( Genèse 21:5-20 )
(écouter l'enregistrement) (voir la vidéo ci-dessous)
Culte du dimanche de Pentecôte (12 juin) 2011
prédication du pasteur Marc Pernot
La Pentecôte est une fête qui nous invite à nous ouvrir aux dons ce qu’apporte la présence de Dieu sur nous, présence personnelle, spéciale à chacun de nous.
Pour méditer sur ces dons, pour les espérer, pour savoir les attendre, je vous propose de méditer ce matin sur l’histoire d’Agar, la femme dont Abraham eut un premier fils, Ismaël, avant d’en avoir un second, Isaac de Sarah. Du temps où Agar avait un fils et non Sarah, Agar avait fait la fière, et après c’est son fils qui continue à se moquer de Sarah…
Nous pouvons parfois avoir l'impression d'être dans un désert, comme Agar qui est presque morte de soif. Pour elle, tout est sec dans sa vie, elle est désespérée, elle n’attend plus rien de bon.
On peut être dans ce genre de situation pour diverses raisons. Mais Agar, elle, collectionne les raisons :
C'est d'abord un peu par sa faute : parce qu'elle et son fils se sont moqués de Sarah et du coup, il y a une mauvaise ambiance (Ge 16:4, 21:9).
Et puis, parce que Sarah a été terrible en réponse à ces injures, le pire c’est qu’elle doit être certaine d’être juste en étant si dure. Nous sommes parfois comme ça.
Agar collectionne les raisons d'aller mal, c'est heureusement assez rare. Mais une ou deux de ces choses suffisent pour que nous soyons stressés, et même parfois vraiment dans la peine. Ça peut être de notre faute, ou à cause de la méchanceté de quelqu'un, ça peut être à cause de notre fragilité. Parfois c'est la nature qui est criminelle, quand une catastrophe nous frappe alors que personne n'y est pour rien. Rien de cela n'arrive par la volonté de Dieu, bien sûr. Il ne veut pas que nous nous fassions du mal entre nous, il ne veut pas que la nature nous fasse du mal, et il fait tout pour nous rendre plus costauds face à tout cela. Dans l'histoire d'Agar, on voit que Dieu va tout faire pour qu'elle et son fils retrouvent la vie et le bonheur.
Mais pour l’instant voyons Agar et Ismaël qui sont dans un désert brûlant, isolés. Ils ont quelques provisions qu'Abraham leur a données, heureusement, et cela les aide à tenir quelque temps : ils ont un peu de pain et d'eau, ils ont de l'air pour respirer et l’ombre d’un buisson, la nature a également sa douceur. Du point de vue physique, Agar a ainsi de quoi vivre quelque temps.
Mais nous ne sommes pas une plante verte qui se contente de nourriture, de lumière et d'eau. Pour être en forme, nous avons aussi besoin d’autres choses qui sont de l’ordre de la qualité de relations :
Nous avons besoin d'aimer et d'être aimé. On le voit à Sarah qui souffrait de ne pas avoir d’enfant et qui souffre ensuite d’être méprisée.
Nous avons également besoin de fidélité. Même si nous aimons et sommes aimé, comme Agar qui a son fils Ismaël, Agar souffre d’être trahie, abandonnée, chassée par Abraham.
Nous avons besoin d'eau et de pain, nous avons besoin d'aimer et d'être aimés, nous avons besoin de fidélité. Ces besoins essentiels, nous les avons en commun avec les animaux évolués. Si un chien a tout cela, il se porte bien et il est heureux.
Mais nous sommes des bêtes encore plus complexes, avec cette chance folle de pouvoir être en communion avec Dieu, c’est-à-dire avec la source de tout ce qui précède : la source de la possibilité même de vivre, la source de l’amour et de la fidélité. L’être humain est un animal spirituel. Être en relation avec Dieu n’est pas un besoin au sens où les autres dimensions le sont, l’humain peut vivre sans Dieu, mais cette dimension est notre chance et notre vocation. C’est une dimension extraordinaire de l’être qui change notre rapport au monde, qui nous le faire voir non seulement d’en bas, de l’animal, mais aussi d’en haut, avec Dieu et grâce à Dieu. Cela nous donne un regard, un amour, une espérance, une fidélité, peut-être, un enthousiasme…
Mais nous ne sommes pas toujours dans cet état-là, ou pas encore, ou pas assez. Par exemple les disciples avant la Pentecôte sont désespérés et effrayés devant la vie et les hommes. Ils sont comme Agar dans le désert. Il peut nous arriver d’être dans une détresse semblable, malheureusement, mais de fait, à des degrés divers, la situation d’Agar est celle de tout homme vivant dans ce monde. Nos ressources sont limitées (de quoi sera fait l’avenir ?) les relations avec nos proches ne sont jamais parfaites, nous avons peur.
Mais, d’abord, tout ne va pas si mal et Dieu, lui, est amour et fidélité, et il est là, avec nous. Ce sont ces deux termes d’amour tendre et de fidélité que l’Évangile selon Jean retient pour résumer ce que le Christ nous a révélé de Dieu (Jean 1:17-18).
Tout ne va pas si mal : Agar est seule dans le désert, mais elle a un peu de pain, un peu d’eau, de l’air pour respirer et l’ombre d’un buisson. C’est bien peu de chose, juste de quoi tenir un temps limité, mais en réalité elle a une bien plus grande richesse que cela. Elle a aussi une capacité à aimer et à être fidèle. Même trahie, abandonnée cela lui reste : elle aime son fils, elle aime aussi Abraham, elle le garde dans son cœur, la suite du livre le montre. Elle a un vrai manque, mais ce manque n’est pas tout, il y a une vraie détresse, une vrai souffrance, mais elle est riche quand même de son amour à elle et de sa fidélité à elle. Abraham et Sarah, dans leur cruauté, ne lui ont quand même pas retirée cela.
Et elle a Dieu. Ce n’est pas elle qui pense à Dieu, mais c’est Dieu qui pense à Agar, qui voit sa détresse. Elle, Agar, a heureusement l’ouverture du cœur qui la rend sensible, ouverte à cette présence, à cette force, cette lumière, à cette parole qu’est Dieu. C’est cette ouverture que nous propose la Pentecôte. C’est cette ouverture qui a permis aux les apôtres de se lever pleins de l’Esprit de Dieu. C’est cette ouverture qui fera se lever tout à l’heure des catéchumènes pour dire leur espérance en Dieu.
Agar entend d'abord cette parole de Dieu : « Qu'as-tu ? Agar ». Tout d'un coup, elle sent la présence de Dieu, une présence qui la connaît, qui l’entend, qui comprend vraiment son manque, sa détresse.
Pourtant, Agar n’est pas pour rien dans ce qui lui arrive, son arrogance vis-à-vis de Sarah n’est pas pour rien dans cette catastrophe, et elle n’a pas un mot pour reconnaître sa faute. Mais Dieu n’attend pas que le coupable reconnaisse sa faute pour vouloir l’aider, heureusement parce que souvent notre pire problème est précisément de ne même pas nous rendre compte de notre folie, de notre mal.
Comment un père, une mère qui aime, comme Dieu ne s’occuperait pas de sa fille qui désespère ?
Dieu veut l’aider et il veut nous aider, bien entendu. Et comme souvent dans la Bible, le premier service qu’il nous apporte est de nous aider à nous poser des questions « Qu’as-tu, Agar? Ne crains pas »
À la fois, Dieu nous rassure et nous bouscule avec ses questions. Les deux vont ensemble : c’est parce que l’on se sait accepté par Dieu, rassuré par lui et entendu que nous pouvons en vérité réfléchir à la question essentielle qu’il nous pose : « où en es-tu ? ». Oui, Dieu nous casse les pieds avec ses questions, avec cette bonne question. Il ne nous pose pas la question du pourquoi, ni du comment. Mais celle simplement d’ouvrir les yeux maintenant, de regarder, de regarder non seulement ce qui nous manque, mais ce que nous avons : « Qu’as-tu, Agar? », de voir ce que nous sommes, quelle part nous avons reçue, les dons qui sont les nôtres, les bénédictions qui nous ont rendus capables d’aimer encore un peu, et de tenir bon.
Des bénédictions, ne craignons pas, Dieu en a en réserve pour nous ! Dieu le créateur, Dieu qui est en amont de ces milliards d’années et de ces myriades de galaxies, Dieu nous connaît par notre nom, il nous dit comme à Agar : ne crains pas, j’ai entendu le cri de ta chair, de ton sang, le cri de ton cœur, de ta vie. Nous allons repartir de ce que tu as. Ensemble.
Ensuite Dieu lui dit « Relève-toi, et prends le garçon par la main ». On pourrait traduire cette phrase par : « ressuscite maintenant, prends ta vie en main ». Dieu ne peut pas prendre notre vie en main à notre place. C’est à nous de la prendre en main. Lui, Dieu, est pour nous comme un miroir et une tendresse, il est une force, un appel, une stimulation mais c’est à nous, selon notre propre sensibilité de prendre notre propre vie en main.
Dieu nous donne également ici une promesse : « Lève-toi, prends ton fils par la main, car je ferai de lui une grande nation. » Le Christ nous parle aussi comme cela, Dieu nous espère avec une belle et bonne vie. Dieu nous promet : toi et moi, ensemble nous ferons de ta vie, de tes jours, une bénédiction. Pourtant rien ne dit qu'Agar était une championne du monde en quoi que ce soit. Elle reçoit pourtant une promesse aussi grande et belle qu'Abraham lui-même, le père de tous les croyants. Cette promesse est pour chacun de nous. Pour Dieu, nous sommes déjà une bénédiction.
Agar ne devait pas bien voir comment elle pourrait incarner cette incroyable promesse, elle qui manque de tout, elle qui est comme desséchée, presque morte, une esclave abandonnée au fond d’un désert… Dieu va changer sa vie. En réalité, il ne change pas sa vie, mais il la change elle en lui ouvrant une nouvelle perspective sur elle-même, et du coup elle trouvera elle-même la source, ou plutôt elle trouvera la source en elle-même, les deux choses sont liées. Dieu lui ouvre les yeux, et elle voit une source d’eau fraîche; elle alla remplir sa gourde, et elle donna à boire au garçon. Dieu fut avec le garçon, qui grandit, selon la promesse…
Dieu a changé la malédiction en bénédiction. Il transforme la trahison d’Abraham et de Sarah en une libération d’Agar. Elle n’était qu’une esclave étrangère, Dieu fait d’elle une prophétesse, recevant la même promesse qu’Abraham lui-même. Elle n’avait plus d’espoir, Dieu lui donne un avenir. Elle et ceux qu'elle aime pourront vivre et s'épanouir même dans le désert le plus sec.
Comme Agar, vous pouvez vous lever, ouvrir les yeux, trouver la source, la laisser jaillir au plus profond de vous-mêmes. Le Christ est là qui nous dit :
« celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissante de vie éternelle. Et des fleuves d’eau vive jailliront de lui… »
(Jean 4 :14, 7:38)
Seigneur, donne-nous de cette eau-là.
Amen.
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Abraham était âgé de cent ans, à la naissance d’Isaac, son fils.
6 Et Sara dit: Dieu m’a fait un sujet de rire; quiconque l’apprendra rira de moi. 7 Elle ajouta: Qui aurait dit à Abraham: Sara allaitera des enfants? Cependant je lui ai enfanté un fils dans sa vieillesse.
8 L’enfant grandit, et fut sevré; et Abraham fit un grand festin le jour où Isaac fut sevré.
9 Sara vit rire le fils qu’Agar, l’Egyptienne, avait enfanté à Abraham; 10 et elle dit à Abraham: Chasse cette servante et son fils, car le fils de cette servante n’héritera pas avec mon fils, avec Isaac.
11 Cette parole déplut fort aux yeux d’Abraham, à cause de son fils. 12 Mais Dieu dit à Abraham: Que cela ne déplaise pas à tes yeux, à cause de l’enfant et de ta servante. Accorde à Sara tout ce qu’elle te demandera; car c’est d’Isaac que sortira une postérité qui te sera propre. 13 Je ferai aussi une nation du fils de ta servante; car il est ta postérité.
14 Abraham se leva de bon matin; il prit du pain et une outre d’eau, qu’il donna à Agar et plaça sur son épaule; il lui remit aussi l’enfant, et la renvoya. Elle s’en alla, et s’égara dans le désert de Beer-Schéba.
15 Quand l’eau de l’outre fut épuisée, elle laissa l’enfant sous un des arbrisseaux, 16 et alla s’asseoir vis-à-vis, à une portée d’arc; car elle disait: Que je ne voie pas mourir mon enfant! Elle s’assit donc vis-à-vis de lui, éleva la voix et pleura.
17 Dieu entendit la voix de l’enfant; et l’ange de Dieu appela du ciel Agar, et lui dit: Qu’as-tu, Agar?
Ne crains point, car Dieu a entendu la voix de l’enfant dans le lieu où il est.
18 Lève-toi, prends l’enfant, saisis-le de ta main; car je ferai de lui une grande nation.
19 Et Dieu lui ouvrit les yeux, et elle vit un puits d’eau; elle alla remplir d’eau l’outre, et donna à boire à l’enfant.
20 Dieu fut avec l’enfant, qui grandit, habita dans le désert, et devint tireur d’arc.