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Dimanche 27 novembre 2022
Culte au temple de Vandœuvres
prédication du pasteur Marc Pernot
Jésus commence ainsi sa parabole : « Alors le Royaume des cieux sera... », ces mots sonnent comme une promesse disant ce qui arrivera de beau comme salut quand le Christ sera venu. C’est un classique dans l’annonce des grands prophètes d’Israël. Sauf que si Jésus est effectivement « le Christ », ce « alors » de la promesse de Dieu : c’est maintenant. Plus précisément : cela commence au temps de Jésus il y a 2000 ans et c’est encore en train d’advenir. C’est ce que Jésus explique autrement à la femme Samaritaine « L’heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. » (Jean 4:23) C’est le sujet de cette parabole.
Pour mieux comprendre ce dont il est question, peut-être faut-il préciser ce que l’on entend par « Royaume des cieux », ou « Royaume de Dieu » dans les Évangiles. Ce n’est pas un lieu dans lequel on se tiendrait. Sinon Jésus aurait dit quelque chose comme : le Royaume des cieux est semblable à une salle de noces dans laquelle certaines personnes entreront. Ce n’est pas ce que dit Jésus. Il dit que le Royaume est semblable à dix jeunes filles mobilisées par leur espérance. Le « Royaume des cieux », dans les évangiles, c’est un processus vivant, tendu vers l’avenir, qui nous rend actifs. En Christ Dieu attaque l’ultime étape de son projet de création. C’est ce dont nous parle Jésus ici : d’un processus en cours.
Ce que Jésus nous en dit est à la fois réaliste et optimiste :
Réaliste car qui dit chantier-en-cours dit que le monde est encore en chantier, et nous aussi. Cela prend en compte le fait que notre monde et nous-même ne soyons pas parfaits, avons besoin de progresser. Je pense que cela n’a échappé à personne. D’ailleurs ces dix filles sont loin d’être parfaites, aucune des dix.
En même temps, Jésus est optimiste dans son annonce réaliste : son «alors » et le futur qu’il emploie dans« le Royaume des Cieux sera » énoncent une certitude, sans aucune réserve. Comme nous, Jésus constate que le monde est dans un sacré chantier, mais il nous explique ici sa confiance que cette histoire se terminera bien, que le temps ne travaille pas contre nous, mais pour nous. Le meilleur est déjà à l’œuvre avec puissance, ce meilleur c’est le Créateur. L’histoire se terminera bien, et l’histoire commence bien car si la leçon tirée parfois de cette parabole est moraliste et menaçante, Jésus, lui, ne l’est pas : « Le Royaume des cieux sera semblable à dix jeunes filles », il n’est pas seulement semblable à « cinq jeunes filles sages », mais à « dix jeunes filles », avec les intelligentes et avec les fofolles, qui, toutes, s’endorment de lassitude, avec celles qui n’ont rien prévu, avec les égoïstes refusant d’aider et celles qui demandent de l’aide. C’est normal que le Royaume de Dieu soit là, car sur un chantier les bâtisseurs travaillent là où il y a encore du boulot à faire.
Cela confirme encore une fois que les paroles de Jésus sont l’Évangile : l’heureuse annonce que le salut passe par nous tel que nous sommes, avec notre sagesse et avec nos manques. Il y a une caractéristique, néanmoins, de chacune de ces 10 jeunes filles folles ou sages, c’est qu’« elles ont pris leurs lampes et sont sorties à la rencontre de l’époux ». Leur qualité n’est pas une perfection morale, ce n’est pas une théologie parfaite, ce n’est pas une maîtrise d’elles-mêmes. C’est une envie de lumière dans leur nuit, c’est un désir d’une bonne surprise, c’est la joie de l’enfant qui court vers le sapin de Noël le 25 au matin. La qualité de ces filles du début de la parabole de Jésus met en lumière sa conclusion « Veillez car vous ne savez... »
Pour l’instant, ça va. Nous sommes, nous aussi, sortis par ce petit matin frisquet pour aller au culte à Vandœuvres, ou nous avons choisi de visionner cette vidéo sur internet : c’est un début de soif, c’est le désir qu’une ouverture se fasse vers un meilleur avenir, un meilleur nous-même, c’est un début d’amour pour Dieu nous apportant une bénédiction que nous n’imaginons même pas.
Le Royaume des cieux : ce n’est pas d’être arrivé à Dieu, c’est de sortir en attendant quelque chose. C’est chercher par nous-même, avec ce que nous avons de lumière personnelle. Pour le reste, les dix filles sont loin d’être parfaites, toutes s’endorment, c’est dire comme leur capacité à veiller est limitée. Et pourtant ce sont ces filles que Jésus nous montre comme étant le Royaume des cieux.
Ces filles, les dix, sont une figure ne nous-même avec notre soif de comprendre, soif d’aimer et d’être aimé, avec nos endormissements, et Dieu qui vient à nous.
La suite de l’histoire est choquante en première lecture, car finalement cinq des dix filles buttent contre une porte fermée et le refus très sec de l’époux. C’est impossible que le Christ rejette une seule personne, comme il le dit ailleurs «Je ne mettrai pas dehors celui qui vient à moi. » (Jean 6:37), Jésus dit même qu’il sortirait et courrait partout pour chercher et ramener la plus perdue des brebis perdue ne le cherchant même pas (Luc 15:4).
Donc ces filles qui se cognent le nez contre la porte, ce ne sont pas telles ou telles personnes particulières. Les deux catégories de 5 filles représentent deux dimensions de notre être. Deux bonnes dimensions puisque toutes sont dans le Royaume des cieux, toutes aiment, toutes portent un peu de lumière, toutes écoutent par l’Évangile et sont éveillées, ressuscitées par lui. Il y a seulement une distinction à faire, apparemment, entre ces deux dimensions de notre être.
La Bible nous a habitué à cette forme littéraire, assez fréquente, mettant en scène deux personnages proches qui sont deux figures de nous-même. Nous sommes ces cinq filles un peu sages et ces cinq un peu folles, comme nous sommes à la fois le spirituel Abel et le rude Caïn, comme nous sommes le spirituel Jacob et Ésaü plus animal, comme nous sommes Léa au beau regard et Rachel belle à être regardée, comme nous sommes à la fois le petit David choisi par Dieu pour régner et ses frères aînés plus puissants. Nous sommes à la fois l’Adam terrestre, nous dit l’apôtre Paul, et l’Adam porteur de l’Esprit vivifiant, « et de même que nous avons porté l’image du terrestre, nous porterons aussi l’image du céleste . » (1 Corinthiens 15:49). Dans ces textes bibliques, à chaque fois, il y a une préférence dont bénéficie l’un des héros même si les autres sont bénis aussi. C’est un appel à hiérarchiser les différentes bonnes dimensions de notre être. C’est un appel à discerner ce qui doit être aux commandes dans notre être : notre personnalité, notre conscience animée du souffle de Dieu, cette dimension devant être choisie pour gouverner le reste de notre être, le reste étant béni aussi mais non préféré au spirituel.
Sur cela aussi il est bon de veiller avec soin.
Nous sommes ces dix jeunes filles et notre être entier est béni par Dieu, corps et esprit. Chacune de ces dimensions sont porteuses d’une lampe, d’une lumière qui nous donne à percevoir le monde par nous-même. Effectivement, il n’y a pas seulement les yeux de la foi et de l’intelligence pour bien percevoir la vie. Les sens de notre corps sont aussi des bénédictions.
Seulement, nous dit le texte, les cinq filles folles n’ont pas de réserve d’huile, elles n’ont que ce que contient leur lampe, et cela finit pas s’épuiser quand les ténèbres durent trop longtemps. C’est à l’image de notre corps : je ne sais pas si vous avez remarqué, il s’use un petit peu. Comme le dit Paul « Même si notre être extérieur se détruit, notre être intérieur se renouvelle de jour en jour. » (2 Corinthiens 4:16) Les filles intelligentes, elles, ont une réserve d’huile. L’huile est dans la Bible une image de la bénédiction de Dieu, bénédiction qui, comme l’huile dans la culture méditerranéenne, nourrit, éclaire et soigne, huile qui est aussi un envoi en mission pour faire un petit peu de bien comme nous le pourrons.
Jésus nous dit ici que nous pouvons faire provision de bénédiction. Notre dimension spirituelle, figurée par ces cinq filles intelligentes, peut mettre en réserve de la bénédiction pour les périodes de ténèbres de notre existence. La nuit, il est effectivement plus difficile d’en trouver, de cette huile. Mais les périodes relativement plus lumineuses de notre existence sont des périodes favorables pour travailler notre foi, pour nourrir notre intelligence, soigner notre bon moral, muscler notre bienveillance, pour nous familiariser à la prière, la contemplation, à la louange, la connaissance de Dieu et de nous-même, c’est un temps favorable pour nous laisser élever par Dieu. C’est ce que nous pouvons veiller à faire intelligemment tant qu’il fait jour. Vient parfois la nuit où c’est plus difficile.
Les filles folles manquent d’huile dans la nuit. C’est triste et c’est dur. Cela nous arrive à tous. C’est bien heureux quand, au moins, la dimension spirituelle de notre être tient bon comme dans cette histoire inventée par Jésus : les cinq filles spirituelles et intelligentes restent fidèles au poste pour accueillir le meilleur à venir.
Qu’elles donnent alors de leur huile aux cinq filles qui manquent d’huile ! Ce n’est pas qu’elles ne le veulent pas, nous dit le texte, c’est qu’elles ne le peuvent pas, il n’y en aurait pas assez pour elles et pour les autres.
Quand tout va bien, il y a assez d’huile pour toutes les dimensions de notre être, mais s’il arrive un temps de ténèbres profondes, il peut arriver que nous devions choisir, il vaut alors veiller à privilégier la lumière du spirituel dans notre être. Cela semble paradoxal, car c’est bien notre corps qui porte notre spirituel en ce monde. Mais pour ce qui est de la lumière, et donc de la bénédiction, le spirituel doit être mis en premier. Il doit être privilégié quand il arrive qu’il faille choisir.
C’est très concret. Par exemple quand les lumières de notre corps, qui sont en général des bénédictions, nous affirment que tous les corps désirables nous sont donnés pour que nous en emparer et les consommer, et cela jusqu’à la nausée. Ce n’est pas bon ni pour nous, ni pour le monde. On ne peut pas en vouloir à ces dimensions de notre être, elles sont comme cela. Mieux vaut seulement que le spirituel et l’intelligence s’en mêlent. Autre exemple, en ces temps que nous jugeons comme troublés, l’urgence pourrait être de veiller sur les dimensions spirituelles de notre humanité.
Parfois nous devons choisir entre les deux catégories de filles qui figurent ainsi notre être complet.
C’est ce dont il est question ici : il est question littéralement « d’entrer dans les noces avec l’époux ». Là encore il ne s’agit pas d’entrer dans un lieu. Il s’agit bien de noces entre nos dimensions spirituelles et Dieu. Les noces c’est une préférence accordée, c’est une fidélité dans la durée, par amour et par choix. C’est une alliance très féconde.
Que Dieu nous aide à bien veiller.
Amen.
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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Alors le Royaume des cieux sera semblable à dix jeunes filles qui prirent leurs lampes et sortirent à la rencontre de l’époux.
2 Cinq d’entre elles étaient folles et cinq étaient intelligentes. 3 En effet, les folles en prenant leurs lampes ne prirent pas d’huile avec elles. 4 Par contre les intelligentes prirent d’elles-mêmes de l’huile dans des réservoirs avec leurs lampes.
5 Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. 6 Au milieu de la nuit, un cri survint : “Voici l’époux, sortez à sa rencontre.”
7 Alors toutes les jeunes filles se réveillèrent et préparèrent leurs lampes d’elles-mêmes. 8 Les folles dirent aux intelligentes : “Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.” 9 Les intelligentes répondirent : “Non, car il n’y en aurait pas assez pour nous et pour vous ! Allez plutôt chez les marchands et achetez pour vous-même.”
10 Pendant qu’elles allaient au loin en acheter, l’époux arriva et celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans les noces, et la porte fut fermée. 11 Les autres jeunes filles arrivèrent plus tard et dirent : “Seigneur, seigneur, ouvre-nous !” 12 Il répondit : “Amen, je vous le dis, je ne vous connais pas.”
13 Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure.