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Travailler nos souvenirs, en faire du bon vin...

(Ésaïe 5:1-2 ; Matthieu 21:33-34)

(écouter la prédication, culte entier, imprimer la feuille)

21 novembre 2021
à Vandπœuvres
prédication du pasteur Marc Pernot

Il y a tant à recevoir d’un travail sur la mémoire de ce que nous avons vécu, de ce que nous avons choisi, reçu, subi. De petits et grands moments merveilleux peuvent devenir des bénédictions pérennes. Des traumatismes peuvent être vaincus, pacifiés. Comment faire ? C’est ce que nous vous proposons de chercher ensemble à partir de cette sagesse millénaire qu’est la Bible.

La vigne y est une figure de la vie humaine. Les fruits de la vigne sont les événements de notre vie, bons et mauvais. Le but est de faire du bon vin avec tout cela, vin qui évoque, lui, la vie éternelle et la source de joie.

Pour cela, de quels moyens disposons-nous, quels outils, quels gestes, quelle aide de Dieu ?

C’est ce que je vous propose de chercher dans la parabole de la vigne.

Notons d’abord que nous sommes, selon Ésaïe, une vigne de choix tant par la qualité du plant que nous sommes, que par cette terre où nous sommes plantés. Le fait que la vie ne soit pas toujours facile est évoqué par la nécessité de dépierrer le terrain et de labourer la terre, de l’aérer. Cette vie ressemble bien à notre vie.

Jésus parle de Dieu comme un vigneron soignant la vigne que nous sommes (Jean 15), et trois de ses paraboles comparent l’appel que Dieu nous adresse à celui d’aller travailler dans la vigne. Il y a ainsi une collaboration de Dieu et de la personne pour avoir des fruits. Mais ce travail de préparation et de soin de la vigne pour qu’elle produise du fruit est une autre question. Notre question d’aujourd’hui est de savoir que faire des fruits bons et mauvais qui ont poussés dans notre existence jusqu’aujourd’hui, comment en tirer quelque chose, du bon vin réjouissant le cœur et vivifiant ?

C’est important car la personne humaine est un être de mémoire, qui se constitue tout au long de sa vie en intégrant les événements vécus. C’est comme cela que nous évoluons dans les différents plans de notre être. Lors de notre gestation nous avons vécu en accéléré 800 millions d’années d’évolution depuis l’apparition de la vie sur terre. Ensuite, nous avons acquis le langage, une culture, une sagesse, une esthétique, des techniques et des sciences, recueillant des trésors transmis par les générations passées : 4 à 5000 ans d’écriture, de réflexion philosophique et biblique. Mais notre évolution la plus délicate, la plus particulière, la plus intime et émancipatrice est celle de notre personnalité. Elle se fait grâce à un travail de mémoire sur ce que nous avons vécu. C’est comme une vendange de ces fruits. C’est ensuite un travail sur cette mémoire pour trier entre les grappes, parfois même entre les grains d’une grappe, puis pour presser ce raisin et en récolter le bon jus et jeter le marc tout sec. C’est comme le travail de digestion du corps, mais pour notre esprit, notre vécu. Gardant ce qui nous fera vivre par un travail de mémoire.

Nous voici donc avec notre vigne et ses fruits, tels qu’ils sont : tout ce que nous avons vécu, ce qui nous est arrivé. La parabole de la vigne nous dit que Dieu nous a équipé personnellement de moyens nous permettant d’y travailler : une tour et un pressoir, nous dit Ésaïe, Jésus ajoute que Dieu a offert à sa vigne, en plus, une clôture.

La sécurité de la clôture

Commençons par cela, car souvent ce que Jésus ajoute par rapport à la Bible Hébraïque est particulièrement inspiré. Le premier outil que nous est offert est une clôture qui protège la vigne de notre être des sangliers qui pourrait la ruiner, dévorer ses fruits et même déraciner ses ceps, son élan vital. Cette clôture est une belle image de la grâce de Dieu, disant que quoi qui se passe notre dignité d’humain est et sera toujours totalement préservée. Car ce rempart de Dieu nous garde de l’extérieur sans que nous n’ayons rien à faire, alors que la tour et le pressoir ne nous apporteront un service que si nous les utilisons effectivement.

Ce premier don de Dieu dont parle Jésus est précieux car c’est ce qui va nous permettre de travailler sur notre mémoire plus librement et donc plus sincèrement, plus efficacement. Dieu tient à nous de toute façon. Quoi qu’il arrive, quoi que nous trouvions dans nos grappes, nous avons le droit d’être nous-même, le droit de vivre et le droit de connaître encore du bonheur, droit à un avenir, une espérance.

Méditant sur cela, nous pouvons aller explorer notre vigne et ouvrir les yeux en vérité sur ses merveilles de bons fruits et sur ses douleurs.

La tour bâtie au milieu

Pour nous aider, Dieu nous a bâti une tour de guet. Elle est là, au cœur de notre être nous dit la parabole de la vigne. Elle nous aide à avoir un point de vue élevé sur notre réalité. Elle nous permet d’avoir un champ de vision plus large. Elle nous permet de voir ce qui peut arriver avant que ce soit là, de voir en vue de l’avenir.

Cette tour évoque bien entendu ce qui nous donne une certaine élévation de vue. Nous avons une intelligence, nous avons l’Esprit divin, plus que nous ne le pensons, et une certaine expérience de la vie, un cœur. Comme la tour, cela ne fonctionne que si l’on monte délibérément ces marches.

Un travail bien fait de mémoire nous permet d’élever encore cette tour.

La prière est plus qu’un étage supplémentaire, elle est une façon de monter ces étages, de les traverser d’une façon personnelle, créatrice, libérante et non servile. Dieu ne nous impose pas sa vision, son don est comme la lumière : il nous aide à voir de nos propres yeux de façon plus lucide, plus authentique. Et le fait de se savoir en sécurité par sa grâce participe grandement à oser ouvrir de nos propres yeux pour voir.

Monter dans cette tour nous permet de prendre une distance par rapport aux événements du passé que nous avons vécus. C’est très très très précieux.

En particulier si nous avons vécu un traumatisme. Il en est de terrible que l’on revit encore et encore, comme s’ils étaient dans le présent. Montant dans notre tour, même dans les tout premiers étages, nous pouvons déjà voir que cet événement n’a pas lieu aujourd’hui mais que c’est dans le passé qu’il a eu lieu. Que c’est maintenant d’une autre époque que nous le voyons, non pour le revivre, au contraire, c’est pour mieux l’examiner grâce à la distance, à la hauteur prise. Et voir qu’il y a d’autres fruits à cueillir.

Heureusement : nous n’avons pas vécu que des choses dures et mauvaises dans notre vie. Dans notre vigne il y a quantité de bonnes grappes de raisin sucré. Tant de belles choses méritent qu’on s’en saisisse consciemment par la mémoire. Monter dans la tour nous permet aussi de les discerner ; ce qui permettra de mieux les récolter sans attendre qu’ils soient oubliés. Là aussi, un regard éclairé est fort utile. Une bénédiction, petite ou grande est une joie dans le présent, si elle est cueillie par la mémoire elle peut nourrir une qualité de notre être. Et devenir une petite ou grande source de bénédiction, pour nous et pour d’autres autour de nous. Certaines bonnes grappes peuvent même devenir un excellent vin de garde, réservées pour plus tard.

Pour ces petites et grandes bénédictions, pour ces traumatismes, ordinaires ou indicibles, il est bon de monter dans notre tour, et de porter un regard aiguisé sur notre passé, du plus haut possible de notre être. Ce regard de la tour, c’est le présent qui scrute notre mémoire, et qui envisage l’avenir. Qui regarde au loin, s’interroge sur le temps qu’il va faire, comme l’agriculteur. Et qui se décide en fonction de cela, de ce qui est le plus prometteur.

Nous sommes capables de monter dans cette tour que Dieu nous a déjà donnée. Seulement, cela nous aide souvent de faire appel à la mémoire collective, de croiser nos regards afin d’avoir une perspective plus riche, différentiées, complexe. C’est à cela que sert la Bible et autres trésors du patrimoine de l’humanité. C’est à cela qu’aide l’ami fidèle, conjoint ou grand-mère... si l’on a la chance d’en avoir. C’est à cela que sert la prière car nous avons en Dieu un amour immense qui ne nous juge que par l’amour.

Ensuite, c’est une question de pratique. C’est en forgeant que l’on devient un meilleur forgeron. Nous pouvons nous exercer régulièrement à monter comme nous le pouvons dans notre tour pour un examen de notre mémoire. De la journée passée, d’abord, et de ce qui apparaîtra comme important à aller vendanger et que nous n’apercevions pas, que nous négligions, ou préférions oublier.

Cela nous aide que cela devienne un rituel, à notre rythme, mais régulier. Le croyant se retire ainsi régulièrement du monde, par la prière personnelle et par le culte. Quand il monte dans la tour, il sort partiellement de sa vigne, pour un temps et dans un but bien précis : scruter et mieux discerner. Jésus pratiquait lui-même ces retraites régulières et provisoires, qui nous aident à être dans le monde sans être du monde, prisonnier de lui.

Le pressoir creusé dans la vigne

Après ce travail de la tour vient celui du pressoir.

S’il y avait seulement la haie de l’amour de Dieu qui nous garde, et la tour de notre élévation avec l’aide de Dieu, notre vie ne serait faite que de protection, de contemplation et de clairvoyance peut-être, mais tout cela dans le retirement. Or le but de la vigne est de produire du fruit et que ce fruit soit vendangé pour faire du vin, et que ce vin donne sa joie, sa vitalité. Nous ne sommes pas une vigne d’ornement.

La tour nous a permis de scruter notre mémoire. reste à vendanger, trier et passer au pressoir, tirer de cette mémoire la moindre goutte de bon jus et rejeter le marc tout sec et amer, immangeable. Dans la Bible, la création première est une mise en lumière pour séparer la lumière des ténèbres, le sec du mouillé, distinguer ce qui fait vivre et ce qui fait mourir, distinguer la paix du chaos. La création nomme les choses, distingue. C’est ce qu’évoque le pressoir. C’est ce que fait l’amour : il garde le meilleur, il ouvre une espérance sur ce qui est prometteur, il écarte ce qui tue.

Dieu creuse ce pressoir en nous-même. Il nous donne cette force, cette capacité, ce pressoir mystique.

Chaque grappe contient du jus et aussi des bouts de bois secs, de la peau épaisse et des pépins. On ne peut pas lui en vouloir, c’est normal. Il y a un tri à faire pour garder le bon jus. Vienne ensuite ce miracle incroyable qui fait du jus de notre mémoire purifiée le vin qui réjouit le cœur. Cela aussi est à demander à Dieu, que cette transformation ait lieu. C’est aussi le travail de l’Esprit en nous. Travail de Dieu en nous. Dans notre mémoire bienveillante sur nous-même et notre vie.

Pour laquelle nous rendons grâce à l’Éternel. Et pour la vie qu’il ouvre devant nous.

Pour débattre sur cette proposition : c'est sur le blog.

Vous pouvez réagir en envoyant un mail au pasteur Marc Pernot

Textes Bibliques

Ésaïe 5:1-2

1 L’Éternel parle :

Laissez-moi chanter pour mon ami,
le chant du bien-aimé pour sa vigne :

Mon bien-aimé avait une vigne
sur un coteau plantureux.

2 Il y retourna la terre, enleva les pierres,
et installa un plant de choix.
Au milieu, il bâtit une tour
et il creusa aussi un pressoir.

Il en attendait de beaux raisins,
il y en eut du mauvais.

Évangile selon Matthieu 21:33-34

33 Jésus dit : Écoutez cette parabole.

Un homme propriétaire planta une vigne, il plaça pour elle une clôture tout autour, il creusa en elle un pressoir, et il bâtit une tour ; puis il afferma la vigne à des vignerons et partit en voyage. 34Quand le temps des fruits approcha, il envoya ses serviteurs aux vignerons pour recevoir les fruits qui lui revenaient.