Genève - Dimanche 16 décembre 2018
prédication du pasteur Marc Pernot
Dans la Bible, le livre de Sophonie est champion du monde des contrastes : la conclusion de son livre est toute joyeuse et douce, avec ce Dieu fou amoureux de nous. Les premiers mots de son petit livre sont absolument terribles : « Je faucherai tout ce qui est sur la terre, — oracle de l’Éternel — je faucherai les humains et les bêtes, je faucherai les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, les causes de chute avec les méchants ». Cela a d’ailleurs inspiré au moyen-âge le fameux et terrible Dies iræ des Requiem ♫ : « Dies Iræ Dies Illa ! » Jour de colère que ce jour-là !
Comment interpréter ce contraste ? Je vous propose trois pistes :
C’est effectivement un grand classique de bien des religions et idéologies pour manipuler les foules. C’est un procédé indigne, à mon avis et qui ne devrait tromper plus personne, à la longue. C’est possible qu’il y ait un peu de cela dans le genre littéraire de la prophétie biblique. Seulement, ce n’est pas ainsi que nous le comprendrons à la lumière de l’Évangile.
comme c’est le cas dans le récit du déluge, et dans le récit où Abraham est prêt à sacrifier son propre fils. Ici encore, Sophonie nous conduit de la peur d’un Dieu terrible à l’incroyable nouvelle qu’en réalité Dieu est fou amoureux de nous, qu’il danse de joie rien qu’en pensant à nous, faisant silence pour mieux nous entendre, qu’il court vers nous et souffle « me voici » (3:19) (« hinéni » en hébreu) : je suis prêt à tout faire pour toi par ce que tu es le sujet de ma joie. Sophonie, en conclusion ne nous ordonne pas de dire à Dieu ce fameux « me voici » de la foi d’Abraham. Au contraire, dans sa conclusion, Sophonie nous dit l’amour fou de Dieu pour nous, même si nous étions jugé coupable, même boiteux, même égaré. De toute façon, nous sommes le sujet de sa joie. L’Évangile du Christ nous appelle à comprendre Dieu ainsi, et donc à lire ainsi la Bible ainsi.
Je pense qu’il y a encore une raison à ce contraste entre la colère et la joie dans ce livre de Sophonie.
Le Cantique des cantiques en parle comme d’un «amour fort comme la mort » (8:6) Ce « dies iræ dies illa » nous renvoie à notre propre expérience existentielle, spirituelle, ou intellectuelle quand nous sommes vraiment attaché à quelque valeur. Par exemple quand nous tenons à la justice et que nous la voyons allègrement bafouée, ou quand nous voyons un gâchis stupide, quand nous voyons une vie blessée, brisée, souffrante : notre amour, comme celui de Dieu, peut ressentir cette brûlure de la déception, ce jour de colère. Et c’est une sainte colère, même si c’est une explosion, une énergie qui serait volontiers destructrice pour nous et autour de nous. Mieux vaut que cette colère se convertisse, comme dans ce livre de Sophonie, en énergie positive. Ce n’est pas évident, puisque par définition la colère est ce qui nous emporte.
Sophonie nous dit ici comment ce Dieu amoureux nous sauve de la colère. Il commence en nous appelant :
Réjouis-toi et triomphe, fille de Jérusalem ! L’Éternel a détourné ton
jugement, écarté ton ennemi,
l’Éternel, est en ton sein ; tu n’as plus rien à craindre.
Ces mots de Sophonie nous invitent à la méditation personnelle. Que creusent en nous ces paroles (3:14-16) ?
Cette méditation proposée par Sophonie devient plus spirituelle, il repart de ce Dieu très intérieur à nous-même (3:17) : Dieu qui m’aime tant que je suis sa joie. Pour l’instant : rien d’autre que ce sentiment intérieur à chercher au fond de notre cœur, nous dit Sophonie. Jésus parle de cette présence de Dieu en nous comme du « paraclet », l’Esprit Saint pour nous soutenir (Jean 14:16).
Une rupture apparaît dans le développement de Sophonie. Il n’est plus question seulement de Dieu à la 3ème personne, Dieu s’exprime maintenant à la 1ère personne : « Je recueille les affligés exclus de la fête... » Le contact se fait. C’est encore un petit peu vague, ce n’est pas encore le toi et moi amoureux, ce n’est plus seulement une méditation où l’affligé travaille sur sa propre espérance, et creuse une attente d’aide de Dieu.
Alors apparaît ce mot si important dans la Bible « hinéni » ( me voici) que Dieu dit à l’affligé de ce texte, les yeux dans les yeux. La Bible ne met jamais ce mot « hinéni » à la légère : c’est une promesse de tout faire pour l’autre. Sophonie ne nous appelle pas à dire nous-même à Dieu « hinéni » : nous le ferons si nous le pouvons et si nous en avons envie. De toute façon, on ne peut pas se forcer dans ce domaine comme dans celui du sentiment amoureux. La seule chose que nous pouvons faire est de prendre la peine d’espérer Dieu, de nous le figurer comme une personne qui nous aime d’un amour si joyeux, si heureux que nous existions.
Si nous ne sentons pas ce Dieu qui nous tutoie de son hinéni, prenons comme hypothèse possible que Dieu est bien ce que dit Sophonie et manifeste Jésus de Nazareth : fou d’amour pour nous, et qu’il travaille déjà pour nous, en nous, autour de nous.
Que nous l’entendions ou non, il nous crie :
Hinéni, me voici : je sauve la boiteuse,
et la pourchassée je la rassemble !
Ça c’est pour nous, les éclopés de la foi, les désespérés qui n’arrivent pas à s’en sortir, les exilés de la joie, quand nous nous sentons abandonnés.
Dieu n’est pas toujours si spectaculaire qu’on l’imagine, il apparait parfois seulement comme un petit frémissement de cœur ou de cerveau qui commence à danser, ou qui espère pouvoir un jour être aidé à se réjouir. Ce « hinnéni » j’agis pour toi : c’est Dieu en nous rien que pour nous. Et sa première aide consiste à ne pas nous sentir seul, en effet, très vite le texte passe du « je travaille pour toi » au « je travaille pour vous », je ferai de vous un nom et une louange, je rétablis vos situations. On ne se sauve pas tout seul.
Louange à toi, mon Dieu, notre Dieu. Amen.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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14 Réjouis-toi, fille de Sion !
Lance des acclamations, Israël !
Réjouis-toi et triomphe de tout cœur, fille de Jérusalem !
15 L’Éternel a retourné le jugement qui pesait sur toi
il a écarté ton ennemi ;
l’Éternel, roi d'Israël est en ton sein ;
tu n’as plus rien à craindre.
16 En ce jour, on dit à Jérusalem :
N'aie pas peur, Sion,
Que tes mains ne faiblissent pas !
17 L’Éternel, ton Dieu, en ton sein,
est un héros qui te sauve ;
il est dans l’allégresse car tu es sa joie
il fait silence par amour pour toi ;
il jubile à propos de toi, explosant de joie.
18 Je recueille les affligés exclus de la fête,
loin de toi, ils étaient un poids, une insulte sur elle (Sion).
19 Me voici !
Agissant contre tous ceux qui te maltraitent, en ce jour ;
Et je sauve la boiteuse
et la pourchassée je la rassemble,
Je ferai d'eux une louange et un nom
sur toute la terre de leur honte.
20 En ce temps, je vous ramène,
en ce temps, je vous rassemble ;
car je fais de vous un nom et une louange
parmi tous les peuples de la terre,
lorsque sous vos yeux, je rétablis vos situations.
Voilà ce qu’a dit l’Éternel.