
Un ange apparaît qui va bien l’aider. Mais pour situer cette intervention divine dans le processus de décision évoqué par ce récit, il faut remarquer que l’ange apparait, nous dit le texte, au cœur de cette intense réflexion de Joseph pour chasser sa peur. Il ne s’agit donc pas d’un viol de sa propre réflexion. Mais un accompagnement dans ce qu’il avait déjà projeté pour avoir un courage supplémentaire, et aller plus loin.
D’ailleurs, c’est le propre de la figure de l’ange dans la Bible, il n’envoie pas dans la figure de Joseph une table de pierre avec gravé dessus en lettres de feu son ordre de mission assorti d’une menace de tortures éternelle en cas de problèmes. Mais l’ange porte au contraire une parole qui met fin à toute crainte, à toute menace de la part de Dieu, une parole qui permet de transgresser les codes et donc d’avoir un mouvement novateur et créatif.
L’ange, c’est Dieu qui nous accompagne et qui nous bénit, c’est Dieu qui vient visiter notre intelligence, notre volonté, notre recherche de solutions possibles. L’ange c’est Dieu qui nous donne le courage d’être prophète dans notre temps dans notre monde pour faire avancer la justice au-delà de ce qui a été connu avant. L’ange c’est ce courage qui nous permet de prendre une décision et donc de renoncer aux autres solutions envisagées et assumer la décision prise même si elle est difficile et imparfaite.
Cette liberté est géniale, mais évidemment dangereuse. Car qui nous dit que cette voix qui s’exprime en nous est celle de l’ange de Dieu ou celle du serpent de notre tentation nous faisant prendre des vessies pour des lanternes, ou plus généralement nous faisant prendre nos peurs pour de la sagesse, nos préjugés pour de la justice, et nos désirs pour le souffle de Dieu ?
C’est pourquoi il est salutaire que l’ange de Joseph s’exprime au sein même du bouillonnement de questions et de réflexions de Joseph. Toutes nos intuitions spirituelles ne sont pas prophétiques. Elles doivent être, elles aussi questionnées, recoupées. C’est pourquoi il est utile d’avoir une conscience riche de multiples champs de recherche, par l’observation de la situation, par l’écoute de Dieu dans la prière, par le questionnement salutaire de la Bible et par celui de l’intelligence, par l’écoute de points de vue multiples.
C’est ainsi que Joseph prend une décision incroyable. Il adopte l’enfant qui n’est pas le sien. Il n’y a pas de plus grand amour de Marie et amour de cet enfant. D’où lui vient cette force surnaturelle ? Où trouverons-nous la force du geste qui fait vivre ? Et la force du pas suivant ?
Jésus est ainsi fils de Marie, et fils du pardon de Joseph, fils de son bon cœur, fils de sa foi humble et sage, fils de Dieu.
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Voici quelle fut l’origine de Jésus Christ.
Marie, sa mère, était accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint.
19 Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la diffamer publiquement, résolut de la répudier secrètement.
20 Il avait formé ce projet, et voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint, 21 et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
22 Tout cela arriva pour que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète : 23 Voici que la jeune fille concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : « Dieu avec nous ».
24 A son réveil, Joseph fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse, 25 mais il ne la connut pas jusqu’à ce qu’elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus.
(Cf. Traduction Colombe)