( Hébreux 6:11-7:3 )
(écouter l'enregistrement) (voir la vidéo ci-dessous)
Culte du dimanche 5 mai 2013
prédication du pasteur Marc Pernot
Comment peut-on raisonnablement espérer, alors qu’il y a tant de hasards dans la vie. Qui sait ce qui va nous tomber dessus de bon ou de mauvais, demain ou dans 10 ans ?
Regardons comment ce passage de la Bible parle de l’espérance :
La première chose que nous pouvons noter c’est que l’espérance qui nous est proposée n’est pas ce que nous prenons si facilement comme espérance : les mille et un petits espoirs que nous avons dans notre vie, ils ne sont pas mauvais en eux-mêmes, mais n’ont pas la profondeur d’une espérance, ne restant qu’à la surface des choses, au gré de nos désirs de l’instant. Si décevants même quand ils sont réalisés.
Pourtant l’espérance qui nous est proposée ici n’est pas une sorte de chose abstraite, comme une utopie de lendemains qui chantent, ni une attitude mentale comme l’optimisme.
L’espérance dont il est question ici serait une réalité bien plus concrète que ce que nous imaginons. Ce qui est dit ici de notre rapport à l’espérance pourrait avoir été écrit pour notre santé physique ou même pour un capital financier qu’il faudrait recevoir, puis le développer et avoir ainsi une santé et une fortune vraiment garanties.
L’espérance est ainsi une chose très concrète, comme un muscle que l’on travaille, comme une corde que l’on saisit à pleines mains.
C’est assez nouveau. Car souvent l’espérance est conçue comme quelque chose qui concerne seulement l’avenir, avec sa dose de chance et de malchance malgré toutes nos précautions. Ce qui fait que notre l’espérance est bien souvent comme une attente angoissée devant le futur.
Et c’est vrai que bien des espérances nous ont déçu, espérances qui avaient pourtant porté, tenu en haleine les générations passées.
L’espérance dans un Dieu tout puissant, maître des événements a été vendu, au sens propre, par bien des religions. Et cette espérance a fait plus d’athées que tous les athées militants du monde. Parce que ce n’est pas vrai, et heureusement, que Dieu serait maître de la pluie et du beau temps, maîtres du mouvement des plaques tectoniques et des épidémies, et encore moins maître de la folie des hommes. Il est puissant autrement que cela.
Bien d’autres espérances ont été déçues. L’espérance dans la capacité de l’homme à être enfin sage s’est enlisée dans les boues de Verdun avant de partir en fumée à Auschwitz. L’espérance des grandes utopies politiques a fait long feu. Il y a eu des progrès dans les techniques et dans certaines prises de conscience. C’est vrai que grâce à cela, la vie est un peu plus sûre et confortable qu’autrefois pour bien des pauvres gens. Mais cela n’a rien ajouté en termes d’espérance, en réalité.
Finalement, l’espérance que donne la foi s’en sort pas si mal, et encore, c’est avec le handicap de salades vendues par des sectes diverses. Pourquoi est-ce que l’espérance qui vient de Dieu reste quasiment la seule rescapée de cette faillite des grandes espérances ?
Parce que, comme le dit ce texte, « l’espérance qui nous est proposée par Dieu » est une espérance que l’on peut saisir vraiment à pleines mains. Une espérance qui se développe quand on l’entraîne. Une espérance solide et sûre, tout-terrain.
L’espérance que Dieu nous offrait
et dont nous nous sommes saisis,cette espérance,
nous la possédons comme une ancre de l’âme,
sûre et solide; elle pénètre au-delà du voile…
Cette espérance n’est donc pas tant une attente, elle n’est pas un futur. Mais cette espérance est un présent fiable, un présent prometteur, elle est une confiance éprouvée.
Comment expliquer cela ?
Imaginons par exemple un ami avec qui nous avons partagé tant de choses, et qui ne nous a pas lâché dans un moment difficile où tant d’autres nous avaient lâchés… Il existe ainsi dans notre vie des liens si solides et si vrais qu’ils sont comme garantis. Nous savons qu’ils sont et qu’ils seront plus forts que les aléas de la vie, pour le meilleur comme pour le pire, que survienne la pluie ou le beau temps, guerres, crises ou fautes terribles.
L’espérance dont il est question ici est de cet ordre. Elle est celle d’un Dieu qui s’est approché de nous.
Abraham est le type même de celui qui fonde son espérance sur ce vécu, nous dit l’apôtre Paul dans sa lettre aux Romains :
Espérant contre toute espérance,
Abraham eu confiance
et devint ainsi le père d’un grand nombre de nations.
(Romains 4:18)
Dieu s’est approché de lui, Abraham a senti qu’il pouvait lui faire confiance, à ce Dieu, à cette présence aimante, présence qui fait du bien, qui le met sur pied, qui lui donne de l’enthousiasme et l’envie d’avancer.
La vie ne sera pas facile pour autant, Abraham et Sarah connaîtront la famine, l’exil, les traîtrises, la stérilité, et des succès… on voit que Dieu ne maîtrise pas tous les aléas de la vie, mais qu’il accompagne, qu’il fait du bien et bénit vraiment. Et c’est cela qui fonde l’espérance tout-terrain d’Abraham, espérance plus forte que les mauvaises surprises et les attentes déçues. Espérance plus forte même que les bonnes surprises et les succès qui ont rendu fous tant d’hommes et de femmes. Non, Abraham garde par la foi une espérance vraie. Il s’en saisit à pleines mains et il la travaille, il l’affine, il la nourrit de sa réflexion, de ses expériences, de sa prière, de ses rencontres successives avec Dieu.
Mais, allez-vous peut-être me dire : et si moi je n’ai jamais senti la présence de Dieu ? Si dans la prière, j’ai l’impression d’être seul en face de moi-même. C’est possible, cela peut venir, et si ça ne vient pas, ce n’est pas grave. Cela n’empêche absolument pas de prier. Je dirais que 50% des gens ont la chance d’avoir plus ou moins fortement, plus ou moins fréquemment ce genre de sentiment de la présence de Dieu. Tant mieux pour eux, car cette expérience peut être fondatrice d’une confiance plus forte que tout ce qui peut nous arriver de bon ou de mauvais. Reste alors à affiner cette espérance, à la laisser décanter, la purifier, la développer jusqu’à son plein épanouissement, comme le propose notre texte.
Et si vous faites partie des 50% qui n’ont pas, ou pas encore, cette disposition de sentir la présence de Dieu, vous n’êtes pas anormaux ! Ce n’est pas si grave, Dieu est un Dieu aux mille ressources. Et comme notre corps a cinq sens pour s’ouvrir au monde, notre être profond a bien plus que le seul sentiment religieux pour saisir l’espérance que Dieu nous propose. Il nous offre d’autres moyens pour passer au-delà du voile, à la suite du Christ.
Abraham, nous dit le texte, est vainqueur de tous les rois et selon l'habitude de l'époque, les rois vaincus viennent donner à Abraham une part de leurs richesses. Mais voilà qu’arrive un mystérieux Melchisédek roi de Salem, et c’est Abraham qui lui verse la dîme de tout ce qu’il possède, ce qui est un comportement étrange pour un vainqueur.
L’épître aux hébreux nous propose ici une relecture spirituelle de l’histoire d’Abraham. Melchisédek n'est pas un personnage comme les autres, c'est une figure de Dieu puisqu’il est « sans père, sans mère, sans généalogie, il n'a ni commencement de jours ni fin de vie ». L’épître nous fait remarquer que « Melchisédek, roi de Salem » signifie selon le sens de ces noms propres, « roi de justice, et roi de paix », et qu’Abraham même, au sommet de sa force et de ses succès en ce monde ne pouvait gagner cela par lui-même. C’est vrai, la possibilité même d’une justice et d’une paix ne peuvent venir que de plus grand que l’homme.
Melchisédek passe dans notre âme comme dans la vie d’Abraham :
Tout ce qui touche à la justice et à la paix dans notre existence ne peut venir que de plus grand que l’homme. Que cela existe est la trace d’une visite de Dieu, c’est la preuve que nous avons un bon fond habité d’une source de justice et de paix, habité par cette soif de Dieu. Cette source, ce Melkisédek est sans commencement ni fin de vie, il nous enracine dans l’éternité. Et c’est pourquoi il est source d’une espérance véritable.
L’histoire d’Abraham nous invite à recevoir de ces instants Melchisédek du pain et du vin, comme le dit le récit de la Genèse (14 :18-20) recevoir une nourriture et une joie pour notre espérance. Et se sentir bénit par Dieu, et avoir envie de bénir Dieu pour cette qualité, pour cette profondeur d’être que nous avons. La joie de ne pas être une bûche ou un cailloux mais un être qui sait ce qu’espérer veut dire. Et se sentir vivant. Et en rendre grâce. S’en saisir.
Abraham nous invite à prendre le temps et les moyens d’honorer la source de cette dynamique dans notre existence. De l’honorer de la pensée et des tripes. Parfois, cela nous fait passer de l’autre côté du voile comme la prière peut nous permettre parfois de le faire, passer de l’autre côté du voile comme le Christ.
Une fois par an, le grand prêtre entrait dans le saint de saints du temple de Jérusalem, ce n’était qu’un geste symbolique, Salomon lui-même savait bien que le Temple n’est qu’un symbole pour l’homme et que Dieu n’est pas plus présent là qu’ailleurs. Bien entendu, lui qui est l’au-delà de tout. Ce geste du grand prêtre était une prédication. Christ nous montre que nous pouvons vivre cette prédication, par la prière et par la conscience des visites de Melchisédek dans notre monde. Et même si nous ne passons pas encore ou que trop rarement de l’autre côté du voile, nous avons par la foi un lien qui passe à travers le voile, et qui nous enracine dans cet amour qui est source de tout, et qui fonde l’espérance véritable.
Alors nous pouvons saisir à pleines mains cette espérance que Dieu nous tend. Alors, nous dit l’épître aux hébreux nous pouvons recevoir, obtenir « la promesse », la seule qui soit solide et sûre, car elle vient de Dieu lui-même. C’est plus qu’une espérance, c’est une confiance intime que nous avons expérimentée, un puissant encouragement pour avancer
Saisir cette Espérance, c’est comme trouver un enfant dans un panier, au détour d’un buisson, et le prendre dans ses bras. Un enfant que nous ne connaissons pas encore, comme la fille du pharaon adopte le petit Moïse (Exode 2). C’est presque rien un bébé, et pourtant tout est déjà là : une vie, une personnalité, une espérance vivante que l’on prend dans ses bras, non pour l’empêcher de vivre, mais au contraire, comme le dit l’épître aux hébreux, avec une pleine ardeur pour travailler à son développement jusqu’à son plein épanouissement.
L’espérance que Dieu nous donne est ainsi, elle est bien réelle, tout est déjà là, donné par Dieu, venant de lui, déposé dans nos bras. Et pourtant tout est encore à faire. Cette espérance que Dieu donne n’est pas décevante, car elle est déjà réalisée dans le présent et en même temps encore en devenir, faisant des progrès chaque jour pour qui veille sur cette espérance avec l’amour qu’a une mère pour son enfant.
Une espérance que nous trouvons dans un buisson, dans les ronces et les épines de ce monde. Et découvrir que ce monde est ainsi bien bien moins mauvais qu’on le pensait. Parce que Dieu a tellement aimé le monde qu’il l’a créé aussi beau qu’un enfant, à la fois plein de promesses et ayant encore besoin de tant de soins pour se développer.
Nous sommes dans ce temps de l’entre deux, nous dit le Christ. Le Royaume s’est approché, il est déjà en nous et au milieu de nous, comme en germe (Luc 17:21) . Nous sommes dans cet entre deux, nous dit encore le Christ, l’heure vient et elle est déjà là (Jean 4 :23). Il n’y a plus à attendre la saint glinglin.
La promesse de Dieu ce n’est pas seulement que Dieu nous bénira. Il y a ici un redoublement du verbe bénir sous deux formes : Dieu nous a béni aujourd’hui et il nous bénira encore. Dieu nous a augmenté et il nous développera encore. Déjà l’Espérance que Dieu nous a offerte est là, dans nos bras. Il n’y a plus qu’à…
Et pour ce reste-à-faire, si beau et si libre, nous pouvons compter sur la bénédiction de Dieu. La tempête soufflera peut-être, mais peut-être pas non plus. Ce n’est pas si grave, notre ancre est solide, c’est l’espérance de Dieu. Et par l’intelligence qu’il nous a donnée, nous avons des services météo un peu plus performants.
Amen
Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot.
Nous désirons que chacun de vous montre la même ardeur pour le développement de l’espérance jusqu’à son plein épanouissement, 12 en sorte que vous ne vous relâchiez pas et que vous imitiez ceux qui, par la foi et la persévérance, héritent des promesses.
13 Lorsque Dieu fit la promesse à Abraham, ne pouvant jurer par un plus grand que lui, il jura par lui-même, 14 et dit: Certainement, je te bénis et je te bénirai, je te multiplie et je te multiplierai encore. 15 Et c’est ainsi qu’Abraham, ayant persévéré, obtint la promesse.
16 Or, les hommes jurent par celui qui est plus grand qu’eux, et le serment est une garantie qui met fin à tous leurs différends. 17 C’est pourquoi Dieu, voulant montrer avec plus d’évidence aux héritiers de la promesse l’immuabilité de sa résolution, intervint par un serment, 18 afin que, par deux choses immuables dans lesquelles il est impossible que Dieu mente, nous trouvions un puissant encouragement, nous dont le seul refuge a été de saisir l’espérance qui nous était proposée.
19 Cette espérance, nous la possédons comme une ancre de l’âme, sûre et solide; elle pénètre au-delà du voile, 20 là où Jésus est entré pour nous comme précurseur, ayant été fait grand-prêtre pour l’éternité, à la façon de Melchisédek.
7 :1 En effet, ce Melchisédek était roi de Salem, prêtre du Dieu Très-Haut; il alla au-devant d’Abraham lorsqu’il revenait d’avoir vaincu des rois, Abraham le bénit, 2 et il lui donna la dîme de tout; à lui qui est d’abord roi de justice, d’après la signification de son nom, ensuite roi de Salem, c’est-à-dire roi de paix; 3 il est sans père, sans mère, sans généalogie, il n’a ni commencement de jours ni fin de vie, mais il est rendu semblable au Fils de Dieu; ce Melchisédek demeure prêtre pour l’éternité.