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Collègues de Dieu

(1 Corinthiens 3:5-16)

(écouter l'enregistrement - voir la vidéo ci-dessous)

Culte du dimanche 29 mars 2015
prédication du pasteur Marc Pernot

Quand un passage de la Bible est ambigu, quand il est bizarre, nous avons envie de passer en vitesse et de lire un peu plus loin un texte qui nous parle mieux. On a le droit, bien sûr. Mais ici, dans les études bibliques et dans les prédications, nous sommes ensemble pour pousser un peu nos limites, comme ces hommes et ces femmes qui transpirent pour soulever de la fonte dans la salle de sport voisine. Ce n’est pas pour se faire du mal mais afin d’être plus en forme, de muscler leur cœur, de libérer leurs mouvements, et de vivre mieux et plus longtemps.

Nous voici donc ce matin dans cette salle d’exercice spirituelle qu’est cette église. Et nous sommes bien. Bonne ambiance, appareils de musculation bien huilés. Il n’y a plus qu’à... prendre notre souffle, choisir un exercice, et produire notre effort, à notre rythme, sans trop forcer quand même. Comme le dit l’apôtre Paul, « chacun recevra sa propre récompense en fonction de son propre effort »(v.8). La vie est comme ça. Malgré toute la bonne volonté du Conseil presbytéral et de vos pasteurs, personne ne peut lire la Bible à la place d’un autre, personne ne peut se creuser la tête, ni prier à la place d’un autre, ni ouvrir son cœur, ni affiner sa théologie, sa façon d’être et d’espérer.

Chacun avancera selon les efforts qu’il fournira. C’est pourquoi, dans cette église, nous ne nous ménageons pas. Mais attention, c’est comme pour l’exercice physique : juste un peu d’effort est parfait pour progresser, mais si l’on fait trop d’effort on s’abîme. Sentez donc votre foi et avancez à votre rythme en prenant ce qui vous convient d’exercices collectifs et d’exercices spirituels en privé. Dieu ne demande rien de plus, rien de mieux.

Pour ce matin, petit entraînement pour ce mettre en forme, de bon dimanche matin à la fraîche : je vous propose ce texte de la 1ère lettre aux Corinthiens. Comme souvent chez cet entraîneur exigeant qu’est Paul, l’effort est au rendez-vous. Il a l’air de nous dire, dans ce texte, à peu près tout et son contraire à la fois. Sympa.

Un salaire ou au contraire un don de Dieu ?

D’un côté, Paul nous dit ainsi que nous sommes récompensés selon nos efforts, d’un autre côté il nous dit que tout est un don de Dieu, d’un troisième côté il nous encourage à cultiver la foi des autres par des plantations et de l’arrosage.

Il faudrait savoir.

C’est que tout cela est vrai en même temps. Chacun de ces 3 trois vecteurs de la foi sont à reconnaître et à valoriser :

Un impossible don ?

Mais comment est-ce possible de donner la foi aux autres alors que c’est quelque chose de si personnel ? Ce serait comme vouloir donner à quelqu’un d’aimer, ou d’être libre, d’espérer ou d’être heureux...

Il faudrait être Dieu, pour ça. Et encore, même Dieu ne peut pas nous forcer dans ces façons d’être si fondamentales. Il arrive pourtant à nous rendre capable de ces qualités, et parfois même de nous en donner l’envie. Il faudrait donc être Dieu pour donner un peu la foi à un autre. Paul, ici, nous dit que nous le sommes presque, Dieu. En même temps, Paul nous dit que nous ne sommes rien, que Dieu et Dieu seul « est ».

Être rien et être Dieu ?

Autre énigme, autre paradoxe, pour penser l’articulation entre Dieu, les autres, et chacun de nous.

Paul parle de planter et d’arroser. Ce sont typiquement des actions divines. Avec par exemple la Genèse où nous voyons Dieu planter le jardin d’Éden, la moitié des paraboles de Jésus montrent Dieu en train de semer, de planter des arbres et des vignes. Nous avons dans l’action de planter typiquement l’action créatrice car elle ajoute au monde présent une nouveauté vivante.

La douce pluie, la rosée, une source ou des eaux paisibles qui arrosent les cultures sont des images parmi les plus classiques de la bénédiction de Dieu dans la Bible. Nous avons dans l’idée d’arroser l’idée d’accompagnement pour mettre en valeur ce qu’il y a de meilleur dans ce qui existe déjà. Des graines enfouies et de maigres arbrisseaux pourront se révéler et s’épanouir. C’est typique de l’action de Dieu pour nous permettre de nous développer, de vivre et de vivre de la plus belle des façons.

Planter un arbre et l’arroser évoquent donc des actions divines. Nous avons là 2 rapports que nous pouvons avoir avec les autres pour leur apporter la vie, et en particulier la foi, comme Dieu le fait. Et pourtant, nous dit Paul, nous ne sommes rien, celui qui est quelque chose, c’est celui qui fait grandir, Dieu.

Cela nous apporte à la fois une humilité et une confiance qui donne de l’audace. Planter une graine d’arbre est un geste tout simple et à la portée d’à peu près n’importe qui, c’est un véritable acte créateur et pourtant, par rapport au miracle qu’est la vie dans la plante, ce n’est rien. Quelle force et quel génie dans ces cellules, dans leur programmation, leur vitalité, leur capacité à répondre à la lumière croissante du printemps, dans la beauté des lignes d’un arbre et de la nervure des feuilles. Par rapport à cela, l’acte de planter est tout simple, il est à notre portée et nous dépassant infiniment. Il est décisif.

Mais comment planter dans le domaine de la foi ? C’est l’avantage de parler au figuré, cela dit quelque chose tout en nous laissant libre de l’interpréter en fonction des circonstances et de notre inspiration. Planter un arbre, c’est insérer une nouveauté vivante dans le paysage. Qu’est-ce que cela peut être dans le domaine de la foi ? Quel geste, quelle parole, quelle attitude plantera un arbre de foi ? Soyons créatifs & amoureux de cette belle nature qu’est l’humain.

Comment sommes-nous « un »

Paul nous dit que « le planteur et l’arroseur sont un », c’est à dire sont porteur d’une dimension divine, ce que l’apôtre Paul répète d’une autre façon plus loin en disant : « vous êtes le temple de Dieu, et l’Esprit de Dieu habite en vous ».

Cela peut être compris de deux façons différentes.

Ce n’est pas seulement une question abstraite, mais nous avons là 2 visions différentes de la famille, de l’église et de l’humanité.

Alors qui a raison ? Que veut dire Paul ? C’est un professionnel de la rhétorique, quand il est ambigu ce n’est par maladresse, bien au contraire. C’est pour nous inviter à penser les deux solutions ensemble et à les conjuguer.

Sur cette question du caractère divin que Dieu donne à l’humain, nous retrouvons souvent cette ambiguïté entre le collectif et l’individuel. Par exemple quand Jésus dit « le règne de Dieu, c’est à dire sa puissance de résurrection et de vie, est au milieu de vous » (Luc 17:21) cela signifie à la fois « au dedans de chacun de vous », mais aussi « au milieu de vous tous » : au cœur de votre union fraternelle. Autre exemple, dans le récit de la Pentecôte, quand le groupe des disciples reçoit l’Esprit Saint, ils le reçoivent en même temps mais il est donné individuellement à chacun, et il est ensuite donné à une famille entière, ou à une personne isolée.

Nous sommes donc à la fois, chacune et chacun individuellement « collègue de Dieu » en binôme avec lui, et nous sommes aussi invités à constituer des groupes de collègues qui seront au service de Dieu.

Chacun est « saint » individuellement, nous dit Paul, chacun ayant une vocation personnelle, mais il y a aussi des vocations de groupe. C’est ainsi que dans un couple, par exemple, chacun a son charisme particulier qui doit s’exprimer, chacun à une prière intime, une foi personnelle, une vocation. Mais le couple a aussi son charisme et sa vocation en tant que couple. L’Esprit de Dieu est à la fois en chacun des deux conjoints et dans le couple. Il y a ainsi trois vocations dans un couple, il y a trois temples de l’Esprit, et chacun des trois devrait vraiment être sacré pour nous. C’est la même chose dans une famille, chaque membre est temple de l’Esprit et a une vocation, le baptême d’Octave signifie précisément cela. Et c’est avec joie nous l’arroserons pour qu’il puisse développer et exprimer sa vocation personnelle. En même temps, une famille est plus que la somme de ses membres, et nous sommes témoins qu’ensemble ils ont planté pour nous ce matin un témoignage qui vivifie notre foi.

L’individu, un couple, une famille, une paroisse, l’humanité... plus le nombre de personnes augmente, un simple calcul de combinaisons mathématiques montre qu’il y a un nombre vertigineux de vocations de personnes et de groupes, de temples où souffle l’Esprit. Prodigieux casse-tête de faire « un » avec cette multitude de « uns », multitude de prophètes !

Le dialogue, la responsabilité et la liberté

Paul, vous pensez bien, ne va pas nous laisser en rade sur cette difficulté insurmontable. Il nous dit :

Nous sommes collègues de Dieu.
Vous êtes le jardin de Dieu,
Vous êtes la maison de Dieu. (v.9)

Nous avons ici trois sources d’unité données par Dieu, par son souffle :

Quelle jolie plantation allons-nous faire pour que la foi grandisse ?

Qu’allons nous injecter de neuf pour surprendre nos contemporains ? Il n’y a rien de plus surprenant et de plus neuf qu’un acte de pure grâce, un don par surprise, le don d’une bonne surprise.

Et arrosons tendrement les graines et les petites pousses. Que fleurisse le jardin d’Éden.

Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot.

 

Lecture de la Bible

1 Corinthiens 3:5-17

Qu’est-ce donc qu’Apollos, et qu’est-ce que Paul?
Des serviteurs, par qui vous avez eu la foi, selon que le Seigneur l’a donné à chacun.

6 J’ai planté, Apollos a arrosé, mais Dieu a fait grandir,
7 en sorte que ce n’est pas celui qui plante qui est quelque chose, ni celui qui arrose, mais Dieu qui fait grandir.

8 Celui qui plante et celui qui arrose sont un, et chacun recevra sa propre récompense selon son propre effort.

9 Car nous sommes collègues de Dieu. Vous êtes le jardin de Dieu,
Vous êtes la maison en construction de Dieu.

10 Selon la grâce de Dieu qui m’a été donnée, j’ai posé le fondement comme un sage architecte,
et un autre bâtit dessus.
Mais que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit dessus.

11 En effet, personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, qui est Jésus-Christ.

12 Mais ensuite, si quelqu’un bâtit sur ce fondement avec de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, du chaume, l’œuvre de chacun sera manifestée; 13 car le jour la fera connaître, parce qu’elle se révélera dans le feu, et le feu éprouvera ce qu’est l’œuvre de chacun.
14 Si l’œuvre bâtie par quelqu’un sur le fondement subsiste, il recevra une récompense.
15 Si l’œuvre de quelqu’un est consumée, il perdra sa récompense; pour lui, il sera sauvé, mais comme au travers du feu.

16 Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ?

17 Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira; car le temple de Dieu est saint, et c’est ce que vous êtes.

(cf. Traduction NEG)

 

Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 05:55)

(début de la prédication à 05:55)

film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot