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À la spiritualité et à l’intelligence,
Salomon ajoute un peu de religion
(Salomon, épisode 2/2)

(1 Rois 8)

(écouter, écouter le culte, imprimer la feuille)

4 août 2024 au temple de Vandœuvre
prédication du pasteur Marc Pernot

Le roi Salomon est célèbre pour avoir choisi de demander à Dieu la sagesse plus que tout autre chose. Salomon est connu aussi pour sa construction du temple de Jérusalem au X e siècle avant Jésus-Christ. Ces deux étapes jalonnent un parcours.

Le parcours de l'humain accompli

Salomon est effectivement un personnage historique réel, la Bible part de son histoire et s’en sert pour nous brosser le parcours d’une vie humaine bien en forme. Voici, en résumé, l'itinéraire de vie de Salomon.

1. Cela commence par la spiritualité.

2. Salomon demande alors à Dieu la sagesse, ou plutôt un cœur qui écoute, doué de sagesse et d'intelligence.

3. Il demande cela en vue de pouvoir mieux aider ceux qui lui sont confiés.

4. Et enfin, à sa spiritualité, à son intelligence et à ce service des autres, Salomon ajoute la religion avec la construction d’un temple spectaculaire. C'est la 4 ème colonne de sa vie.

La religion arrive en fin de ce parcours de formation, pourtant, on ne peut pas dire que la religion soit le sommet de la vie humaine, plus que la spiritualité, l'intelligence et le service de l'autre. On a même l'impression que ces 4 étapes sont d'importance décroissante. Ce serait comme un ruissellement de la source qui est la rencontre avec Dieu, puis d'étape en étape jusqu’à la religion.

Certaines cultures du monde voient l'itinéraire de l'humain comme une montée vers le spirituel, dans un dépouillement progressif de ce qui est terrestre et de nos soucis des choses de ce monde. La Bible n'est pas comme cela, au contraire, même. En Christ, la Parole de Dieu, le spirituel, vient à nous et s'incarne dans notre être, dans notre vie, et porte des fruits en ce monde, comme Jésus l'incarne très bien.

Dieu s'incarne en nous et grâce à nous

L'itinéraire de Salomon part donc du plus haut : de la spiritualité, de Dieu qui vient à nous, et en nous. Cela concerne tout le monde, même qui n’a pas ou pas trop de sentiment religieux : tout humain a au fond de lui une source qui est plus grande que lui, si l’on y fait attention. Que ce soit par la mystique, effectivement, ou l'amour, ou la joie, ou l'étonnement, l'émerveillement, ou l’espérance...

De cette expérience spirituelle, Salomon cherche à faire quelque chose. Il demande à Dieu de le grandir en qualité d'être : que ce spirituel ait pour fruit une capacité d'écoute, une sagesse et une intelligence plus grandes. Sa spiritualité n'est pas simplement une sérénité, un bien-être, une exaltation. C'est bien plus que cela : c'est une étincelle de création non pour nous propulser au 7 ème ciel, mais pour que la Parole de Dieu s'incarne dans notre être de chair maintenant.

Salomon ne demande pas d'avoir la sagesse et l'intelligence pour être sage et intelligent. Il le demande à Dieu afin de pouvoir accomplir un service en ce monde, très concrètement pour les personnes auxquelles il pense. C'est un pas de plus dans l'incarnation de la Parole de Dieu : que sa spiritualité soit utile en le reconnectant mieux au monde et aux personnes qui sont là. C'est fondamental car l'humain est un être social, fait pour être à l'écoute d'autres membres de ce corps qu'est l'humanité et même la création entière. Et de voir alors avec sagesse et intelligence comment on peut être un peu utile, le service s'incarne ainsi dans l'évolution du monde. La religion est un pas de plus, c'est une œuvre humaine comme l’est ce temple de Salomon, construit avec des pelles et des pioches, des scies et des burins pour travailler les matériaux : la pierre, les bois de cèdre et de cyprès du Liban, le bois de santal et l’or d’Ophir.

À quoi sert donc ce temple, et la religion en général ?

Pourquoi donc faut-il ajouter la religion ?

Salomon l’explique dans son discours d’inauguration. Le temple, et donc la religion, servent à aider les humains à prier Dieu, même quand on ne le voit pas, qu'on ne l'entend pas, qu'on ne le sent pas. Même quand on est pécheur, même quand on ne fait a priori pas partie du club de la bonne religion, du bon peuple, de la bonne croyance(v.42). Le temple est là, massif, comme un signe bien visible de cette promesse que Dieu a faite de nous écouter nous, et de répondre à notre prière.

Pourtant, dit Salomon, Dieu n’est pas dans le temple mais il répond du haut des cieux, dans une tout autre dimension, et il exauce, soigne, pardonne. Ça marche même à distance du temple, quand on se retrouve perdu n'importe où par notre faute, dit Salomon (v.47). C'est à cela que sert le temple : à aider l'humain à prier Dieu alors même que l'on est loin de Dieu.

Cela permet à chacun, s'il le veut, de se retrouver à la première étape, à l'origine du parcours de Salomon, que l'on ait eu ou non une expérience spirituelle vive. Cette première étape est alors ouverte à toute personne.

La dernière étape du parcours de l'humain renvoie ainsi à la première étape. En mathématique, on appelle cela une fonction récursive : la fin renvoie au début du processus afin de le vivre à nouveau, et d'ajouter ainsi à chaque fois une étape supplémentaire. Encore et encore.

Pour le croyant, cela lui rappelle qu'il n'a jamais fini de découvrir Dieu, d'en être enrichi en terme de capacité d'écoute, de sagesse, de discernement personnel, en mobilisation pour servir. Il y a tant encore à prier pour demander à Dieu son aide, et à recevoir encore de lui.

Pour le non-croyant, le temple majestueux est un signe visible, même pour celui qui ne sait rien de Dieu, qui n'a jamais prié, ou qui pense que Dieu est absent de son monde et de sa vie. La religion institutionnelle lui dit à lui aussi qu'il peut s'adresser à Dieu personnellement, le prier comme si Dieu était là, présent, l'écoutait, et lui voulait du bien.

Le temple est là, massif, comme la religion, il n’est qu’un signe, il rappelle aux humains qu'il existe une dimension spirituelle. Et qu'elle est essentielle.

Saint Exupéry écrit en 1943, dans une sorte de testament spirituel : « Il n’y a qu’un problème, un seul de par le monde. Rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles. Redécouvrir qu’il est une vie de l’esprit plus haute encore que la vie de l’intelligence, la seule qui satisfasse l’homme. »

C'est le rôle de la religion d'être là et de nous dire cela, nous aider à nous en saisir, dans notre être de chair.

Ce n'est pas Dieu qui a besoin de la religion. Que pense-t-on : Dieu aurait besoin d'un temple comme d'un microphone pour mieux entendre l'homme qui prie ? Cela n'a pas de sens. La religion, comme le temple est construite par les humains pour les humains afin de leur rappeler qu'il existe une vie de l'esprit, une vie spirituelle et qu'elle mérite que nous nous en préoccupions.

Cela ne devrait pas être contre l'intelligence et la sagesse, au contraire, comme le dit ce parcours de Salomon : notre vie spirituelle doit être un réel enrichissement pour notre écoute des autres, pour notre sagesse, notre réflexion personnelle, notre discernement.

Cette vie spirituelle n’est pas une fuite hors de ce monde, au contraire. Quand elle est vécue sincèrement et personnellement, intimement, comme Salomon : notre vie spirituelle nous permet de chercher comment nous pouvons être utile en ce monde, alors même que nous nous sentons tout petit.

Salomon construit donc ce temple majestueux pour dire la grandeur de Dieu au cœur de notre être, de notre vie : que dieu est à notre écoute en toute circonstance, et qu’il est Dieu unique commun à tous.

C'est utile mais il y a deux grands risques auxquels pense Salomon (et c'est sage) :

Le premier risque est que l'on pense que Dieu serait là, dans notre religion. Salomon explique que, bien évidemment, Dieu n'habite pas réellement dans le temple (dans la religion quelle qu'elle soit, ni dans un rite quel qu'il soit). Il est bien conscient que Dieu est d'un autre ordre, une autre dimension : « Et quoi ! les cieux et les cieux des cieux ne peuvent te contenir, combien moins cette maison que je t'ai bâtie ! (v. 27). C'est bon à rappeler car la tendance de l'humain est toujours et partout de se faire des idoles : comme des dieux que l'on peut voir, que l'on peut garder, que l'on peut s'approprier et qui nous distinguent des autres personnes que l'on peut alors commodément considérer comme infidèles, étrangères à la vérité.

Le second risque de cette religion solidement bâtie ce serait de scléroser notre théologie et notre foi. Salomon travaille sur cette seconde question grâce au coffre d'alliance hérité du temps de Moïse qu'il place au cœur du cœur du temple qu'il construit. Salomon ne garde pas seulement le coffre d'alliance, il en garde aussi les barres qui servaient à Moïse pour le trimbaler dans son chemin à travers le désert. Salomon fait en sorte que ces barres restent visibles plus encore que le coffre : même si le temple est massif et pas transportable, ces barres de coffre nous appellent à une foi mobile, à une foi qui nous accompagne et nous met en route, − grâce à des temps de désert où nous nous placerons, à notre tour, à l'écoute de la Parole dans le silence.

Dieu nous accompagne.

Amen

pasteur Marc Pernot

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Texte Biblique

1 Rois 8 (extraits)

1Alors le roi Salomon assembla auprès de lui à Jérusalem les anciens d'Israël et tous les chefs des tribus, les chefs de familles des Israélites, pour faire monter l'arche de l'alliance de l'Éternel depuis la cité de David, qui est Sion... 6Les sacrificateurs apportèrent l'arche de l'alliance de l'Éternel à sa place, dans le sanctuaire de la maison, dans le Saint-des-Saints, jusque sous les ailes des chérubins... qui couvraient l'arche et ses barres par-dessus. 8On avait donné aux barres une longueur telle que leurs extrémités se voyaient du lieu-saint devant le sanctuaire, mais ne se voyaient pas du dehors. Elles sont restées là jusqu'à aujourd'hui. 9Il n'y avait rien d'autre dans l'arche que les deux tables de pierre que Moïse y déposa en Horeb, lorsque l'Éternel conclut une alliance avec les Israélites, à leur sortie du pays d'Égypte...

22Salomon se tint debout devant l'autel de l'Éternel, en face de toute l'assemblée d'Israël. Il étendit les mains vers le ciel et dit : 23Éternel, Dieu d'Israël ! Il n'y a point de dieu semblable à toi, ni en haut dans les cieux, ni en bas sur la terre : tu gardes l'alliance et la bienveillance envers tes serviteurs qui marchent en ta présence de tout leur cœur ! ... 27Mais quoi ! Dieu habiterait-il véritablement sur la terre ? Voici que les cieux et les cieux des cieux ne peuvent te contenir : combien moins cette maison que je t'ai bâtie ! 28Toutefois, Éternel, mon Dieu, sois attentif à la prière de ton serviteur et à sa supplication pour écouter le cri et la prière que ton serviteur t'adresse aujourd'hui. 29Que tes yeux soient nuit et jour ouverts sur cette maison, sur le lieu dont tu as dit : Là sera mon nom ! Écoute la prière que ton serviteur fait en ce lieu. 30Tu écouteras la supplication de ton serviteur et de ton peuple d'Israël, lorsqu'ils prieront en ce lieu. C'est toi qui écouteras, en ce lieu où tu sièges, dans les cieux ; tu écouteras et tu pardonneras !