Genève - 20 janvier 2019
Célébration œcuménique
prédication du pasteur Marc Pernot
« Tel fut le commencement des signes de Jésus. » dit le texte en conclusion de cette histoire. Par définition, un « signe » est quelque chose qui n’est pas tellement intéressant tant que l’on n’a pas cherché le sens qu’il a. C’est une invitation à lire ce récit afin que nous puissions saisir en quoi ce Jésus fils de Marie serait le Christ, c’est-à-dire le vecteur du salut de Dieu pour toute personne de tout peuple et de toute génération. Ce texte est même particulièrement important car c’est « le commencement des signes », c’est donc comme une porte d’entrée, un commencement à vivre et à revivre pour franchir des étapes dans ce que Dieu nous offre en Christ. Voilà ce qu’il nous faut chercher dans notre lecture attentive de ce signe. Ce texte commence par :
« ... et le troisième jour,
il y eut une noce à Cana de Galilée » (Jean 2:1)
Le troisième jour de quoi ? Pour le comprendre il faut lire la phrase qui précède le texte proposé pour notre lecture de ce dimanche. Jésus dit : « Amen, Amen, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. » (Jean 1:51) C’est clairement une citation de l’histoire de Jacob dans le Genèse qui est ici reprise pour dire l’intime communication entre Jésus et Dieu. Mais pas seulement, car dans la Bible, un « fils de l’homme » c’est presque toujours la personne humaine vivant en ce monde, « ben adam », tout « enfant de cette terre ». Une brèche est ouverte dans les cieux, promesse à toute personne humaine de pouvoir être en conversation familière avec Dieu. Trois jours après cette promesse, le temps d’une maturation que nous avons à vivre, le récit des noces explique le cheminement de sa réalisation pour nous :
« Il y eut une noce à Cana de Galilée
et la mère de Jésus était là. » (Jean 2:1)
L’histoire commence en effet avec la mère de Jésus, il n’y a même pas à l’inviter. Elle est déjà présente et semble chez elle, dirigeant la maison comme elle l’entend. Comment interpréter cela ? Elle a engendré Jésus, elle l’a élevé, elle lui a transmis une histoire et une culture. Jésus n’a rien choisi de tout cela. Cela le précède. Cette entrée en scène avec Marie déjà là me semble dire que notre première étape est de prendre en compte de ce que nous avons reçu, ce qui nous a engendré : la terre dont nous sommes faits, notre histoire, notre caractère, nos désirs et nos instincts, nos forces et faiblesses. La première étape, c’est celle de notre nature car l’Évangile c’est la joie d’une parole divine qui s’incarne sans nier notre nature, sans diminuer ce que nous sommes, mais en le réjouissant de la plus belle des façons.
« Jésus lui aussi fut invité à la fête de mariage
ainsi que ses disciples. » (Jean 2:2)
Nous pouvons alors inviter le Christ dans ce qu’est notre vie, dans nos projets de vie. Nous pouvons l’inviter pour que sa qualité d’être s’incarne en nous, avec cette dimension d’un vrai dialogue avec Dieu. Pour cela, nous pouvons l’inviter lui, Jésus, et ses disciples, ses témoins. C’est ce que nous faisons maintenant en méditant les écritures anciennes que sont les évangiles.
« Comme le vin manquait, la mère de Jésus lui dit :
Ils n’ont pas de vin ! » (Jean 2:3)
La joie que Dieu veut pour nous est d’abord la joie de ce monde, et comme dans ce texte, ce sont nos premières joies, peut-être celle de la tendresse de notre mère, et d’autre joie de ce monde : celle qui éclate de rire, celle qui donne envie de partager avec ceux que l’on aime. Cela aussi participe à notre épanouissement. Ce que fait la mère de Jésus ici est intéressant : elle remarque que la joie terrestre est bonne mais qu'elle est limitée. Elle l’est dans sa hauteur, sa profondeur et dans sa durée. Marie s'adresse alors à Jésus pour faire quelque chose. Cette étape est sentir nos limites et espérer par la foi une source de joie transcendante, qui déborde les dimensions de notre être. C’est une espérance folle, pour un humain en ce monde. Et pourtant...
« Jésus répondit : Qu’y a-t-il entre moi et toi, femme ?
Mon heure n’est
pas encore venue. » (Jean 2:4)
Excellente question : en tant qu'homme, en tant que femme, qu’y a-t-il entre Christ et nous ? Entre le Christ et moi ? Est-ce seulement un lien terrestre puisque nous sommes tous et toutes fils et fille de la terre dont nous sommes pétris ? C’est encore plus difficile pour Marie que pour nous de voir en Jésus un autre lien que celui du sang. Les disciples aussi auront du mal à le saisir. À l’autre bout de cet évangile selon Jean, Jésus confie ce lien nouveau à une autre femme, qui s’appelle également Marie, en l’envoyant révéler aux apôtres l’Évangile de la résurrection : «Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » (Jean 20:17). Nous sommes des frères et sœurs du Christ, enfantés par Dieu lui-même. Le Christ nous fait sentir notre double nature pétrie de matière et de souffle divin. Capable de joie terrestre et d’une autre joie, supplémentaire, débordant de nos limites humaines, ne pouvant venir que comme un miracle.
« Sa mère dit aux serviteurs :
Quoi qu’il vous dise, faites-le. » (Jean 2:5)
Ce n’est pas de la soumission, mais c’est mettre nos forces et nos talents au service de notre foi et de notre cœur. Marie nous invite ici à une réorganisation de notre être et de nos priorités très concrètes.
Pour transformer l’eau en vin, Jésus utilise alors six lourdes jarres de pierres destinées aux rites religieux de la religion de son époque. Notre pratique religieuse en église ou dans notre intimité est comme ces jarres sculptées dans la pierre dont nous sommes faits. Jésus ne les méprise pas, il les utilise. Que vienne l’Esprit, que vienne la bénédiction de Dieu et c’est un vin prodigieux que nous puiserons alors de ces lourdes et rugueuse jarres de notre pratique religieuse. Et la joie que nous vivrons alors ensemble sera celle de nos noces avec Dieu lui-même.
Amen
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot
1:51 Jésus dit : « Amen, amen, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. »
2:1 Le troisième jour, il y eut un mariage à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là. 2 Jésus aussi avait été invité au mariage avec ses disciples. 3 Or, on manqua de vin. La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. » 4 Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. » 5 Sa mère dit à ceux qui servaient : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » 6 Or, il y avait là six jarres de pierre pour les purifications rituelles des Juifs ; chacune contenait deux à trois mesures. 7 Jésus dit à ceux qui servaient : « Remplissez d’eau les jarres. » Et ils les remplirent jusqu’au bord. 8 Il leur dit : « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent. 9 Et celui-ci goûta l’eau changée en vin. Il ne savait pas d’où venait ce vin, mais ceux qui servaient le savaient bien, eux qui avaient puisé l’eau. Alors le maître du repas appelle le marié 10 et lui dit : « Tout le monde sert le bon vin en premier et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant. » 11 Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. 12 Après cela, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples, et ils demeurèrent là-bas quelques jours.
(traduction : la Bible liturgique)