(écouter, écouter le culte, imprimer la feuille)
14
janvier
2024
Culte au temple de Vandœuvres
prédication du pasteur Marc Pernot
La découverte d’un fragment de papyrus de 3,5 sur 10 cm a fait l’effet d’une bombe dans les milieux de la recherche biblique ces derniers mois (une histoire digne d’Indiana Jones). Des fouilles archéologiques dans la ville antique d’Oxyrhynque en Égypte ont été commencées à la fin du XIXe siècle, et ont découvert dans le sable une ancienne bibliothèque des premiers siècles de notre ère, avec quelque chose comme 500’000 fragments de manuscrits en vrac, dans cette fragile matière qu’est du papyrus millénaire. Le déchiffrage de chaque fragment demande des compétences rares, le travail est très loin d’être terminé, mais a déjà permis de retrouver des textes perdus d’Aristote ou de Sophocle au milieu de documents administratifs et commerciaux... il y a de tout, et donc aussi des textes bibliques. L’attention d’un des spécialistes chargés de trier cette masse de fragments a été attirée par le papyrus P.Oxy 5575 : il a reconnu des paroles de l’Évangile et l’extrême ancienneté de ce fragment, il en a mesuré la valeur, et ce charmant monsieur s’est empressé de le voler et l’a vendu en prétendant l’avoir trouvé dans la matière d’un sarcophage égyptien quelconque. Heureusement, ce spécialiste véreux a fini par être démasqué, le papyrus a été retrouvé et étudié, et il s’est avéré tout à fait extraordinaire. La découverte date de l’été dernier et c’est encore un peu tôt, mais il semble que le manuscrit date de la première moitié du IIe siècle, c’est en tout cas un des plus anciens manuscrits d’un texte de l’Évangile. Le plus extraordinaire est son contenu : il apparait comme une des sources qui ont été utilisées ensuite par Matthieu et Luc mais aussi par Thomas pour composer ensuite chacun leur évangile. Il s’agirait d’un fragment de ces recueils de « paroles de Jésus » dont certaines auraient été prises du vivant même de Jésus, d’autres étant recueillies auprès de témoins directs.
C’est touchant, et cela donne de l’espoir pour de nouvelles découvertes de paroles ou de gestes de Jésus, et d’autres chefs d’œuvres de l’antiquité grecque et romaine.
Mais pour l’instant, puisque ce bout de papyrus donne une version de la parole de Jésus où il nous invite à regarder les oiseaux du ciel et les lys des champs, c’est ce que je vous propose d’étudier maintenant, comme si nous étions là, entendant ces paroles de la propre voix de Jésus.
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« Observez les oiseaux du ciel», « apprenez des fleurs des champs » : la première chose que nous dit Jésus est d’apprendre à lire dans ce livre qu’est la nature environnante : les oiseaux, les fleurs des champs, les étoiles du ciel, le blé qui pousse... Jésus nous apporte là une formation : il nous apprend à apprendre, c’est un encouragement à observer, à interpréter, à découvrir, et à en tirer des enseignements par nous-même.
Ce que Jésus en tire comme conclusion est à première vue particulièrement choquant : ne pas s’inquiéter de mourir de faim, de soif ou de froid ? Si l’on pense à ces familles dont la maison a été bombardée et qui, en ces jours d’hiver se retrouve sans toit, sans eau potable, sans nourriture, sans hôpital ni école ... si on leur disait « Ne vous inquiétez pas en disant : que mangerons-nous, que boirons-nous, que porterons-nous comme vêtements ? » Pourtant, les paroles de Jésus ne sont certainement pas une injure, et c’est précisément pour les personnes fatiguées, chargées, inquiètes, tourmentées que Jésus parle. Comment comprendre cela ? C’est volontairement que Jésus utilise souvent des paroles choc : elles ne sont pas à prendre à la lettre, ce ne sont pas des commandements mais des sujets de réflexions passionnants à creuser par nous-même. Ici : comment vivre notre désir ?
Ne pas s’inquiétez ? Jésus reconnaît ici que la nourriture, la protection et la santé sont des besoins que Dieu prend en compte, bien sûr : les chercher n’est donc pas un caprice, c’est une nécessité. Seulement, Jésus nous conseille de « cherchez d’abord le royaume et la justice de Dieu», le reste ensuite.
Cela nous donne deux pistes, loin d’être évidentes :
1. Jésus n’est pas le contre le fait de désirer, au contraire : aux désirs de répondre à nos besoins vitaux, Jésus ajoute un désir de plus : celui de chercher Dieu et son action.
2. Ensuite, Jésus nous propose de mettre un ordre de priorité dans nos désirs, l’essentiel en premier, le reste ensuite. Et il propose de ne pas se tromper d’essentiel : en toute circonstance, que nous soyons dans l’abondance ou sous les bombes, d’abord nous recentrer sur l’intérieur de nous-même, sur une extraordinaire ressource intérieure que Dieu a mis en chacun.
Ces points ne sont pas évidents. Que le désir de subvenir aux besoins de notre corps puisse être une préoccupation envahissante, toutes les philosophies et spiritualité du monde l’ont constaté, je pense, mais avec des réponses différentes. Le Bouddhisme propose de se détacher du désir. Jésus, lui, répond par l’ajout d’un désir supérieur, c’est tout autre chose. Des philosophes grecs proposent de ne désirer que ce que nous avons déjà à notre disposition. Jésus, lui, répond par une recherche renouvelée de l’essentiel, de la source de l’essentiel.
Cette voie que propose Jésus est à mon avis géniale, et mérite d’être creusée. C’est pour cela que Jésus nous propose de regarder vers les oiseaux du ciel et les lys des champs.
Nous avons en commun avec eux d’être vivants, or, toute vie a besoin de s’alimenter, toute vie est un chef d’œuvre d’organisation et est donc assez exposée aux aléas de l’existence. Comme les oiseaux et le lys, nous avons besoin dans la durée de nourriture, d’eau, de protection. Il est donc juste de tenir compte de ces besoins. Seulement, à cela Jésus ajoute que nous sommes un peu comme l’oiseau mais aussi plus que l’oiseau, nous sommes un animal mais un animal spirituel.
Comme le dit Blaise Pascal dans ses pensées: l’humain est à la fois ange et animal, il ne nous faut ignorer ni l’un ni l’autre. Pas comme le libertin qui vit comme une bête brute, ni comme ces philosophes et ces mystiques qui cherchent à être un ange, or nous dit Pascal « L'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête. » Il convient de tenir les deux.
Nous avons donc quelque chose de ces oiseaux car nous aussi sommes « du ciel » et nous avons quelque chose de ces lys « des champs » : nous sommes humain enraciné dans l’humus de ce monde.
Le danger que Jésus souligne ici, c’est d’être « inquiété », tracassé par nos besoins. Le verbe grec traduit ici par « s’inquiéter » (μεριμναο, merimnao) signifie être écartelé en nous-même. C’est littéralement le propre de ce qui est diabolique d’être source d’éparpillement, de déconstruction. C’est le danger, et le projet de Jésus est d’unifier notre être, de réconcilier en nous l’ange et la bête en cherchant « premièrement le royaume et la justice de Dieu », comme principe unificateur. Jésus n’oublie pas nos autres besoins, mais il les place après. Peut-être faut il préciser ce que Jésus entend par « le Royaume de Dieu » : c’est l’action de Dieu en nous, et la « justice » de Dieu consiste à prendre soin de chacun soigner afin de nous rendre plus juste.
Jésus nous propose ici une philosophie pratique, spirituelle comprenant ce qu’est l’humain et comptant sur la présence de Dieu en nous comme une force, comme un ange au fond de nous-même travaillant à domestiquer la bête que nous sommes aussi.
Avec les oiseaux du ciel, Jésus nous inspire une confiance en Dieu qui les nourrit sans qu’ils aient à travailler. Hum ! Au sens matériel, il arrive qu’il ait neigé et que les oiseaux meurent de faim. D’ailleurs même au temps où l’humanité n’existait pas ou qu’elle était bien incapable de perturber le climat, des foules de dinosaures, d’oiseaux, de lys des champs et d’être humains sont morts de faim et de soif, de froid ou de chaud. Quand le pauvre a besoin d’aide à en mourir, priant et suppliant Dieu : à moins qu’une personne charitable intervienne, il n’y a souvent pas de pain qui tombe du ciel sur sa table, ni de médicament, ni de place pour se réfugier. Une certaine idée de la providence matérielle de Dieu a brisé et a fait perdre la foi à bien des croyants sincères. Pourtant Dieu agit réellement, mais pas de façon si magique, il agit en profondeur. Heureusement, donc, qu’un agriculteur s’est préoccupé du lendemain en gardant des semences pour les semer l’année suivante, moissonner, engranger, moudre...
De quoi parle donc Jésus avec ces oiseaux du ciel qui « ne sèment ni ne moissonnent, ni n’amassent dans des greniers ; et votre Père céleste les nourrit. » ? Ces activités que ne font pas les oiseaux sont précisément des images que Jésus utilise souvent pour parler de l’action de Dieu en nous pour nous donner la vie : il compare Dieu à un semeur de Parole (Mat. 13), à un moissonneur (Mat. 9:38) qui garde le meilleur dans ses greniers (Mat. 13:30). L’oiseau du ciel est donc une figure de cette dimension de notre être que Dieu nourrit en nous. C’est vraiment quelque chose sur lequel nous pouvons compter, et même « chercher d’abord ».
Ensuite, on remarque que Jésus aurait pu parler de Dieu qui aide les oiseaux mais il parle de « votre père qui est dans les cieux», et donc de Dieu qui nous engendre à son image. Nous sommes alors concernés comme ayant à nourrir « les oiseaux du ciel», à semer la parole, à récolter et à garder le meilleur par la bienveillance, par l’amour, par les bons soins.
Dieu les habille ? Les lys ne reçoivent pas de petits vêtements qui les recouvriraient, par conséquent le vêtement du lys, c’est sa propre nature. De même notre beauté est notre nature d’humain créé à l’image de Dieu, beauté magnifique que nous avons reçue et que nous conservons même quand nous sommes au plus mal.
Mais ce n’est pas seulement la beauté du lys que Jésus nous appelle à observer, c’est leur faculté de grandir, de s’élever vers le ciel. Telle est une propriété extraordinaire de l’humain : il peut grandir en humanité toute sa vie.
C’est là qu’est l’Évangile, la bonne nouvelle pour tous. Certes nous sommes « de petite foi», comme le dit Jésus, mais être « de petite foi » c’est avoir une foi quand même : c’est notre part d’ange dont parle Pascal, c’est cet enfant de Dieu ou cet oiseau du ciel dont parle Jésus ici, et qui nous donne d’être une petite, certes, image de Dieu, magnifique en elle même, appelée à sortir de terre, grandir et à semer en terre.
Même malade, pauvre, nu, la personne humaine est en elle-même absolument revêtue de dignité, de beauté et de grâce. C’est un don de Dieu sans cesse renouvelé ; Et c’est pourquoi nous le cherchons d’abord.
Amen.
Jésus dit : 26Entrez dans l’observation des oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent dans des greniers ; et votre Père céleste les nourrit. Ne l’emportez vous pas de loin sur eux ? 27 Qui parmi vous, par ses inquiétudes, pourrait ajouter une seule coudée à son âge ? 28Et pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement ? Apprenez des lys des champs comment ils se développent : ils ne peinent ni ne filent ; 29je vous dis que Salomon, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux. 30Si Dieu habille ainsi l’herbe des champs, qui existe aujourd’hui et qui demain sera jetée au four, ne le fera-t-il pas à plus forte raison pour vous, gens de petite foi ?
31Ne vous inquiétez donc pas en disant : Que mangerons-nous ? ou que boirons-nous ? ou que porterons-nous comme vêtements ? 32Car toutes ces choses, ce sont les païens qui les recherchent. En effet, votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela. 33Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et l’ensemble de ces choses sera ajouté pour vous. 34Ne vous inquiétez donc pas de demain, car demain s’inquiétera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot
Jésus dit : 26Entrez dans l’observation des oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent dans des greniers ; et votre Père céleste les nourrit. Ne l’emportez vous pas de loin sur eux ? 27 Qui parmi vous, par ses inquiétudes, pourrait ajouter une seule coudée à son âge ? 28Et pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement ? Apprenez des lys des champs comment ils se développent : ils ne peinent ni ne filent ; 29je vous dis que Salomon, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux. 30Si Dieu habille ainsi l’herbe des champs, qui existe aujourd’hui et qui demain sera jetée au four, ne le fera-t-il pas à plus forte raison pour vous, gens de petite foi ?
31Ne vous inquiétez donc pas en disant : Que mangerons-nous ? ou que boirons-nous ? ou que porterons-nous comme vêtements ? 32Car toutes ces choses, ce sont les païens qui les recherchent. En effet, votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela. 33Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et l’ensemble de ces choses sera ajouté pour vous. 34Ne vous inquiétez donc pas de demain, car demain s’inquiétera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine.