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Heureux les artisans de Paix

(Mathieu 5:1-10)

(écouter, écouter le culte, imprimer la feuille)

3 décembre 2023
célébration interreligieuse au temple de Cologny
prédication du pasteur Marc Pernot

Avec ces mots « Heureux les artisans de paix», Jésus cherche, bien entendu, à nous encourager à agir concrètement en faveur de la paix. Cet appel de Jésus tranche avec une pensée magique. La paix, si je puis dire, ne tombe pas du ciel, en tout cas pas comme un cadeau livré par le père Noël à travers la cheminée du monde. C’est vrai que c’est un peu fatiguant, mais faire la paix est comme faire du bon pain, il ne suffit pas de prier « donne nous notre pain », il faut pétrir, ce qui demande une belle énergie, laisser lever, pétrir encore, faire du feu et cuire lentement.

Artisan de paix

Jésus remarque que : « les artisans de paix seront appelés enfants de Dieu . » La première question est de laisser Dieu nous engendrer comme artisan de paix.

C’est vraiment un don de Dieu que nous soyons capables d’être artisan de paix. Ensuite, c’est à nous de nous exercer à ce métier, car dans la compétence de tout bon artisan, il y a 10% de talent et 90% de travail. Il n’y a pas de solution magique...

Cette traduction « artisan de paix» pour rendre le grec εἰρηνοποιός (eirènopoios) est bonne, elle laisse supposer un travail à la main, petit à petit, avec art et passion. Nous sommes appelés à exercer ce métier.

Les deux autres mots de cette phrase sont dans le grec des évangiles mais font directement référence à des notions hébraïques essentielles (je parle donc sous le contrôle du rabbin).

La paix (shalom)

« La paix» שָׁלוֹם (shalom) en hébreu n’est pas seulement une absence de trouble, comme pourrait l’être le vide ou une grosse sieste. La paix est une construction aboutie, c’est une harmonie dans les différentes dimensions de notre être et de nos relations. C’est pourquoi la paix demande un travail d’art et de construction. C’est pourquoi ce n’est pas seulement « l’artisan de paix » au singulier qui est heureux, mais « les artisans de paix » au pluriel, car même en ce qui concerne notre paix intérieure nous ne pouvons la construire tout seul.

Le bonheur d’être en marche, en relation

« Heureux» : אֶשֶׁר (èshèr) en hébreu veut dire « être heureux » mais, bizarrement, cette racine veut dire aussi « le pas» que nous faisons pour avancer(Psaume 17:5). La promesse n’est donc pas seulement d’être un bonheur béat mais d’avancer d’un pas sur cette terre en direction de la paix. Cela suggère que la paix est toujours devant nous, toujours à construire dans un mouvement pas à pas.

Enfin, ce mot אֲשֶׁר (ashèr) est un des mots les plus courants en hébreu, utilisé pas moins de 4800 fois dans la Bible : c’est le pronom relatif. Notre promesse de bonheur s’inscrit dans le fait d’être dans une vraie relation avec les choses et les êtres autour de nous.

Comment faire la paix, alors ?

L’Évangile nous enseigne par la parole et tout autant par le récit. Nous entendons ici un enseignement, et nous voyons une action se dérouler : « Jésus voit les foules, monte sur la montagne, s’assied, les personnes vont vers lui, et enfin il prend la parole . »

Nous voyons vivre ici un humain, un artisan de paix :

1. « Voyant les foules» : première étape pour faire la paix : regarder l’autre, ou plutôt les autres, et même LES foules, dans la diversité des personnes et des groupes constitués. Regarder est le début du respect : c’est reconnaître que l’autre existe et qu’il n’est pas moi, qu’il est spécifique, à découvrir.

2. « Il monte sur la montagne» : après cette observation, il prend de la hauteur. Rien que le fait de découvrir un autre dans son étrangeté nous grandit déjà. Nous nous élevons aussi sur la montagne par la réflexion et la prière : en rendant grâce à Dieu pour l’existence de l’autre, en demandant à Dieu de faire quelque chose de bon de mes pensées et de mes sentiments envers l’autre.

3. « Jésus s'assied» il prend alors un temps de maturation, les grecs appellent ce temps l’ ἐποχή (épokhè). C’est le temps de l’étude et de la réflexion, du tournage de langue 7 fois dans notre bouche plutôt que d’envoyer, sous le coup de l’émotion, un message ou pire.

4. « Alors ils vinrent à lui, ceux qui l’écoutent» : la démarche de Jésus est communicative. Se voyant reconnues et voyant Jésus s’élever : ces personnes s’élèvent à leur tour, à leur façon, et le rejoignent en hauteur. En même temps, on ne peut forcer l’autre, et il faut être deux pour faire la paix, ce qui ne nous empêche pas d’avancer, nous.

5. « Alors, et alors seulement il prit la parole » pour dire son point de vue.

C’est ainsi que Dieu nous donne le bonheur d’être artisans et artisanes de Paix. Notre monde a tellement hâte de nous voir à l’œuvre.

Dieu nous aide et nous bénit.

Amen.

Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.

Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot

Textes Bibliques

Mathieu 5:1-10

1Voyant les foules, Jésus monta sur la montagne, il s'assit, et ses disciples vinrent à lui. 2Puis il prit la parole et se mit à les instruire :

3Heureux les pauvres en Esprit, car le royaume des cieux est à eux !

4Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés !

5Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre !

6Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés !

7Heureux ceux qui sont compatissants, car ils obtiendront compassion !

8Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu !

9Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu !

10Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux !