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12 novembre 2023
culte eu temple de Vandœuvres
prédication du pasteur Marc Pernot
Le philosophe Bergson nous propose de reconnaître deux sortes de mémoire :
1) Il y a cette mémoire qui provient d’une habitude, c’est ce qui fait par exemple que les mots et les expressions de notre langue maternelle nous viennent naturellement, de même que boutonner une chemise fait partie des choses que nous avons apprises.
2) Et puis il y a cette autre mémoire qui est celle qui nous permet de nous souvenir de moments d’exception qui tranchent avec la trame de nos habitudes. Cette mémoire peut être puissante et changer notre présent. Pour le meilleur et parfois aussi pour le pire.
Ces deus types de mémoire font partie de ce que nous sommes aujourd’hui, et enrichissent notre personnalité, la rendant encore plus unique.
C’est ce dont il est question dans le texte biblique que nous méditons maintenant : il semble anecdotique avec cette petite virée annuelle du prophète Samuel, mais ce texte nous propose une belle façon d’avancer par un travail sur notre mémoire.
1) Samuel a ses habitudes à Rama, c’est tout simplement son chez lui, nous dit le texte, et Samuel gère en ce lieu les affaires courantes selon sa vocation. C’est son ordinaire, et cela est pour nous une figure de notre propre vie structurée par nos habitudes.
2) Ensuite, il y a cette visite que Samuel rend régulièrement dans trois lieux qui sont pour lui des lieux spéciaux : Béthel, Guilgal et Mitspa. Chacun de ces lieux évoquent la mémoire d’un événement important pour Samuel, et il tient à visiter chacun régulièrement. Cela nous suggère de choisir délibérément de travailler notre souvenir de temps qui ont été importants pour nous. Ce n’est pas du souvenir pour le souvenir, ce serait plutôt comme quand l’agriculteur gardait une partie des meilleures semences de la récolte passée afin d’ensemencer notre champ pour demain.
1) La première mémoire, celle de l’habitude, se travaille par la répétition, et nous permet de développer des compétences utiles. Diego à l’orgue et Carlos au basson nous régalent ce matin comme si c’était tout simple et naturel de jouer comme cela, mais on imagine la somme de travail que cela représente pour que leur instrument devienne un prolongement de leur être et leur permette de s’exprimer comme ils le souhaitent, avec leur personnalité. Nous pouvons sans cesse enrichir nos facultés grâce à ce travail sur la mémoire de nos bonnes habitudes.
2) Quant à l’autre mémoire, le souvenir de moments d’exception qui transcenderont nos habitudes, cela se travaille aussi. Et c’est vraiment un grand bénéfice, cela multiplie le meilleur que nous avons déjà vécu, comme Jésus a multiplié les pains et les poissons.
Dans ce que nous avons vécu d’exceptionnel dans notre vie, il y a eu du bon, de l’excellent, et il y a des moments de notre vie ont été pour nous des blessures. Dans son itinéraire de mémoire, Samuel ne passe que par des lieux positifs du passé. En creux, cela veut dire qu’il choisit de ne pas ressasser les moments négatifs de son histoire, qu’il les écarte de sa source d’inspiration, afin que ce ne soit pas eux qui viennent le déterminer. Cela demande parfois un vrai travail pour que ces mauvais souvenirs soient cantonnés dans notre histoire passée et ne soient pas revécus dans le présent.
Ce que nous propose notre texte c’est d’avancer en choisissant de passer par nos souvenirs positifs les plus importants pour nous : tel moment de notre vie qui a été porteur de bénédiction et de vie, ou qui nous a apporté une certaine jubilation.
C’est pourquoi les grandes étapes de notre vie sont marquées de rites dans toutes les cultures, c’est le fruit d’une expérience, cela prépare notre capacité à en travailler le souvenir. C’est à nous aussi de chercher les autres temps de grâce dans notre vie : ce sont des petites et de grandes choses qui ont compté pour nous. Et pour les chercher, ne négligeons pas notre émotion. À l’occasion du décès d’une personne aimée ou d’une simple photo retrouvée dans un dans un livre, ou d’un sentiment de « déjà-vu », l’émotion peut nous permettre de relever que tel moment de notre histoire a été un moment magique pour nous. Avoir vécu cela nous constitue, c’est un trésor personnel. Cette mémoire peut être visitée comme le fait Samuel, cela intègre à notre être la bénédiction d’un instant.
Ce n’est pas un ressassement permanent que Samuel nous propose, mais de visiter délibérément de précieux souvenirs pour nous, à notre rythme, ni trop ni pas assez fréquemment.
Chacun des lieux évoqués par Samuel est le lieu d’un événement positif. La Bible nous parle de ces événements. Ils ont en commun le fait qu’à chaque fois, le travail du souvenir a été préparé : le bénéficiaire avait consciemment relevé la valeur de ce moment et avait dressé sommairement un mémorial avec quelques pierres où rendre grâce à l’Éternel.
C’est ce que nous pouvons faire dans notre prière quotidienne, ne pas laisser échapper ces moments de bénédiction : relever délibérément que nous avons vécu quelque chose de bon dont nous voulons nous souvenir, et rendre grâce à Dieu. Car notre cerveau ne suffit pas à faire resurgir la vitalité incroyable d’un souvenir important.
Comment faire, en ce qui nous concerne ? Pour tenir lieu de mémorial, certaines personnes pourront être aidée par le soutien d’un objet, un coquillage ramassé, ou le soutien d’un lieu par lequel on passe, comme Samuel. Ce n’est pas obligatoire, l’essentiel me semble être de garder nos souvenirs importants, souvenirs incarnés dans la remémoration d’un instant spécial et d’y associer la bénédiction de Dieu. Les deux : le souvenir bien réel et la louange à Dieu. Car c’est Dieu qui transcende le temps. Ce n’est alors plus seulement le souvenir d’un passé révolu, c’est une étincelle de vie dans le présent, ce qui est infiniment plus qu’un souvenir.
Encore faut-il choisir ces souvenirs les plus importants pour nous afin de pouvoir les chérir, les visiter, les intégrer à notre parcours. Les trois souvenirs de Samuel dont il est question ici sont des exemples type qui peuvent nous aider à rechercher les temps de grâce essentiels dans nos souvenirs.
En hébreu « Béthel» veut dire « la maison de Dieu», ce lieu a été nommé ainsi par Jacob après une expérience spirituelle intense (Genèse 28:16) qui lui fait dire : « Vraiment, l'Éternel est présent et je ne le savais pas, c'est ici la maison de Dieu, c'est ici la porte des cieux ! ». Puis il dresse une pierre afin de rendre un culte à Dieu et d’en garder le souvenir.
Il est bon pour nous de discerner quand nous avons vécu un temps qui est de l’ordre de Béthel, temps où nous nous sommes senti proche de Dieu c’est à dire un temps où nous avons senti que nous touchions à la source de ce qui est essentiel. Nous souvenir de tels instants peut vraiment nous accompagner, nous libérer, nous sachant gardé, accompagné, bénit quoi qu’il arrive.
À nous de discerner les temps de Béthel que nous avons vécus, petits ou bouleversants, ce que nous trouverons, et marquer ce temps comme d’un pierre blanche dans notre mémoire, le visiter de temps en temps dans la louange à Dieu. Consciemment, volontairement.
En hébreu « Guilgal» veut dire « la roue», figurant la force que Dieu a donné au peuple pour passer par-dessus tous les obstacles pour entrer enfin dans la « pays où coule le lait et le miel», ce qui évoque la vie qui nous permet de grandir et de vivre en paix. Josué construit alors un autel fait avec de douze pierres prises par les douze tribus d’Israël au milieu du Jourdain, et y célèbre Dieu (Josué 4:21)
À nous de discerner les temps de Guilgal que nous avons vécus, temps où nous avons pu trouver, ou recevoir la force de passer par dessus de rudes obstacles ; temps où nous avons pu faire équipe avec d’autres. À nous de nous souvenir de ce qui nous a fait grandir, de nous souvenir d’instants de miel où nous nous sommes senti bien. Rendre grâce à Dieu. Et prendre conscience qu’encore une fois nous pourrions bien rouler par-dessus des montagnes, des fleuves et des déserts.
En hébreu « Mitspa» veut dire « la tour de garde», en souvenir de la paix que tissent ensemble Jacob et Laban, en disant « Que l'Éternel veille sur toi et sur moi ». (Genèse 31:49)
Après Béthel qui est la paix avec Dieu, puis Guilgal qui est la paix avec notre vie en ce monde, vient le souvenir des temps où nous avons pu nous accorder avec quelqu’un et faire la paix. Et avoir la force de bénir l’autre même si, comme Jacob et Laban, nous aurons des routes différentes.
C’est ainsi qu’aujourd’hui encore, Dieu a pour nous des bénédictions anciennes et des bénédictions nouvelles. Pour nous et pour ceux qui nous sont chers.
Amen.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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Samuel fut juge (gouverneur) en Israël tous les jours de sa vie.
16Il allait d’année en année chaque fois faire le tour de Béthel, de Guilgal et de Mitspa, et il gouvernait Israël dans tous ces lieux. 17 Et il faisait son retour à Rama car à cet endroit était sa maison. À cet endroit il gouvernait Israël et il bâtit à cet endroit un lieu de prière à l'Éternel.