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Culte à la cathédrale Saint-Pierre de Genève,
le dimanche 7 septembre 2025
prédication du pasteur Marc Pernot
À la fin de sa lettre aux Philippiens, Paul les remercie chaleureusement pour la joie qu’ils lui ont apportée.
Un mot de saint Augustin a attiré mon attention sur ce qui réjouit tellement Paul dans ses mots aimables. C'est vrai que des personnes de la ville de Philippe viennent de donner un coup de main matériel à Paul et que cela l'aide bien, mais le plus précieux, nous dit Paul, c'est l'intention : c’est ce fruit de l’Esprit qui est la source de tout : le fait de penser à lui, puis du geste. C'est ce que Saint-Augustin relève non pas seulement dans un article, mais dans ses « Confessions », son livre le plus sincère, profond, personnel où il cherche à résumer l’essentiel pour lui.
Relisons donc ce que Paul dit aux Philippiens :
Paul conclut : « Ce n’est pas le don que je recherche, mais le fruit » (4:17). Le don, c’est le coup de main qui a aidé Paul, le fruit est donc autre chose : c’est l’intention du geste, c’est ce qui émeut Paul, c’est cela qui est le fruit de l’Esprit de Dieu : c’est aimer, s’intéresser à l’autre, vouloir l’aider. Le don n'est qu'une conséquence.
Paul et Augustin attirent notre attention sur l'intention, c'est ce qui change le monde.
Cela me fait penser à cet extraordinaire début de l’Évangile selon Jean :
« Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. En elle était la vie, et la vie était la lumière des humains. » (Jean 1:1-4)
On pourrait dire : Au commencement était l’intention, et l’intention était avec Dieu, et l’intention était Dieu. Toutes choses ont été faites par elle et en elle était la vie. Car ce que l’on traduit par « la Parole », ou « le Verbe » dans cet Évangile est en quelque sorte l’intention bonne et féconde, l’intention créatrice, l’intention de vie de Dieu lui-même qui, ensuite, s’incarne dans notre chair, dans nos cœurs et nos pensées, dans nos actes.
C’est là-dessus que Jésus travaille, sur l’intention, fruit de l’Esprit de Dieu en nous.
Il me semble que c’est important à relever pour nous pour plusieurs raisons.
Travaillons ce domaine et faisons confiance, le reste suivra à sa façon en son temps. De toute façon, nous dit Jésus, « l’homme bon tire de bonnes choses du bon trésor de son cœur ! » (Luc 6 :44-45).
Comment est-ce que Jésus nous invite à travailler cette question ? Regardons d’abord cette parabole hyper célèbre qui met en scène une brebis perdue que le berger finit toujours par retrouver, nous dit Jésus, et il conclut avec ces mots :
« Je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour 1 seul pécheur qui se ‘repent' que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de ‘repentance’. » (Luc 15:7)
C’est là-dessus que Jésus travaille. Or, se « repentir » (en grec μετανοεω metanoeo), ce n’est pas forcément un travail sur nos actes passés, mais cela signifie se tourner vers l’avenir, évoluer dans notre mentalité, sur notre intention, sur ce qui nous concerne fondamentalement le plus. C’est un travail spirituel de Dieu en nous sur l’intention de notre être. La joie du succès, ce n’est pas que nous soyons comme de bons petits soldats faisant à 99 % tout juste, mais c’est qu’il y ait une belle évolution dans notre intention.
Alors, comment est-ce que Jésus fait pour susciter cette évolution dans la personne humaine ?
Un moraliste le ferait par un dressage à coup d’ordres, de promesses et de menaces. Mais dès lors que Jésus annonce radicalement la promesse de l’amour éternel de Dieu même pour ses ennemis (Mat. 5:45), la promesse est pour tous et la menace ne tient plus. Alors comment fera Jésus pour nous aider, et nous, comment pourrions-nous encourager ceux que nous aimons à porter ce fruit de l’Esprit qu’est l’intention bonne ?
Il s’agit plus de relever et de prendre soin d’une extraordinaire dimension qui existe en chacun. Comme dans cette parole de Jésus délicate à interpréter :
« Celui qui reçoit un prophète en qualité de prophète recevra une récompense de prophète, et celui qui reçoit un juste en qualité de juste recevra une récompense de juste. Et quiconque donnera seulement un verre d’eau froide à l’un de ces petits parce qu’il est mon disciple, je vous le dis en vérité, il ne perdra pas sa récompense. » (Matthieu 10:41-42)
En première lecture, cela peut sembler choquant : comme si Jésus nous appelait à ne fréquenter que les prophètes, les justes, et ses disciples à lui. Du coup, ce passage est rarement cité alors qu’il est fait pour nous aider dans notre métier de disciple de Jésus.
Une clef importante pour comprendre ce texte, c’est que, selon la Bible hébraïque, quand le Christ sera venu, toute personne sera alors prophète ou prophétesse (Jérémie 31:31-35, Joël 2:28-32, Actes 2 :17), éclairée directement par Dieu. Ce passage de l’Évangile nous appelle à travailler dans ce contexte déjà en cours de réalisation. À nous de reconnaître cette part de prophète qui existe dans notre prochain, de l'accueillir en tant que tel. Cela ne veut pas dire que ce prochain n'a que des idées géniales et de belles intentions, mais que cela existe en lui, en elle. C’est ce que Jésus nous invite à découvrir, à accueillir. Il peut arriver que cette qualité de prophète ne soit qu’embryonnaire, comme un minuscule petit être à peine capable d’aimer ? On peut alors donner à boire à cette bonne dimension, prendre soin de ce tout petit. C’est ce que fait Dieu pour nous, aussi, et ce que nous pouvons faire, avec lui, pour nous-mêmes et pour d’autres.
Ces bons soins de cette partie prophétique et même christique de chacun, c’est aussi ce que dit Jésus dans un autre passage célèbre où il nous appelle à donner à manger et à boire, à visiter, à libérer ne serait-ce qu’« un de ces plus petits d’entre mes frères » (Matthieu 25:34-40) : là encore il faut rechercher ce que Jésus entend par là. Or, ce que Jésus appelle « mes frères », « ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique » (Matthieu 12:49, Luc 8:21). Ce texte est souvent utilisé pour nous faire la morale, alors que c’est un appel à prendre soin de la capacité de chacun à s’ouvrir à l’Esprit ou la Parole, malgré ses difficultés. Nous pourrons alors attendre ce fruit qu’est la bonne intention. La personne sera en éveil de ce qu’elle aura à cœur de faire de bien, comme les Philippiens. Ce sera alors avec joie, non par contrainte. Et du coup, le don a bien des chances d’être fait avec profondeur, avec respect, et en cherchant ce qui aidera tel ou tel autre. Dieu voulant.
Mais même dans l’attente de trouver comment donner, l’intention, déjà, nous travaille, nous nourrit, nous réjouit, nous grandit, nous prépare.
L’intention est le fruit, nous dit Paul, et c’est sur quoi insiste Augustin. Toute grappe de raisin, dit-on dans une ancienne liturgie chrétienne, est le fruit du travail des hommes et de Dieu. Ensemble.
La belle intention est le fruit du travail de Dieu en nous, le fruit aussi de notre vision, de notre bon fond et d’une recherche intelligente de ce qui nous semble juste et bon. C’est un travail d’observation du monde et d’introspection. C’est aussi une question spirituelle. Car notre bonne intention n’est pas seulement une opinion sur le monde ou sur la sagesse, mais c’est comme une conscience de soi-même, entre Dieu et le monde, en cet instant.
Cela a tout à voir avec l’esprit prophétique. Car cela demande de voir les choses de plus haut que nous, dans le fil du temps. C’est ce qui nous permet d’ajuster nos intentions, de leur donner une vision plus ample dans le temps et dans l’espace, plus claires et plus belles. Extrêmement réjouissantes pour Dieu et pour ce monde qu’il aime.
Amen
Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.
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« Je me suis grandement réjoui, dans le Seigneur, de voir enfin refleurir votre intérêt pour moi. Cet intérêt, vous l'aviez bien, mais l'occasion vous manquait. 11Je ne dis pas cela en raison d'un manque ; moi, en effet, j'ai appris à me contenter de l'état où je me trouve. 12Je sais vivre humblement comme je sais vivre dans l'abondance. En tout et partout, j'ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l'abondance et à être dans le manque. 13Je peux tout en celui qui me rend puissant.
« 14Cependant vous avez bien fait de prendre part à ma détresse. 15Vous le savez vous-mêmes, Philippiens, au commencement de la bonne nouvelle, quand j'ai quitté la Macédoine, aucune Eglise ne m'a témoigné sa solidarité en se mettant en compte avec moi ; vous avez été les seuls à le faire, 16car à Thessalonique déjà, plus d'une fois, vous m'avez envoyé ce dont j'avais besoin. 17Ce n'est pas que je recherche les dons ; ce que je recherche, c'est que foisonne le fruit porté à votre compte. » (Philippiens 4:10-17)