Culte du "Jeudi Saint" 17 avril 2014
prédication du pasteur Marc Pernot
Pourquoi donc est-ce que Jésus organise ce repas ?
Pour dire au revoir à ses amis, comme lors d’un pot de départ à la retraite ? Oui, il y a quelque chose de cette ambiance-là, je pense, dans ce dernier repas que Jésus prend avec ses disciples, et c’est normal car, comme il est écrit dans l’Évangile selon Jean, ce n’est pas seulement, ou ce n’est plus un rapport de maître à disciple que Jésus a finalement avec eux, mais un rapport d’ami à ami. Et donc oui, il y a des adieux à faire, et de la tristesse dans cette soirée racontée dans cette page de l’Évangile, avec ce dernier repas, avec la demande de Jésus d’être accompagné de loin dans sa prière pleine de douleur, de doutes mais aussi de confiance en Dieu.
Mais ce repas qu’organise Jésus n’est pas seulement, il n’est même pas d’abord un pot d’adieu. Le texte nous dit que ce repas est la Pâque. Ce n’est pas contradictoire avec l’idée d’un repas d’amitié, mais ce repas a aussi, et probablement même d’abord, un sens religieux qu’il faut aller chercher dans les origines de cette fête juive, décrite dans la Torah.
Mais Jésus n’est pas du genre à pratiquer de la religion pour la religion. Il définit bien son rapport à la religion dans cette formule géniale & tranchante face à ceux qui lui reprochent d’être trop libéral dans sa façon de suivre les lois religieuses « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat ! » (Marc 2:27). Si c’est vrai pour le Sabbat qui est le principal acte religieux, présent jusque dans le Décalogue, c’est encore plus vrai pour les autres rites. Jésus nous donne ainsi son mode d'emploi du rite religieux. C’est quelque chose de très concret, de pragmatique : les rites, les cultes, les prières et les fêtes sont des exercices en vue du développement de l'humain, et non le lieu ultime de la vie humaine, ce ne sont pas des actes qui sont nécessaires en eux-mêmes, ni pour satisfaire Dieu, ni pour gagner des bons points auprès de lui.
Ce repas de Jésus, présenté explicitement comme un acte religieux, est donc « pour l’homme », pour le développement spirituel et existentiel de chacune et chacun, pour le développement de l’humanité aussi.
L’agneau sacrifié pour le jour de la Pâque est un agneau qui n’est pas mangé tout seul dans son coin, mais qui est mangé en famille, un agneau qui est partagé avec les familles pauvres afin que chacun ait ce qu’il lui faut à manger (Exode 12 :4). En accompagnement, il y a du pain sans levain et des herbes amères, ce qui constitue un menu simple, mais gourmand, équilibré et complet. Même si le pain sans levain exprime la condition d’esclave et l’urgence de partir, même si la salade évoque l’amertume de notre situation en ce monde, ces dimensions difficiles sont transformées par l’agneau rôti et mangé avec les autres, il évoque la force que Dieu nous invite à prendre ensemble pour nous mettre en route dans un cheminement vers cette belle et bonne vie que Dieu veut pour nous.
Ce repas que Jésus prend avec ses disciples, et auquel nous sommes invités, ce repas a pour but de prendre des forces ensemble, sans oublier personne. Un repas qui fait mémoire des injustices, de nos pauvretés, de nos esclavages, de l’amertume de traverser des choses parfois difficiles, cruelles ou injustes (et la situation de Jésus l’est vraiment). Ce repas est pour prendre son avenir en main d’une belle façon, avec courage et confiance. Dans la simplicité, dans la liberté de chacun, dans la communion avec les autres, même de celui qui dit non et à qui on signifie qu’il compte. Un repas qui nous appelle à prendre conscience que c’est aujourd’hui qu’il faut nous mettre en route, et en vitesse (Exode 12 :112).
Que l’agneau immolé, le pain et les herbes soient ainsi mangés au repas de Pâques, cela tranche avec d’autre fêtes et d’autre repas dont il est question dans la Bible. Par exemple les sacrifices de Caïn et Abel (Genèse 4) : « Caïn fit à l’Eternel une offrande des fruits de la terre; 4 et Abel, de son côté, en fit une des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse. L’Eternel porta un regard favorable sur Abel et sur son offrande; 5 mais il ne porta pas un regard favorable sur Caïn et sur son offrande. Caïn fut très irrité, et son visage fut abattu. » On le comprend. Car ici, l’offrande consiste à s’attirer les bonnes grâce de Dieu, un Dieu que l’on suppose être sensible à la corruption, alors on compte sur ses bénédictions en lui offrant des prières, des rites, des sacrifices pour s’attirer ses faveurs.
L’agneau, les produits agricoles sont un repas offert à Dieu. C’est le sens de l’holocauste où tout est sacrifié, rien n’est mangé par l’homme. Dans cette théologie, chacun offre à Dieu alors un échantillon de ce qu’il aime et espère. Abel offre le plus beau des agneaux pour demander à Dieu un beau troupeau en bonne santé, et que toute la famille soit bénie. Caïn offre un pourcentage de ses légumes, de son pain et de ses herbes, dans l’espérance de belles et bonnes récoltes l’an prochain et que toute la famille soit bénie.
Mais l’on voit dans ce texte que ça ne marche pas si simplement que ça. Caïn est déçu que son offrande n’ait pas rendu le bénéfice escompté. C’est vrai que ceux qui sont dans cette théologie du donnant-donnant avec Dieu ont à peu près comme dans cette histoire une chance sur deux d’être déçus. Combien de personnes sont éprouvées dans leur foi, et même perdent la foi, ne se considérant pas comme exaucées comme elles l’espéraient bien qu’ayant offert à Dieu bien des efforts, des sacrifices, la dîme de leur revenu, des prières hyper ferventes, pleine de foi, d’espérance et d’amour, pleine de confiance que Dieu bénira… et sont déçues de ne pas être récompensées en trouvant l’homme ou la femme de leur vie, déçus de ne pas guérir de leurs maladies, de ne pas trouver un logement, ni même parfois de pain, ni de salade et encore moins de l’agneau.
Parce que ça ne marche pas comme ça. Dieu ne fonctionne pas comme une boutique, il n’attend pas de sacrifices pour nous pardonner, nous bénir et nous aimer. Et si nous avons des malheurs, ce n’est pas faute que Dieu fasse tout ce qui est en son pouvoir pour que chacun ait la vie en abondance.
Caïn et Abel offraient un repas à Dieu, c’est à lui qu’ils offraient l’agneau immolé, la farine pétrie à l’huile et la salade de roquette amère. Au contraire, lors du repas de la Pâque, ce sont les hommes et les femmes, c’est nous qui mangeons le repas, l’agneau, le pain et les herbes avec la bénédiction de Dieu.
Caïn et Abel offraient chacun un sacrifice pour son propre compte à soi tout seul, chacun, finalement, dans le petit commerce de sa religion, donnant à Dieu sa louange en retour des bénédictions passées et offrant son sacrifice en espérant des bénédictions futures.
Au contraire la place de Dieu, là, dans ce repas de Pâque n’est pas celle d’un Dieu qu’il faudrait nourrir, acheter à coup de sacrifices, mais celle d’un Dieu qui nous aime avant même que nous l’ayons aimé, un Dieu qui est déjà entièrement mobilisé pour nous sauver. Un Dieu qui nous ouvre les yeux sur nos propres richesses, et qui nous promet d’en faire des miracles dans notre existence. Pour cela, il nous invite à mobiliser nos propres ressources présentes non pour les sacrifier, mais pour les manger ensemble selon ce que chacun a besoin, à les investir dans la force de se mettre en route, les investir aussi dans de la solidarité, parce que c’est seulement tous ensemble que nous pourrons être sauvés par Dieu.
Il nous appelle à nous rassembler dans une salle haute, nous rassembler dans une certaine élévation de notre attente, de notre espérance, de notre écoute et de notre réflexion.
Jésus nous invite ensuite à rendre grâce à Dieu, après avoir tout préparé c’est une façon de lui permettre de faire des miracles de résurrection et de vie, au-delà de la simple élévation et solidarité humaines. Tout étant ainsi préparé, et les ressources, et les personnes, et l’appel à Dieu, nous sommes invités à manger. Et prendre ainsi des forces. Donner et prendre ainsi ce qu’il y a de délicieux et de ce qu’il y a de nourrissant dans ce que nous avons et dans ce que nous sommes, à l’image de cet agneau rôti (bien rôti, précise le livre de l’Exode, et surtout pas bouilli… 1-0 pour la gastronomie française face à l’anglaise, désolé). Nous sommes invités à donner et à prendre aussi les herbes amères, ce qui rend amère notre vie ou celle de nos frères et sœurs. Nous sommes invités à manger notre pain quotidien, le pain sans levain, cuit en vitesse dans la plus grande simplicité, dans la conscience de l’urgence qu’il y a à nous mettre en route aujourd’hui.
Le sens même du repas de Pâque, c’est que Dieu fera le reste, il fera des miracles de libération, libération de la mort, libération de tous ces pharaons qui sans cesse nous empêchent d’avancer pour vivre enfin notre propre vie, ces interdits qui nous empêchent de rendre grâce à notre Dieu en toute liberté et sincérité.
Ce repas est un rassemblement de toutes nos forces, qui sont bien plus grandes que nous ne le pensions, nous pourrons alors avancer un pas après l’autre, avec l’aide et l’éclairage de Dieu, il fera des miracles pour nous permettre le franchissement des obstacles, à travers mers, déserts et fleuves, à travers même nos regrets, nos déceptions et notre amertume.
Ce repas de Pâque est une préparation pour vivre une purification dans une traversée du pardon de Dieu, pardon offert bien évidemment sans avoir à payer le prix du sang car il aime d’amour vrai même le pécheur que nous sommes. Et parce qu’il nous aime, il nous aide à nous laver de ce qui nous encombre.
Par rapport à la théologie du repas offert à Dieu pour acheter ses bénédictions à coups de sacrifices, le repas de la Pâque nous invite à une autre théologie, celle d’un Dieu qui transcende ce que nous sommes et lui donne vie. Un Dieu qui n’a pas besoin d’être acheté en quoi que ce soit pour chercher à nous sauver. Un Dieu qui sauve chacun individuellement, mais aussi avec les autres, en nous unissant en un corps.
Mais, lors de ce dernier repas, Jésus nous invite à aller encore plus loin dans l’évolution de notre relation à Dieu.
Dans notre conception du repas religieux, nous avons quitté l’autel du sacrifice offert à Dieu pour acheter son pardon et ses bénédictions, nous sommes arrivés au repas du type auberge espagnole, ce repas où chacun offre son bout de pain, sa feuille de salade et sa tranche de gigot sur la table d’hôte, bénie par Dieu.
Après avoir partagé ce repas de la Pâque, le Christ nous invite carrément à un autre repas, celui de l’hôtel en pension complète, il n’y a qu’à venir, tels que nous sommes, même sans rien apporter, sans argent, sans rien à payer (Ésaïe 55:1) et à glisser les pieds sous la table. À l’image du pain de la manne, de l’eau et des cailles dont Dieu nourrissait les hébreux dans le désert pour donner à ces pécheurs, à ces râleurs impénitents, la force et le moral pour cheminer vers la vie. Nous sommes alors aux antipodes de ce Dieu qui a soif de sacrifices pour accepter de pardonner et de sauver, nous sommes passés pleinement d’une religion du marchandage à celle de la grâce.
Mais en Christ, le menu de la pension complète offert par Dieu n’est pas de la manne, de l’eau et des cailles. Les hébreux ont pu avancer grâce à ce menu offert par Dieu, et cette nourriture nous permet aussi d’avancer dans notre existence, c’est ce que permet la religion vécue dans la grâce, l’interprétation personnelle de la Bible, la prière, le culte… Mais, comme il est écrit dans l’Évangile selon Jean (chapitre 6), les hébreux ont bien cheminés, mais ils ont fini par mourir quand même. La nourriture que Dieu nous offre en Christ est d’un autre ordre encore, elle donne la vie éternelle.
Et cette nourriture, c’est le corps et le sang du Christ. Les disciples de Jésus ne sont pas idiots, ils comprennent que ces paroles ne sont pas à prendre au pied de la lettre, mais que ces « paroles sont Esprit et vie. » (Jean 6:63). Ils le comprennent si bien qu’ils ne sautent pas sur Jésus pour lui mordre le bras ou lui trancher les veines pour boire son sang.
Et pourtant oui, par l’Esprit, Jésus, le Christ est vraiment une nourriture, un pain quotidien qui donne la vie éternelle. Et cette nourriture, nous sommes invités à la prendre chaque fois que nous mangeons une bouchée de pain, une feuille de salade, une tranche de viande.
Amen.Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot.
Le premier jour des pains sans levain, où l’on immolait la Pâque, les disciples de Jésus lui dirent: Où veux-tu que nous allions préparer afin que tu manges la Pâque ?
13 Et il envoya deux de ses disciples, et leur dit: Allez à la ville, un homme viendra à votre rencontre, portant une cruche d’eau, suivez-le. 14 Là où il entrera, dites au maître de la maison: Le maître dit : Où est mon local où je mangerai la Pâque avec mes disciples? 15 Et il vous montrera une grande chambre haute, meublée et toute prête: c’est là que vous nous préparerez la Pâque.
16 Les disciples partirent, arrivèrent à la ville, et trouvèrent les choses comme il le leur avait dit; et ils préparèrent la Pâque.
17 Le soir étant venu, il arriva avec les douze. 18 Pendant qu’ils étaient à table et qu’ils mangeaient, Jésus dit : Amen, je vous le dis, l’un de vous, qui mange avec moi, me livrera. 19 Ils commencèrent à s’attrister, et à lui dire, un par un : N’est-ce pas moi ? 20 Il leur répondit: C’est l’un des douze, qui met avec moi la main dans le plat. 21 En effet, le Fils de l’homme s’en va selon ce qui est écrit de lui, mais pauvre homme celui par qui le Fils de l’homme est livré! Mieux vaudrait pour cet homme qu’il ne soit pas né.
22 Pendant qu’ils mangeaient, Jésus prit du pain; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le leur donna, en disant: Prenez, ceci est mon corps. 23 Il prit ensuite une coupe; et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, et ils en burent tous. 24 Et il leur dit: Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui est répandu pour la multitude. 25 Je vous le dis en vérité, je ne boirai plus jamais du fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai nouveau dans le royaume de Dieu.
26 Après avoir chanté les psaumes, ils se rendirent à la montagne des Oliviers. 27 Jésus leur dit: Vous serez tous scandalisés; car il est écrit: Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées. 28 Mais, après que je serai réveillé, je vous précéderai en Galilée.
29 Pierre lui dit: Quand tous seraient scandalisés, je ne serai pas scandalisé. 30 Et Jésus lui dit: Je te le dis en vérité, toi, aujourd’hui, cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, tu me renieras trois fois. 31 Mais Pierre reprit plus fortement: Quand il me faudrait mourir avec toi, je ne te renierai pas. Et tous dirent la même chose.
… suite demain …
L’Eternel dit à Moïse et à Aaron dans le pays d’Egypte: 2 Ce mois-ci sera pour vous le premier des mois; il sera pour vous le premier des mois de l’année.
3 Parlez à toute l’assemblée d’Israël, et dites: Le dixième jour de ce mois, on prendra un agneau pour chaque famille, un agneau pour chaque maison. 4 Si la maison est trop peu nombreuse pour un agneau, on le prendra avec son plus proche voisin, selon le nombre des personnes; vous compterez pour cet agneau d’après ce que chacun peut manger. 5 Ce sera un agneau sans défaut, mâle, âgé d’un an; vous pourrez prendre un agneau ou un chevreau. 6 Vous le garderez jusqu’au quatorzième jour de ce mois; et toute l’assemblée d’Israël l’immolera entre les deux soirs.
7 On prendra de son sang, et on en mettra sur les deux poteaux et sur le linteau de la porte des maisons où on le mangera.
8 Cette même nuit, on en mangera la chair, rôtie au feu; on la mangera avec des pains sans levain et des herbes amères. 9 Vous ne le mangerez point à demi cuit et bouilli dans l’eau; mais il sera rôti au feu, avec la tête, les jambes et l’intérieur. 10 Vous n’en laisserez rien jusqu’au matin; et, s’il en reste quelque chose le matin, vous le brûlerez au feu.
11 Quand vous le mangerez, vous aurez mis votre ceinture à la taille, vos souliers aux pieds, et votre bâton à la main; et vous le mangerez en vitesse. C’est la Pâque de l’Eternel.
Traduction NEG