(Jean 15:9-17, 16 :20-22 ; 2 Corinthiens 7 :4-11 ; Psaume 126)
(écouter l'enregistrement) (voir la vidéo ci-dessous)
Culte du dimanche 1er mai 2011
prédication du pasteur Marc Pernot
La Bible et en particulier les Évangiles parlent souvent de la joie d’une façon paradoxale. Par exemple dans ce passage bien connu appelé les « béatitudes » où Jésus dit « heureux ceux qui pleurent » (Matthieu 5) plutôt que de dire heureux ceux qui sont consolés, mais je pense surtout à cet épisode où Jésus annonce qu’il nous donne la joie profonde qui est la sienne, alors qu’il est dans le plus triste et le plus difficile moment de sa vie (Jean 15 :9-17). La joie dont parle Jésus fait ainsi bon ménage, si je puis dire, avec une certaine tristesse.
Quelle est cette joie, quelle est cette tristesse ?
La Bible parle souvent de la joie. Il y a les joies spirituelles, bien entendu, mais pas seulement. Il y a une quantité de bonnes joies dans cette vie. La joie de la libération hors de l’esclavage en Égypte et la joie du retour des exilés peuvent évoquer pour nous la joie de la libération de nos situations de détresse physique, morale, relationnelle ou spirituelle. Les chants de victoire peuvent être relus comme la joie d’avoir pu avancer d’un pas, d’avoir repris un peu de force, ou d’avoir amélioré une situation, ou progressé un peu. Il y a de vraies occasions de bonne joie dans les progrès que nous pouvons faire, nous-mêmes ou quelqu’un que nous aimons. Il y a une plus grande joie encore quand nous avons participé, ne serait-ce qu’un peu à un progrès, nous avons alors été comme un ange portant quelque chose de cette dynamique de vie qu’est Dieu.
Il y a aussi la joie due à la simple présence de Dieu, même quand il n'a pas besoin d'intervenir pour nous tirer d'un mauvais pas, même en dehors de tout progrès. C’est juste la joie de se sentir connu et pourtant accepté, aimé, accompagné. Nous ne sommes pas seuls et c’est une joie profonde, c’est une expérience fondatrice pour celui qui a la chance de sentir cette joie-là.
Et il y a aussi les joies de l'existence, ces joies si petites que je serais tenté de les appeler seulement des petits plaisirs, mais la Bible n'est pas du genre à les mépriser, bien au contraire, ces joies là. Les grandes comme les petites joies sont des bénédictions de Dieu. Et donc, même si j'en avais eu envie, je ne vous ferai pas le coup de vous dire : « réjouissez-vous dans le Seigneur » et dans le Seigneur seulement, trouvez votre joie dans la seule vie spirituelle et détournez-vous des joies de ce monde. Non, le Dieu de la Bible aime la vie. Les joies, même les joies simples, peuvent être accueillies comme des bénédictions de Dieu. Elles doivent même être accueillies, car ce n’est pas digne de jeter à la tête d’une personne qui nous aime le cadeau qu’il nous fait.
Dans l’Évangile, la joie a encore plus de place que dans le reste de la Bible, non pas en quantité mais en qualité. C'est-à-dire que le mot « joie » n'est pas si fréquent que ça, mais c'est toujours à un moment vraiment important de la vie de Jésus que l'on nous dit que les disciples ont de la joie : les bergers qui accueillent la naissance de Jésus, mais aussi à Pâques et à l'Ascension quand les disciples découvrent que le Christ est présent autrement à leur côté. Il y aura aussi la joie des disciples à la Pentecôte quand l'Esprit Saint qui les fera membres d'un corps dont le Christ est la tête. Toujours, cette joie des disciples dit la venue de Dieu dans notre existence pour la ressusciter.
Dans la bouche de Jésus, la joie met en valeur le point clé de son Évangile :
Les premières paroles qu'il donne sont les béatitudes, 8 promesses de bonheur. (Matthieu 5)
Il parle de la joie dans le ciel quand un seul pécheur progresse un peu. (Luc 15)
Et dans ses dernières paroles, juste avant d'être arrêté, Jésus promet la joie parfaite. (Jean 15:11, 16:20, 17:13)
Cela fait que, pratiquement, la joie a plus d'importance dans la Bible que la notion de vie éternelle ! Il est donc juste que l'apôtre Paul nous commande de nous réjouir sans cesse. (1 Thessaloniciens 5:16)
Et pourtant, sommes-nous vraiment joyeux ? Oui, et non, évidemment. Comment pourrions-nous rire au chevet d'un malade, d'un mourant, comment pourrions-nous être joyeux alors que nos frères et sœurs meurent de faim, crient sous les tortures, quand des enfants sont maltraités et des grands-parents abandonnés ? Comment pourrions-nous rire quand nos proches souffrent, quand untel a perdu son emploi, quand une amie a du soucis pour sa santé… Même si nous avons la joie d'être sauvés, nous n'avons pas toujours le cœur à rire, je le reconnais. Et c’est juste.
Comme les exilés dans le Psaume 137 :
Sur les bords des fleuves de Babylone,
Nous étions assis et nous pleurions,
en nous souvenant de Sion.
Aux saules, nous avions suspendu nos harpes.
Là, nos vainqueurs nous demandaient des chants,
Et nos oppresseurs de la joie:
Chantez-nous quelques-uns des cantiques de Sion!
Comment chanterions-nous les cantiques de l’Eternel
Sur une terre étrangère?
Il paraît que Nietzsche reprochait aux chrétiens de ne pas avoir des têtes de gens sauvés mais plutôt des têtes d'enterrement. Ce reproche est cruel et injuste. Si nous ressemblions à des gens qui éclatent de joie et qui dansent la farandole, là, oui, on pourrait nous reprocher des choses graves : de nous moquer de la souffrance du monde, de vivre dans une bulle de confort spirituel qui nous aveugle sur nos propres turpitudes et sur les misères de ce monde où nous sommes et qui nous est confié.
Ce n’est pas de cette joie-là que parle l’Evangile, bien entendu. Et Jésus, quand il est en train d’essayer de transmettre au monde son Évangile, quand il essaye de le dire et de le montrer à des apôtres qu’il a sélectionnés entre tous et qui pourtant ne comprennent pas grand-chose, Jésus n’a pas le cœur à rigoler.
Je voudrais donc, dans un certain sens, parler de la joie dont parle Jésus ici, et en même temps, faire l’éloge de la tristesse et de la gravité.
Dans la gravité, dans le sérieux, il y a du respect, un respect pour la vie, pour cette incroyable profondeur ; il y a une espérance au-delà des injustices et des souffrances de ce monde. Et il y a une tristesse féconde.
Le projet de l’Évangile, c’est de vivre en vérité, c’est de vivre la vie avec sincérité, de la vivre debout, de la vivre les yeux ouverts, le cœur ouvert, l’intelligence ouverte. Ce chemin ne fait pas l’économie des émotions, comme Jésus de Nazareth le fait, à travers le jardin de Gethsémané, à travers la souffrance de ceux qu’il croise, les malades, dans leur corps ou d’une autre façon, Jésus vit avec émotion la trahison de ses proches, et même sur la croix dans le sentiment d’être abandonné même de Dieu.
J’oserai donc faire un éloge de la tristesse.
Mais pas de n’importe quelle tristesse. L’apôtre Paul, dans sa lettre aux Corinthiens, n’oppose pas la tristesse à la joie, il oppose deux sortes de tristesses, une « tristesse selon le monde » qui produit la mort et une « tristesse selon Dieu » qui met en mouvement vers la vie.
La tristesse selon le monde est le manque de joie. L’objectif de l’homme, souvent, comme de l’animal, c’est d’être joyeux, heureux, de ne pas avoir de problème. Cet espoir est légitime, évidemment, car nous préférons tous ne pas souffrir, nous préférons tous un bon repas à de la nourriture dégoûtante, nous préférons être en bonne santé, nous préférons être entouré de ceux que nous aimons et de les voir eux-mêmes heureux et en forme, nous préférons avoir une foi vivante, une intelligence qui tourne à plein rendement… Il y a donc une tristesse, et parfois même une détresse dans le manque de joie. Paul le sait bien. Il est, nous dit-il affligé de toute sorte : « luttes au-dehors, craintes au-dedans », avec la maladie, les arrestations, les naufrages, les luttes dans l’église, même !
Donc, oui, il y a une mauvaise tristesse, qui non seulement fait mal, mais encore fait du mal. Une tristesse qui est désespoir, abattement.
Paul nous dit qu’il y a aussi une tristesse selon Dieu, une tristesse qui, au contraire, nous rend plus vivants :
« Cette tristesse selon Dieu, nous dit Paul,
quel empressement n’a-t-elle pas produit en vous !
Quelle soutien, quelle indignation,
quelle implication personnelle,
quel désir ardent, quel zèle,
quel retournement de situation ! »
Cette tristesse-là, nous dit Paul, on ne la regrette pas. Car elle est comme un moteur pour notre cheminement, elle nous fait sentir qu’un progrès est non seulement souhaitable mais qu’il est possible. Elle creuse notre soif de mieux comprendre, de mieux aimer, notre soif de trouver le geste qui fera avancer les choses, la parole qui va sonner juste. Dans cette soif, il peut y avoir une mobilisation de nos qualités propres, et une ouverture à Dieu. Il est, nous dit Paul, consolation pour ceux qui sont abattus. Cette consolation est intérieure, par l’Esprit, mais pas seulement, cette consolation passe aussi par un ami, Tite, qui va vers Paul, et qui lui apporte quelques bonnes nouvelles, et cette bonne nouvelle c’est que les Corinthiens, enfin, sont vivants et veulent avancer.
La tristesse de Paul est convertie en tristesse selon Dieu. Quel soutien il ressent alors ! C’est aussi une indignation contre ce qui ne va pas, une indignation qui n’est pas contre certaines personnes mais contre certains comportements, contre certaines situations. Une sainte tristesse qui est peut-être une repentance, des regrets, mais surtout une conversion, une réorientation du regard, un désir d’avancer. Une tristesse selon Dieu qui ouvre à un cheminement.
L’Évangile du Christ nous ouvre à de surprenants retournements de situation.
Nous pouvons donc, dans un certain sens, nous réconcilier avec la tristesse. Il y a le risque de la refouler, d’en avoir honte comme d’une maladie et de l’enfouir sous des distractions, l’enfouir sous des Alléluia tonitruants avec plein de tambourins et de rires. Alors qu’une saine tristesse existe, elle consiste à ressentir en vérité, elle est de vivre la vie, elle est de compatir et de s’indigner de ce qui ne va pas. Et dans cet élan même, il y a de la joie, comme le dit ici l’apôtre Paul qui est « comblé de joie au milieu même de toutes ses afflictions ». Il y a la joie profonde, la joie complète dont nous parle Jésus et qu’il nous promet. Cette tristesse est comme la joie de la femme qui accouche qu’évoquait James Woody dimanche dernier pour Pâques. Car la joie la plus profonde n’est pas l’absence de tristesse, mais la joie est d’être vivant, cette joie est d’être en mouvement, d’être en chemin ne serait-ce qu’un peu, même si ce n’est que d’un pas, même si ce n’est que d’un changement de regard. Alors nous accouchons d’une nouvelle vie, d’un nouveau monde un peu plus beau, un peu plus vrai.
Cet appel de Paul à vivre la « tristesse selon Dieu » c’est une exhortation à ne pas se tromper de tristesse. C’est aussi une exhortation à vivre notre existence en profondeur et pas seulement à la surface de la vie, un appel à la vivre avec un noble empressement, avec un ardent désir, avec de nobles indignations… comme le dit Paul avec son langage fleuri.
Mais tout cela est trop moral encore, et par là-même hors de notre portée dans les situations où nous aurions le plus besoin de convertir notre tristesse. Ce n’est pas seulement ça. Vivre la tristesse selon Dieu c’est un désir d’être engendré par Dieu, qu’il soit lui, Dieu, la femme enceinte, si nous n’en avons pas la force nous-mêmes, et que Dieu accouche d’un nous-mêmes qui aura un nouveau rapport au monde, un nouveau rapport au bien et au mal qui existent dans ce monde et en nous. Dieu est comme une femme qui nous accouche, il ressuscite nos tristesses, nos Gethsémanée, nos Golgotha. Il ramène ce qui en nous était exilé, perdu, il nous aide à espérer de nouveaux retours car tout n’est pas encore sauvé.
Parfois, Dieu est comme un semeur, nous dit le psalmiste, un semeur qui sème dans les larmes. C’est peut-être parce qu’il a su voir des gens qu’il aime souffrir de la faim qu’il s’est mis à semer, ou parce que le sac est trop lourd qu’il sème à la fois dans les larmes mais aussi dans la joie de faire un geste d’espérance et d’amour et déjà, il marche avec joie.
Jésus nous promet la joie profonde qui accomplit la tristesse, il sait de quoi il parle. L’ouverture qui permet ce retournement de situation, c’est de se recentrer sur l’amour dont nous avons été aimé, et l’amour dont nous sommes aimé aujourd’hui, et l’amour que nous pouvons avoir. Y puiser une espérance possible, comme un zèle ardent de vivre et d’avoir, si ce n’est encore un premier geste, au moins une indignation.
Amen.
Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot.
Jésus dit : Comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés. Demeurez dans mon amour. 10 Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, de même que j’ai gardé les commandements de mon Père, et que je demeure dans son amour.
11 Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite.
12 C’est ici mon commandement: Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés.13 Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. 14 Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande. 15 Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j’ai appris de mon Père. 16 Ce n’est pas vous qui m’avez choisi; mais moi, je vous ai choisis, et je vous ai établis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure, afin que ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne.
17 Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres….
16:20 En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira: vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie.
21 La femme, lorsqu’elle enfante, éprouve de la tristesse, parce que son heure est venue; mais, lorsqu’elle a donné le jour à l’enfant, elle ne se souvient plus de la souffrance, à cause de la joie qu’elle a de ce qu’un homme est né dans le monde.
22 Vous donc aussi, vous êtes maintenant dans la tristesse; mais je vous reverrai, et votre coeur se réjouira, et nul ne vous ravira votre joie.
J’ai une grande confiance en vous,
j’ai tout sujet de me glorifier de vous;
je suis rempli de consolation,
je suis comblé de joie au milieu de toutes nos afflictions.
5 Car, depuis notre arrivée en Macédoine, notre chair n’eut aucun repos; nous étions affligés de toute manière: luttes au-dehors, craintes au-dedans.
6 Mais Dieu, qui console ceux qui sont abattus, nous a consolés par l’arrivée de Tite, 7 et non seulement par son arrivée, mais encore par la consolation que Tite lui-même ressentait à votre sujet: il nous a raconté votre ardent désir, vos larmes, votre zèle pour moi, en sorte que ma joie a été d’autant plus grande.
8 Quoique je vous aie attristés par ma lettre, je ne m’en repens pas. Et, si je m’en suis repenti -car je vois que cette lettre vous a attristés, bien que momentanément- 9 je m’en réjouis à cette heure, non pas de ce que vous avez été attristés, mais de ce que votre tristesse vous a portés au changement; car vous avez été attristés selon Dieu, afin de ne recevoir de notre part aucun dommage.
10 En effet, la tristesse selon Dieu produit une repentance à salut que l’on a jamais à regretter, tandis que la tristesse du monde produit la mort.
11 Et voici, cette même tristesse selon Dieu,
quel empressement n’a-t-elle pas produit en vous!
Quelle soutien,
quelle indignation,
quelle implication,
quel désir ardent,
quel zèle,
quel retournement de situation !
Psaume des montées.
Quand l’Eternel ramena les captifs de Sion,
Nous étions comme ceux qui font un rêve.
2 Alors notre bouche était remplie de cris de joie,
Et notre langue de chants d’allégresse;
Alors on disait parmi les nations;
L’Eternel a fait pour eux de grandes choses!
3 L’Eternel a fait pour nous de grandes choses;
Nous sommes dans la joie.
4 Ô Eternel, ramène nos captifs,
Comme des ruisseaux dans le midi!
5 Ils sèment avec larmes
Ils moissonnent avec chants d’allégresse.
6 Il va et marche et il pleure en portant le sac de grain,
Il vient avec des cris de joie, portant ses gerbes.