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Culte du dimanche 25 mai 2014
prédication du pasteur Marc Pernot
Et au milieu de cette conclusion de son livre, il y a cette promesse que je trouve belle et intéressante, Dieu dit : « je guérirai leur conversion » (14:4), on pourrait aussi traduire par « je guérirai leur apostasie ». C’est vrai que Dieu cherche évidemment à guérir l’homme qui l’oublie complètement ou qui lui tourne le dos, mais aussi à réformer sans cesse nos bons élans vers Dieu, les soigner, les cajoler, les enrichir de nouvelles dimensions.
Dieu a un mal fou, évidemment, à soigner l’homme qui lui tourne le dos. Mais il peut travailler plus à son aise avec quelqu’un qui espère de Dieu qu’il « guérisse sa conversion », car cette personne est alors dans une ouverture au changement.
C’est certainement votre cas, puisque vous vous êtes déplacés pour venir ici, et que l’on ne se lève pas un dimanche matin, on ne traverse pas la région parisienne, on ne fait même pas 100 mètres pour aller dans une église si on n’a pas une soif de quelque chose de neuf qui pourrait venir de Dieu. Le déplacement est déjà une prière, signe d’une conversion qui a soif d’être guérie comme le dit le prophète Osée.
Nous sommes ici pour ça, en donnant la part belle à la réflexion, comme le propose le prophète dans les derniers mots de son livre, nous appelant à appliquer notre attention et notre intelligence à ces choses (14:9). Car si la réflexion n’est pas tout, elle est une des portes d’entrées essentielles pour changer un peu de trajectoire, pour se convertir d’une belle façon.
D’accord, monsieur le prophète Osée, nous allons essayer de regarder un peu ce que tu nous dis de la conversion dans la conclusion de ton livre, et y cueillir ce qui nous conviendra.
Il présente deux formes de conversions, une qui est de l’ordre de la repentance morale et l’autre qui est de l’ordre de l’amour et du dialogue.
Osée commence par cet appel :
Israël, reviens jusqu’à l’Éternel, ton Dieu,
car tu es tombé par ton iniquité. (14:1)
Ce texte nous propose de mettre de l’ordre dans notre vie, car si nous ne le faisons pas ça crée des problèmes, nous faisons du mal aux autres et à nous-mêmes, au monde. Nous attristons Dieu aussi, mais ça, c’est moins grave, à la limite, car il a les reins solides, et il réagit en espérant nous aider à guérir par l’amour, nous dit ce prophète.
Cette première conversion, motivée par les conséquences de nos actes, est assez naturelle. Même les animaux le font. Nous cherchons ce qui améliore notre condition de vie et à éviter ce qui pose problème. Au moins pour cela, nous pouvons essayer de travailler sur la qualité morale de notre vie.
Voilà pour la motivation que propose Osée pour cette première dimension de conversion que l’on pourrait appeler la repentance, si l’on veut. Et comme moyen, il nous propose d’aller « jusqu’à l’Éternel ton Dieu » dans cette espérance d’améliorer ensemble notre fonctionnement. Ce n’est pas demain la veille que nous arriverons à ce niveau de perfection morale, bien sûr. Que veut donc dire le prophète ? Deux choses qui sont en même temps vraies, et ce double sens est classique dans la théologie chrétienne où Christ est à la fois l’alpha et l’oméga. L’Éternel est à la fois l’acteur et le but de cette conversion.
L’Éternel est le Dieu qui est en train de créer l’humain, bon an mal an. Et sans créateur plus grand que l’humain, l’homme a un mal fou à se changer lui-même, c’est notre expérience commune.
L’Éternel est aussi le but, un idéal moral inatteignable, mais précisément, c’est une façon de nous donner un idéal sans nous culpabiliser. Bien des religions et des sociétés sont au contraire basées sur une idée de jugement, de performance, il faudrait un certain niveau moral ou spirituel pour être digne du salut de Dieu. Ici, puisque le niveau demandé est infini, personne ne peut nous en vouloir de ne pas être à la hauteur, nous sommes tous du même côté de la barre, Dieu seul est de l’autre côté et nous sommes tous saints ou alors personne ne le serait. Tout est une question d’espérance.
Le prophète Osée ne nous dit pas de revenir aux paroles de la Bible, aux listes d’interdits et de commandements que donnent par exemple le Lévitique ou l’apôtre Paul, mais le prophète Osée, en conclusion, nous dit que le mieux c’est d’aller « jusqu’à Dieu ». Que tout Israël, toute l’humanité, et donc chacun, puisse être en ligne directe avec son Dieu. Car à la toute fin du livre, c’est à la 2e personne du singulier que le prophète s’adresse à nous en disant :
Que celui qui est sage prenne garde à ces choses !
Que celui qui est intelligent les comprenne !
Car les voies de l’Éternel sont droites
et les justes y marcheront (Osée 14:9)
Cette attention s’enrichit de l’expérience des autres par la Bible, la discussion, la philosophie mais c’est cœur à cœur avec Dieu que le fidèle découvre son juste chemin et reçoit les forces qui lui manquent pour avancer.
Mais Osée a raison, bien sûr, quand il ne dit pas : toi, homme, change de comportement, mais qu’il interpelle le peuple tout entier : « Israël reviens jusqu’à l’Éternel ton Dieu ». Progresser sur le plan de notre comportement moral n’est pas une question seulement individuelle mais collective, pour bien des raisons :
D’abord parce que le juste comportement n’est pas une chose qui se décrète dans l’abstrait mais en fonction de ce que sont les autres autour de nous. Notre conversion morale est une relation aux autres plus évoluée, plus inspirée.
Cette conversion est collective, aussi parce qu’il est impossible de se faire soi-même tout seul. Nous avons eu besoin des autres quand nous étions enfants, et aujourd’hui, comme le dit Jésus, c’est dans la mesure où nous acceptons un peu d’être comme un enfant que nous pourrons changer en mieux (Mt 19:14).
Nous avons une vision bien trop individualiste de la conversion, du progrès moral et du salut. Peut-être que cela nous vient d’une lecture trop rapide de l’Évangile du Christ qui insiste tellement sur l’importance ultime de chaque individu. Mais il est aussi le Christ qui nous attache les uns aux autres, en un seul corps. Et nous, trop souvent, nous avons une morale individualiste.
Par exemple, il est courant dans notre société de considérer que tant que l’on ne fait pas de mal aux autres, on peut faire ce que l’on veut, cela ne regarde personne. Mais si l’on considère l’humanité comme un corps, ce n’est pas le cas.
Car la façon d’être plus ou moins constructive ou erratique de chacun influe sur son entourage. Nous ne pouvons pas être tout à fait une personne différente dans notre travail, dans nos loisirs créatifs ou hédonistes, à la maison, et avec nos parents… Et donc, notre façon de vivre, même dans l’intimité la plus stricte, influe sur notre façon d’être, sur nos pensées, sur notre philosophie de vie, sur notre théologie. Et donc sur notre entourage.
Inversement, si quelqu’un a du prix à nos yeux, et que cette personne semble, selon notre conscience, filer du mauvais coton, même si elle est libre et consciente de ce qu’elle fait, nous ne pouvons pas penser que cela ne nous concerne pas. Mais souvent, tant que les choses injustes ne nous font pas de mal directement, nous considérons que ce ne sont pas nos oignons. Le vrai respect de l’autre n’est pas dans le fait de s’en laver les mains, de détourner les yeux comme si de rien était.
Les dysfonctionnements les plus privés ne sont peut-être pas comme une bombe qui explose mais ils sont comme un poison lent, tordant un peu le mal en quelque chose d’acceptable. En les assumant, ils émoussent notre sensibilité, notre idéal, notre justice. La Bible hébraïque compare cela à une lèpre qui se transmet à tout le peuple.
Alors que faire ? Nous avons déjà du mal à enlever la poutre qui est dans notre œil, comment parler d’enlever celle qui est dans l’œil du voisin ? Il n’y a pas de recette toute prête. Nous avons peut-être à jouer un rôle pour aider, d’une certaine façon, ou peut-être pas. Cela demande un respect de l’autre et une sagesse… digne de Jésus-Christ. À défaut, cela demande de l’humilité.
Et cette humilité s’exprime bien dans la recherche du secours de l’Éternel, d’aller même, nous dit le prophète « jusqu’à l’Éternel ».
Comment saurons-nous que dans cette recherche, nous avons été « jusqu’à l’Éternel notre Dieu » ? Nous savons que Dieu a été là quand nous sentons que nous avons progressé, un peu comme ces arbres dont parle le prophète ensuite (14:5-7), que nous ressentons une qualité d’amour ou une force que nous n’avions pas avant. Le prophète en parle par images poétiques : le signe de ce contact est parfois comme une fleur de joie qui s’est épanouie un instant, ou c’est le fait nous avons pu jeter comme une racine nouvelle, une racine de prière jetée vers le ciel ! Ou comme le sentiment de notre dignité, que nous en vallons la peine, que nous sommes comme un olivier, source de salut pour d’autres, à notre mesure, à notre façon… Alors, parfois nous saurons que faire, que dire pour que tous ensemble nous progressions un peu, et vivions mieux tous ensemble.
Après cette première conversion, assez pragmatique, Osée nous invite à une autre forme de conversion, complémentaire :
Il ne s’agit plus de chercher à s’améliorer de peur des conséquences négatives, mais par amour :
Prenez avec vous des paroles,
et tournez-vous vers l’Éternel (14:2)
Là, il ne s’agit plus seulement de comportement moral, ni de progresser par crainte des catastrophes. Mais la motivation pour cette orientation nouvelle vient du fond de notre être et est dirigée vers une réalité qui nous était inconnue et qui demeure inatteignable. Mais qu’importe, dans cette conversion-là il ne s’agit pas d’aller jusqu’au contact de Dieu mais seulement « de nous tourner vers l’Éternel », nous pouvons le faire en étant très très loin de Dieu par la théologie, par le doute, par la colère et par les actes… le prophète nous suggère juste de prendre avec nous quelques paroles que nous adresserons à Dieu, comme un début de prière, avant même de pouvoir l’entendre de nos propres oreilles, remplaçant la parole du prophète. C’est de Dieu que nous recevrons alors la confiance qu’il finira par guérir notre conversion, la notre personnellement et celle de ce grand corps qu’est l’humanité.
Prenez avec vous des paroles,
et tournez-vous vers l’Éternel, et dites-lui :
Tu relèves tout ce qui est tordu,
veuilles prendre le bien, le saisir. (14:2)
Cette prière de conversion comprend donc deux phrases, ou deux chapitres, si l’on veut :
Le prophète Osée nous tranquillise, la question avec l’Éternel n’est pas de payer pour nos fautes avec des sacrifices, évidemment, mais d’aller, avec Dieu et grâce à Dieu, au bout de notre développement vers la paix, la paix en nous, la paix entre nous et la paix avec lui.
L’action de Dieu pour nous changer est donc douce, c’est de l’ostéopathie pour redresser ce qui est tordu dans le monde et en nous. Il ne s’agit pas de nous amputer, ni d’arracher des démons de notre corps, de notre âme, mais juste de remettre en place quelques petits trucs qui ont été froissés, ou qui sont mal grandis, ou qui ont poussé dans tous les sens. Il nous rend capables, dit le prophète de nous détourner de quelques idolâtries que sont la compromission, et l’illusion que nous pourrons nous en sortir par la violence, et aussi l’illusion de pouvoir nous sauver par notre seule technique. Orphelins de ces fausses espérances nous pouvons alors recevoir la vie de lui qui nous aime comme une mère aime son nourrisson (14:3). Et tout le bien qui nous habite est libéré. Nous pouvons découvrir que nos désirs étaient bons, ils étaient juste mal orientés, parfois, que notre personnalité est bonne, et qu’il y a tant de chose encore qui est bon en nous et que nous n’avions pas encore découvert, prends-le, Éternel et donne-lui vie.
Et donc, Dieu travaille en nous et dans l’humanité sur ce qui est malade, il donne vie à ce qui est bien en nous. Et le reste ? Le reste que l’on ne peut pas changer et qui nous constitue quand même, notre corps avec ses caractéristiques, notre personnalité, notre culture qui vaut ce qu’elle vaut, nos souvenirs dont ceux dont nous nous passerions bien, et tant d’autres choses qui nous constituent ? Avec lui, nous apprendrons à faire avec, car c’est nous aussi. Le prophète nous compare alors à un terrain sur lequel Dieu fait pousser toute sortes d’arbres. Cette deuxième dimension de la conversion, celle de l’amour, n’est pas seulement le fait de se réorienter comme dans la dimension morale de la conversion. Ce n’est pas simplement un savoir, ni de progresser sur le plan moral, ou dans notre espérance. Cette conversion nous ouvre sur une dimension supplémentaire, une verticalité, un élan vers le haut et même un nouvel enracinement, dans le ciel.
Alors, ce que nous sommes est ce qu’il est, mais il devient l’humus qui reçoit une rosée qui libérera de multiples graines enfouies. C’est mystérieux, la rosée, elle vient de nulle part, comme d’une autre dimension, et pourtant elle peut faire fleurir le désert et faire pousser des arbres.
Et la terre l’ignorait, la terre aride ne pouvait imaginer cet élan vers le haut du cyprès, ni le parfum de la fleur, ni la racine jetée comme une prière. Une joie alors inconnue.
Amen
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(Le prophète exhorte : )
Israël, reviens jusqu’à l’Éternel,
ton Dieu,
car tu es tombé par ton iniquité.
2 Prenez avec vous des paroles,
et tournez-vous vers l’Éternel, et dites-lui :
Tu relèves tout ce qui est tordu,
veuilles prendre le bien.
Nous toucherons au but (shalom),
non par des sacrifices de taureaux,
mais par nos lèvres.
(Le peuple répond :)
3 Assour ne nous sauvera pas,
nous ne monterons pas sur des chevaux (de guerre),
et nous ne dirons plus « nos dieux »
à l’ouvrage de nos mains !
Car c’est en toi que l’orphelin
a l’amour qui donne vie.
(L’Éternel promet : )
4 Je guérirai leur conversion,
je les aimerai de bon cœur
car ma colère s’est convertie,
détournée de chacun.
5 Je serai comme la rosée pour Israël,
Il fleurira comme une fleur de joie,
Et il lancera des racines comme l’arbre à encens (lebanon).
6 Ses rameaux se mettront en route;
Il aura une dignité comme celle de l’olivier,
Et un parfum comme celui de l’encens.
(Le prophète exhorte : )
7 Ils se convertiront,
ceux qui habitent à son ombre,
et ils feront vivre le blé,
et ils fleuriront comme la vigne;
son souvenir sera comme le vin du Liban.
8 Ephraïm (dit :)
Qu’ai-je à faire encore avec les idoles?
(l’Éternel répond :)
Moi, je lui ai répondu et rendu heureux,
Moi, je suis comme un cyprès vert,
C’est de moi que ton fruit sera révélé.
[Épilogue]
9 Que celui qui est sage prenne garde à ces choses!
Que celui qui est intelligent les comprenne!
Car les voies de l’Éternel sont droites;
Les justes y marcheront,
Mais les rebelles y tomberont.
Traduction Marc Pernot