(Genèse 2:4-3:8)
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Culte du jour de Noël 2014
prédication du pasteur Marc Pernot
L'Évangile selon Luc nous raconte que Marie, après avoir solidement discuté la parole de l’ange, dit enfin « je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon sa Parole » (Luc 1). Marie fait alors exactement l’inverse de ce que décident de faire Adam et Ève, eux aussi après avoir mûrement réfléchi. Grâce à Dieu mais aussi grâce à ce « oui » de Marie, naîtra le Christ.
Depuis Saint Augustin au Ve siècle, on a parfois dit que la faute d’Adam et Ève avait profondément souillé l’humanité et avait fâché Dieu d’une grande rancune, ce dont le Christ nous aurait sauvé. Je suis plus que d’accord sur le fait que Christ nous apporte la vie, et je suis un grand admirateur de Saint Augustin, mais pas du tout sur cette façon de comprendre le salut donné par Dieu en Christ. Le texte de la Genèse parle effectivement d’une faute d’Adam et Ève. Mais elle est plus comme le « non » qu’un enfant apprend à dire à sa mère vers 2 ans. Ce n’est pas très agréable pour la mère, mais c’est ainsi que le petit enfant découvre qu’il est une personne et non pas une simple extension de sa mère, comme Adam et Ève face à Dieu. C’est à cette occasion que l’enfant voit de ses propres yeux que sa révolte ne remet pas en cause l’amour de sa mère. Il découvre la grâce. Il découvre ce que c’est que la fidélité.
D’ailleurs, dans le récit de la Genèse, Dieu n’est pas fâché contre l’humain. Il ne l’écrabouille pas, il ne le maudit pas, il ne l’abandonne même pas, au contraire, de sa voix, de son souffle, Dieu appelle l’homme, il le cherche, le déniche, l’interpelle de ses questions. Dieu se fait même serviteur en leur donnant un vêtement, une dignité. Puis Dieu leur annonce qu’ils auront du travail, du pain et des enfants.
Vous allez me dire qu’être expulsé du paradis et de devoir faire des efforts est une punition ? C’est ce que se dit aussi l’embryon qui est expulsé du ventre de sa mère où il vivait nourri, logé, chauffé, choyé comme s’il était seul au monde, sans un effort. Mais c’est en étant expulsé de ce paradis que l’embryon peut devenir un enfant, et personne. Dieu profite de la faute d’Adam et Ève pour faire leur éducation. Le fait qu’il ne les grille pas sur place leur apprend déjà qu’ils n’auront jamais rien à craindre de Dieu. Sauf peut-être ces questions fatigantes mais essentielles pour nous faire sortir de notre bulle comme son « où en es-tu, Adam » suivi d’autres « comment » et des « pourquoi » fort utiles pour nous aider à grandir. La foi sert à cela. La prière, la théologie servent à cela.
Adam et Ève se cachaient, ils pensaient se cacher aux yeux de Dieu, ridiculement. Mais pire encore, c’est bien souvent à nous-mêmes que nous voulons cacher nos fautes, comme les enfants, comme Adam et Ève, se cachant et rejetant la faute sur Dieu ou sur un autre, s’isolant encore plus. Pour tenter de se refaire une dignité, ils se bricolent un costume en feuilles de figuiers. Pourquoi des feuilles de figuiers et non des feuilles de bananiers qui auraient été bien plus pratiques vu le format ? C’est que dans la culture biblique le figuier évoque le travail d’interprétation de la Bible. Travailler, tailler et coudre des feuilles de figuiers c’est donc une bonne démarche mais c’est ici dans une mauvaise intention, celle de se trouver des excuses à ses propres yeux. Mais là encore, Dieu va chercher à tirer le meilleur pour eux, même de leur mauvaise démarche.
Adam et Ève découvrent qu’ils sont nus. Ils découvrent qu’ils sont nus comme un bébé à naître. Mais le mot hébreu qui est ici traduit par « nu » est le même mot qui est utilisé pour dire que le serpent « rusé », « avisé ». Adam et Ève découvrent ainsi, qu’ils ont une capacité à interpréter, à réfléchir, à inventer. C’est vrai qu’ils ont découvert cette capacité dans le service de leur égocentrisme, mais pour peu qu’ils l’orientent d’une manière plus créatrice, ce sera génial. C’est ce que l’on nomme dans la Bible la conversion. Et dans l’Évangile, cette conversion s’enracine dans la grâce de Dieu. Le « non » d’Adam et Ève, pardonné par Dieu, permet au « oui » de Marie d’être un vrai oui, libre et non contraint par Dieu. Sans chantage. Car depuis ce texte de la Genèse, chacun sait qu’il a le droit de dire « non » à Dieu sans mériter la mort. D’ailleurs Marie discute avec l’ange, elle argumente, elle réfute. Et l’ange répond, il ne lui promet pas le paradis si elle dit « oui » ou l’enfer si elle dit « non », mais l’ange lui parle de a beauté et de la fécondité du projet de Dieu en Christ.
En réalité, ce texte de la Genèse nous dit que Dieu fait tout pour que nous pensions librement par nous-mêmes, que nous ayons notre propre interprétation du monde, de notre vie, et de nos projets, ceux de Dieu et les nôtres. C’est cela être animé du souffle divin, comme l’est tout homme vivant en ce monde. C’est pourquoi Dieu nous donne cette mission non seulement de garder mais aussi de cultiver le jardin, puis la mission de nommer les animaux et donc de donner une valeur et du sens à ce qui nous entoure. C’est pourquoi Adam a le droit de réclamer en disant à Dieu son manque, sa solitude, son désir. Et l’Éternel Dieu y répond. Même la consigne que Dieu lui donne ensuite est bien faite pour exercer l’intelligence de l’humain. Il doit à la fois « manger de tous les arbres du jardin », première consigne, mais aussi de « ne pas manger d’un certain arbre ». C’est un peu surprenant car si un arbre est interdit comment manger de tous les arbres ? En plus, cet arbre apparaît comme réellement porteur des bénédictions de Dieu : il est la beauté, il est la bonté, il est le discernement et l’intelligence. Le serpent a raison. Pourquoi nous serait-il interdit ? C’est ce que doit se dire l’embryon : pourquoi est-ce que je n’aurais pas le droit de rester là dedans indéfiniment dans mon petit coin de paradis pour moi tout seul, me concentrer de plus en plus sur mon cordon, devenir mon cordon ? C’est que ce ne serait pas vivre.
Ce serpent est une figure de la capacité de l’homme à produire des interprétations nouvelles. Quand l’humain décide de manger l’arbre défendu, c’est vrai que c’est un « non » à Dieu mais c’est quand même une bonne démarche, celle de réfléchir, d’argumenter, d’interpréter, sincèrement, personnellement. Et de cela, Dieu se réjouit, de cela Dieu veut faire quelque chose, il en fait une belle occasion pour les aider à se mettre en mouvement. Et sortir de notre petit paradis. Nous n’avons pas à « faire » notre paradis. Mais nous pouvons en vivre, et l’exporter. Nous en sommes dignes et nous en sommes capables, à l’image de ces 4 fleuves sortant du jardin des délices et qui irriguent l’univers : Pishon qui signifie la multiplication, Guihon qui évoque l’élan en avant, Hiddékel qui invite à être une parole active, et Parat qui évoque la fécondité.
À chaque page des Évangiles, à chaque geste du Christ, à chacune de ses paroles, de ses rencontres, nous avons cette invitation à vivre avec sincérité en osant de nouvelles interprétations et en les vivant comme nous pouvons. Car même quand nous nous trompons, et même quand nous n’osons pas… Dieu sera là pour nous, avec tendresse il se penchera et nous dit, avec un bon sourire : « où es-tu ? »
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Voici les origines des cieux et de la terre, quand ils furent créés.5 Lorsque l’Eternel Dieu fit la terre et les cieux, aucun arbuste des champs n’était encore sur la terre, et aucune herbe des champs ne germait encore : car l’Eternel Dieu n’avait pas fait pleuvoir sur la terre, et il n’y avait pas d’humain pour cultiver le sol.6 Mais une vapeur s’éleva de la terre, et arrosa toute la surface du sol.
7 L’Eternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme devint un être vivant.8 Puis l’Eternel Dieu planta un jardin en Eden, du côté de l’orient, et il y mit l’homme qu’il avait formé.9 L’Eternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l’arbre de la vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.10 Un fleuve sortait d’Eden pour arroser le jardin, et de là il se divisait en quatre bras.11 Le nom du premier est Pischon, c’est celui qui entoure tout le pays de Havila, où se trouve l’or. 12 L’or de ce pays est pur, on y trouve aussi le bdellium et la pierre d’onyx. 13 Le nom du second fleuve est Guihon, c’est celui qui entoure tout le pays de Cusch. 14 Le nom du troisième est Hiddékel, c’est celui qui coule à l’orient de l’Assyrie. Le quatrième fleuve, c’est Parat.
15 L’Eternel Dieu prit l’homme, et le plaça dans le jardin d’Eden pour le cultiver et pour le garder.16 L’Eternel Dieu donna cet ordre à l’homme : Tu pourras manger de tous les arbres du jardin, 17 mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement.18 L’Eternel Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul, je lui ferai une aide semblable à lui.19 L’Eternel Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les fit venir vers l’homme, pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant porte le nom que lui donnerait l’homme. 20 Et l’homme donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs, mais, pour l’homme, il ne trouva pas d’aide semblable à lui.21 Alors l’Eternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l’homme, qui s’endormit, il prit une de ses côtes, et referma la chair à sa place. 22 L’Eternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise de l’homme, et il l’amena vers l’homme. 23 Et l’homme dit : Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair! on l’appellera femme, parce qu’elle a été prise de l’homme. 24 C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair.
25 L’homme et sa femme étaient tous deux nus, et ils n’en avaient pas honte.1 Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l’Eternel Dieu avait faits. Il dit à la femme : Dieu a-t-il réellement dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ?2 La femme répondit au serpent : Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. 3 Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez pas et vous n’y toucherez pas, de peur que vous ne mouriez.4 Alors le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez pas, 5 mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal.6 La femme vit que l’arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux pour ouvrir l’intelligence, elle prit de son fruit, et en mangea, elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d’elle, et il en mangea.7 Les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent, ils connurent qu’ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures.
8 Alors ils entendirent la voix de l’Eternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l’homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l’Eternel Dieu, au milieu des arbres du jardin. 9 Mais l’Eternel Dieu appela l’homme, et lui dit : Où es-tu ?
Traduction NEG