(écouter, écouter le culte, imprimer la feuille)
19 janvier 2025 au temple de Vandœuvres
Célébration œcuménique
prédication du pasteur Marc Pernot
C'est une joie de pouvoir être dans l’amitié entre catholiques et protestants dans nos paroisses.
Au 2ᵉ siècle, Tertullien rapporte que les citoyens romains disaient des chrétiens : « Voyez comme ils s'aiment ». Cela montre que la diversité et l’amitié entre chrétiens portent un beau témoignage dans le monde. Pour que l’amitié puisse exister, il faut être deux : que nous soyons des églises distinctes laisse la place à diverses sensibilités, et cela rend possible l’amitié. C’est ce modèle de diversité des membres qui se soucient les uns des autres que l’apôtre Paul met en avant. (1 Cor. 12)
L’amitié est la première chose qui me vient à l’esprit en lisant ce récit des noces de Cana : Jésus a été invité à une fête de mariage, cela implique qu’il y avait de l’amitié entre Jésus et les mariés. Ce n’est pas seulement une anecdote, c’est un signe que Jésus développe dans son testament spirituel à l’autre bout de l’Évangile, il dit : « Je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle amis »(Jean 15 :15). C’est pour nous que cela est dit..
Le premier type de relation que nous voyons dans ce récit est donc l’amitié du Christ, signe de l’amitié de Dieu pour nous. Il y a beaucoup de choses dans l’amitié : il y a la fidélité et le non-jugement. L’ami a pu faire des fautes, il n’est peut-être pas très en forme : cela n’empêche pas son ami de le garder et de chercher à l’aider à avancer. Au contraire : il va redoubler de soins. Nous le voyons dans ce récit. Cette amitié de Jésus est une sécurité pour nous. Cette assurance est absolue.
L’icône du Christ et de l’abbé Ména témoigne de cette amitié ressentie par un homme du Ve siècle. Le Christ l’enlace de son bras dans un geste de tendresse et de réconfort, de soutien, de fidélité. Cette amitié du Christ permet à son ami de bénir les autres. Avec cette force que le Christ nous donne en nous assurant de l’amitié de Dieu pour nous, notre prochain ne nous semble plus être un concurrent à abattre, mais nous apparaît comme une personne aimée par Dieu que nous avons envie de bénir.
Christ vient donc en ami aux noces de son ami. Et Jésus transforme l’eau de purification rituelle en excellent vin pour réjouir son ami et les amis de cet ami. Là encore, nous avons un signe pour nous : l’austère rite de lavage nous faisait ressentir combien nous sommes pécheurs et combien nous devrions faire d’efforts pour avoir une chance que Dieu nous accepte. Christ annule cela. Plus besoin de rites de purification, il nous donne directement la joie des noces. C’est le signe d’une toute nouvelle logique : l’amitié du Christ nous donne le signe de l’amitié de Dieu pour nous. (C’est pourquoi, sur l’icône, il est marqué en copte « Psoter » (sauveur) à côté du Christ : il nous sauve par son geste d’amitié, signe de l’amitié indéfectible de Dieu pour nous.)
Le Christ vient à ce mariage et offre le vin. Cet épisode est présenté comme « le commencement des signes que Jésus accomplit » : le signe majeur de ce que Jésus accomplit pour nous. C’est osé de dire cela, car un signe n’a pas d’importance en lui-même, mais seulement dans la réalité qu’il exprime. En quoi l’anecdote racontée ici est LE signe majeur ?
« Il y eut des noces. » Quelles noces ? Entre qui et qui ? De quoi est-ce le signe ? Pour les lecteurs de la Bible Hébraïque, c’est une allusion très classique à des textes que l’on retrouve sous la plume de bien des prophètes (Ésaïe 54 :5, Jérémie 2 :2, Ezéchiel 16 :8, Osée 2 :18) et dans le Cantique des cantiques qui présentent Dieu et l’humain comme deux amoureux qui se cherchent car ils s’aiment et veulent s’unir.
Si ces noces sont LE signe majeur pour nous, c’est qu’elles sont le signe de Dieu qui est amoureux de nous ; en Christ, Dieu nous fait sa déclaration, espérant que nous dirons « oui ». C’est en tout cas la fin de la logique de la purification rituelle pour nous rendre acceptable aux yeux de Dieu : il est déjà amoureux de nos beaux yeux. Dieu est notre Roméo et nous sommes sa Juliette, son jugement sur nous est l’amour, rien que l’amour.
Nous avons ainsi dans ce texte déjà deux bonnes nouvelles : premièrement, Christ est notre ami, ni un patron ni un roi. Deuxièmement, Dieu est amoureux de nous, ni un juge ni un père fouettard. Nous avons un troisième signe majeur dans ce texte : c’est Marie.
Nous sommes appelés à nous identifier à Marie, car, à la fin du récit, elle est présentée comme première parmi ceux qui suivent Jésus dans son cheminement.
Marie est une figure de notre humanité et de notre conscience. Une figure de notre âme.
En premier lieu, elle remarque que le vin ordinaire manque. En quoi est-ce pour nous un signe ? C’est un signe que la joie de ce monde est bonne, mais qu’elle finit par s’épuiser, ne serait-ce que parce que notre séjour ici est temporaire, mais aussi parce qu’aucune réalité de ce monde n’est parfaite. Marie est le signe d’une lucidité qu’il est bon d’avoir.
C’est alors qu’elle fait appel à Jésus. De quoi est-ce pour nous un signe majeur ? Marie vient secouer l’enfant de Dieu pour lui dire de faire son boulot. Marie est le signe de notre conscience qui doit éveiller volontairement l’espérance de foi qui est en nous, le petit Christ existant en nous, et le presser de devenir actif et d’éveiller une joie qui dépasse celle de ce monde.
Le dialogue entre Marie et son fils est le signe de nos difficultés à activer notre foi. Cela commence par cette interrogation « Femme qu’y a-t-il entre toi et moi ? » Ces mots invraisemblables entre Jésus et sa mère prennent tout leur sens comme dialogue interne en nous-mêmes. Quel rapport existe-t-il entre notre conscience et notre foi ? Quel rapport entre notre raison, notre volonté, notre vision du monde et l’Esprit de Dieu en nous ? Quel rapport entre notre façon d’être et notre foi ? Quelle articulation entre la créature que nous sommes et le souffle créateur qui nous habite ? Ce questionnement nous appelle à une introspection sincère et répétée dans la prière.
Jésus rechigne, étrangement, à l’appel de Marie. C’est une image réaliste de notre foi. Comme tous les prophètes, nous ne nous sentons pas dignes : « je parle mal » dit Moïse, « je suis trop jeune » dit Jérémie, « je suis impur » dit Ésaïe, « mon heure n’est pas venue » dit Jésus … Et pourtant « cette heure vient et elle est déjà là » (Jean 4 :23) où notre foi commence enfin à mobiliser notre être, heure où nous commençons à être unis à Dieu par des liens réciproques de tendresse et de fidélité.
Marie ordonne alors aux serviteurs de suivre ce que dira le Christ. C’est le signe qu’il serait bon que ces magnifiques serviteurs que sont notre intelligence, nos sens, nos forces, notre personnalité, nos émotions, nos moyens, soient mobilisés et placés sous la direction de notre foi, de notre espérance et de notre amour.
Alors, nous pourrons dire « Voyez comme ils s’aiment » : Dieu et nous. Ces noces sont arrosées de flots de joie supérieure. Alors nous sommes inspirés pour aimer notre prochain, cet être à la fois semblable et différent de nous.
Marie est le signe de notre conscience qui, délibérément, commande à notre foi de s’activer. Elle a ensuite la sagesse de suivre Jésus. C’est le signe d’un changement de rôle : notre conscience éveille notre foi, la mobilise ; puis elle se laisse guider par la foi qui mobilise notre être tout entier. C’est ainsi un lien réciproque. Une tendre union entre notre âme et le souffle divin.
Amen
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot
En ce temps-là, il y eut un mariage à Cana de Galilée.
La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au mariage avec ses disciples. Or, on manqua de vin.
La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. »
Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. »
Sa mère dit à ceux qui servaient : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. »
Or, il y avait là six jarres de pierre pour les purifications rituelles des Juifs ; chacune contenait deux à trois mesures, Jésus dit à ceux qui servaient : « Remplissez d’eau les jarres. » Et ils les remplirent jusqu’au bord.
Il leur dit : « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. »
Ils lui en portèrent. Et celui-ci goûta l’eau changée en vin. Il ne savait pas d’où venait ce vin, mais ceux qui servaient le savaient bien, eux qui avaient puisé l’eau. Alors le maître du repas appelle le marié et lui dit : « Tout le monde sert le bon vin en premier et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon.
Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant. »
Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.
Après cela, il alla à Capernaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples, et ils demeurèrent là-bas quelques jours.