(écouter, culte entier, imprimer la feuille)
Dimanche 7 août 2022
Culte au temple de Cologny
prédication du pasteur Marc Pernot
Nous avons entendu l’apôtre Paul commenter ce passage des hébreux hors d’Égypte à travers la mer et le désert. Il en propose une lecture allégorique. Cela a beau déplaire à certains théologiens contemporain, c’est comme cela que la Bible était lue à l’époque, par exemple par Pierre, Paul et Jésus. Et la Bible a été écrite pour être lue comme cela.
Paul fait donc un parallèle entre notre baptême et la libération des hébreux hors d’Égypte. Ou plutôt un parallèle avec deux baptêmes (Jean 3:5-6) :
1. La traversée de la mer a permis aux hébreux de passer tout en éliminant les Égyptiens qui les retenaient en captivité et en souffrance. Ce baptême évoque une purification de notre être, ce que signifie le baptême de Jean-Baptiste.
2. La traversée du désert évoque un second baptême, celui de l’Esprit donné par Jésus, celui de la Parole de Dieu donnée aux hébreux sur la montagne et ici avec l’eau du rocher.
Qu’est-ce que cela veut dire de faire un parallèle entre ces traversées des hébreux et nos baptêmes d’eau et d’Esprit ? Cela veut dire que Paul nous invite à nous reconnaître, nous, individuellement, dans ce peuple de l’Exode. Que c’est notre histoire, ou que cela pourrait être notre histoire Nous sommes personnellement, individuellement tous les personnages de cette histoire : les hébreux, les égyptiens, Pharaon, et Moïse...
Elle nous dit que nous avons deux baptêmes à vivre à travers la mer et à travers le désert. La question n’est pas de rites à faire, mais d’expériences spirituelles à vivre et à approfondir encore et encore, comme une progression. Nos cultes, nos rites et sacrements ne sont que des rappels et des promesses de ces expériences à vivre, et de ces dons spirituels à recevoir.
Le premier, à travers la mer, évoque la libération de ce qui est peuple de Dieu en nous et qui est plus ou moins retenu, opprimé, étouffé. C’est en nous qu’il y a de l’égyptien dont Dieu nous libère : tout ce qui était autosuffisance, orgueil, ce qui est blessure ancienne, ce qui nous tient comme en panne au bord du chemin.
L’Égypte évoque une part de nous-même, les hébreux évoquent une part de nous-même, et Moïse est aussi une part de nous-même : il est notre part prophétique qui nous met en route vers la vie. Moïse évoque notre foi et notre espérance. C’est par elles que Dieu nous tire comme par miracle hors de notre primitive condition purement animale, où nous sommes comme prisonnier de nous-même.
Moïse libère les hébreux de ce qui les retenait. Le récit nous dit qu’ils suivent pas à pas, mot à mot ce que leur indique l’Éternel pour avancer, d’étape en étape. Cela semble parfait.
Cette marche évoque la marche par la foi.
C’est bien ? Sauf que ce récit nous montre que le peuple est assoiffé. Ils meurent de soif. Ils se révoltent contre Moïse, ils réclament, contestent. On a besoin de boire, disent-ils. Et ils précisent : on a besoin de boire de l’eau. Pourquoi le préciser ? Parce que là est toute la question. Avec Moïse, ils se sont mis en route en « ayant soif du Dieu vivant » (Psaume 42), ils avaient « soif de justice »(Matthieu 5:6), ils avaient « soif de Parole de Dieu » (Amos 8:11). Excellent, sauf qu’ils se rendent compte qu’ils ont aussi soif d’eau à boire, tout simplement, et qu’ils en meurent la bouche ouverte.
Ils réclament à Moïse. Et ils sont raison. Nous ne sommes pas un pur esprit. Nous sommes un animal spirituel, ayant donc tout autant soif d’eau que soif d’Esprit.
Moïse est choqué. Il marche par la foi seule, il marche pour la foi seule. Se révolter contre cela c’est se révolter contre Dieu lui-même, gronde-t-il. Et bien non. A ce stade de l’aventure Moïse évoque la foi, certes, mais une foi fanatique. Et de cela on meurt aussi, pas seulement quand on néglige notre soif spirituelle.
Dieu va apprendre à Moïse à tenir compte des deux soifs. Soif d’eau pour notre chair et soif d’Esprit pour notre âme. Nous voyons Jésus tenir compte des deux dans ce récit de l’Évangile selon Jean 4. Jésus a marché avec ses disciples dans la chaleur du jour et il a soif d’eau, tout simplement : d’eau à boire pour son corps dans la chaleur du plein midi. A un point tel qu’il ose demander à une femme samaritaine de lui en puiser avec sa cruche. Cela montre que la réclamation des hébreux était bonne. Comme Jésus, nous avons tous besoin de boire de l’eau de source, de l’eau pour hydrater notre corps qui est composé au 2/3 d’eau. Nous avons cela en commun avec les animaux, avec les plantes.
A l’occasion de cette demande très matérielle de Jésus, un dialogue s’engage sur la soif spirituelle, et Jésus nous promet que des fleuves d’eau vive peuvent jaillir directement en nous, par la foi, comme un don de Dieu. Une « eau vive » qui répond à notre soif spirituelle, soif vitale, elle aussi. C’est excellent, et pourtant nous n’en avons pas moins besoin de boire de l’eau. Comme Moïse l’apprend ici, notre propre foi doit l’apprendre.
Notre foi doit composer avec ces deux soifs. Ce n’est pas une question purement théorique. Ces deux composantes du corps et de l’esprit nous posent parfois des cas de conscience pour prendre une décision dans la vie de tous les jours. Entre idéal et contraintes matérielles, parfois. Entre chacune de ces deux soifs qui demandent toutes deux, très concrètement, un investissement en temps, en moyens, en motivation, en énergie. Avec toujours cette question de savoir comment doser. Par exemple, le temps que je consacre à aller au culte ce matin est-ce que je ne l’aurais pas mieux investi en restant au lit pour me reposer, ou à aller visiter telle personne ? Tout dépend. Jésus lui-même interrompait parfois son service pour se reposer et abreuver son corps. D’autres fois il interrompait son sommeil pour prendre le temps de prier, et ici il conjugue la soif de son corps et aller à la rencontre de la soif spirituelle de la femme.
Pour savoir où nous en sommes nous-même, nous pouvons regarder notre agenda de la journée, de la semaine et de l’année : comment avons nous abreuvé nos soifs, nos différentes soifs légitimes, impérieuses, essentielles ? Certaine dimension de notre être ne serait-elle pas comme « une terre aride, desséchée » (Psaume 63:2) ?
Comme le dit cette histoire de Moïse et des hébreux, une foi aveugle aux autres besoins que spirituels, paradoxalement : cela assèche notre être qui se met, à douter de Dieu. Les hébreux regrettent l’Égypte, pensent à éliminer Moïse, leur propre foi, leur source d’inspiration.
Notre foi est faite pour irriguer notre être entier. C’est ce que dit Jésus à la Samaritaine : c’est dans notre être de chair que jaillit l’eau vive, dans notre être qui a aussi besoin de boire de l’eau du puits, pas seulement de l’« eau vive ».
C’est pourquoi l’Éternel va donner à Moïse une petite méthode en cinq points pour honorer toutes nos soifs, les équilibrer et les abreuver. C’est une mission pour notre propre foi, pour notre propre prière.
« Passer devant » n’est pas à comprendre dans le sens où Moïse avancerait comme un petit roi, en tournant le dos au peuple qui n’aurait qu’à suivre. Au contraire. Notre Moïse, notre foi doit, littéralement «traverser vers les visages du peuple ». Avec ce verbe « traverser » (éber) qui a donné son nom au peuple hébreu. Notre foi, notre prière est une traversée des différentes facettes de notre être. Traverser, ce n’est pas seulement envisager (ce qui serait déjà bien), traverser c’est saisir la profondeur de ces facettes de notre être, leur vérité, leurs soifs, et les aider à être transcendées. Soif animale, soifs intellectuelle, sociale, relationnelle, soif de reconnaissance, soif spirituelle...
C’est toujours notre Moïse, notre foi qui est à l’œuvre et que Dieu invite à ne pas rester si seule, si autocratique et arrogante. Notre foi est appelée à former un conseil avec les anciens : mobiliser notre intelligence, notre expérience, notre sagesse, notre capacité à dialoguer, notre étude, notre écoute large.
Compter aussi sur l’aide de Dieu dans notre vie, afin qu’il démultiplie la puissance de nos petits gestes. C’est comme cela que Moïse, avec son simple bâton, a pu faire lâcher prise aux Égyptiens. Main dans la main avec Dieu.
« Tu iras ». En hébreu ce verbe « halakh » a donné son nom à l’interprétation de la Bible, la « halakha », cette façon très créative et libre qu’ont les sages juifs de rechercher concrètement ce qui nous semble juste de faire en interprétant la Bible entre les lignes, faisant s’entrechoquer les versets. Comme une recherche sans cesse en mouvement.
Avec cette promesse que Dieu est déjà là, qu’il s’est rendu présent «sur le rocher en Horeb », littéralement « sur le rocher de sécheresse ». Dieu s’est déjà rendu présent là où notre être est comme une terre aride, desséchée, dure comme de la pierre. C’est de là qu’il nous appelle avec cette formule si solennelle dans la Bible « me voici » (hinnéni), qui appelle notre « me voici ». Cela dit que Dieu a soif de nous.
C’est la rencontre de la soif de Dieu et de la nôtre. L’eau jaillit dans nos déserts. Dans nos sécheresses même endurcies. Et nous boirons.
La prière abreuve la soif de Dieu et nos soifs.
Et nous vivrons.
Amen.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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1 Toute la communauté des enfants d’Israël partit du désert de Sin par étapes selon la bouche de l'Éternel, et ils campèrent à Rephidim, où il n'y avait pas d'eau à boire pour le peuple.
2 Le peuple réclama contre Moïse. Ils dirent : Donnez-nous de l'eau pour que nous buvions.
Moïse leur répondit : Pourquoi vous réclamez-vous contre moi ? Pourquoi mettez-vous l‘épreuve l'Éternel ?
3 Le peuple était là, assoiffé d’eau, et le peuple grognait contre Moïse. Il disait : Pourquoi donc tu nous as fait monter hors d'Égypte pour me faire mourir, moi, mes enfants et mes troupeaux, par la soif ?
4 Moïse cria vers l'Éternel en disant : Que ferai-je pour ce peuple ? Encore un peu, et ils me lapideront.
5 L'Éternel dit à Moïse :
- Passe devant le peuple
- et prends avec toi des anciens d'Israël,
- et prends dans ta main ton bâton avec lequel tu as frappé le Nil,
- et tu iras. 6Me voici, je me tiens là devant toi sur le rocher en Horeb,
- tu frapperas le rocher, il en sortira de l'eau, et le peuple boira.
Moïse fit ainsi , aux yeux des anciens d'Israël.
7 Il appela ce lieu du nom de Massa (mise à l’épreuve) et Meriba (réclamation), parce que les Israélites avaient contesté, et parce qu'ils avaient mis à l’épreuve l'Éternel, en disant : L'Éternel est-il au milieu de nous, ou non ?
1 Mes frères et sœurs, je ne veux pas que vous l'ignoriez : nos pères ont tous été sous la nuée, ils sont tous passés au travers de la mer, 2ils ont tous reçu le baptême de Moïse, dans la nuée et dans la mer, 3ils ont tous mangé la même nourriture spirituelle 4et ils ont tous bu le même breuvage spirituel — ils buvaient en effet à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher, c'était le Christ.
Jésus, fatigué du voyage, s'était assis tel quel au bord de la source. C'était environ la sixième heure. 7Une femme de Samarie vient puiser de l'eau. Jésus lui dit : Donne-moi à boire... 9La Samaritaine lui dit : Comment toi, qui es juif, peux-tu me demander à boire, à moi qui suis une Samaritaine ? — Les Juifs, en effet, ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains. — 10Jésus lui répondit : Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit : « Donne-moi à boire », c'est toi qui le lui aurais demandé, et il t'aurait donné de l'eau vive. 11— Seigneur, lui dit la femme, tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond ; d'où aurais-tu donc cette eau vive ? 12Serais-tu, toi, plus grand que Jacob, notre père, qui nous a donné ce puits et qui en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses troupeaux ? 13Jésus lui répondit : Quiconque boit de cette eau aura encore soif ; 14celui qui boira de l'eau que, moi, je lui donnerai, celui-là n'aura jamais soif : l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira pour la vie éternelle. 15La femme lui dit : Seigneur, donne-moi cette eau-là, pour que je n'aie plus soif et que je n'aie plus à venir puiser ici.