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La justification sans les œuvres et sans la foi

(Romains 4:1-8 ; Genèse 15:1-8)

(écouter l'enregistrement - voir la vidéo ci-dessous)

Culte du dimanche 8 mars 2015
prédication du pasteur Marc Pernot

Paul n’est pas très bien vu, il est difficile à lire, et il est l’auteur de phrases dont il a été tiré beaucoup de mal. Par exemple en ce qui concerne la place de la femme dans l’église, mais aussi comme ordonnant que la femme se soumette à l’oppression de son mari, que les esclaves et les citoyens soient bien soumis aux autorités, et que les homosexuels soient culpabilisé... On n’est pas obligé de lire les lettres de Paul comme ayant ces conséquences-là non plus. Et puis personne n’est parfait, Paul n’est pas Dieu, il n’est pas même Jésus-Christ, et il est de son époque. Ces travers ne nous empêcheront pas de retenir ce qu’il y a de bon et même de génial dans la pensée de l’apôtre. En particulier, dans ce passage. Il y a une grande avancée que je vous propose de relever pour nous en inspirer dans notre foi et dans notre rapport aux autres.

La place des œuvres dans notre salut

La plus connue des avancées que nous offre Paul se trouve dans ce texte de sa lettre aux Romains : ce n’est pas par les œuvres que nous sommes justifiés devant Dieu. C’est vraiment une grande libération, et il n’est pas inutile de s’imprégner de cette vérité, non seulement de la connaître intellectuellement, mais de l’intégrer dans notre façon de voir, de vivre, et d’espérer. C’est important pour plusieurs raisons : D’abord en ce qui concerne la dignité de la personne. Il est si rapide de mépriser les autres et si facile d’être désespéré sur notre propre valeur quand nous n’arrivons pas à faire de grandes et belles choses, soit parce que nous sommes trop jeune, ou trop vieux, ou malade, ou manquant de ressources. Mais même quand nous pourrions faire le bien, notre volonté est faible et, comme le dit Paul, nous faisons souvent le mal que nous ne voudrions pas faire, et peinons à faire le bien. (Rom. 7:19) Sans baisser les bras, il est donc essentiel d’avoir bien intégré que la valeur d’une personne n’est pas dans ses œuvres avant de nous-mêmes devenir vieux, ou pauvre, ou malade, ou désespéré. C’est essentiel pour continuer à aimer nos proches s’il leur arrive malheureusement de n’être pas en forme et de nous décevoir. C’est comme ça que Dieu fait avec chacun. Et c’est une bonne idée. La justice, dans la Bible, c’est ça. La justice c’est d’accomplir un acte juste. Et un acte juste, pour Dieu c’est apporter un bienfait, une parole d’encouragement, un geste de création et de mise en mouvement comme pour Abraham et Sarah.

Bien des personnes me confient leur crainte d’être rejetées par Dieu parce qu’elles ont commis une faute dans le passé, ou n’ont pas fait assez de bien, ou n’ont pas été assez pratiquantes... C’est utile de savoir que Dieu ne nous rejette pas pour autant, qu’il ne nous estime pas sur la base de nos actes, car c’est précisément quand nous ne somme spas en forme que nous avons le plus besoin de nous ouvrir à Dieu avec confiance pour qu’il nous aide à relever la tête et avancer.

Quand on y regarde bien, c’est évident que la valeur d’une personne que nous aimons vraiment ne se mesure pas à ses œuvres. C’est ainsi que Roméo aime Juliette, l’estimant pour ce qu’elle est et non pour ce qu’elle a fait, et sans chercher à comparer ses performances ni avec lui-même ni avec d’autres.

Pourquoi avons-nous tant de mal de nous extraire de cette façon de juger et de nous sentir jugé ? Parce que si les œuvres ne sont pas un bon critère pour juger de la dignité de la personne, les œuvres, elles, ont quand même une véritable importance. De mauvaises œuvres produisent de la souffrance et de la mort et de bonnes œuvres produisent de la vie.

C’est ce que dit ici l’apôtre Paul. Oui, Abraham a sujet de se glorifier pour ce qu’il a fait. Toute personne de bonne volonté peut s'émerveiller de ce qu'il y a de bons et de beaux dans la démarche d'Abraham & Sarah, en particulier dans le fait de se mettre en route, prolongeant le mouvement entrepris par les générations passées, mais à leur façon, cherchant comme à tâtons leur propre chemin avec Dieu, pour trouver une fécondité au-delà de tout ce qui semblait raisonnablement envisageable.

Ce n’est pas Paul qui invente le fait que Dieu ne nous estime pas selon nos œuvres. Jésus est le premier à le faire quand il prie pour les soldats romains qui le crucifient en disant « Père, pardonne leur car ils ne savent ce qu’ils font », mais aussi quand, sans cesse, il va vers les pécheurs et les personnes de mauvaise vie car ce sont eux qui ont le plus besoin de sa justice, c’est à dire de son aide pour se sentir pardonné et aimé par Dieu, puis mis debout et libéré pour aller sur leur propre chemin.

Quand Jésus dit que la qualité des fruits renseigne sur l’arbre, ce n’est donc absolument pas le reflet de l’estime que Dieu a pour la personne, au contraire, c’est pour nous dire que Dieu travaille en profondeur à la racine de notre être et de l’humanité, pour que nous soyons de bons arbres.

Cette distinction que fait Paul est donc essentielle :

Cette double attention se travaille au jour le jour au miroir de l’Évangile, dans la rencontre avec les autres, si divers et si attachants quand on va au delà des fruits et du feuillage de chacun. Cela se travaille dans la prière pour laisser Dieu nous aider à sentir la vraie valeur des choses, des êtres et des actes. Cela s’entraîne aussi dans le repos en le sanctifiant, en mesurant que même quand nous ne faisons rien nous sommes une merveille en nous-mêmes, selon Dieu.

La place de la foi dans notre salut

Paul attire ensuite notre attention sur la foi. Il cite le livre de la Genèse : « Abraham eu foi en Dieu, et cela lui fut imputé à justice » (Rom. 4:3 ; Gen. 15:6).

Serions-nous alors évalué selon notre foi ? C’est ce que prétendent certains, en particulier dans le protestantisme. Et c’est déjà bien mieux, à mon avis que d’évaluer la personne selon ses œuvres. Car au moins l’attention est portée sur la racine. Et cela aussi, c’est quelque chose que nous pouvons faire, travailler notre foi, comme un service pour nous mêmes et pour le monde.

Comment est-ce que marcherait alors le salut de Dieu, « Le salut par grâce, par le moyen de la foi » comme le dit la lettre aux Éphésiens (Eph 2:8).

La première possibilité, très courante dans bien des églises chrétiennes, reprend le système précédent de comptabilité par Dieu des bons et mauvais points en fonction des œuvres pour évaluer la dignité de la personne. Mais Dieu accepterait de solder notre compte négatif si on le lui demande bien comme il faut. Dans un sens, c’est de la grâce, mais ce cadeau est quand même sous condition, il faut avoir par exemple les bons rites, ou la bonne croyance, ou suffisamment de prières pour que Dieu accepte que nous soyons au bénéfice de ce passe droit, pour recevoir le salut de Dieu. Cette conception de Dieu me semble être à peu près ce qu’il y a de plus nocif pour notre rapport à Dieu et notre conception du rapport juste avec notre prochain.

Cette façon de voir est un peu étonnante, car souvent les croyants qui développent cette théorie ont une idée d’un Dieu absolument tout puissant... dont la puissance serait, sur ce point essentiel, limitée par la seule petit résistance d’un homme manquant de foi.

Il y a une seconde possibilité pour comprendre ce salut « par grâce par le moyen de la foi » : Dieu offrirait généreusement et gratuitement son aide, sa dynamique de création et de vie, mais il ne peut pas ou ne veut pas agir sans que la personne s’ouvre volontairement à cette action salutaire.

Cette deuxième possibilité est déjà plus sympathique car au moins le pardon de Dieu est offert sans contre partie, sans rachat, sans chantage au rite ni à la croyance, ni à nos pleurs... au moins, nous sortons d’une idée de Dieu, et de sa justice, comme d’une comptabilité, et nous arrivons effectivement à un Dieu de pure bienveillance, un Dieu amoureux de la personne humaine. Et à une justice enracinée dans le bien et le respect de la personne.

Et c’est bien ce qu’exprime ici Paul en citant le Psaume de David chantant le bonheur de ce pardon gratuit de Dieu, qui, par sa seule générosité, parce qu’il tient à nous, décide de pas retenir le compte de nos fautes et de nos insuffisances (Rom. 4:6 ; Ps. 32).

C’est vrai que notre foi, notre ouverture à Dieu l’aide à nous guérir et à nous faire évoluer. Et une parabole de Jésus comme celle du « fils prodigue », qui nous encourage à entrer en nous-mêmes et à nous tourner avec espérance vers Dieu est précédée par la parabole de la « brebis perdue » où Jésus montre que l’action patiente de Dieu suffit. Penser que Dieu ne peut pas agir en dehors de l’humain me semble mettre trop l’accent sur l’homme. Il est bon alors d’entendre cette expérience d’Abraham selon ce texte de la Genèse, l’Éternel «après l’avoir conduit dehors, lui dit : Regarde vers le ciel, et compte les étoiles, si tu peux les compter. Telle sera ta descendance » (Gen. 15:5). Il me semble que si l’on sort de notre petite sphère où la main de l’homme a tout touché, et que l’on regarde les étoiles, alors oui, on peut prendre conscience que l’univers nous dépasse infiniment, et Dieu plus encore.

Comme la justification par les œuvres me semble dramatique pour bien des personnes parmi celles qui ont le plus besoin de l’aide de Dieu, la justification par la foi me semble en pratique poser le même problème de justice. Plus une personne est en forme du point de vue de la foi, plus elle bénéficierait de l’aide de Dieu, et Dieu ne voudrait pas ou ne pourrait pas aider les personnes affligées d’un manque de foi. Sous couvert de respect, c’est de la non assistance à personne en détresse.

Et très concrètement, je rencontre bien des personnes qui sont angoissées par cette idée de la justification par la foi. Car si je vous demande si vous avez la foi, sur une échelle entre 0 (pas du tout) et 20 (la foi de Jésus-Christ). Combien, honnêtement, est-ce que vous vous mettriez ? Ça dépend des jours et à moins de se prendre pour Dieu lui-même, on n’oserait se mettre la note parfaite. Et du coup, si l’on pense que c’est seulement par la foi que l’on est justifié aux yeux de Dieu : c’est angoissant.

La justification sans les œuvres et sans la foi

Mais si l’on regarde bien ce que dit ici l’apôtre Paul, Dieu ne réserve pas ses bienfaits à ceux qui l’ont mérité par ses bonnes œuvres, au contraire, « Dieu impute la justice sans les œuvres ». Dieu ne réserve pas non plus ses bienfaits à ceux qui l’ont mérité ou accepté par leur grande foi, Dieu, nous dit Paul « est celui qui justifie l’impie » ! Et ce terme d’« impie », asebev en grec est dans l’Ancien Testament un terme très fort qui désigne l’exact opposé du juste (evr rasha ≠ qyddu tsaddik, par exemple en Gen. 18:23). Donc, ce que propose Paul ainsi, c’est que Dieu justifie l’homme pécheur et impie, il justifie sans les œuvres et sans la foi, même l’homme pire que sans-foi, l’homme ennemi de Dieu. Cela non plus ce n’est pas l’apôtre Paul qui l’invente (Mat. 5:45). Il nous dit que c’est précisément ce que nous pouvons retenir de la croix du Christ, ce n’est pas pour une sordide comptabilité des fautes et des œuvres, ce n’est pas pour avoir la foi à notre place, mais Jésus manifeste sur la croix l’amour de Dieu pour nous « alors que nous étions encore pécheurs » et « impies » (Ro 5:8,6).

Et c’est seulement là que peut apparaître la foi, nous dit Paul. Quand on « a foi dans celui qui justifie l’impie » (Rom. 4:5). Il y a là un changement de perspective à 180°, au lieu que le critère soit nos qualités, ce sont alors celles de Dieu, au lieu que ce soit notre foi qui serve de mesure à notre avenir selon Dieu, c’est sa foi à lui. Cela a bien plus de sens, car la foi dans la Bible évoque un enracinement dans quelque chose de vraiment solide, un peu comme le lien avec un véritable ami de toujours, ou avec de vrais bons parents, un lien plus fort que tout ce qui peut arriver.

Quand notre foi était basée sur l’espérance que Dieu nous garderait si nos œuvres étaient suffisantes, ou que nos rites suffisait à y remédier, ou que notre foi soit suffisante, par la qualité de nos croyances, ou notre ouverture à l’action de Dieu... tant que notre foi repose ainsi sur nos propres performances, il n’y a rien de fiable, tout cela est mitigé, en demi teinte.

Au contraire, ce qui nous est proposé ici est l’amour de Dieu qui est plus fort que tout, et donc une dignité radicale de toute personne. Ce qui nous est proposé c’est cette révolution proposée à Abraham : de sortir de notre petite tente, de notre petit moi et de lever les yeux vers le ciel, et de regarder les étoiles. Avez-vous eu la chance, c’est rare aujourd’hui, d’avoir contemplé la « voie lactée » ? Que nous fassions le bien ou le mal, il y aura encore des étoiles dans la voie lactée plus que nous ne pouvons en compter. Que nous croyons ou non à leur existence, que nous les voilions avec notre pollution, elles seront là. L’amour de Dieu aussi. Cette confiance, cette foi en sa foi à lui se travaille dans le silence, dans la méditation, comme nous y invite l’histoire d’Abraham. Comme nous y invite le début du « Notre Père » de Jésus.

Alors, nous pouvons avoir la foi, non pas confiance dans nos certitudes ou dans nos rites ou dans nos forces. Non pas même dans des promesses de la Bible ou des doctrines, mais foi en Dieu, au dessus-de tout. Même quand nous sommes nuls et méchant, Dieu ne cesse de nous justifier, c’est à dire de travailler en profondeur pour nous faire du bien. Et même si un cœur fermé ne facilite pas le boulot de Dieu, il a de la ressource, le bougre, et de la patience, il y travaille quand même, comme une mère tente d'éduquer un enfant rebelle, en pleine crise d'adolescence... c'est alors plus lent, tortueux, douloureux pour tout le monde... mais il y a quand même quelque chose qui infuse, en tout cas quand Dieu est à l'œuvre. Et cela légitime une confiance en l’avenir devant Dieu même pour le plus perdus des hommes.

Mais quand on a alors foi en celui qui justifie même l’impie le plus profond. Alors cela change tout. Car nous pouvons oser inventer notre propre chemin, sortir du destin que nous pensions être gravé pour nous dans les étoiles. Nous pouvons oser penser par nous-mêmes, nous pouvons prendre des risques, comme Jésus en a pris. Par la foi & les œuvres.

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Lecture de la Bible

Romains 4:1-8

Que dirons-nous donc qu’Abraham, notre père selon la chair, a obtenu? 2 Si Abraham a été justifié par les œuvres, il a sujet de se glorifier, mais non devant Dieu. 3 Car que dit l’Ecriture? Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice.

4 Or, à celui qui fait une œuvre, le salaire est imputé, non comme une grâce, mais comme une chose due; 5 et à celui qui ne fait pas d’œuvre, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi lui est imputée à justice.

6 De même David exprime le bonheur de l’homme à qui Dieu impute la justice sans les œuvres: 7 Heureux ceux dont les iniquités sont pardonnées, Et dont les péchés sont couverts! 8 Heureux l’homme à qui le Seigneur n’impute pas son péché!

Genèse 15:1-8

Après ces événements, la parole de l’Eternel fut adressée à Abram dans une vision, et il dit: Abram, ne crains point; je suis ton bouclier, et ta récompense sera très grande. 2 Abram répondit: Seigneur Eternel, que me donneras-tu? Je m’en vais sans enfants; et l’héritier de ma maison, c’est Eliézer de Damas. 3 Et Abram dit: Voici, tu ne m’as pas donné de postérité, et celui qui est né dans ma maison sera mon héritier.

4 Alors la parole de l’Eternel lui fut adressée ainsi: Ce n’est pas lui qui sera ton héritier, mais c’est celui qui sortira de tes entrailles qui sera ton héritier. 5 Et après l’avoir conduit dehors, il dit: Regarde vers le ciel, et compte les étoiles, si tu peux les compter. Et il lui dit: Telle sera ta postérité. 6 Abram eut confiance en l’Eternel, qui le lui imputa à justice. 7 L’Eternel lui dit encore: Je suis l’Eternel, qui t’ai fait sortir d’Ur en Chaldée, pour te donner en possession ce pays. 8 Abram répondit: Seigneur Eternel, à quoi connaîtrai-je que je le posséderai?

(cf. Traduction NEG)

 

Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 09:00)

(début de la prédication à 09:00)

film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot