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Donner à Dieu sa divinité
et la recevoir de lui

( Exode 3:1-16 ; Ésaïe 43:1-13 ; 1 Jean 4:7-17 )

Culte , le 5 août 2007
par le pasteur Marc Pernot

Dans ce célèbre texte du buisson-ardent, Moïse passe par 4 différentes relations à Dieu :

La Bible nous propose d'entrer en relation avec Dieu par différentes approches. Nous pouvons avoir une approche mystique, biblique, morale, ou philosophique. Comme souvent, la Bible ne nous enferme pas dans une seule solution, mais elle nous propose de nous enrichir de possibilités alternatives ou complémentaires.

Au départ, Moïse rencontre Dieu, c'est une expérience mystique qui est comme un dialogue, presque un face à face avec Dieu.

On peut se demander ce qui provoque cette rencontre, afin de nous-même y avoir droit. Il arrive que Dieu rende visite pour répondre à la démarche d'une personne qui le cherche. Mais souvent, comme Moïse et ses frères et sœurs, l'homme ne cherche rien d'autre que de vaquer à ses occupations ordinaires, et c'est Dieu qui cherche le contact pour le sauver de cette misère spirituelle et existentielle.

Nous avons dans l'histoire de Moïse, comme dans l'Évangile du Christ, la grâce de Dieu comme point de départ. Dieu ne cherche pas à savoir quelle part de responsabilité les hébreux ont dans leur triste situation. Dieu voit la souffrance de ses enfants, il voit leur misère, et cela suffit. La clé de la rencontre de Moïse avec Dieu c'est vraiment la grâce de Dieu. Il se rend présent à un moment précis, pour une raison précise : nous sauver de ce qui nous empêche d'avancer, de ce qui nous empêche d'être un meilleur nous-mêmes, plus libre, plus créatif, plus aimant et plus heureux.

Nous pouvons facilement reconnaître certaines de nos faiblesses dans la situation des hébreux, qui restaient en Égypte parce que c'était plus simple et que leurs besoins matériels y étaient satisfaits, sans voir plus loin, ni tenir compte de la vocation que Dieu leur adressait. La situation de Moïse est également teintée de détresse et d'idolâtrie, puisqu'on le voit au début de ce texte allant à travers les déserts vers cette montagne qui s'appelle Horeb (ce qui se traduit par “ dévastée par la sécheresse ”), Moïse qui est au service d'un prêtre de Madian, ce qui évoque dans la Bible le péché et le meurtre, la violence contre Dieu et contre les hommes.

Dieu se rend présent pour les sauver, en tant que peuple mais aussi l'homme individuel qu'est Moïse. Il se rend présent sur son chemin, et sur le chemin de chacun de nous.

Peut-être que Dieu s'était déjà 1000 fois placé sur le chemin de Moïse ? En tout cas, ce jour-là, enfin, Moïse se détourne “ pour voir ”, et il verra. La curiosité est essentielle pour avancer, elle permet de se détourner pour voir, elle rend possible un changement, et ici, ce changement est d'abord une rencontre. Le culte du dimanche a ceci d'essentiel qu'il est un détournement de ses propres activités essentielles ou futiles. C'est déjà un détour “ pour voir ”, c'est certainement une démarche féconde.

L'Éternel vit que Moïse se détournait pour voir; et Dieu l'appela du milieu du buisson, et dit : Moïse ! Moïse ! Et il répondit : Me voici !

L'expérience mystique est une relation directe entre Dieu et une personne. Dieu l'appelle par son nom et l’homme répond présent à cette présence personnelle. L'exaucement de la prière, c'est d'abord cela, c'est être devant Dieu et se savoir reconnu, digne d'être, et c'est pouvoir alors, comme Moïse, accepter cette dignité avant même d'avoir rien fait.

Vient ensuite pour Moïse un 2e type de relation à Dieu, qui vient enrichir son expérience mystique d'une dimension supplémentaire. Moïse se rend compte que cette présence spirituelle dont il fait l'expérience... c'est “ le Dieu de son père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob. ” L'expérience d'une relation possible à Dieu est déjà une étape décisive. Mais pour être chrétien, il faut aussi se rendre compte que ce Dieu qui est en nous est le Père dont parle l'Évangile de Jésus-Christ, le Dieu qu'évoque la Bible.

Si nous suivons Moïse dans cette seconde étape de sa relation à Dieu, notre prière est invitée à s'enrichir des témoignages rapportés dans la Bible.

Moïse est alors en mesure d'entrer dans une relation nouvelle avec Dieu, celle d'une alliance, d'un partenariat. Il n'est plus seulement conscient de cette présence qui le reconnaît, mais avec la perspective des alliances racontées dans la Bible, il comprend le projet de salut que Dieu a aujourd'hui pour eux et il comprendra que Dieu l'appelle à y prendre part.

Le cheminement de Moïse se prolonge ensuite dans une quatrième dimension de la relation à Dieu. Moïse se met à faire de la théologie et de la philosophie. Il se pose deux questions :

Ces deux questions sont si essentielles et si intimement liées que bien des personnes font le chemin inverse de celui de Moïse ici, partant de ces questions essentielles pour remonter à l'étude de la Bible et finalement arrivent à discerner la présence de Dieu dans une relation personnelle. D'autres, comme Moïse ici, partent du sentiment de la présence aimante de Dieu pour arriver ensuite à une pensée intelligente, d'autres encore partiront d'une simple lecture de la Bible, d'abord juste “ pour voir ” et se poseront ensuite des questions, ou s'ouvriront à la prière... Chacun a son propre fonctionnement, sa propre histoire, son propre cheminement. Qu'importe la façon dont finalement les pièces s'assemblent, celle de la mystique, celle du lien avec les générations précédentes, celle de l'appel à agir avec Dieu, et celle d'une recherche philosophique et théologique.

C'est dommage quand la foi de quelqu'un est amputée d'une de ces dimensions, voire qu'elle soit réduite à seulement une de ces dimensions, une foi limitée à l'intelligence, ou une foi limitée à la recherche biblique, ou une foi limitée à l'expérience spirituelle, ou à une simple activité même généreuse... dans tous les cas, cette foi est alors comme prisonnière. Pire encore est la situation de la personne qui ne se pose même pas ou même plus de question, et qui jamais ne se détourne “ pour voir ”.

Mais Dieu est source de libération pour l'homme. C'est ce que nous voyons ici, c'est même le message fondamental du livre de l'Exode et c'est donc naturellement la première des 10 paroles du Décalogue : “ Je suis l'Éternel ton Dieu qui t'ai libéré de l'esclavage ”.

Dans cette alliance avec Dieu qui se construit ici, Moïse saisit alors qu'une libération lui est offerte, et qu'il est appelé à devenir libérateur. Il comprend que ce Dieu qu'il ne connaissait alors pas vraiment est “ avec lui ”, et qu'il l'envoie pour être avec ses frères et sœurs.

Cette rencontre culmine alors dans cette phrase célèbre, source de bien des débats, où Dieu dit son nom à Moïse. Trois fois de suite, ici, Dieu va s'appeler lui-même “ Je suis ” :

Depuis le IIIe siècle avant Jésus-Christ jusqu'à nos jours les théologiens juifs et chrétiens se sont réjouis de voir là une convergence avec la philosophie grecque. Dieu est l'Être même, l'Être en soi. Dieu existe, cela vaut donc la peine de se détourner un peu de son chemin “ pour voir ” cette rareté exceptionnelle qu'il est. Dieu existe. Il existe vraiment, même s'il n'existe pas comme un objet existe, ni même au sens où nous existons nous-mêmes. Dieu existe d'une façon unique en son genre, bien entendu, puisque son existence est la seule à être non créée et qu'elle est à l'origine de toute possibilité d'exister.

Mais dans le texte original hébreu, ce nom de Dieu est plus dynamique que l'affirmation que Dieu est l'Être en soi. D'abord parce qu'en hébreu son nom est un verbe qui est à une forme active et à l'inaccompli comme si sa façon d'être était encore et toujours en développement.

Son nom se décline donc ici de trois façons. Il y a au centre du texte le court et énigmatique “ Je suis ”, le plus célèbre, qui a donné le tétragramme YHWH.

Ces deux noms de Dieu “ Je suis avec toi ” et “ Je suis m'a envoyé vers vous... ” conduisent à penser quelque chose d'assez vertigineux. Le propre de Dieu est donc d'aimer et d'envoyer en mission. Par conséquent il n'est vraiment Dieu que quand nous nous laissons aimer par lui et quand nous sommes ses témoins. C'est ce que note un des commentaires les plus sacrés et les plus anciens du judaïsme qui dit “Si vous êtes mes témoins, je suis Dieu, mais si vous n'êtes pas mes témoins, en quelque sorte je ne suis pas Dieu !" (Sifré Devarim 346). Dans le christianisme, Maître Eckhart dit également qu'en ayant l'humilité d'être réceptif aux dons de Dieu, nous donnons à Dieu sa divinité. (Dits N°47) Dans un sens, c'est vrai. Quelque chose d'immense se joue dans notre fidélité à cette réalité essentielle qu'est Dieu car il est la source ultime de ce qui est. Dans une certaine mesure, Dieu, et par conséquent l'univers tout entier, sont suspendus à notre réponse face à l'amour dont Dieu nous aime et à notre choix d'aller ou non ensuite en son nom vers ceux qu'il nous confie personnellement.

Nous sommes appelés ainsi à donner à Dieu sa divinité, mais, quand même, Dieu a toujours eu et il aura toujours au moins ce nom qui est au centre du texte : il s'appelle “ Je suis ”, un nom un peu court mais essentiel qui dit que Dieu a toujours été Dieu même avant que nous soyons, et que jamais il ne se lassera de se placer sur notre chemin pour nous appeler à être.

Et enfin, chose impensable, Dieu nous donne son nom (És. 43:7, Nb. 6:27). Jésus nous montre l'exemple en osant s'appeler lui-même “ Je suis ” (Jn 8:58). C'est par amour, comme à son enfant, que Dieu nous donne le pouvoir de dire enfin, à notre tour et en vérité : “ Je suis ”, il nous en rend capable par le prix que nous avons à ses yeux, par son amour qui chasse la crainte et nous construit... par son amour plus fort que la mort. Il nous donne d'être enfin le sujet du verbe être, et à notre mesure, à notre façon, de donner à être.

Grâces lui soient rendues.

Amen.

 

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Lecture de la Bible

Exode 3:1-16

Moïse faisait paître le troupeau de Jéthro, son beau-père, sacrificateur de Madian; et il mena le troupeau derrière le désert, et vint à la montagne de Dieu, à Horeb. 2 L’ange de l’Eternel lui apparut dans une flamme de feu, au milieu d’un buisson. Moïse regarda; et voici, le buisson était tout en feu, et le buisson ne se consumait point. 3 Moïse dit: Je veux me détourner pour voir quelle est cette grande vision, et pourquoi le buisson ne se consume point. 4 L’Eternel vit qu’il se détournait pour voir; et Dieu l’appela du milieu du buisson, et dit: Moïse! Moïse! Et il répondit: Me voici! 5 Dieu dit: N’approche pas d’ici, ôte tes souliers de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte. 6 Et il ajouta: Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. Moïse se cacha le visage, car il craignait de regarder Dieu. 7 L’Eternel dit: J’ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Egypte, et j’ai entendu les cris que lui font pousser ses oppresseurs, car je connais ses douleurs. 8 Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens, et pour le faire monter de ce pays dans un bon et vaste pays, dans un pays où coulent le lait et le miel, dans les lieux qu’habitent les Cananéens, les Héthiens, les Amoréens, les Phéréziens, les Héviens et les Jébusiens. 9 Voici, les cris d’Israël sont venus jusqu’à moi, et j’ai vu l’oppression que leur font souffrir les Egyptiens. 10 Maintenant, va, je t’enverrai auprès de Pharaon, et tu feras sortir d’Egypte mon peuple, les enfants d’Israël. 11 Moïse dit à Dieu: Qui suis-je, pour aller vers Pharaon, et pour faire sortir d’Egypte les enfants d’Israël? 12 Dieu dit: Je serai avec toi; et ceci sera pour toi le signe que c’est moi qui t’envoie: quand tu auras fait sortir d’Egypte le peuple, vous servirez Dieu sur cette montagne. 13 Moïse dit à Dieu: J’irai donc vers les enfants d’Israël, et je leur dirai: Le Dieu de vos pères m’envoie vers vous. Mais, s’ils me demandent quel est son nom, que leur répondrai-je? 14 Dieu dit à Moïse: Je suis celui qui suis. Et il ajouta: C’est ainsi que tu répondras aux enfants d’Israël: Celui qui s’appelle ‘Je suis’ m’a envoyé vers vous. 15 Dieu dit encore à Moïse: Tu parleras ainsi aux enfants d’Israël: L’Eternel, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, m’envoie vers vous. Voilà mon nom pour l’éternité, voilà mon nom de génération en génération. 16 Va, rassemble les anciens d’Israël, et dis-leur: L’Eternel, le Dieu de vos pères, m’est apparu, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Il a dit: Je vous ai vus, et j’ai vu ce qu’on vous fait en Egypte,

Ésaïe 43:1-13

Ainsi parle maintenant l’Eternel, qui t’a créé, ô Jacob! Celui qui t’a formé, ô Israël! Ne crains rien, car je te rachète, Je t’appelle par ton nom: tu es à moi! 2 Si tu traverses les eaux, je serai avec toi; Et les fleuves, ils ne te submergeront point; Si tu marches dans le feu, tu ne te brûleras pas, Et la flamme ne t’embrasera pas. 3 Car je suis l’Eternel, ton Dieu, Le Saint d’Israël, ton sauveur; Je donne l’Egypte pour ta rançon, L’Ethiopie et Saba à ta place. 4 Parce que tu as du prix à mes yeux, Parce que tu es honoré et que je t’aime, Je donne des hommes à ta place, Et des peuples pour ta vie. 5 Ne crains rien, car je suis avec toi; Je ramènerai de l’orient ta race, Et je te rassemblerai de l’occident. 6 Je dirai au septentrion: Donne! Et au midi: Ne retiens point! Fais venir mes fils des pays lointains, Et mes filles de l’extrémité de la terre, 7 Tous ceux qui s’appellent de mon nom, Et que j’ai créés pour ma gloire, Que j’ai formés et que j’ai faits. 8 Qu’on fasse sortir le peuple aveugle, qui a des yeux, Et les sourds, qui ont des oreilles. 9 Que toutes les nations se rassemblent, Et que les peuples se réunissent. Qui d’entre eux a annoncé ces choses? Lesquels nous ont fait entendre les premières prédictions? Qu’ils produisent leurs témoins et établissent leur droit; Qu’on écoute et qu’on dise: C’est vrai! 10 Vous êtes mes témoins, dit l’Eternel, Vous, et mon serviteur que j’ai choisi, Afin que vous le sachiez, Que vous me croyiez et compreniez que c’est moi: Avant moi il n’a point été formé de Dieu, Et après moi il n’y en aura point. 11 C’est moi, moi qui suis l’Eternel, Et à part moi il n’y a point de sauveur. 12 C’est moi qui ai annoncé, sauvé, prédit, Ce n’est point parmi vous un dieu étranger; Vous êtes mes témoins, dit l’Eternel, C’est moi qui suis Dieu. 13 Je le suis dès le commencement, Et nul ne délivre de ma main; J’agirai: qui s’y opposera?

1 Jean 4:7-17

Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres; car l’amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. 8 Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. 9 L’amour de Dieu a été manifesté envers nous en ce que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. 10 Et cet amour consiste, non point en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’il nous a aimés et a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. 11 Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres. 12 Personne n’a jamais vu Dieu; si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour est parfait en nous. 13 Nous connaissons que nous demeurons en lui, et qu’il demeure en nous, parce qu’il nous a donné de son Esprit. 14 Et nous, nous avons vu et nous attestons que le Père a envoyé le Fils comme Sauveur du monde. 15 Celui qui déclarera publiquement que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu. 16 Et nous, nous avons connu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est amour; et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. 17 Tel il est, tels nous sommes aussi dans ce monde: c’est en cela que l’amour est parfait en nous, afin que nous ayons de l’assurance au jour du jugement.