signature marcpernot.net

Le Christ est déjà né
et il est encore à concevoir

( Matthieu 1:18 à 2:15 ; Matthieu 5:14-16 ; Luc 1:26-38 )

(écouter l'enregistrement)

Culte le 25 décembre 2007
par le pasteur Marc Pernot

Parmi les récits des commencements du Christ dans l'humanité, il y a plusieurs approches différentes.

Dans le texte de Matthieu, c'est Joseph qui est le personnage principal, c'est lui qui est en contact avec Dieu dans les moments décisifs, et Matthieu ne nous dit presque rien de Marie ni de Jésus. On sait simplement qu'ils sont là et que Joseph s'occupe d'eux.

Dans le texte de Luc, par contre, c'est Marie qui a le premier rôle. C'est grâce à elle, grâce à son humilité devant Dieu et sa confiance en lui, que Jésus sera conçu. Luc ne nous dit presque rien de Joseph dans cette histoire, en tout cas rien qui nous fasse apparaître ses qualités. Luc nous dit simplement qu'il est le fiancé de Marie et qu'il va faire recenser sa famille puisque c'était obligatoire.

Comment interpréter cette différence ?

Angelus Silesius est un mystique allemand du XVIIe siècle bien connu pour ses prédications condensées en une seule ligne. Pour Noël, il donne cette belle prédication (probablement inspirée d'une idée de Luther) : “ Il faut qu’en toi Dieu naisse. Christ serait-il né mille fois à Bethléem, s’il n’est pas né en toi, tu restes mort à jamais. ” Toute la question est là : que Christ naisse en nous, ou qu'il naisse de plus en plus, qu'il grandisse. Et c'est pourquoi nous avons des versions très différentes de la venue au monde de Jésus, c'est pourquoi les premiers chrétiens ont gardé ces versions de la même histoire, c'est qu'elles donnent chacune un message fondamental de la foi chrétienne pour que Christ puisse naître et vivre en nous.

Luc nous propose de nous identifier à Marie, la mère de Jésus, et comme elle, de laisser féconder notre existence par Dieu. Luc nous propose de participer à la conception du Christ en nous, qui est alors à la fois l'enfant de Dieu et notre enfant, à la fois fils de Dieu et fils de l'homme.

Matthieu nous propose, lui, de suivre Joseph et d'adopter Jésus. Contrairement à Marie, Joseph n'est pour rien dans la conception de Jésus, c'est indépendant de sa volonté. Au début de l'Évangile selon Matthieu, Jésus est déjà conçu. La question n'est alors pas de faire naître la vie spirituelle en nous mais plutôt de reconnaître qu'elle existe déjà, de l'adopter, puis de protéger cet enfant de la fureur de ce monde, comme Joseph protège Marie et Jésus d'Hérode.

Luc insiste donc plus sur la participation de l'homme dans cette nouvelle naissance qu'est la vie du Christ surgissant en nous. Mathieu insiste plus sur le fait que tout être humain est par nature enfant de Dieu, même si cette vie éternelle qui vient de Dieu n'est en lui qu'à l'état embryonnaire et bien cachée.

Matthieu insiste donc sur la grâce de Dieu. C'est pourquoi Marie semble complètement en dehors de l'histoire racontée par Matthieu. Marie n'est pas du tout un personnage négligeable dans ce texte, bien au contraire, elle représente la vie humaine dans ce quelle est de plus noble, le lieu d'accueil de Dieu au cœur de l'être humain. Matthieu nous dit que Marie a déjà conçu le Christ, qu'il vient de Dieu, qu'il est à l'origine même de notre histoire, qu'on le veuille ou non, qu'on en ait conscience ou non. Selon Matthieu, Dieu a déjà fait naître le Christ en nous, la question est de savoir le reconnaître et l'adopter.

C'est la définition même de la grâce de Dieu : il donne la vie, gratuitement, sans condition. Apparemment, cette conception radicale de la grâce de Dieu est chère à Matthieu puisqu'il la place dans ce passage clé qu'est le début de l'Évangile, et qu'on la retrouve dans cet autre passage clé qu'est le premier discours de Jésus, où il annonce que chacun est la lumière du monde, que nous pouvons cacher cette lumière mais que même alors, malgré les apparences, la lumière demeure, comme enfouie en nous.

L'évangile de Noël selon Luc est différent, ce serait plutôt une invitation à laisser Dieu allumer la lampe qui est en nous, alors que l'Évangile de Noël selon Matthieu nous dit que la lumière existe déjà en nous, et qu'elle existera toujours. Notre rôle, nous dit Jésus, est alors seulement de valoriser cette lumière qui nous a été donnée depuis toujours afin qu'elle brille dans notre maison et bien au-delà. C'est d'autant plus important que la lumière qui est au-dedans de nous est une lumière originale que personne d'autre que nous peut faire briller, une lumière indispensable au monde. (Matthieu 5:15-16)

Matthieu insiste donc sur la grâce de Dieu et nous invite à découvrir les fruits de cette grâce de Dieu, déjà présents, déjà vivants en nous, puis à protéger, nourrir, élever cette vie qui nous a été donnée, afin qu'elle puisse accomplir sa vie et son œuvre. Et dans cet appel de Noël selon Matthieu, la prière est le point fondamental, c'est ainsi que Joseph prend conscience de l'existence de son fils et qu'il pourra le protéger. Et ce chandelier unique qui permet à la lampe de briller évoque le Temple de Jérusalem, lieu de prière par excellence.

Pour Joseph, la découverte de cette vie que Dieu lui a donné est une surprise puisqu'il n'est pour rien dans sa conception. Il y a des personnes qui découvrent ainsi la présence de Dieu en eux, avec surprise, sans vraiment savoir d'où vient ni ce que c'est que cette vie, cette présence qu'ils découvrent en eux-mêmes.

Joseph ne prend pas cela très bien que sa fiancée soit enceinte d'un autre, cela se comprend, mais c'est surtout le roi Hérode qui sent que cette naissance est une menace contre son pouvoir. Les réactions de Joseph et d'Hérode sont intéressantes car elles posent la question de notre liberté personnelle face à l'Évangile de la grâce de Matthieu, où l'homme se voit comme imposer la vie divine en lui. Mais, semble nous dire Matthieu, notre liberté demeure, c'est celle de faire comme si cette dimension n'existait pas, ou au contraire de l'adopter. Il en serait de cette dimension lumineuse de notre être comme de nos mains, par exemple, leur existence nous est offerte comme un cadeau, comme une faculté disponible mais on a le droit de se fixer comme règle de jouer sans les mains, comme au foot.

Mais peut-être qu'un fou furieux pourrait se couper les mains, alors que la fureur et la force d'Hérode n'arrive pas à supprimer la vie que Dieu donne en Christ, Hérode ravage seulement son propre peuple. Pour l'athée, la grâce, et même l'existence de Dieu apparaissent comme une illusion, ou comme un grand mensonge, il brime sa vie spirituelle, il l'ignore, la rejette. Pourtant cette réalité est bien là, Dieu a déjà donné à chacun cette qualité d'être qu'est le Christ, il l'a donnée en germe à l'athée comme au croyant, il a mis au plus profond de chacun une lumière, qu'elle soit ou non visible de l'extérieur.

C'est une bonne chose que Dieu ne nous demande pas notre avis pour nous donner cette part divine de notre être. C'est normal qu'il en soit ainsi car l'amour vrai est sans chantage, sans condition. Comme le dit l'apôtre Paul, l'amour supporte tout, il endure tout, mais en même temps, l'amour espère tout. Le don de la vie est la liberté de Dieu.

Comme Joseph dans le récit de Matthieu, l'homme peut se révolter contre cette vie qui est conçue sans que nous l'ayons faite ni voulue. Cela brime notre orgueil, nous aimerions nous faire entièrement nous-mêmes, et si nous devons quelque chose à quelqu'un, nous avons l'impression d'être humilié par une dette. C'est compréhensible, mais en réalité il est bon, il est agréable de reconnaître et de valoriser ce que nous devons aux autres. Il est bon de reconnaître ce que nous avons reçu des générations passées comme trésors de culture, de science, de technique, de confort, et d'œuvres d'art. Il est bon de reconnaître quand quelqu'un nous a apporté quelque chose, et de savoir compter sur l'aide des autres. Il est bon enfin de reconnaître cette vie incroyablement belle que Dieu a mise en nous, il est bon d'en être profondément reconnaissant.

Mais cela n'est pas obligatoire, cela demande, comme Matthieu le précise pour Joseph, d'avoir un peu de justice, un peu d'amour, et un peu d'intelligence (Mat. 1:19). Il faut un peu de ces trois qualités pour accepter ce que Dieu nous donne quand il nous donne sa présence, cette vie du Christ en nous pour qu'on l'adopte. D'après Matthieu, nous n'avons même rien à faire pour que le Christ grandisse, contrairement à Luc où l'on voit le Christ grandir en force, en sagesse et en grâce dans la famille de Marie et de Joseph (Luc 2:40,52).

Selon Matthieu, Dieu nous donne la vie du Christ. Mais pour que cette vie puisse vraiment se manifester au monde, elle a besoin de notre adoption. C'est une décision très intime, tout intérieure, comme ce dialogue entre Joseph et l'ange. Même Dieu ne voudrait ni ne peut nous forcer. Joseph accepte donc d'adopter Jésus, mais qu'est-ce qui se serait passé s'il ne l'avait pas fait ? C'est impossible à savoir pour ce qui est de l'histoire de Jésus de Nazareth, et cela ne sert à rien de se poser la question. Mais la question se pose pour le Joseph qui est en nous et qui représente notre conscience personnelle. Si cette part de nous-mêmes refusait d'adopter la vie que Dieu nous donne que se passerait-il ? L'histoire de la lampe sous le boisseau évoque cette question. Quand Joseph refuse d'adopter l'enfant, Marie reste alors enceinte sans accoucher, et cela tant que l'on n'accepte pas que le Christ naisse en nous. Le Christ serait pourtant toujours présent, comme enfoui au plus profond du meilleur de nous-mêmes et il ne pourrait alors rayonner pleinement sur notre vie et sur notre entourage (mais peut-être seulement nous réchauffer un peu à l'intérieur ?).

Joseph découvre qu'en adoptant le don de Dieu, cette vie secrète devient une vie qui est source de salut pour lui, pour ses proches et même bien au-delà de ce que l'on pouvait raisonnablement attendre. Cette vie c'est l'Emmanuel, la présence de Dieu au milieu ou au-dedans de nous.

Au début, il y a eu pour Joseph comme une parole discrète qui lui chuchote une promesse en lui parlant d'une vie qu'il ne connait pas encore. Il y a eu ensuite la découverte intime de cette vie bien réelle, comme Marie et Jésus ont pu le faire dans leur maison. Il y a ensuite rapidement des signes concrets de la puissance immense de salut qui est dans cette vie du Christ avec l'arrivée des mages qui viennent adorer Jésus et qui vont repartir transformés par cette rencontre. Cette histoire aussi nous parle de nous. Tout notre être, même ce qui est a priori le plus étranger à Dieu, bénéficiera du salut de Dieu si nous adoptons ce don de Dieu, comme ces mages qui vienne d'un endroit inconnu de façon étrange et qui sont néanmoins transformés par cette présence de Dieu qui se manifeste en Christ et qui les guidera pour la suite.

L'Évangile selon Luc témoigne aussi la grâce de Dieu, évidemment. Marie n'a rien fait pour mériter d'être ainsi bénie par la visite de Dieu et son offre inouïe. Voilà le message de Noël selon Luc, c'est la grâce d'une vocation. Et l'appel de Noël selon Luc est de participer avec Dieu à la conception du Christ en notre sein, pas seulement de la reconnaître et de l'adopter comme son enfant. C'est pourquoi la personne de Marie est centrale dans l'Évangile selon Luc comme modèle du croyant, alors que c'est Joseph qui nous est proposé comme modèle par Matthieu.

En offrant à la fois les deux témoignages de Luc et de Matthieu la première Église chrétienne a fait preuve d'une sagesse pleine de respect, d'intelligence et de foi. Car nous sommes tous concernés par ces deux prédications. Il y a déjà en chacun de nous du Christ qui est déjà là et du Christ qui est encore à concevoir. Peut-être, juste, est-il préférable de commencer avec Matthieu en reconnaissant ce début de Christ en nous, et ensuite, fort de cette foi déjà naissante, nous aurons la force avec Marie de devenir de plus en plus porteur de vie, avec Dieu et par Dieu.

 

Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot.

Lecture de la Bible

Matthieu 1:18 à 2:15

Voici de quelle manière arriva la naissance de Jésus-Christ. Marie, sa mère, ayant été fiancée à Joseph, se trouva enceinte, par la vertu du Saint-Esprit. Avant qu’ils aient habité ensemble.

Joseph, son époux, qui était un homme de bien et qui ne voulait pas la diffamer, se proposa de rompre secrètement avec elle. Comme il y pensait, voici, un ange du Seigneur lui apparut en songe, et dit: Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie, ta femme, car l’enfant qu’elle a conçu vient du Saint-Esprit; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus; c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.

Tout cela arriva afin que s’accomplisse ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète: Voici, la vierge sera enceinte, elle enfantera un fils, et on lui donnera le nom d’Emmanuel, ce qui signifie Dieu avec nous.

Joseph s’étant réveillé fit ce que l’ange du Seigneur lui avait ordonné, et il prit sa femme avec lui. Mais il ne la connut point jusqu’à ce qu’elle ait enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus. Jésus étant né à Bethléhem en Judée, au temps du roi Hérode, voici des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem, et dirent: Où est le roi des Juifs qui vient de naître? car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus pour l’adorer. Le roi Hérode, ayant appris cela, fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. Il assembla tous les principaux sacrificateurs et les scribes du peuple, et il s’informa auprès d’eux du lieu où le Christ devait naître. Ils lui dirent: A Bethléhem en Judée; car voici ce qui a été écrit par le prophète: Et toi, Bethléhem, terre de Juda, Tu n’es certes pas la moindre entre les principales villes de Juda, Car de toi sortira un chef Qui paîtra Israël, mon peuple.

Alors Hérode fit appeler en secret les mages, et s’enquit soigneusement auprès d’eux depuis combien de temps l’étoile brillait. Puis il les envoya à Bethléhem, en disant: Allez, et prenez des informations exactes sur le petit enfant; quand vous l’aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j’aille aussi moi-même l’adorer.

Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici, l’étoile qu’ils avaient vue en Orient allait devant eux jusqu’au moment où, arrivée au-dessus du lieu où était le petit enfant, elle s’arrêta. Quand ils aperçurent l’étoile, ils furent saisis d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, virent le petit enfant avec Marie, sa mère, se prosternèrent et l’adorèrent; ils ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner vers Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin. Lorsqu’ils furent partis, voici, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, et dit: Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, fuis en Egypte, et restes-y jusqu’à ce que je te parle; car Hérode cherchera le petit enfant pour le faire périr.

Joseph se leva, prit de nuit le petit enfant et sa mère, et se retira en Egypte. Il y resta jusqu’à la mort d’Hérode, afin que s’accomplisse ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète: J’ai appelé mon fils hors d’Egypte.

Matthieu 5:14-16

Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée; et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison.

Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes oeuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux.

Luc 1:26-38

Au sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, auprès d’une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph. Le nom de la vierge était Marie.

L’ange entra chez elle, et dit: Je te salue, toi à qui une grâce a été faite; le Seigneur est avec toi.

Troublée par cette parole, Marie se demandait ce que pouvait signifier une telle salutation.

L’ange lui dit: Ne crains point, Marie; car tu as trouvé grâce devant Dieu. Et voici, tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. Il règnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n’aura point de fin.

Marie dit à l’ange: Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme?

L’ange lui répondit: Le Saint-Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu. Voici, Elisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils en sa vieillesse, et celle qui était appelée stérile est dans son sixième mois. Car avec Dieu, tout est possible.

Marie dit: Je suis la servante du Seigneur; qu’il me soit fait selon ta parole! Et l’ange la quitta.