( Évangile selon Jean 6:15-21 )
(écouter l'enregistrement) (voir la vidéo ci-dessous)
Culte du dimanche 14 février 2010
prédication du pasteur Marc Pernot
L’Évangile nous raconte que Jésus a marché sur l’eau ? Comment prendre cela au sérieux ? Est-ce que c’est un prodige formidable, ou bien est-ce que c’est un symbole ?
Bien des textes présentent des faits historiques : Jésus a existé, il était artisan, il a parlé, il a eu des disciples, il a été exécuté par les romains, etc… Mais il y a aussi des textes qui sont certainement à prendre au sens figuré, par exemple quand l’Évangile nous dit que « Jésus est la lumière du monde » ce n’est pas vrai au sens physique (nous avons toujours besoins de lampes pour nous éclairer le soir) mais c’est vrai au sens figuré : Jésus, son message, sa vie, sa personne nous permettent de voir plus clairement qui est Dieu et comment vivre.
Chacun est libre de se penser si tel ou tel passage est à prendre au sens littéral ou au sens figuré. Est-ce que Jésus a marché sur l’eau sans skis nautiques oui ou non ? Chacun peut avoir sa propre opinion là-dessus.
Mais une chose est certaine c’est que si ce récit est dans l’Évangile, c’est qu’il nous concerne, c’est qu’il parle du salut que Dieu nous donne. Et donc, dans tous les cas, cette histoire est intéressante au sens figuré, comme « un signe », nous dit Jean dans ce même évangile, un signe du salut que Dieu nous donne en Christ.
Voyons donc ce que ce récit nous dit, à nous, aujourd’hui, quel miracle Jésus fera dans notre vie pour nous aider à vivre et à vivre bien…
« Voyant qu’ils allaient s’emparer de lui pour le faire roi,
Jésus se retira sur la montagne, seul,
et le soir venu, les disciples de Jésus descendirent à la mer…»
Les disciples abandonnent Jésus, et décident d'aller vers Capernaüm sans lui. Quelle est donc la situation décrite ici ? C'est une situation d'abandon de la foi. Ce n'est pas qu’ils rejettent vraiment la foi, comme s’ils repoussaient Jésus. Mais simplement il est absent de leur vie, ils lui tournent le dos et l’oublient.
Parfois, ce n’est pas de notre faute si nous perdons la foi, c’est un petit peu comme dans cette histoire où c’est Jésus qui se retire et qui sort de leur vie. C’est alors que les disciples décident de partir et de descendre de la montagne, loin de Dieu et du Christ. C’est vrai qu’il existe des situations où notre foi va mal, sans que ce soit de notre faute. Chacun a des moments plus ou moins difficiles. Comme notre corps attrape une grippe, notre foi peut souffrir d’un refroidissement. Cela a moins de risque d’arriver si nous entretenons notre foi régulièrement, mais quand même, cela peut arriver.
Mais parfois c’est aussi un peu de notre faute si nous perdons la foi. C’est à mon avis ce qui arrive ici. Pourquoi est-ce que le Christ les quitte et disparaît ? Le texte nous dit que c’est parce que la foule voulait faire de Jésus leur roi, et qu’il refuse, parce que le projet de Dieu n’est pas de nous gouverner, mais c’est au contraire de nous permettre de voler de nos propres ailes.
Il y a des personnes qui perdent la foi ainsi, parce qu’elles veulent faire de Dieu ce qu’il n’est pas, ou bien qu’elles attendent de lui des choses qu’il ne fait pas. Par exemple des personnes imaginent Dieu comme un magicien qui peut faire tout ce qu’il veut en un clin d’œil ? C’est faux et il arrive que ces gens perdent la foi, disant « si Dieu existait, il n’y aurait pas tous ces problèmes dans le monde ! » Mais d’où sortent-ils cette idée que Dieu tirerait ainsi toutes les ficelles ? C’est le fruit de l’imagination humaine, du coup, ils attendent Dieu là où il n’est pas et ils sont évidemment déçus.
Que faire pour ne pas perdre la foi ? Il faut l’entretenir, faire un minimum de théologie pour avoir plus de chance de ne pas imaginer n’importe quoi sur Dieu, et puis entretenir sa foi, la nourrir, la soigner, lui donner des vitamines. Mais bon, nous ne sommes pas parfaits, et il arrive que notre foi faiblisse, comme les disciples de Jésus dans cette histoire.
Ici, non seulement les disciples perdent la foi, mais en plus, ils réagissent de travers. Christ a disparu, leur foi s’est évanouie, ils auraient pu le rechercher (comme on peut tout à fait chercher Dieu quand on l’a perdu ou qu’on ne le connaît pas encore…). Les disciples auraient, au moins, pu attendre que le Christ revienne. Mais non, ils s’éloignent encore de lui, ils empirent la situation :
Que cherchent-ils, ces hommes et ces femmes qui ont perdu le Christ, perdu la foi ? Ils veulent à tout prix atteindre Capernaüm. Pour rejoindre ce but, ils abandonnent Jésus, alors qu’un instant avant ils voulaient faire de lui leur roi. Ce qu’ils cherchent à Capernaüm est sans doute essentiel pour eux.
La Bible insiste souvent sur le sens des noms propres (p. ex. Jn 9:7). Le nom de Capernaüm, signifie « la consolation et le pardon ». C'est cela que recherchent les disciples à tout prix : le réconfort, la paix intérieure, le pardon. Cette recherche est légitime, bien sûr, mais ici, ils cherchent à l’atteindre par leurs seules forces, sans Jésus, sans Dieu, et du coup ils s’enfoncent au lieu de s’en sortir. L’humanité est si souvent comme ça.
Les ténèbres s'étaient emparées d'eux,
et Jésus ne les avait pas encore rejoints.
On sent que dans leur angoisse, ils commencent un peu à se désoler de l’absence du Christ, un peu plus, ils reprocheraient à Dieu de les avoir abandonnés ! Mais déjà, on ne peut plus dire que les ténèbres dominent entièrement sur eux, leur petit début d’espérance dans l’aide de Dieu est déjà une étincelle de vie.
Pourtant les choses semblent s’empirer, en tout cas selon leur point de vue : il y avait les ténèbres et la mer qui les domine, il s’y ajoute un vent violent. Pour comprendre ce que cela signifie, il faut se souvenir d’une autre page de la Bible, ce qui est facile ici car c’est la page la plus connue. La mer agitée, les ténèbres et un grand vent c’est exactement ainsi que la Genèse décrit l’univers avant que Dieu agisse pour créer ce qui est bon. « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. La terre était informe et vide; il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'Esprit de Dieu (le vent divin) était au-dessus des eaux. Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut. » (Genèse 1:1-3).
Et donc, dans ce récit de l’Évangile, le vent qui se lève évoque la puissance créatrice de Dieu. Ce vent qui effraye les disciples, c’est Dieu qui est là, qui se rend présent dans ce désastre où ils se sont fourrés, dans leur vie, leurs cœurs agités de tempêtes, de noirceur, de peur et de mort.
Quand nous l’abandonnons, Dieu ne nous abandonne pas. Et il est encore là pour nous secourir, comme une mère pleine de tendresse pour son enfant même quand il est rebelle. Dieu est encore là, mais parce qu’ils ont une mauvaise théologie et parce qu’il vont mal, ils ne savent pas reconnaître Dieu là où il est, à côté deux, ils ne saisissent pas que le salut que Dieu leur apporte dans leur détresse, ce salut est comme un souffle créateur, il est comme une transformation de leur univers. Ils attendaient de la lumière, mais cette lumière ne vient pas comme une lampe que l’on allume à l’extérieur, mais comme une opération qui grefferait des yeux à un aveugle. Ils attendaient la consolation et la paix, mais la joie et la paix véritable ne sont pas offertes à travers des conditions de vie faciles, mais comme un autre rapport aux circonstances de notre propre vie.
Mais peut-être que, quand même, ce souffle de Dieu commence à les animer car le texte nous dit qu’ils commencent « à ramer 25 à 30 stades ». L’Évangile promet à celui qui cherche Dieu qu’il le trouvera. Nous voyons ici que cela peut prendre quelque temps, le temps que Dieu nous fasse évoluer. On peut se dire aussi que ces « 25 à 30 stades », qu’ils devront faire à la force de leurs bras, montrent la nécessité de passer par une certaine pratique de la religion et de la théologie. Oui, c’est utile, comme je vous le disais au début, de tirer sur les rames de la lecture biblique et de la théologie pour apprendre à reconnaître la présence de Dieu à nos côtés et le salut qu’il nous offre.
Même le Christ choisit de prendre une part de son temps précieux pour prier, seul sur la montagne. À moins que nous soyons plus solide spirituellement que le Christ, nous avons besoin de consacrer du temps régulièrement pour ramer un peu pour avancer vers Dieu, ramer en partie tout seul et en partie avec les autres qui sont dans la même barque que nous. Ça aide vraiment.
Ils découvrent alors que Jésus‑Christ, le salut de Dieu, s’avance vers eux. Et oui, c’est un prodige. Normalement ce n’est pas possible de marcher sur l’eau et de faire son chemin dans cette vie qu’évoque ici la mer, une vie toute secouée de chaos et de mort.
La présence du Christ marchant sur la mer évoque le salut de Dieu qui vient même dans nos vies pécheresse, nos vies en révolte contre Dieu. Et ce Jésus qui marche sur l’eau évoque la force que Dieu nous donne pour pouvoir avancer dans la vie vers la consolation et la paix, même au travers de difficultés extrêmes, qui normalement auraient du nous engloutir. Avec Dieu un cheminement est toujours possible.
Étape par étape, ils progressent spirituellement dans leur rapport avec le Christ. Ils seront d’abord capables de sentir le souffle, puis de reconnaître la présence du Christ près d’eux, ils seront ensuite délivrés de leur méfiance vis-à-vis de Dieu, et enfin ils voudront prendre le Christ dans leur barque.
Le texte nous dit qu’« aussitôt qu’ils veulent le prendre dans leur barque, elle aborda au lieu où ils allaient. »
Ils cherchaient le réconfort et le pardon. Cette recherche de consolation n'est pas refusée par le Christ. Au contraire, le but de leur recherche, la solution qu'ils cherchaient sans la reconnaître, c'est le Christ. Mais il fallait probablement ces efforts et ce temps d’évolution intérieure, pour découvrir un peu Dieu et le désirer. Il fallait un temps et un effort de repentance, pour saisir ce qu’il y avait d’orgueil et de folie dans leur démarche toute humaine.
À l’instant où ils veulent faire monter le Christ dans la barque de leur vie, ils arrivent là où ils allaient, nous dit le texte. Ils avaient quitté le Christ pour s’élancer vers le but essentiel de leur vie. Ils découvrent que la solution de leur recherche, c’était le Christ. Le chemin vers la consolation, le chemin vers la Paix : c’est ce salut de Dieu qu’il incarne.
Il avait refusé d’être roi, refusé de les transformer en esclaves, ils découvrent maintenant qu’il est leur liberté et leur épanouissement, pour le meilleur et pour la vie.
Amen.
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Jésus, sachant qu’ils allaient venir l’enlever pour le faire roi, se retira de nouveau sur la montagne pour prier, lui seul.
16 Quand le soir fut venu, ses disciples descendirent au bord de la mer. 17 Etant montés dans une barque, ils traversaient la mer pour se rendre à Capernaüm. Les ténèbres s'emparèrent d'eux, et Jésus ne les avait pas encore rejoints.
18 Il soufflait un grand vent, et la mer était agitée. 19 Après avoir ramé environ vingt-cinq ou trente stades, ils virent Jésus marchant sur la mer et s’approchant de la barque. Et ils eurent peur. 20 Mais Jésus leur dit: C’est moi; n’ayez pas peur!
21 Ils voulaient donc le prendre dans la barque, et aussitôt la barque aborda au lieu où ils allaient.