(écouter, culte entier, imprimer la feuille)
Dimanche 28 août 2022
Culte au temple de Vandœuvres
prédication du pasteur Marc Pernot
P aul est choqué par les Athéniens. Profondément choqué. Quelle va être sa réaction ? Est-ce qu’il va se mettre à injurier tout le monde ? Non, au contraire, il va discuter avec les gens de toute sortes : avec les juifs religieux, avec les croyants non pratiquants (les « craignant Dieu »), et il discute avec les philosophes grecs. Au lieu des les critiquer, il met en valeur ce qu’il trouve d’intéressant dans leur recherche, et leur propose d’avancer encore avec le Christ.
Il faut dire que Paul avait des facilités pour parler avec tout le monde car il a eu une double formation. Il a fait un parcours de philosophe grec au collège, puis il a étudié la Bible et la théologie juive à Jérusalem. Cette double culture est aussi un peu la nôtre puisque notre civilisation est basée sur 2'500 ans de débats passionnants entre la Bible et la pensée grecque.
Alors qu’est-ce qui a choqué Paul à Athènes ? Que ce soit une ville pleine d’idoles, dit-il. Chacun a ses dieux ou sa philosophie : ce n’est pas cela qui choque Paul, mais c’est d’avoir une idée figée de son dieu ou de sa philosophie, comme on se forge une amulette.
Le problème c’est que Dieu n’est pas comme ça, Dieu dépasse infiniment les idées qu’on peut se faire de lui, et en plus il n’est pas immobile, il est vivant et source de vie. Oui, mais nous, les idées simples nous rassurent et nous aimons que nos idées soient bien en place dans leurs petites cases, comme une statue d’un dieu que l’on met dans un coin de notre esprit. C’est rassurant, mais aucune vie ne peut sortir de là. C’est mort.
Pourtant, quand même, dans ce fatras d’idoles, Paul repère dans Athènes un petit temple qui est dédié « au dieu inconnu », littéralement « Théos agnostos » : dieu pour les agnostiques ! C’est infiniment mieux que d’enfermer Dieu dans une chose ou une doctrine. C’est s’intéresser à Dieu et se poser des questions, c’est chercher à le connaître au-delà de ce que l’on croit savoir. C’est ce que nous faisons au culte et dans les groupes de catéchisme. C’est une recherche, un mouvement, une façon d’être.
Oui, mais comment chercher Dieu alors qu’on ne le voit même pas ? Je relève trois pistes dans ce que Paul va vivre ici avec les Athéniens.
En effet, Paul donne comme première définition de Dieu qu’il est créateur de ce monde. Paul nous invite ainsi à étudier l’univers et son évolution, sa genèse. C’est ce que nous appelons aujourd’hui la science.
Il y a là une première recherche essentielle : qu’est-ce qui fait avancer la vie, qu’est-ce qui est source d’évolution, qu’est-ce qui donne du souffle et de la valeur à la vie plutôt qu’au chaos ? L’athée comme le croyant peut mener cette recherche.
Elle est comme une clef essentielle pour notre vie quotidienne et pour l’avenir du monde.
Paul remarque que cette recherche unit les humains puisque nous sommes tous issus de cette même évolution. C’est là un avantage, immense, de rechercher avec les autres ce Dieu inconnu, ce Dieu encore à découvrir (même si les athées ne l’appelleront pas « Dieu », il n’en demeure pas moins que le fait chercher ensemble la source de la vie nous unit).
La foi n’a rien à craindre de la science, bien sûr. Au contraire, elle a amené bien des personnes à Dieu (dont moi-même). Il y a deux jours encore, les scientifiques nous donnaient à entendre pour la première fois le chant d’un trou noir au centre de l’amas de galaxies de Persée, ça éveille notre envie de chercher l’inimaginable source derrière tout cela, de la pressentir et de commencer à l’aimer. (Cf. Romains 1:19-21).
La science a aussi une autre chose à nous apprendre pour la recherche de Dieu. Les scientifiques avancent en débattant entre eux de leurs différentes théories, et ils sont prêt à les réviser dès qu’une théorie cadre mieux avec les observations. En théologie, cette façon de chercher permet d’avancer sans s’enfermer dans un dogme ou une morale.
Paul nous propose une deuxième piste pour chercher Dieu : c’est de le chercher par notre propre expérience directe. Mais comment serait-il possible de découvrir Dieu directement puisqu’il est au-delà des trous noirs et même hors de l’univers ? « Comme à tâtons » nous dit Paul, comme si nous ne pouvions le voir mais pouvions le toucher. Car si Dieu est tout autre, il est néanmoins proche de nous, de chacun de nous.
Comment le chercher « à tâtons » ? C’est si concret que toute personne, athée comme croyante peut le faire : C’est chercher en nous. Se demander : qu’est-ce qui, en vérité, donne un élan à ma vie ? Qu’est-ce qui nous rend meilleur, plus aimant, plus libre ? Qu’est-ce qui nous donne de l’espérance et nous donne envie de nous engager pour faire vivre autour de nous ? Qu’est-ce que est source d’être, c’est-à-dire : qu’est ce qui fait que toute personne est précieuse et digne d’être épanouie?
Chercher la source de cela, chercher au fond de soi avec sincérité, cela : c’est chercher Dieu.
C’est une recherche de Dieu dans notre expérience de la vie courante. Au raz des petites choses de la vie, de nos rencontres, de nos difficultés, de nos joies, de nos forces. Cette recherche c’est celle de Paul dans son cheminement quand il cesse de persécuter les autres pour devenir apôtre. Ce mouvement c’est celui de Moïse qui se pose des questions à propos d’un buisson. C’est ce que Jésus tente de nous faire chercher quand il raconte ses petites histoires mettant en scène un berger, un vigneron, un semeur, une femme préparant du pain, un enfant qui part de la maison, un pêcheur qui répare son filet... Toute la Bible, chacune de ses pages, parle de cette expérience de Dieu au fond de nous, de cette source mystérieuse, inconnue, qui nous donne la vie, le mouvement et l’être.
Voilà déjà deux pistes que nous donne Paul : l’étude de l’évolution du cosmos par la science, premièrement, et deuxièmement la recherche au fond de nous-même.
Paul discute ici avec des philosophes païens dans leur langue. Ce simple fait nous apporte une belle piste pour avancer dans notre recherche et ne pas laisser notre foi s’endormir, s’enfermer dans une pensée figée. À la suite de Paul nous pouvons aller discuter avec des gens qui ne pensent pas comme nous et qui pourtant cherchent la source de la vie, du mouvement et de l’être. Saint-Augustin relève cela et nous encourage à faire de même (Réponse à Cresconius I:11-14) puis il ajoute que cet épisode nous apporte un encouragement à penser notre foi en argumentant et en refusant ce qui ne tient pas debout. C’est vrai que Dieu dépasse ce que nous pouvons en dire mais ce n’est pas une excuse pour dire de lui n’importe quoi non plus.
Paul philosophe donc joyeusement avec ces Athéniens et il découvre qu’ils ne sont pas si mauvais qu’il le pensait en premier lieu. C’est l’avantage de parler avec les gens. Parmi eux, des philosophes s’intéressent à ce qu’il propose de neuf. Certains ont plus de mal à saisir quand Paul parle de résurrection en Christ. Qu’est-ce qui les bloque ? Ils avaient pourtant dans leur littérature l’histoire d’Orphée qui revient du séjour des morts et ils savaient entendre cette histoire au sens figuré. Mais ce n’est pas quelque chose comme cela dont parlait Paul. D’ailleurs ce n’est pas tant la vie de Jésus qui intéresse Paul, ce qui l’intéresse et qui a changé sa vie c’est que, en Christ, Dieu se révèle comme source de nouveauté de vie plus forte que tout. Et que, en Christ, Dieu nous fait à l’image de Dieu (ce qui est infiniment mieux que de nous faire des images de Dieu, des idoles).
Ce n’est pas de la philosophie abstraite. Les philosophies des stoïciens et des épicuriens étaient des philosophies à vivre, et l’Évangile du Christ aussi. À vivre concrètement pour trouver ce que c’est que vivre bien.
Certaines écoles de philosophie avaient une vision des dieux et de l’idéal de la vie humaine comme le fait d’être en paix, d’être « zen », immobile, de n’avoir plus de désirs insatisfaits, plus de changement à vivre, que notre âme soit comme l’eau d’un étang un jour où il n’y a pas un souffle de vent.
Le problème c’est qu’une eau stagnante pourrit très vite. Chercher l’immobilité c’est se tourner vers le néant.
À la suite du Christ, Paul nous dit que la vie est mouvement, elle est un jaillissement de vie nouvelle, à l’image de Dieu. Jésus lui-même étant cheminement, fidélité et vie (nous dit Jean 14:6). Vie plus forte même que la mort. Voilà ce qu’annonce Paul en tant que chrétien vivant sa foi ardemment. Et il le dit aussi en philosophe, car il savait certainement que Platon aussi en était arrivé à penser que Dieu n’est pas comme une bûche plantée là, immobile, mais qu’en lui il y a du mouvement, de la vie, de la pensée (voir les derniers mots de Paul Ricœur dans Histoire et vérité, citant Le Sophiste 248-e).
En Dieu nous recevons la vie, le mouvement et l’être. Dieu est comme enceinte de nous, nous sommes en lui, déjà nous avons la vie, déjà nous sommes en mouvement comme l’embryon dans le ventre, déjà Dieu nous libère de lui pour être : être de sa race, son enfant. Comme lui, être une source (à notre mesure, à notre façon). C’est une vie, une joie et une paix que le monde ne peut donner.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot
Paul à Athènes avait l’âme bouleversée de voir cette ville pleine d’idoles. 17Il adressait donc la parole, dans la synagogue, aux Juifs et aux craignants Dieu, et, chaque jour, sur la place publique, à tout venant.
18 Il y avait des philosophes épicuriens et stoïciens qui s’entretenaient avec lui.
Certains disaient : « Que veut donc dire ce glaneur ? » Et d’autres : « Ce doit être un prédicateur de divinités étrangères. » – Paul annonçait en effet la bonne nouvelle de Jésus et de la Résurrection.
19 Ils mirent donc la main sur lui pour le conduire devant l’Aréopage : « Pourrions-nous savoir, disaient-ils, quelle est cette nouvelle doctrine que tu exposes ? 20En effet, tu nous remplis les oreilles de propos étranges, et nous voudrions bien savoir ce qu’ils veulent dire. » 21Il faut dire que tous les habitants d’Athènes et tous les étrangers en résidence passaient leur temps libre à dire ou à écouter les dernières nouveautés.
22 Debout au milieu de l’Aréopage, Paul prit la parole : « Athéniens, je vous considère à tous égards comme des hommes extrêmement religieux. 23Quand je parcours vos rues, mon regard se porte en effet souvent sur vos monuments sacrés et j’ai découvert entre autres un autel qui portait cette inscription : “Au dieu inconnu”. Ce que vous vénérez ainsi sans le connaître, c’est ce que je viens, moi, vous annoncer.
24 Le Dieu qui a créé l’univers et tout ce qui s’y trouve, lui qui est le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas des temples construits par la main des hommes 25et son service non plus ne demande pas de mains humaines, comme s’il avait besoin de quelque chose, lui qui donne à tous la vie et le souffle, et tout le reste.
26 À partir d’un seul il a créé tous les peuples pour habiter toute la surface de la terre, il a défini des temps fixes et tracé les limites à l’habitat des humains : 27c’était pour qu’ils cherchent Dieu, comme à tâtons et puissent le découvrir lui qui, en réalité, n’est pas loin de chacun de nous. 28Car c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être, comme l’ont dit certains de vos poètes : “Car nous sommes de sa race.” »
(Cf. Traduction Œcuménique de la Bible)