(écouter, imprimer la feuille)
Dimanche 24 avril 2022
Culte au temple de Vandœuvres
prédication du pasteur Marc Pernot
Dimanche dernier, nous avons lu ce récit où Jésus marche avec deux disciples en leur ouvrant le sens de toutes les Écritures (Luc 24:27,32). Avec le Christ, tout texte biblique devient ainsi un Évangile : une bonne nouvelle pour tous. C’est un défi que je vous propose de relever sur ce texte du livre des Juges.
L’histoire de Samson est un récit plein de surprises totalement exagérées, de rebondissements et de farces. C’est une épopée qui reprend l’espérance spirituelle des hébreux en Yahwéh sous forme d’un récit inspiré d’Héraclès (Hercule), le plus connu des héros de la mythologie grecque, avec ses douze travaux. Samson en a la force divine et lui aussi passe de prodige en prodige.
Pourtant, Samson est loin d’être exemplaire du point de vue moral et il est très naïf de sorte que chacune de ses aventures tourne mal, avant qu’il passe à la suivante, rebondissant à chaque fois.
C’est assez troublant. Nous aurions tendance à aimer que les choses soient plus claires, avec un héros exemplaire à qui tout réussit, face à des méchants totalement horribles, impies, amoraux, fous et stupides. Cette épopée de Samson nous dit que ce schéma est trop simpliste. Même pour un homme comme Samson qui aurait entièrement été conçu par Dieu comme son héros, élevé de la meilleure des façons et sans cesse accompagné par Dieu. Cela nous dit que nos vies ont bien le droit de ne pas être à 100% parfaites et réussies, et que cela n’empêche pas que naisse en nous une graine de héros qui « commencera à nous sauver tous ». Là encore, ce texte intègre de la nuance et de la progressivité.
La Bible nous enseigne souvent la vie avec des histoires présentant une figure du juste et une figure du méchant : c’est une pédagogie pour nous aider à repérer ces composantes dans notre réalité. Cela ne doit pas pour autant nous amener à une vision simpliste du monde et des personnes. L’épopée de Samson nous aide à éviter cela. Il sera alors plus facile de comprendre que l’élimination du méchant dans ces textes signifie l’élimination de la méchanceté qui est en chacun, et que le salut du juste parle de ce qu’il y a de bon en chacun.
Les aventures de Samson commencent par une situation où les hébreux font n’importe quoi et où l’Éternel les livre à la merci des Philistins pendant quarante ans, et c’est alors seulement que Dieu leur donne la naissance miraculeuse d’un sauveur.
Que nous dit ce début d’histoire ? Comment pouvons-nous y lire l’Évangile ?
Une des causes de la souffrance en ce monde est dû au fait que l’humain fait parfois n’importe quoi, et que cela nous met aux prises du n’importe quoi. C’est ce que signifie cette phrase « l’Éternel les livra entre les mains des Philistins ». Ce n’est pas une punition, c’est une conséquence que nous connaissons bien dans nos vies. Le Philistin évoque l’humanité sauvage, comme le lion est une image de la nature sauvage. Ce qui est sauvage n’est ni bon, ni mauvais, en soi : c’est en friche, dangereux, sans foi ni loi. Il pourrait en sortir du bon si on arrivait à dompter, domestiquer, éduquer cette dimension sauvage.
C’est ce que Dieu cherche à faire dans ce début d’histoire. Il y travaille pendant 40 ans, ce nombre 40 évoque toujours dans la Bible un temps de gestation d’un meilleur nous-même. Dieu est le nom de ce qui travaille à faire naître en nous un germe d’humanité bienfaisante.
Il est souvent question de la visite d’un ange dans les récits de ce genre, afin de nous préciser que cela passe par la prière, par l’ouverture sur la transcendance.
Seulement, même ce sauveur qui va naître est un héros paradoxal, à la fois fort et vulnérable, sage et naïf, sauveur et transgresseur. Ce héros nous ressemble : ayant à progresser et qui néanmoins a quelque chose d’un sauveur.
Cette histoire nous dit que nous sommes béni par Dieu, appelé personnellement à changer le monde. Que nous avons bien plus de force, de sagesse que nous ne pensons. Nous sommes faits de l’étoffe des héros & héroïnes.
Voilà Samson adulte. Le texte insiste alors à deux reprise pour dire que l’Éternel le bénit et que son souffle divin l’anime. La première chose que fait alors Samson est de s’enflammer de désir pour une femme philistine.
Normalement, dans des récits qui tendent à bien distinguer le juste du méchant, le pécheur du fidèle, c’est un tabou. Seulement ici nous sommes dans un récit travaillant précisément sur l’entrelacement des deux. Dieu bénit ce projet d’alliance avec une Philistine.
Cela pourrait nous dire qu’afin de travailler sur la sauvagerie de l’humanité, il est bon de chercher de la douceur et de la tendresse au cœur même ce qui est encore en friche dans l’humain. De faire alliance avec ce meilleur.
C’est vrai que ce n’est pas facile, que c’est même dangereux, la suite de l’histoire le montre. C’est néanmoins la première chose à faire, et c’est à faire avec l’aide de Dieu, son éclairage, son amour, sa force. Il y faut aussi de la prudence, car c’est souvent sa naïveté qui perd Samson.
Voilà encore une nuance utile apportée par ce récit. La bienveillance est créatrice, quand elle n’est pas de l’angélisme. Précisément parce que la bienveillance nous met en contact avec ce qui est sauvage.
[Notons au passage que Dieu n’a ici rien contre le fait que Samson soit enflammé de désir pour la femme philistine. Contrairement à ce qui existe parfois dans la pensée grecque, la Bible n’est pas contre la sensualité, c’est une des bénédictions de Dieu. Bien entendu, comme pour tout le reste de l’humain, le problème vient quand la sauvagerie, le n’importe quoi, s’empare de nous par cette dimension, ou par n’importe quelle autre bonne dimension de notre être.]
Certes, l’humain tombe parfois dans la sauvagerie et c’est une grande source de souffrance. L’autre grande source de souffrance dans le monde est la sauvagerie qui existe dans la nature. La création est encore en cours et il reste du chaos. Après deux ans de pandémie, après avoir vu la mâchoire d’un tyrannosaure, ou les conséquences d’un tremblement de terre... nous en savons quelque chose.
Cette sauvagerie de la nature est ici figurée par ce lion rugissant qui saute sur Samson.
Dieu donne à Samson la force de vaincre le lion à mains nues. Il est vrai que la foi aide à surmonter des difficultés parfois terribles. Le salut ne vient pas d’une légion d’anges écartant pour nous les lions, le salut nous vient comme ici d’une force que Dieu nous donne. Une force que nous nous découvrons et qui nous vient d’on ne sais où, parfois. Il est vrai aussi que cela donne de la force de se savoir digne, de se savoir appelé à faire la différence, de se sentir un peu aimé, soutenu, béni. Il arrive alors que l’on fasse des prodiges.
Seulement, l’épopée de Samson nous apprend à aller plus loin qu’une victoire annihilant la sauvagerie du monde. C’est l’objet de l’énigme que raconte Samson : de ce qui aurait dû nous dévorer peut sortir ce qui nous nourrit. De ce qui aurait dû nous terroriser peut sortir une douceur de miel.
Par quel miracle ?
1) Samson ne se contente pas de tuer le lion, il l’ouvre en deux. Il est bon de ne pas rester à la surface d’un problème : de l’ouvrir, de voir ses ressorts intérieurs.
2) Samson repasse quelques jours après pour voir ce qu’est devenu le lion qu’il a vaincu. Ce n’est pas sur le champs que nous trouverons du miel dans la carcasse des difficultés que nous avons traversées. Là aussi, il faut un temps de gestation comme évoqué au début de cette histoire. Ici, il s’agit de se détourner quelques jours après, dit le texte, pour voir la carcasse du lion vaincu. C’est ce que nous faisons dans la réflexion et dans la prière.
3) Samson y trouve deux choses : un essaim d’abeilles et du miel. Miel dont il se régale immédiatement, miel dont il nourrira son cheminement futur, miel dont il fera profiter également ses proches. Cela évoque de la joie, donc. Une force pour évoluer. Un cœur et des moyens pour aider ceux que l’on aime. C’est appréciable.
Ce qui produit ce miel est, nous dit le texte l’essaim d’abeilles qu’il trouve aussi là. Vous allez me dire qu’il n’y a rien de très surprenant à trouver un essaim près de rayons de miels. Sauf que le mot traduit par « essaim » n’est pas le mot habituel pour parler d’abeilles, c’est le mot « assemblée » qui est utilisé presque uniquement pour parler de l’assemblée du peuple. Et le mot « abeille » en hébreu, déborah, signifie également la « parole ». L’« essaim d'abeilles » que l’on trouve dans ce texte évoque clairement, pour le lecteur hébreu, une « assemblée de paroles ». De « paroles » au pluriel. Là encore, l’épopée de Samson casse les codes simplistes d’une Parole d’autorité tombant d’en haut pour mettre de l’ordre dans la sauvagerie du monde. Cette Parole serait comme un lion dévorant. Ce qui produit du bon miel : c’est une assemblée de personnes exprimant des paroles sincères et authentiques, des points de vue contradictoires. Vivre cette assemblée de paroles, en manger le miel, c’est sortir de la sauvagerie, c’est faire face ensemble aux aléas de l’existence.
4) Samson tente ensuite de profiter de son expérience de lion, d’essaim et de miel pour l’emporter sur ses nouveaux amis. Cela tourne mal. Manifestement : ce n’était pas une bonne idée. Une belle assemblée de parole nourrissante, ce n’est pas quand on cherche à l’emporter sur l’autre, c’est quand on y cherche du miel pour nourrir notre cheminement, et pour en offrir à ceux que l’on aurait alors à cœur d’aider.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot
Les enfants d’Israël firent encore ce qui déplaît à l’Eternel; et l’Éternel les livra entre les mains des Philistins, pendant quarante ans. 2 Il y avait un homme de Tsorea, de la famille des Danites, et qui s’appelait Manoach. Sa femme était stérile, et n’enfantait pas. 3 L’ange de l’Eternel apparut à la femme, et lui dit: Voici, tu es stérile, et tu n’as point d’enfants; tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils. 4 Maintenant prends bien garde, ne bois ni vin ni liqueur forte, et ne mange rien d’impur. 5 Car tu vas devenir enceinte et tu enfanteras un fils. Le rasoir ne passera point sur sa tête, parce que cet enfant sera consacré à Dieu dès le ventre de sa mère; et ce sera lui qui commencera à délivrer Israël de la main des Philistins...
24 La femme enfanta un fils, et lui donna le nom de Samson. L’enfant grandit, et l’Eternel le bénit. 25 Et l’Esprit de l’Eternel commença à l’agiter à Machané-Dan, entre Tsorea et Eschthaol. 14:1 Samson descendit à Thimna, et il y vit une femme parmi les filles des Philistins. 2 Lorsqu’il fut remonté chez lui, il le déclara à son père et à sa mère, et dit: J’ai vu à Thimna une femme parmi les filles des Philistins; prenez-la maintenant pour ma femme. 3 Son père et sa mère lui dirent: N’y a-t-il point de femme parmi les filles de tes frères et dans tout notre peuple, que tu ailles prendre une femme chez les Philistins, qui sont incirconcis? Et Samson dit à son père: Prends-la pour moi, car elle me plaît. 4 Son père et sa mère ne savaient pas que cela venait de l’Eternel: car Samson cherchait une occasion de dispute de la part des Philistins. En ce temps-là, les Philistins dominaient sur Israël.
5 Samson descendit avec son père et sa mère à Thimna. Lorsqu’ils arrivèrent aux vignes de Thimna, voici, un jeune lion rugissant vint à sa rencontre. 6 L’Esprit de l’Eternel saisit Samson; et, sans avoir rien à la main, Samson déchira le lion comme on déchire un chevreau. Il ne dit pas à son père et à sa mère ce qu’il avait fait. 7 Il descendit et parla à la femme, et elle lui plut.
8 Quelque temps après, il se rendit de nouveau à Thimna pour la prendre, et se détourna pour voir le cadavre du lion. Et voici, il y avait un essaim d’abeilles et du miel dans le corps du lion. 9 Il prit entre ses mains le miel, dont il mangea pendant la route; et lorsqu’il fut arrivé près de son père et de sa mère, il leur en donna, et ils en mangèrent. Mais il ne leur dit pas qu’il avait pris ce miel dans le corps du lion. 10 Le père de Samson descendit chez la femme. Et là, Samson fit un festin, car c’était la coutume des jeunes gens. 11 Dès qu’on le vit, on invita trente compagnons qui se tinrent avec lui. 12 Samson leur dit: Je vais vous proposer une énigme. Si vous me l’expliquez pendant les sept jours du festin, et si vous la découvrez, je vous donnerai trente chemises et trente vêtements de rechange. 13 Mais si vous ne pouvez pas me l’expliquer, ce sera vous qui me donnerez trente chemises et trente vêtements de rechange. Ils lui dirent: Propose ton énigme, et nous l’écouterons. 14 Et il leur dit: De celui qui mange est sorti ce qui se mange, et du fort est sorti le doux. Pendant trois jours, ils ne purent expliquer l’énigme. 15 Le septième jour, ils dirent à la femme de Samson: Persuade ton mari de nous expliquer l’énigme; sinon, nous te brûlerons, toi et la maison de ton père. C’est pour nous dépouiller que vous nous avez invités, n’est-ce pas? 16 La femme de Samson pleurait auprès de lui, et disait: Tu n’as pour moi que de la haine, et tu ne m’aimes pas; tu as proposé une énigme aux enfants de mon peuple, et tu ne me l’as pas expliquée! Et il lui répondait: Je ne l’ai expliqué ni à mon père ni à ma mère; est-ce à toi que je l’expliquerais? 17 Elle pleura auprès de lui pendant les sept jours que dura leur festin; et le septième jour, il la lui expliqua, car elle le tourmentait. Et elle donna l’explication de l’énigme aux enfants de son peuple. 18 Les gens de la ville dirent à Samson le septième jour, avant le coucher du soleil: Quoi de plus doux que le miel, et quoi de plus fort que le lion? Et il leur dit: Si vous n’aviez pas labouré avec ma génisse, vous n’auriez pas découvert mon énigme. 19 L’Esprit de l’Eternel le saisit, et il descendit à Askalon. Il y tua trente hommes, prit leurs dépouilles, et donna les vêtements de rechange à ceux qui avaient expliqué l’énigme. Il était enflammé de colère, et il monta à la maison de son père...