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Jésus avait trois lieux de ressourcement :
le désert, la montagne et la mer.

(Matthieu 4:1-11 ; Marc 9:1-7 ; Marc 4:35-39)

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3 septembre 2023
culte eu temple de Cologny
prédication du pasteur Marc Pernot

Il est agréable et utile de se ménager des occasions de ressourcement car nous n’avons pas des forces inépuisables et la vie humaine est en permanente évolution, cela demande de renouveler notre façon de voir. Comment trouver de la force et de l’inspiration ?

Jésus avait trois lieux où il se retirait régulièrement : dans le désert, dans la montagne et en mer. C’est ce que remarque l’immense Thomas d’Aquin célèbre en particulier pour sa « Somme Théologique » et aussi pour une compilation des grands commentaires de la Bible jusqu’à son temps (XIIIe siècle) : la « chaîne d’or » (Catena Aurea) qu’il a mis 10 ans à compiler. C’est là que Thomas note cette découverte qu’il attribue à Rémi d’Auxerre en Bourgogne (IXe siècle).

Le Christ a besoin de ressourcement

Dans les évangiles nous voyons effectivement Jésus se retirer souvent seul dans le désert, en montagne, ou en mer. Il le fait quand il est chargé, quand il est menacé, il le fait avant chaque changement d’orientation dans sa vie. Il le fait à temps et à contre temps, même quand il était surchargé de boulot, et précisément quand i était surchargé de boulot.

Jésus est pourtant le Christ, on l’imaginait peut-être en super héros, on le voyait comme une fontaine inépuisable d’énergie et d’inspiration divines. En réalité, ce n’était manifestement pas si évident que cela. Jésus a besoin de ces efforts de ressourcement et de recherche d’inspiration. Si le Christ a besoin de cela, il est normal que nous ayons nous aussi le sentiment d’avoir besoin de retrouver des forces et une inspiration nouvelles, d’espérer un renouveau dans notre vie, comme un nouveau départ. Cela fait vraiment partie de la grandeur de l’humain que d’être dans cette dynamique.

C’est ce dont il est question dans ces exercices que pratique Jésus. Je vous propose de creuser ce que cela pourrais nous dire, avec pour commencer quatre remarques :

1) Jésus n’a pas un unique lieu de ressourcements mais trois différents. On aurait pu penser que se connecter à cette source qu’est Dieu est comme de brancher une prise, celle de la foi. L’Évangile nous montre que c’est plus riche et complexe que cela, et que nous avons besoin de ces trois recherches.

2) Parmi ces trois lieux de ressourcements qu’a Jésus, nous pouvions nous attendre à ce qu’il y ait le temple de Jérusalem, la Synagogue, et les repas. C’est vrai que Jésus pratique abondement ces lieux mais ce sont plutôt pour lui des lieux de témoignage au profit des autres, plus que pour se ressourcer lui-même. Cela nous questionne sur le rôle de l’église et du culte dans notre chemin de foi.

3) Ces trois lieux sont des endroits où Jésus se retire seul, rompant pour un moment avec ses proches et sa mission, souvent de façon impromptue. Par exemple :

Les gens venaient en foule pour entendre Jésus et pour être guéris de leurs maladies, et lui se retirait dans les déserts, et priait . » (Luc 5:16)

Jésus traversa de nouveau vers l’autre rive. Une grande foule s’assembla près de lui au bord de la mer. » (Marc 5:21).

- « À un moment, Jésus se rendit sur la montagne pour prier, et il passa toute la nuit à prier Dieu. » (Luc 6:12)

Jésus se retire ainsi tout seul, assez souvent. À côté de cela, il arrive que Jésus amène des disciples faire l’expérience de ces temps dans le désert, dans la montagne, et sur la mer. Est-ce que cela serait donc à vivre en groupe ? Ou tout seul ? Plutôt tout seul, comme le Christ, c’est notre modèle. Le vivre en groupe semble pour lui un temps de formation pour les disciples. L’objectif est d’arriver à sentir par nous-même quand il est temps de prendre du temps pour nous, seul, afin de puiser à la source dans la montagne, dans le désert ou sur le mer. Ensuite, notre vocation est aussi de sentir quand un proche pourrait être enrichi en découvrant ces exercices comme Jésus le fait découvrir à ses disciples. L’Église peut aider à ces découvertes préparatoires.

4) Et enfin une quatrième remarque : la mer, la montagne et le désert ne sont bien entendu pas à prendre matériellement. Chacun de ces trois lieux évoque un type d’expérience à s’offrir à soi-même pour vivre. Chacune demande un certain effort sur soi-même et parfois du courage, bien entendu. Mais comment avancer autrement dans quelque domaine que ce soit ?

À l’écart dans le désert

Commençons par le désert, puisque c’est la première expérience que Jésus fait et qui lui permet d’entrer dans sa mission de Christ. Les symboles évoqués dans ce récit sont faciles à comprendre pour le lecteur de la Bible car ils y sont très courants. « L’Esprit » évoque une action créatrice de Dieu. Il est question de « 40 jours », comme toute période de 40 quelques choses, cela évoque dans la Bible un travail de gestation de soi-même. Quant au « désert » dont il est question : cette image est bien connue, en particulier par ce célèbre sens du mot désert en hébreu, midebar peut se lire à la fois comme min-dabar « hors de la parole » et médaber la Parole ultime, celle de Dieu qui crée le monde par son appel.

Quel sera notre temps de désert personnel ? Avec quel effet bénéfique pour nous ? C’est prendre un temps de recul, faire un pas de côté dans la course de notre vie, hors du bruit, suspendre un temps notre environnement saturé de sens et de paroles. Réfléchir, questionner nos évidences et nos tentations. Ce n’est facile pour personne. Nous voyons Jésus faire ce travail dans un dialogue intérieur grâce à l’entrechoquement des textes bibliques qui lui viennent à l’esprit. Cela lui permet de discerner le meilleur du pire dans ce qui l’anime. Avec ce résultat : le diable lâche prise et les anges le servent : en français courant, cela veut dire que Jésus est libéré de ce qui maltraitait son être en l’éparpillant (diable, en grec : ce qui éparpille). Et les anges qui le servent alors : c’est la Parole de Dieu qui peut alors être plus efficace au service du développement de son être.

Jésus est alors prêt à retourner dans sa vie dans son monde, vers les siens et sa mission. Jésus continuera à pratiquer cet écart dans le désert, et par la suite il formera ses disciples à ce geste.

L’écart par le désert, c’est prendre un peu de temps pour réfléchir par soi-même, pour s’interroger et chercher, avec l’aide de Dieu. Pratiquement, cette démarche commence en se demandant où nous en sommes, afin de sentir quand nous avons besoin de cet écart dans le désert afin de remplacer quelques diablotins embroussaillant l’écheveau de notre être par des anges nous portant les bons soins de Dieu. Ça peut être 5 minutes un peu régulièrement, cela peut être quelques jours à tel moment dans notre année, ça peut prendre telle ou telle forme, toujours pour un temps limité avant de retourner dans notre monde.... L’Église peut nous aider à nous former à ce questionnement et à cet outil qu’est la Bible, elle peut nous aider à acquérir ce geste du pas sur le côté dans notre vie courante par le culte... mais surtout sans laisser l’église réfléchir à notre place.

À l’écart sur la montagne

La montagne aussi est bien connue des lecteurs de la Bible. Elle évoque la rencontre avec Dieu. Alors que le désert est plus dans la réflexion intelligente, la montagne évoque plutôt la prière. Là aussi, c’est un temps pour se laisser engendrer par Dieu un petit peu plus. En général, Jésus va seul en montagne pour prier Dieu. C’est cela notre modèle. Dans le récit que je vous ai lu il forme trois disciples à cela, et nous apporte quelques pistes. Le départ à l’écart sur la haute montagne est qualifié de « six jours après » : cela évoque le récit de création de la Genèse en six jours qui est suivi par le temps où Dieu donne sa bénédiction, ce lien où il s’attache à nous, et où nous faisons équipe avec lui. Cela transfigure notre être, notre regard, notre réflexion biblique où les différents textes entrent en résonance par l’Esprit.

Cet écart par la prière personnelle intime, ce n’est pas sur commande de l’église non plus, c’est une respiration au rythme qui nous convient, comme nos poumons s’adaptent à notre activité et à notre capacité respiratoire. L’église a pour seul rôle de nous dire que Dieu attend, espère notre prière. Et que cela fait du bien.

La traversée de la mer sur l’autre rive

Le désert évoque la réflexion, la montagne évoque la prière, vient enfin la « traversée sur l’autre rive» de la mer. Quel est cette troisième ouverture ?

Dans la Bible, la mer évoque le chaos qui subsiste en ce monde puisqu’il est encore en cours de création, comme nous le sommes aussi nous-même. Nous avons tendance à fuir ces ombres dangereuses, inquiétantes, malaisantes. Or, pour avancer, il est bon d’aller visiter notre part de chaos. D’ailleurs, la meilleure défense en ce domaine c’est l’attaque. Nous pouvons oser le faire quand nous sommes accompagné par Dieu, et, avec lui, passer sur l’autre rive, une autre façon d’être et de vivre.

Cela demande de la prudence, certes, à la mesure de nos forces et du degré de tempête de notre chaos. Jésus peut s’y aventurer seul, à pieds nus, et faire son chemin. Les disciples y arrivent en associant à la fois la force de Dieu (en Christ), la solidarité qu’est ce groupe d’amis, et la technique humaine (qu’évoque la barque).

C’est ainsi qu’ils « passent sur l’autre rive ». Dans les cultures méditerranéennes antiques cette expression évoque le passage de la vie en ce monde vers le vie éternelle dans l’autre monde. C’est bien à une résurrection que nous appelle Jésus. Dès maintenant : que notre moi tourmenté, inquiété, menacé puisse avancer (ne serait-ce qu’un peu) dans une nouvelle dimension : pacifiée, vivifiée, aimant cette vie, forte face à ce qui ne va pas, aidante pour les autres, créatrice.

Concrètement ce tour de barque est le courage d’affronter nos démons en vue de les traverser, pas de les ressasser. Là encore, cela demande de sentir nos forces pour aller visiter ce qui en nous est blessé, mort, troublé et en désordre. De le faire en pensant à Dieu, main dans la main avec lui. D’oser mettre des mots sur nos tempêtes. Et éventuellement de demander de l’aide.

Seigneur, sauve-nous. Amen.

Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.

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Textes Bibliques

Désert : Matthieu 4:1-11

Jésus fut emmené par l’Esprit dans le désert, pour être tenté par le diable.

2Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. 3Le tentateur, s’étant approché, lui dit: Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. 4Jésus répondit: Il est écrit: L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu...11Alors le diable le laissa. Et voici, des anges vinrent auprès de Jésus, et le servirent.

Montagne : Marc 9:1-7

Jésus leur dit encore: Je vous le dit en vérité, quelques-uns de ceux qui sont ici ne mourront point, qu’ils n’aient vu le royaume de Dieu venir avec puissance. 2Six jours après, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et il les conduisit seuls à l’écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux; 3ses vêtements devinrent resplendissants, et d’une telle blancheur qu’il n’est pas de foulon sur la terre qui puisse blanchir ainsi. 4Élie et Moïse leur apparurent, s’entretenant avec Jésus. 5Pierre, prenant la parole, dit à Jésus: Rabbi, il est bon que nous soyons ici; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Elie. 6Il ne savait que dire, l’effroi les ayant saisis. 7Une nuée vint les couvrir, et de la nuée sortit une voix: Celui-ci est mon Fils bien-aimé: écoutez-le!

Lac : Marc 4:35-39

Jésus leur dit, en ce jour là, le soir étant venu : Passons sur l'autre rive. 36Après avoir laissé la foule, ils prirent Jésus dans la barque, d’autres barques étaient avec lui. 37Il survient un tourbillon de grand vent et les vagues se jetaient dans la barque jusqu’à commencer à la remplir. 38Jésus était à l’arrière dormant sur l’oreiller. Ils le réveillent et lui disent : Maître, ce n’est pas un souci pour toi que nous soyons perdus ? 39Réveillé, il rabroua le vent et dit à la mer : Silence, tais-toi ! Le vent tomba et un grand calme se fit.