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Jésus : le seul chemin ?

(Jean 14:1-11 ; 1 Jean 4:1-17)

(écouter l'enregistrement)  (voir la vidéo ci-dessous)

Culte du dimanche 18 mars 2012
prédication du pasteur Marc Pernot

À une certaine époque, notre société était comme un village isolé où tout le monde était chrétien, il était alors possible de penser que le seuls seraient sauvés ceux qui confessent Jésus-Christ bien comme il faut. Mais aujourd’hui, nous avons de vraies relations de travail, d’amitié et de famille avec des personnes de convictions et de culture différentes. Si l’on ouvre les yeux, si l’on ouvre son cœur et son intelligence, si l’on pense dans la prière aux personnes que l’on a rencontrées, il me semble difficile de se dire que les milliards de non-chrétiens méritent la mort éternelle. Que Dieu leur dit, avec un petit sourire désolé : pour vous, ça ne sera pas possible, je ne peux pas faire autrement que de vous jeter à la poubelle, ou de vous laisser dans votre poubelle car c’est bien là votre place ! C’est choquant car nous avons souvent senti que ces personnes non-chrétiennes sont comme nous, qu’elles essayent de souvent vivre en y mettant leur cœur et leur foi ou leur idéal, en faisant preuve de solidarité, de bienveillance et de compassion pour leur voisin qui souffre…

Cette question du salut ou non des non-chrétiens est une des grandes questions qui est posée au chrétien aujourd’hui. Les implications sont considérables pour notre propre vie, dans notre relation avec les autres, mais aussi dans notre façon de témoigner de notre foi dans ce monde laïc. Les implications sont également importantes dans le domaine politique et sociologique.

Nous avons de la chance parce que cette question est présente dans la Bible. Le monde à l’époque de la Bible était au moins aussi mondialisé que notre monde du XXIe siècle. L’époque d’une société plutôt homogène et isolée est comme une parenthèse dans l’histoire.

Ouverture ?

Il y a dans ce passage de la 1ère lettre de Jean une affirmation qui est d’une ouverture extrême pour toute personne de bonne volonté, sans critère de foi :

« Quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu,
car Dieu est amour » (1 Jean 4 :7, 16)

Jean dit cela dans le contexte d’une église chrétienne extrêmement minoritaire dans un monde  qui est au carrefour de toutes les civilisations. Ce passage nous dit que toute personne qui aime est profondément en communion avec Dieu, quelles que soient ses idées, sa religion, sa théologie, sa philosophie.

Et quand bien même la personne ne serait pas elle-même tellement aimante, comment ne pas lire une promesse du pardon de Dieu dans cette somme théologique condensée en un seul mot : « Dieu est amour » ? Cette théologie n’est pas une invention de Jean, elle est massivement présente dans les paroles et les actes de Jésus, disant que Dieu aime, bénit, et fait du bien sans se lasser même pour ses ennemis (Matthieu 5 :44-45), que Dieu est comme un berger qui part à la recherche de la brebis la plus perdue du monde et qu’il finira sans l’ombre d’un doute par la retrouver (Luc 15 :4-5).

Exclusivisme ?

Ce qui est tout à fait surprenant, c’est que ce passage si ouvert aux non-chrétiens est introduit par un messages qui est des plus fermés et menaçants qui soient :

« Reconnaissez à ceci l’Esprit de Dieu (nous dit Jean) :
tout esprit qui se déclare publiquement pour Jésus-Christ venu en chair,
cet esprit est de Dieu,
et tout esprit qui ne se déclare pas publiquement pour Jésus,
cet esprit n’est pas de Dieu
mais c’est celui de l’antéchrist. » (1 Jean 4 :1-3)

Jean est donc tout aussi clair, net et précis dans cet exclusivisme rigoureux en faveur des chrétiens qu’il l’est dans son ouverture extrême aux non-chrétiens. Or, Jean n’est pas un imbécile, et ce n’est pas une erreur puisqu’il récidive un peu plus loin en mettant ce libéralisme et ce fondamentalisme dans la même phrase :

Celui qui déclarera que Jésus est le Fils de Dieu,
Dieu demeure en lui, et lui en Dieu. (v.15)
celui qui demeure dans l’amour
demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. (v.16)

Nous avons encore ce double message, apparemment, d’ouverture et d’exclusivisme.

Cela mérite de s’y pencher d’un peu plus près.

Une vie, une façon d’être

Cette phrase reprend deux fois le même schéma, la même annonce : « Dieu demeure en lui et lui en Dieu ». C’est la promesse de la vie véritable,  ce qu’aucun auteur biblique ne prend à la légère, évidemment. Et de fait, quand Jean fait ce rapprochement entre ces deux formules, il pose une équivalence entre :

Ce rapprochement est tout à fait passionnant pour comprendre le fond de la pensée de Jean sur cette question, mais aussi le sens de bien des passages des évangiles. Cela veut dire que quand le Christ invite à croire en lui, il ne cherche pas à se mettre en avant lui-même, mais il met en avant ce qu’il sert et ce qu’il incarne : un message et une façon d’être. Ce message et cette façon d’être, Jean les résume ici en un seul mot : l’amour. Cet amour est la façon d’être de Dieu, cet amour est Dieu lui-même. Mais le fait que cet amour s’incarne en Jésus dans l’histoire en fait plus qu’une notion philosophique abstraite, c’est une réalité qui se voit, qui s’entend, qui se crie sur les toits et qui se vit dans des gestes.

Et donc, quand Jean dit que celui qui ne se déclare pas publiquement pour Jésus est un antéchrist, ce n’est pas pour injurier les athées et les bouddhistes. Ce n’est pas la question, et Jean fait remarquer qu’il arrive aussi aux chrétiens de ne pas aimer suffisamment leurs frères. Ce que dit Jean ici, c’est qu’indépendamment de la religion des uns ou des autres, aimer c’est vivre et donc a contrario, l’indifférence c’est la mort, l’égoïsme, la rancœur, la logique du donnant-donnant, la méchanceté… c’est la mort, c’est l’anti façon d’être de Dieu, façon d’être qui est manifestée en Jésus-Christ.

Ce nom de Jésus n’est pas une formule magique, ce n’est pas un sésame-ouvre-toi pour que le paradis s’ouvre devant nous comme la caverne aux trésors devant Ali-Baba. De toute façon, en Christ nous savons que Dieu est amour, la question n’est pas d’entrer au paradis, le Royaume de Dieu s’est de toute façon approché de nous, la question est de se laisser transformer par lui.

Ce rapprochement entre « témoigner du Christ comme fils de Dieu » et « aimer », ce rapprochement est très éclairant sur la valeur possible d’autres religions et d’autres cheminements. Jean témoigne du fait que la vie qui anime le Christ est cet amour qu’est Dieu, c’est vrai. Mais le Christ n’a pas pour autant le monopole de l’amour, heureusement pour l’humanité. Dieu cherchait déjà, du temps des hommes préhistoriques, à donner aux hommes un cœur de chair à la place de leur cœur de pierre (taillée). C’est dans ce sens que Christ existait avant Abraham, avant même Cro-Magnon, car dans leur espérance il existait une certaine intuition de l’amour de Dieu quand ils peignaient des bisons sur les parois d’une grotte ou quand ils enterraient leurs morts avec un certain rituel. Il y avait quelque chose de la façon d’être du Christ quand ils avaient un peu de compassion pour leur collègue blessé par un mammouth alors qu’ils auraient pu se réjouir de voir un concurrent disparaître. C’est ce que dit l’apôtre Paul dans la très sérieuse lettre aux Romains : quand les païens qui n'ont pas la Bible font naturellement ce que prescrit la Bible, ils sont une révélation de Dieu pour eux-mêmes, ils montrent que l’œuvre de la révélation de Dieu est écrite dans leur cœur, leur conscience en rendant témoignage, et leurs pensées s’accusant ou se défendant tour à tour. (Romains 2:13ss)

Jésus est Christ au sens où il incarne magnifiquement cette révélation de Dieu. Il incarne la façon d’être de Dieu qui consiste à vivre selon un amour créateur. Et donc cette foi en Jésus-Christ qui donne la vie éternelle (Jean 3 :36), ce nom de Jésus-Christ, le seul nom qui puisse sauver (Actes 4 :11), ce n’est pas une formule incantatoire, c’est valoriser une certaine façon d’être, une certaine idée de la justice et c’est rechercher la source de cette façon d’être pour y puiser et pour la proposer à ceux que l’on aime.

Donc oui, évidemment, cela a pleinement son sens de placer sa confiance en Christ et de témoigner du Christ auprès de ceux que l’on aime. Mais il y a aussi des personnes qui aiment en dehors du christianisme, et qui sont donc nées de Dieu et qui connaissent Dieu, au moins en partie, comme le dit Jean.

Christ : le seul chemin vers le Père, vers la vie ?

Ce rapprochement entre « témoigner du Christ comme fils de Dieu » et « aimer », ce rapprochement permet de comprendre ce passage essentiel de l’Évangile selon Jean que nous avons entendu :

« Jésus dit: Je suis le chemin, la vérité, et la vie.
Nul ne vient au Père que par moi. » Jean 14:6

Il y a deux façons possibles de lire ce texte :

Ce passage peut être lu comme une fermeture, voire une menace : seuls les chrétiens seraient vraiment vivants, et tous les autres sont perdus pour toujours (accompagnés, si l’on en croit certaines personnes, par les mauvais chrétiens, c’est-à-dire ceux qui ne pensent pas comme moi).

Ce « Nul ne va au Père que par moi » peut également être lu comme une ouverture, une promesse, une Bonne Nouvelle (un Évangile) : toute personne qui est en vie, toute personne qui a un cheminement vrai a du Christ en elle, elle a de cette manière d’être qui vient de Dieu, qui est née de lui, et cette personne est donc déjà dans la vie éternelle.

L’idée même de l’existence d’un Dieu unique peut être comprise également de deux façons possibles :

Il y a un seul vrai Dieu (le mien), par conséquent, ils sont dans l’erreur tous ceux qui appellent Dieu autrement (Allah, Hashem, Toutatis, ou je ne sais quoi), ils sont dans l’erreur tous ceux qui ont des dieux multiples et ceux qui n’en invoquent aucun, mais aussi tous ceux qui donnent à Dieu le même nom que moi mais qui ne sont pas assez trinitaires, ou trop, ou différemment de moi…

Il y a une autre façon de vivre le monothéisme : puisqu’il y a un seul Dieu, toute personne qui fait place à une certaine transcendance dans sa vie est déjà en relation avec Dieu, puisqu’il n’y en a pas d’autre. Toute personne qui a un peu d’idéal lève son regard vers le haut, elle regarde alors vers Dieu puisque là haut sur la montagne, il n’y a qu’un sommet, et que ce sommet c’est Dieu.

Mais, allez-vous peut-être me dire : Jésus parle bien ici de LA vérité, c’est qu’il y en a une et que les autres sont dans l’erreur. Et bien non, car dans la pensée biblique, il y a un seul mot pour dire la vérité et la fidélité (èmounah). La vérité dont Jésus parle ici, ou plutôt la vérité qu’il incarne ce n’est pas un dogme mais c’est une vérité de relation, une fidélité à ce qui est l’essence même de la vie, une fidélité à ce qui fait avancer vers la source de la vie.

Des personnes peuvent donc penser des choses différentes tout en étant dans toutes dans le vrai. Par exemple des personnes qui sont réparties autour d’une montagne auront raison de dire que pour aller au sommet il faut se diriger vers l’ouest pour l’une, vers le nord pour une autre, et le sud est pour une 3e. Ce n’est pas du relativisme, comme si tout se valait, non, mais la vérité dépend alors de la situation, dépend de la personne et du moment de son histoire.

Ce n’est pas du relativisme car Jésus nous propose ici des indicateurs précieux pour savoir si nous sommes dans la vérité. La Vérité dont il est question ici, nous dit-il, est cheminement et vie, elle est cheminement vers le Père, cheminement vers cette source de la vie qu’est l’amour.

Cela peut s’examiner dans un questionnement très simple et très quotidien : Est-ce que ma foi me fait cheminer, est-ce que par elle ma vie fait grandir la vie ? Est-ce que ma théologie, ma philosophie de vie, ma religion, mon rythme me font avancer ou me paralysent ? Cela dépend des gens. Par exemple, telle personne à un moment de sa vie a besoin d’avoir une base de certitudes bien bétonnées, telle autre personne serait complètement bloquée par cela.

La question n’est pas de savoir si un chrétien est meilleur que les autres, mais la question que Jésus nous propose de retenir est de savoir si nous devenons meilleur que nous-même hier, si nous cheminons vers la vie et augmentons la vie ? Nous pouvons nous examiner nous-mêmes, et nous pouvons aussi avoir cela en tête pour ceux que nous aimons, non pour les juger ou penser à leur place, non pour retirer la paille qui est dans leur œil, mais pour susciter chez eux un questionnement fécond, un dialogue ou tous les deux nous cheminerons vers la source commune à tous.

L’essentiel est que chacun creuse bien son propre chemin, qu’il l’approfondisse et l’affine. Pour l’instant, nous ne pouvons voir ce qui est derrière la montagne pour juger parfaitement de ce qui est bon pour l’autre. Si tel cheminement, telle religion telle philosophie convient bien à telle personne au sens défini plus haut, qu’elle creuse ce chemin et qu’elle y soit fidèle. Cela ne nous empêche pas de témoigner de ce qui nous fait vivre nous, c’est une attitude de respect pour l’autre de lui offrir ainsi ce meilleur qui me fait vivre, mais tout en sachant qu’il est possible que la vérité de cheminement et de vie soit pour lui différente de ce qui est vérité de cheminement et de vie pour moi.

C’est ainsi que dans la page d’Évangile que James nous a lu dimanche dernier, le Christ ose dire qu’il n’a jamais vu d’aussi grande foi que celle du centurion romain qui vient de lui demander la guérison d’un de ses serviteurs. Pourtant ce centurion rendait nécessairement un culte à l’empereur de Rome considéré comme Dieu, ce centurion ne considère Jésus que comme un guérisseur puissant, il n’a apparemment pas un mot pour le reconnaître comme fils de Dieu (ce qui aurait d’ailleurs été pour lui une conception du Christ comme d’un nouvel Achille, probablement). Mais il y a une chose qui fait que ce centurion a une grande vérité-fidélité-foi : c’est qu’elle l’a mis en mouvement, elle l’a rendu vivant, elle l’a rendu capable, lui le chef habitué à commander, de se faire serviteur de son serviteur pour qu’il ait la vie. Oui, le centurion a cheminé par l’amour et vers l’amour ce jour-là. Et peut-être que le pas suivant l’amènera à reconnaître en Jésus plus qu’un guérisseur, mais enfin le Christ ? La suite de l’histoire est à écrire avec notre propre vie.

Amen

 

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Lecture de la Bible

Jean 14:1-11

Que votre coeur ne se trouble pas. Croyez en Dieu, et croyez en moi.

2 Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. Si cela n’était pas, je vous l’aurais dit. Je vais vous préparer une place.

3 Et, lorsque je m’en serai allé, et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis vous y soyez aussi.

4 Vous savez où je vais, et vous en savez le chemin.

5 Thomas lui dit: Seigneur, nous ne savons où tu vas; comment pouvons-nous en savoir le chemin?

6 Jésus lui dit: Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi.

7 Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Et dès maintenant vous le connaissez, et vous l’avez vu.

8 Philippe lui dit: Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit.

9 Jésus lui dit: Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m’as pas connu, Philippe! Celui qui m’a vu a vu le Père; comment dis-tu: Montre-nous le Père?

10 Ne crois-tu pas que je suis dans le Père, et que le Père est en moi? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même; et le Père qui demeure en moi, c’est lui qui fait les oeuvres.

11 Croyez-moi, je suis dans le Père, et le Père est en moi; croyez du moins à cause de ces oeuvres.

1 Jean 4:7-17

Bien-aimés,
aimons-nous les uns les autres;
car l’amour est de Dieu,
et quiconque aime
est né de Dieu et connaît Dieu.

8 Celui qui n’aime pas
n’a pas connu Dieu,
car Dieu est amour.

9 L’amour de Dieu
a été manifesté envers nous
en ce que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde,
afin que nous vivions par lui.

10 Et cet amour consiste,
non pas en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’il nous a aimés
et a envoyé son Fils comme signe de pardon pour nos péchés.

11 Bien-aimés,
si Dieu nous a ainsi aimés,
nous devons aussi
nous aimer les uns les autres.

12 Personne n’a jamais vu Dieu;
si nous nous aimons les uns les autres,
Dieu demeure en nous,
et son amour est parfait en nous.

13 Nous connaissons que nous demeurons en lui,
et qu’il demeure en nous,
parce qu’il nous a donné de son Esprit.

14 Et nous,
nous avons vu et nous attestons
que le Père a envoyé le Fils comme Sauveur du monde.

15 Celui qui déclarera publiquement que Jésus est le Fils de Dieu,
Dieu demeure en lui, et lui en Dieu.

16 Et nous, nous avons connu l’amour que Dieu a pour nous,
et nous y avons cru.

Dieu est amour; et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui.

17 Tel il est,
tels nous sommes aussi
dans ce monde :
c’est en cela
que l’amour est parfait en nous…

 

Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 11:28)

(début de la prédication à 11:28)

film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot