(écouter, écouter le culte, imprimer la feuille)
19 novembre 2023
culte eu temple de Vandœuvres
prédication du pasteur Marc Pernot
Cette semaine, une femme sincère m’a demandé, d’une façon un peu hésitante : « Monsieur le pasteur : comment savoir si j’ai la foi ? ». Cette question ouvre à bien des questions que l’on gagne à creuser, à affiner, à soulager aussi. Derrière cette question il y a souvent l’idée qu’« avoir la foi » serait la condition sine qua non du salut, pour « avoir la vie éternelle », c’est en effet une des interprétations possibles de ce célèbre verset de l’Évangile selon Jean « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils afin que quiconque croit en lui ne meurt pas mais qu’il ait la vie éternelle »(Jean 3 :16). Car dans ce verset, ce qui est traduit par « croire en lui » est littéralement « avoir foi en lui» ou « avoir foi par lui » et c’est lié au fait d’avoir la vie éternelle.
Du coup, on comprend que l’on puisse se demander si on répond au critère de l’examen d’entrée, si c’en était effectivement un, comme cette dame sincère qui se demande : « Comment savoir si j’ai la foi ? ».
En ce qui la concerne, ce grand croyant qu’est Blaise Pascal apporte une réponse lumineuse : à cette question Dieu nous répond « Console‑toi. Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais déjà trouvé. » : un début d’interrogation sur les questions spirituelles est déjà de la foi, c’est une foi entière nous dit Pascal, même si cette foi est un embryon de foi amené à grandir, à se développer, à prendre sa stature propre, à trouver sa vocation, à porter des fruits, à être pensée... certes, mais ce frémissement de vie qui consiste à s’interroger sur la foi montre qu’une foi est là, déjà vivante, en nous.
Dans un sens, cela montre que la question « est-ce que j’ai la foi, oui, ou non ? » est une excellente question mais en partie mal posée. Car la réponse n’est pas un « oui ou non », car nous n’avons pas une foi à 0% ni une foi à 100%, il existe des degrés de foi. Jésus parle à plusieurs reprises de la taille de la foi d’une personne. Il interpelle souvent ses apôtres et les traitant de « petite foi» ( oligopistoi Mt 6:30; 8:26; 14:31; 16:8 ), ce n’est pas pour les injurier mais pour les inviter à chercher à grandir de ce côté là. Par ailleurs, Jésus montre en exemple « la grande foi» de certaines personnes (Mt 8:10 ; 15:28) : une femme aimant sa fille plus que tout, et un centurion romain qui veut du bien à un de ses serviteurs. Je ne pense pas que ce centurion s’attendait à se voir qualifié par Jésus d’« avoir la foi », et encore moins d’avoir une « grande foi » si admirable, alors que son culte à lui consistait à faire des sacrifices en faveur de l’empereur de Rome considéré comme un dieu. Et pourtant si. Jésus a reconnu la qualité de l’arbre à ses fruits : cet homme est capable d’avoir une étonnante sollicitude pour son serviteur c’est donc qu’en lui la racine de l’amour est en forme, on peut donc en déduire qu’il a une grande foi.
C’est ce que Jean développe ailleurs, quand il dit que « quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu... car Dieu est amour. »(1 Jean 4:7). La foi consiste à vivre de cette source de vie en nous qu’est Dieu. Or, personne au monde ne pourrait vivre sans aimer au moins un tout petit peu, ne serait-ce que par inadvertance. On peut donc affirmer que personne ne pourrait avoir un degré de foi totalement nul, et être totalement imperméable à la source de la vie.
La question n’est donc pas tant de savoir si nous avons ou non la foi, mais de dénicher ce qu’est la foi au fond de nous-même. Peut-être avons-nous déjà une grande foi et nous ne savons même pas que nous avons la foi, comme le centurion romain ou la femme sincère qui m’a interrogé. À l’inverse, peut-être que les apôtres de Jésus et l’homme très religieux qui invite Jésus à manger pensent avoir la foi et même une grande foi en s’accrochant fermement à telle doctrine, tel rite, telle pratique, telle communauté, tel maître. Avec Jésus il découvriront qu’en vérité, leur foi existe mais n’est pas ce qu’ils pensaient, la foi est autre chose que tout cela, elle est au fond d’eux comme une source.
La question de cette dame sincère « comment savoir si j’ai la foi ? » est donc importante, car elle nous donne envie de chercher ce que notre foi aurait pu laisser comme traces dans notre vie. Nous pourrons mieux saisir ce qu’est la foi en nous, et la chérir, la travailler, et travailler en nous-même grâce à elle.
Puisqu’effectivement nous avons la foi, tous, il n’y a pas de chantage ni d’examen de passage où Dieu jugerait notre degré de foi pour sélectionner les meilleures personnes uniquement. C’est ce qu’enseignent d’autres traditions philosophique et religieuses, c’est ce que font les humains en ce monde, mais dans le cadre de l’Évangile il n’est pas question que Dieu laisse tomber quiconque, car ce n’est pas le genre de Jésus d’abandonner qui que ce soit sur le bord du chemin. D’ailleurs, dans ce verset de Jean 3:16, Jésus commence par annoncer que Dieu aime, non pas seulement telle ou telle personne, mais le monde entier. Quand on aime, on ne laisse pas tomber l’autre sous prétexte qu’il serait moins en forme.
Pourtant, en lisant ce passage, nous pouvons avoir une impression que tout n’est pas gagné pour nous. Mais en quel sens ? Comme très souvent dans la Bible quand il y a une figure du juste et une figure du pécheur dans un passage, nous sommes personnellement à la fois le juste et le pécheur à un certain degré. Et si l’on regarde mieux, c’est ce que dit ce texte : il dit précisément que ce n’est pas Dieu qui nous condamnerait, puisqu’il nous aime de toute façon dès l’origine. Ce n’est pas à un examen que nous sommes convoqué mais à une lucidité, Jésus attire notre attention sur ce qui nous anime : il y a en nous quelque chose de l’enfant de Dieu, un enfant unique que Dieu aime plus que tout ; et il y a en nous une part qui a besoin d’être sauvée. Dieu cherche à nous aider, et il nous donne le Christ pour cela.
La question est bien celle de rechercher en nous cette foi qui anime la meilleure part de notre être, c’est cela que le Christ nous aide à découvrir en nous, et à aimer.
Cela m’amène à une autre question que nous entendons souvent, à propos de la foi : « J’aurais bien aimé avoir la foi, mais je ne l’ai pas. » Ce n’est pas à proprement parler une question puisque c’est une affirmation dépitée. C’est dommage car c’est souvent dû à quelques malentendus sur ce que c’est que la foi.
1 er malentendu : certains supposent qu’« avoir la foi » c’est vivre une rencontre intense avec Dieu, comme l’apôtre Paul sur le chemin de Damas où Blaise Pascal dans sa « nuit de feu » ? Cela peut arriver mais bien des croyants n’ont pas vécu cela, par exemple cette personne, manifestement de grande foi, qu’a été mère Térésa : elle dit n’avoir jamais vécu cela.
Ce malentendu vient de la confusion entre « avoir la foi » et « avoir des sentiments religieux ». Tant mieux pour ceux qui en ont, mais c’est seulement une dimension possible de la foi.
2 ème malentendu : certains disent « je ne crois pas en Dieu », en quel Dieu ne croient-ils pas ? Il y a bien des chances qu’il vaille effectivement mieux ne pas croire en ce Dieu auquel ils ne croient pas. De toute façon, Dieu n’est pas un dogme, mieux vaut le chercher comme source de ce qui m’anime, de ce qui me permet de penser à la première personne, de ce qui fait qu’il m’arrive de me préoccuper d’une autre personne que moi seul.
Ce malentendu vient donc d’une confusion entre « avoir la foi » et « adhérer à des croyances » présentées par une tradition comme étant la vérité qui devrait s’imposer à tous. Jésus n’était pas comme cela, il dit que l’essentiel est, pour chaque personne d’écouter personnellement Dieu (Marc 12:29) dans l’intimité de sa chambre (Mat. 6:6), et d’aimer alors son Dieu (pas Dieu en général mais SON Dieu), et de se laisser ainsi inspirer. C’est très personnel. Nous écoutons ce que dont témoignent les autres, mais c’est en Dieu lui-même qu’est notre source, alors, si la définition de Dieu que donnent d’autres personnes ne nous convient pas, c’est d’autant plus vers Dieu que nous chercherons afin de mieux connaître cette source qui nous anime.
3 ème malentendu : certains supposent que la foi est quelque chose que l’on reçoit ou non comme d’avoir yeux noirs ou bleus. Ils se disent que s’ils n’ont pas la foi, c’est qu’ils n’ont pas reçu ce don, et laissent tomber. Ce n’est pas leur faute s’ils pensent cela, on entend effectivement un peu partout que « la foi est un don de Dieu », c’est une affirmation qui, dite comme ça, est très discutable. Car comment Jésus pourrait alors nous dire, à l’impératif « ayez la foi en Dieu» (Marc 11:22 ; Jean 14:1) si la foi était un pur don de Dieu ? C’est un malentendu, car c’est vrai que la foi est un don de Dieu, cela est donné à toute personne, comme la vie nous est donnée. C’est précisément parce que nous l’avons que cela vaut la peine de chercher notre foi, comme le demandait la personne que j’ai rencontrée. Ce n’est pas pour que Dieu nous aime plus, c’est afin de remonter à la source du meilleur de nous-même, en être reconnaissant et en vivre mieux. C’est cela, choisir d’avoir la foi.
C’est ce cheminement que nous voyons à l’œuvre dans la démarche de la femme pécheresse que Jésus encourage et montre en exemple. Elle se découvre aimée avant d’avoir rien fait de bien, n’ayant rien à apporter comme l’explique Jésus dans sa petite parabole. Cela lui donne envie d’aimer, nous dit Jésus. L’expression de sa foi est une gratitude.
Jésus ne la félicite pas d’avoir LA foi, mais il la félicite pour SA foi : sa foi à elle, pas une foi officielle, celle de l’église. C’est sa foi à elle qui s’exprime dans sa gratitude envers Jésus dont elle a manifestement appris qu’elle était aimée par Dieu alors qu’elle n’a rien fait pour ça.
C’est cette foi-gratitude qui la sauve, non pas parce que Dieu l’aimerait alors plus qu’avant. Mais parce que sa gratitude lui donne d’être plus connectée à cette source qu’est Dieu et cela va la rendre particulièrement vivante, aimante, courageuse, d’être plus elle-même.
Avec cette foi, elle peut enfin avancer dans la paix.
(Traduction TOB)
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne meurt pas mais ait la vie éternelle. 17Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. 18Qui croit en lui n’est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
Un Pharisien invita Jésus à manger avec lui ; il entra dans la maison du Pharisien et se mit à table. 37Survint une femme de la ville qui était pécheresse ; elle avait appris qu’il était à table dans la maison du Pharisien. Apportant un flacon de parfum en albâtre 38et se plaçant par-derrière, tout en pleurs, aux pieds de Jésus, elle se mit à baigner ses pieds de larmes ; elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et répandait sur eux du parfum.
39Voyant cela, le Pharisien qui l’avait invité se dit en lui-même : « Si cet homme était un prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse. » 40Jésus prit la parole et lui dit : « Simon, j’ai quelque chose à te dire. » – « Parle, Maître », dit-il. – 41« Un créancier avait deux débiteurs ; l’un lui devait cinq cents pièces d’argent, l’autre cinquante. 42Comme ils n’avaient pas de quoi rembourser, il fit grâce de leur dette à tous les deux. Lequel des deux l’aimera le plus ? » 43Simon répondit : « Je pense que c’est celui auquel il a fait grâce de la plus grande dette. » Jésus lui dit : « Tu as bien jugé. » 44Se tournant vers la femme, Jésus dit à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré dans ta maison : tu ne m’as pas versé d’eau sur les pieds, mais elle, elle a baigné mes pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. 45Tu ne m’as pas donné de baiser, mais elle, depuis qu’elle est entrée, elle n’a pas cessé de me couvrir les pieds de baisers. 46Tu n’as pas répandu d’huile odorante sur ma tête, mais elle, elle a répandu du parfum sur mes pieds. 47Si je te déclare que ses péchés si nombreux ont été pardonnés, c’est parce qu’elle a montré beaucoup d’amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. » 48Il dit à la femme : « Tes péchés ont été pardonnés. » 49Les convives se mirent à dire en eux-mêmes : « Qui est cet homme qui va jusqu’à pardonner les péchés ? » 50Jésus dit à la femme : « Ta foi t’a sauvée. Va en paix. »